I. -

Empl. trans.

A. -

"Fixer, retenir (un bateau) par une ancre" : Et en ce lieu là, communement ancrent les nefz, et y est le fons environ de deux braches de parfont (LANNOY, Voy. amb. P.H., p.1450, 104). Vierge Marie, mon seul confort, Faictes moy encrer a bon port Mon vaissel et le gouvernail (ALECIS, Dial. crucif. pèler. P.P., 1486, 122). ...et ancrèrent son navire, pour ce que la mer estoit retirée (COMM., I, 1489-1491, 204).

-

Au passif [Du bateau ou, p. méton., de ceux qui s'y trouvent] : Et estoient bien Normans, Bidaus, Genevois et Pikars quarante mille. Et estoient là ancré et arresté au commandement dou roy de France, pour attendre le revenue dou roy d'Engleterre, car bien savoient qu'il devoit rapasser. (FROISS., Chron. L., II, c.1375-1400, 34). Quant la navie dou roy d'Engleterre eut pris terre en la Hoge, et elle fu toute arestée et ancrée sus le sablon, li dis rois issi de son vaissiel. (FROISS., Chron. L., III, c.1375-1400, 133). ...elle [la nave] ne puet estre ancrée (DESCH., M.M., c.1385-1403, 247). En ceste partie dit l'ystoire que les Sarrasins qui estoient ancrez en la mer, si tost que ils apperceurent l'aube du jour, ilz se desancrerent et en vindrent tous d'une flote ou port, et prindrent terre. (ARRAS, c.1392-1393, 132).

-

Empl. abs. "Jeter l'ancre" : L'ESCUIER A LA PELERINE. Mais d'ancrer, se le conseilliez, Soions prez et appareilliez Cy en ce lieu. LA PELERINE. Delez ceste roche, pour Dieu, Arrestons sanz plus faire nage (Mir. emper. Romme, 1369, 286). Sire, dist le maistre de Rodes, il seroit bon de ancrer a ce petit port, tant que nous eussions envoyé au Limesson pour savoir des nouvelles, et savoir se ilz nous vouldront recevoir pour mettre nostre navire a sauveté dedens leur encloz. (ARRAS, c.1392-1393, 91). ...chil signeur (...) entrerent ens ou havene de la Geronde, et vinrent a Bourdiaus et la ancrerent (FROISS., Chron. D., p.1400, 602). Soient tous maistres de gouverner leurs voilles, tirer cordes à point et lascher, ancrer et desancrer, si que le besoing est ; que mainteffoys se soient trouvez en batailles de mer, en divers perilz et aultres adventures. (BUEIL, II, 1461-1466, 56). Mon Dieu, mon pere qui ne ment Se mon vaissel n'est convoyé Par vous a port de sauvement En peril suis d'estre noyé. Ancrer me fault en celle mer Tant qu'i a mon createur plaira (ALECIS, Dial. crucif. pèler. P.P., 1486, 121).

B. -

Au fig. "Fixer solidement, comme par une ancre" : Il convient, sans plus de sejour, PATER SANCTE, vous consacrer Pour le peuple d'icy autour En vostre obeyssance ancrer. (LA VIGNE, S.M., 1496, 417).

C. -

"Consolider, fixer au moyen d'ancres" (v. ancre¹ B) (cf. Y. Coutant, Terminol. du moulin médiév. dans le comté de Flandre, 1994, 472 ; ex. de 1399 à 1492).

II. -

Empl. pronom. [Par redondance, le suj. désigne l'ancre] : Mais quant nostre nave eust feru ainssy bellement, alors noz ancres aux roches se ancrerent sy fusmes tous asseurez (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 155).

III. -

Part. passé en empl. adj.

A. -

"Fixé solidement" ; d'où "obstiné, opiniâtre" : Les martistes, mis en bateille ancree, Tournerent dos et te mirent en paix (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 188).

B. -

"Solidement arrêté, déterminé" : LA BAZOCHE DE GRENOBLE. "Que cy dessoubz soit nostre Roy credo Sacrophagué, dont, de cueur ancré, do Consensum net, par Mort qui l'atourna Pourquoy plaisir in crementum cedo Et aluvée ancrement recedo Car puis cent ans ung cas tel ne tourna La mort" (LA VIGNE, Compl. roy Bazoche M.R., 1501, 407).

Rem. TLF II, 964a cite un ex. de 1470 (éd. 1537) dans ce sens.

C. -

HÉRALD. "Dont les bouts sont divisés et tournés comme les pattes d'une ancre" : ...et portoit ung court penon de ses armes, qui estoient d'argent à une croix ancree, que on appelle en armoierye ung fer de molin (FROISS., Chron.[Livre IV] V., c.1400, 611).

Rem. TLF II, 964b ; v. aussi fer (fer de moulin).