A. -

"Faire entendre raison à qqn ; le ramener à la raison" : ...il couvenoit Que les dames les arraisnassent [var. arrestassent] Tellement qu'elles les ostassent De ce tourment, de ceste rage (MACH., D. Lyon, 1342, 197). Mes amys, n'ayez souspeçon, Vueillez voz cuers araisonner, Car c'est Dieu qui nous veult donner Le Saint Esperit ; il est saison. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 447).

-

"Mettre qqn à la raison, le remettre en place" : Enferez les bien seurement [les prisonniers] En fers tout neufz, gros et pesans, Rudement faiz et fassonnez, Affin qu'ilz soient araisonnez L'autre fois quant on parlera A eulx, quant ordonné sera Par monseigneur. (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 86).

B. -

DR. "Citer qqn en justice pour qu'il expose ses raisons de droit, à propos d'un litige" : Jugement (...) que dit coment que une femme qui est hoirs d'un sien oncle truevet que ung homme thient une piece d'eritaige que la femme de son oncle a laixiet a cens pour son treffons, et qu'il l'ont bien tenus .XVIII. ans sans estre araisonner. Li maistre-escheivin dit que li femme l'ait bien a avoir de pairt son oncle. (Jug. maître-échev. Metz S.M.S., t.1, a.1494, [1346], 250).

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Arraisonner qqn [d'un délit dont il s'est rendu coupable] devant [un conseil, une juridiction...] : ...nous vous signiffions que nous envoiasmes nadegairs pur un Thomas Brigge et lui avons fait aresoner devant nostre conseil a Londres d'une certeine offense qu'il fist en nostre courte (Lettres agn. L., 1399, 50).

Rem. J. Balon, Gd dict. de dr. du Moy. Âge, 1973, 749-750, s.v. arraisner, relève le sens de "citer en justice" dans des textes wall. du XIV^e et du XV^e s.

C. -

P. ext.

1.

"Interpeller, apostropher qqn" : Puis recommenca a perler Le bourrel et ceux aresner Qui autrement, si com est dit, Pendoient (GUILL. DIGULL., Pèler. âme S., c.1355-1358, 167). Jason, qui fu d'eulx tous le chief, Premier aregna (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 35). L'empereur [Alexandre le Grand] si l'araisonna [Dïomedés] : "Pourquoy es tu laron en mer ?" L'autre responce lui donna : "Pourquoy laron me faiz clamer ? Pour ce qu'on me voit escumer En une petïote fuste ? Se comme toy me peusse armer, Comme toy empereur je feusse..." (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 32). De ceste cité solennelle Vous m'avés estably portier. Et pour ce que c'est mon mestier D'arraisonner gens en passant... (MOLINET, Myst. st Quentin C., c.1482, 18).

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[De Dieu] "Interpeller (l'âme dévote)" : Ou secret du cueur, sur la couchette de sa conscience est l'ame devote amoureusement arraisonnee et de aymer priee et de plus en plus enflammee (Disc. amour divine, 1470, 33).

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P. anal. Arraisonner la guerre. "Provoquer, déclarer la guerre" : Sur quoy chascuns autre desfie, L'un claime avoir la seignourie De l'omme ove tous ses propretés, Et l'autre dist qu'il n'avera mie ; Einsi la guerre est arrainié (GOWER, Miroir homme M., c.1376-1379, 213).

2.

"Adresser la parole à qqn, lui parler" : Si l'arresna tout humblement Comme sage et devote ancelle... (Tomb. Chartr. Trois contes S., c.1337-1339, 324). ...personne qui en li par vraie amour a son desir et affeccion en li disant les paroles proposées l'araisonne en trois maniéres, c'est assavoir en li loant, en li priant et en li promettant. (Mir. ev. N.D., c.1348, 59). Mais la dame bien apensée Moult sagement m'araisonna, Et en parlant sens me donna De respondre après son parler (MACH., J. R. Nav., 1349, 183). Et quant revint doucement a Araisonné le chevalier... (Dame Lycorne G., c.1349-1350, 190). Molt bel le prist a aregner En li loant molt grandement. (Dame Lycorne G., c.1349-1350, 272). Lors en prist sa maignie moult tost a asraingnier, Et dit... (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 36). Et Clarisse commance Lion a araignier : "Biaulz sire, dit Clarisse, entandés mon cudier..." (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 314). Lion en vint au roy ens ou pallais plennier, Et pués le commansait tantost a araingnier. (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 453). Clarinde la roÿne alla araisonnant Blanchandine la belle qui moult se va doubtant, Et lui a dit : "Beaus sire, or oyés mon semblant..." (Tristan Nant. S., c.1350, 523). Lors mout courtoisement l'ala aressonner Et li dist... (Vie st Eust. 1 P., c.1350-1400, 159). Je n'osoie mot sonner, Li touchier në araisonner Pour ce qu'elle estoit endormie (MACH., Voir, 1364, 3691). Florée cuida d'un varlet Estre aresnie vraiement (FROISS., Méliad. L., t.2, 1373-1388, 219). ...doulcement m'araisonna A celle heure et si me donna Cest annel (Mir. st Alexis, 1382, 367). Celle l'entent, sy le fist de boire et de mengier et aprés disneir l'arasonat et dist... (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 4). Puys vint a son treit et araisonnat les ostaiges : "Barons, vous saveiz que..." (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 158). La vint li roys isnellement Et courtoisement les arresne. (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 300). ...adont (...) arraisonne La dame et ainsi la sermonne (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 21). Jason, qui fu d'eulx tous le chief, Premier aregna (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 35). Plus ne l'en peüst nul garder, Quant Medee, un jour, l'araisonne (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 38). "Girart," dist Galien, "moult me puis merveillier, Qui sont ceulx que je voy la en se sentier ?" "Sire," ce dist Girart, "c'est ung faulx pautonnier, Rochart, frere Hugon, et sont a mon cuider Ses nepveuz avec lui qui ne vont pas chacer." "Girart," dist Galien, "je les vois aresgner Et les commanderay a Dieu le droicturier..." (Galien D.B., c.1400-1500, 19). ...devant moy je vy Ung vieil homme (...) Un peu se teut, et puis m'araisonna, Disant : "Amy, n'avez vous de moy cure ? Je suis Aage..." (CH. D'ORLÉANS, Songe compl. C., 1437, 99). Adont il commença a arraisonner le jennenceau par belles parolles (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 533). ...devant les gens ne vous veil gueres araisonner, affin que ne soiez de moy suspeçonnée (C.N.N., c.1456-1467, 120). Le dyable se comença a lui arraisonner et lui dist... (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 113).

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Empl. abs. : Molt la regarde, un seul mot ne li dit, Voit ce la dame, lors prent a arener, Le vin demande pour tost s'en delivrer. (Dame Lycorne G., c.1349-1350, 141).

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Arraisonner l'un l'autre. "S'entretenir l'un l'autre" : L'un voulet l'autre aresonner (Vie st Evroul S., c.1350, 76). Aprés disner l'un l'autre arraisonna, Mais de quelz choses plus avant ne m'enquiers. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 163).

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Empl. pronom. S'arraisonner avec qqn. "S'entretenir avec qqn" : ...pendant ce que la dite dame dançoit, il se vint araisonner avec la chamberiere qui estoit illecques assise (MART. D'AUV., Arrêts Am. R., c.1460-1466, 199).

3.

Arraisonner qqn (de qqc.). "Interroger qqn (à propos de qqc.) ; ouvrir le dialogue avec qqn (à propos de qqc.)" : Le sires le vault arraignier : "Ou as tu", dist il, "puis esté Que tu issis de cest osté ?..." (Renart contref. R.L., t.2, 1328-1342, 100). Guillamme le sien oste en prist a esraignier : "Hoste, pour Dieu de gloire, dite moy san cudier De qui tient on or ceu noble hiretier Et la noble citeit qui tant fait a prisier ?..." (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 912). Et vint vers moy, si m'aresgna En moy demandant : "Qu'avez fet ? Sont il tous deux en Chastellet ?" (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 180). Si l'araisonnai dou Buisson Ou j'avoie ja grant fuison Cheminet amont et aval (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 100). Si retourna dedens Arde, et remoustra as chevaliers et escuiers qui là estoient, toutes les parolles et raisons de quoi on l'avoit aresné, et comment on les maneçoit (FROISS., Chron. R., VIII, c.1375-1400, 246). Si avisa temps et lieu au plus brief que il pot de arraisonner les Gennevois de ceste chose (Bouciquaut L., 1406-1409, 300). Adont la royne la prent et arraisonne de plusieurs choses si la treuve tant sage et de si belle responce que à soy mesmes la louoit plus que femme que elle eust oncques mais veue. (Cleriadus Z., c.1440-1444, 438). Lors la royne premiers araisonna Saintré de sa venue a la court d'Arragon (LA SALE, J.S., 1456, 140). Et (...) l'avoit priz ung archier, qui au Jouvencel estoit. Et le arraisona le conte et lui demanda des nouvelles à son plaisir. Puis le fit boire et menger et l'en envoya au logeiz de son maistre. (BUEIL, I, 1461-1466, 218).

-

Arraisonner (qqn) sur qqc. : Sur la somme de mil ducaz en quoy Bernard de Barquières estoit obligié par une lectre de change par lui baillée à Jehan Jaunac, facteur de Anthoine Noir, l'un des principaux facteurs de Jacques Cuer, j'ay fait avaluer et araisonner par Secondin Bossenin et autres marchans de ceste ville de Montpellier (Aff. Jacques Coeur M., 1453-1457, 226).