C.N.R.S.
 
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     AMODÉRER     
FEW VI-3 moderari
AMODERER, verbe
[T-L : amoderer ; GD : amoderer ; FEW VI-3, 5a-b : moderari]

I. -

Amoderer qqc.

A. -

Empl. trans.

 

1.

"Tenir dans la mesure, régler, diriger, contrôler"

 

a)

[Le compl. d'obj. désigne un mécanisme] : Et pour ce que li orloges ne poet Aler de soi (...) Pour ce li fault a sa propre besongne Un orlogier avoir, qui tart et tempre Diligamment l'aministre et attempre (...) Et les roes amodere et ordonne (FROISS., Orl., 1368, 105). ...pour cause que tu ne puez admoderer ton mouvement a chacune heure ung tour pour ce qu'il va tropt tost, tu doiz faire ung paignon en l'arbre de la roe du mouvement ou il ait 6 dens ou plus ou moins selon que tu verras estre a faire (...) et si tu y faiz 12 chevilles, tu doiz faire 108 dens. Manieres bonnes pour petiz horeloiges pour ce, come dit est, que on ne puet pas admoderer la roe du mouvement qu'elle ne face plus d'un tour a chacune heure (Traité d'horlogerie Z., c.1380, 279).

 

b)

[D'un astre ; le compl. d'obj. désigne le mouvement des planètes] : Finablement, il [le soleil] amodere et rigle les mouvemens de toutes les planettes et toutes leurs vertus et les accorde ensamble. (EVR. CONTY, Harm. sphères H.P.-H., c.1400, 16).

 

Rem. L'éd. glose "modérer". Interprétation critiquée par K. Baldinger, Z. rom. Philol. 102, 1986, 653 qui corrige par "gouverner".

 

c)

[Le compl. d'obj. désigne l'action d'une pers.] : Mais avient ainsi qu'il s'en fuyent tousjours pour la paour de ce qu'il est si grant, et lors court il aprés et en courant les fiert ou boute de son tinel et arrant les a mors, car il est si fort a outrage qu'il ne scet son coup amouderer, et si me dist aussi que telx y a qui se veullent combatre a luy et le veullent ferir d'espees ou d'apches et de lances, et il lez ocist errant s'il en y avoit cent, car tant est fort que nul ne pouroit durer encontre luy. (Chev. papegau H., c.1400-1500, 81). ...et par plusieurs fois l'atteindit de coups si pesans, que ung moins puissant l'eust à grand meschief soubstenu sans cheoir à terre. Mais l'Angloix avoit assez puissance, et beaucoup hardemment et couraige ; et quand il veit que le chevalier l'assailloit si fierement, il amodera sa bataille, et se gardoit et contregardoit plus froidement qu'il n'avoit commencé (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 126).

 

2.

"Atténuer l'intensité, la violence de qqc."

 

-

[Le compl. d'obj. désigne un sentiment ou sa manifestation, une passion] : Si amodera son courage et manda ledit messire Henry par devant luy (LE BEL, Chron. V.D., t.2, 1358, 28). A cestuy point commancerons Et, premier, nous vous monstrerons Les plaintes que faire pouoient Les peres qui ou limbe estoient, Actendans leur redemption Par la haulte incarnacion Du doulx et benoist filz de Dieu Qui leurs plains, en temps et en lieu, Entendit et amodera Par la mort qu'il en endura. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 33). ...amodérez, amodérez vos murmures, et venez à jugement de saine raison, qui vous donne à cognoistre qu'en dure et violente mort peut avoir bonne fin (CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 28). Pareillement remirés votre coeur Ensanglanté d'aïreuse amertume, Enflé de doeul, noir comme contrecoeur, Hatif vengeur, qni ne demande qu'heur De batallier, ne luy chault ou il thume ; Sainctes dames, changiés luy sa coustume Attemprés vous, amoderés vos ires, Crevés son enfle et lavés l'en vos buires. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 677).

 

-

Amoderer qqc. de / par + compl. de moyen : Pour ce la sage ancienne dame, quant elle sentira que son courage sera enclin a tencier ou se corroucier, elle l'amoderera par celle sage discrecion (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 198). Se hommes estes, sages et fors, Vaincquez doncques la grant ardeur Et la luxure de vos corps, Et l'amoderez de froideur. (MARTIN LE FRANC, Champion dames I-II, P., 1440-1442, 251). Il fault que je me contregarde De procurer crismes infectz Et admoderer mes forfaiz Par penitence et oroison (LA VIGNE, S.M., 1496, 498).

 

3.

"Mettre qqc. dans des limites raisonnables ; limiter en nombre" : Gardes du chastel de la Ferté, lesquelles gardes nous avons prises es rooles de la Chambre des Comptes, lesquelles aucuns cognoissent, si comme il est contenu en leurs denommemens, et les autres ne les veullent congnoistre pour ce que de trop grande ancienneté ne furent requises. Si avons prisies les plus cleres et icelles amoderées en la maniere et ainsi que dess[o]us est exprimé. (Comté Champ. Brie L., t.2, 1368, 559). La dame par une prompte et plaisant response delivra soy du dangier de justice seculiere, et si fist amoderer [var. moderer] et refreindre l'estatut de la loy au commun proufit des dames. (PREMIERFAIT, Décaméron D., 1414, 726).

 

-

Amoderer qqc. au nombre de. "Réduire qqc. au nombre de" : ...les diz habitans de la dicte parroisse de Solignac, qui par avant la dicte informacion estoient assis et paioient pour onze feux par an, admoderez et ramenez au nombre de sept feux par an. (Mand. Ch. V, D., 1380, 928).

 

-

Amoderer [un groupe] en nombre. "En diminuer le nombre" : Cy traicte la royne Verite ou VIIe point du quart quartier du royal eschequier d'amoderer en nombre les lieutenans et chevetaines du roy. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 400).

B. -

Empl. intrans. ou pronom. [D'une phénomène naturel] "Être moins intense, diminuer" : ...et que lesdictes gelées, neges, glaces et froidures se fussent amoderées dès venredi derrain passé pour la nouvelle conjunction lunaire (BAYE, I, 1400-1410, 215).

 

-

[D'un sentiment] "S'atténuer" : Sy en fut le fils si convoitié à y estre vu que nul désir ne s'y pouvoit ammodérer de conjoïssement, à l'heure quand il s'y estoit trouvé. (CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 189).

C. -

Part. passé en empl. adj. [D'un phénomène] "Progressif (et non pas brusque)" : La premiere condition est qu'il soit acoustumé. La seconde : qu'il ne soit pas incontinent aprés mengier. La tierce : qu'il ne dorme point la teste basse. La quarte : que le sommeil ne soit pas de longue duree. La quinte : que le resveil ne soit pas subit mais amoderé. (Rég. santé corps C., 1480, 9).

II. -

Amoderer qqn

A. -

Empl. trans. "Calmer, contenir, apaiser qqn" : Ensi a grant mescief les amoderoit et refroidoit de lors folies li sires d'Antoing (FROISS., Chron. D., p.1400, 384). ...li rois d'Engleterre est moult courchiés sus vous tous et ne sçai pas conment on le pora brisier ne amoderer (FROISS., Chron. D., p.1400, 838). Si ton prince est cruel, tu le dois amoderer par bons exemples. (CHR. PIZ., Ep. Othea P., c.1400-1401, 258).

B. -

Empl. intrans. ou pronom. "Se modérer, se tempérer" : Je ne poroie aler non plus avant En cel estat, ne moi amoderer, Quant tous mes fes voeil bien considerer (FROISS., Orl., 1368, 108). Certes, dame, l'autre est esné, Mais divine permission A estably et ordonné Que mon pére ait sur moy donné Le droit de benediction, Et sommes en division, Mon frere et moy, pour cest esdict ; Lors ma mére Rebecque a dit, Pour le lesser amoderer, Que je me vienne retirer Vers vous a secours doulcement ; Et si vous requiers humblement Que de moy pitié vous ayez. (Myst. Viel test. R., t.2, c.1450, 194). [Var.] La seur du roy (...) rendoit toute paine a la rappaisier en la priant qu'elle se voulsist reconforter et amoderer (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 401). Et par ainsi jusques à maintenant que le duc avoit fait descendre ses gens d'armes au pays, et dont ils en voioient si grant multitude, ne s'estoient oncques voulu ploier, ne amodérer en leur fierté, sur l'espoir qu'avoient toudis en leurs favorisans et forts passages (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 127). Dieux, comme fut Aymery dolant du commandement que cellui chevalier lui fist ! (...) Au fort il s'amodera, puis pensa a ce que son oncle Gerart lui avoit dit a Vienne (Garin Mongl. K., c.1460-1465, 68).

C. -

Part. passé en empl. adj. [D'une pers., d'un de ses attributs, de son comportement... ; d'une personnif.] "Modéré, tempéré, pondéré" : ...ceste parole fu d'une amoderée reprehencion. (Mir. Theod., 1357, 80). Justice, or entendez a nous, Vous qui estes a deux genoulx, Doresnavant je vous command, Or entendez bien mon command, Que vous soyez bien actemprée, Plus doulce et plus amoderée, Que par cy devant vous n'avez Esté, et sur piez vous levez, Et contemplez Misericorde Et se soit finée discorde. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 284). Faulte de sens et trop aise estre Le firent sortir de son aistre Comme homme peu amoderé (Abuzé D., c.1450-1470, 90). Je luy donnay entendement haultain, Engin subtil, parler doulx et humain, Apprehensive et memoire tenable, Corps sobre et nect, travaillant soir et main Pour mettre en oeuvre laborieuse main Dont sa vertu estoit communiquable, Regard courtois, propoz ferme et estable, Cueur magnanime, franc et amoderé, Dont ennobly estoit et decoré. (ROBERTET, Oeuvres Z., c.1450-1500, 169). ...Marcus Rustillius, estant sensor de Romme, et Lucius Quintus Cinciatus furent en leurs offices si très amoderez (LA SALE, Sale D., 1451, 75). Sy y alla ledit président, homme bien amodéré et doux-parlier. (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 278). En ce tempz, fina de ce siècle Frederic, seigneur de Montigny, filz du comte de Hornes et frère de l'evesque de Liège, fort chevalereux de corage, agille de corpz, homme sans paour et hardi entreprenant ; et, s'il eusist esté autant amoderét qu'il estoit chault et boulant, on le eusist compté pour ung noble chief d'oeuvre. (MOLINET, Chron. D.J., t.1, 1474-1506, 555).
 

DMF 2020 - Synthèse Edmonde Papin

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