C.N.R.S.
 
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     ACHETER     
FEW XXIV *accaptare
ACHETER, verbe
[T-L : achater ; GDC : acheter ; AND : achater1 ; DÉCT : achater ; FEW XXIV, 66a : *accaptare ; TLF : I, 518b : acheter]

I. -

Empl. trans.

A. -

"Acquérir contre paiement"

 

1.

[Le compl. d'obj. désigne une chose concr. ou un animal] : Ces esperances et ces penseez portans avecquez soy, entré s'en sont en la cité tous deus et ont ilecquez acheté un hostel (BERS., I, 1, c.1354-1359, 34.19, 60). Auz genz de cheval pour acheter chevaus ont esté assignez a chascun diz mile deniers (BERS., I, 1, c.1354-1359, 43.9, 73). Item, en marcheandise celuy qui achate, il achate la chose tant comme elle li est proffitable. (ORESME, E.A.C., c.1370, 449). ...en l'ostel d'une boursiere (...) ilz marchanderent et barguignerent des bourses sanz riens achater (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 50). ...il [Remondin] encontra un homme qui portoit un sac sur son col, qui lui vint a l'encontre et lui dist : Sire, acheterez vous ce cuir de cerf que je tiens en mon sac ? On en fera bonnes cottes chasseresses pour voz veneurs. (ARRAS, c.1392-1393, 33). Maistre Jehan, mon amy, qui veult achecter un cheval il le doit premierement veoir a l'estable ; car la voit l'en s'il est en main de affecteur ou non et s'il est bien ou mal gardé, s'il a bonne cocte et comment il siet sur le fien. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 137). La [morue] salee peu trempee sent trop le sel, et la trop trempee n'est pas bonne. Et pour ce, qui l'achaicte doit essayer a la dent et en mengier ung petit. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 237). Tout aussy les biens de l'Eglise, selon les decrez, sont biens des povres, et oncquez ne furent ordonnés pour acheter contés, baronnies ne telz haultesses (BOUVET, Appar. Meun A., 1398, 65). ...[il] açata en l'Empire ces terres desus dittes. (FROISS., Chron. D., p.1400, 255). O Maries, qui achetastes Le tres precieux oingnement Duquel le corps Jesus lavastes (...) Priez le pour moy humblement (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 24). ...il y eut pescheurs qui peschoient en une riviere, et avoit ung homme qui passoit, lequel achapta le trait ["le produit de la pêche"]. (JUV. URS., Loquar, 1440, 332). Tel cuide avoir jeune cheval Qui achate une vieille roche (ALECIS, Faintes monde P.P., c.1460, 85). Ma mie, tu as trouvé marchant, Qui ta toelle veult achapter, Pour faire l'enseveliment De Jhesus que vaiz destacher. (Pass. Auv., 1477, 237). ...j'achetté une vache Dernierement a ce Lendit Qui portë, ainsi comme on dit, Veaux et moutons [tres] tout ensemble. (Tr. Men., c.1480-1500, 289). ...avec ceulx-là delibera fouyr en Allemaigne et y porter grant somme d'argent, car le chemin estoit fort seür, et achater une place sur le Ryn et se tenir là jusques ad ce qu'il se fust appointé de l'ung des costéz. (COMM., II, 1489-1491, 84). Et l'ung a ung rude visaige Mortifié et de viz aage, Et si ses dens a achaptees Et en ses gencives adaptees. (RIVIÈRE, Nef folz D., 1497, 744). L'AMOUREUX. Vrayement, je t'en donneray. Tien ! hay, voyla de l'argent. LE BADIN. Hé ! qu'il est gent ! J'en achepteray un pasté. (Bad. loue T., c.1500, 56). ...il n'avoit pas ung blanc pour achepter des chevaulx, synon troys escus qu'il bailla audit bastard Vigier pour acheter ung cheval. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 169).

 

-

[Avec compl.]

 

.

[désignant le prix] : Et Coveitise est ausi bien oue le vendour come le chateour, car l'un ad coveitise de vendre chier, et l'autre ausi grande coveitise de achater bon marchee. (HENRI LANC., Seyntz medicines A., 1354, 119). ...desdittes denrées elle ot acheté pour deux tournois (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 7). Les perles on lui monstrera, Mille frans les achetera (BOUVET, Appar. Meun A., 1398, 16). Item, le saint champs qui fut achateiz des XXX deniers dont Dieu fut vendus, que on nom Alchedemach. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 74). ...il l'achatoient [le vin] XXIIII estrelins (FROISS., Chron. D., p.1400, 135). ...et açatoient toutes coses le pris que on lor faisoit (FROISS., Chron. D., p.1400, 253). ...il dist choses certaines que puis l'experience a monstrées veritables, tant de l'un que de l'autre et plusieurs jugemens escripz de Sauvain Futeroye que j'ay achapter en mon jeune aage au poix d'or (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 155 v°). Tout s'achetoit a solz, escuz et livres (LA VIGNE, V.N., p.1495, 148).

 

.

[désignant le vendeur] : ...il acheta à plusieurs marchans de la ville de Paris des fourreures pour lesdiz mariez (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 359). ...messire Charles de Savoisy, chevalier, ou ses gens et officiers pour lui avoient acheté C libvres parisis de rente rendues à Paris de messire Renier Pot (BAYE, I, 1400-1410, 125). Le roy luy donna ung moult beau coursier qu'il avoit acheté du bastart du Liege cinq cens ecus. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 309).

 

.

[désignant le bénéficiaire] : ...desquelx deux frans il acheta des chausses et des solers pour lui (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 3). Et puis dit aux escuyers : "Ma gens, n'aiéz poeur, je vous achatteray des milheurs chevaulx..." (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 221). Et les autres cens escus seront pour acheter aux dames, damoiselles et autres, tout ce que vous ay dit (LA SALE, J.S., 1456, 72).

 

.

Acheter sur gage : ...pour ce qu'il estoit jour de vendredi et heure de relevée, n'eust peu (...) prester, recevoir, vendre, engaigier ne acheter sur gaige ou autrement, comment que ce feust ou peust estre. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 133).

 

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Acheter au poids : En Syrie, on achapte les oyseaux de proye et de faulconnerie au pois, et le plus pesant vault mieulx : de la couleur et conditions d'iceulx ne leur chault. (TARDIF, Art faulconn., 1492. In : Chrestom. R., 236).

 

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Acheter en gros/en détail : ...aucun ne se pourra entremettre dudict mestier de poulaillier, pour achetter en gros et en détail après l'eure passée (Mét. corp. Paris L., t.1, 1498, 346).

 

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Acheter qqc. à sa vie. "Acquérir la jouissance d'un bien pour la durée de sa vie" : De reffaire ung mur et d'une maison a rettenir. Jugement (...) que dit que une femme vuelt c'on li reffaice ung murs qui est cheus d'une maison, la quelle maison elle est achetei a sa vie ; et li autres dit qu'il n'en a niant a reffaire, pour ce qu'elle a ladite maison achetei a sa vie et qu'elle la doit rettenir toutte sa vie. Il fut dit que la femme avoit bien li maison a reffaire. (Jug. maître-échev. Metz S.M.S., t.1, a.1494, 1365], 425).

 

-

Empl. abs. : Melancolieux pensera : "Je seray riche, cy morra. Du sien avray par quelque voie. Je conquerray, j'acheteray, Son heritaige me viendra". (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 131). Car celuy qui achete scet mieulx que la chose vault pour soy. (ORESME, E.A.C., c.1370, 454). Quant homme ou femme se lieve au matin et il vest sa chemise a l'envers, il s'en poeult de legier perchevoir incontinent qu'il cognoist que quelque chose que il face ne lui est plaisante ne prouffitable, ains dommagable, soit en achattant ou en vendant. (Ev. Quen., II, c.1466-1474, 140).

 

-

[Dans une compar.] [Pour indiquer la valeur faible ou importante d'une somme ou d'un bien] : De l'or qu'on a eu de la taille On eust achecté Angleterre ! (CHART., D. Her., p.1415, 433). ...elle estoit caussée et frustrée de ce dont elle devoit vivre, car n'avoit pour achatter un oeuf sinon en mercy. (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 314). ...de la vexelle d'or et d'argent de quoy il est servy seullement, est assez bastante pour achepter ung royaulme. (Jehan de Paris W., 1494-1495, 46).

 

-

Prov.

 

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Qui tant l'aime, tant l'achete : ...ceulx qui ma fille enmeneront, n'avront fors tant seulement son corps, ne ne donray avecques elle draps, chevaulx ne deniers ne nul autre avoir ; et qui tant l'aimera, tant l'achettera. (Bérinus, I, c.1350-1370, 312). ...car la chose chier achatee Est souvente ffoiz mieux amee. (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 387). Et Montigny qui se soussie, Vous gracie cent mille fois, Quant vous avez le contrepois Fait ouvrer par devers Blanchette, Car qui tant l'aime, tant l'achete. (DESCH., Oeuvres R., t.8, c.1370-1407, 48). Et sy est raison que de tant que la chose est plus precieuse, d'autant fait elle plus a amer et a achapter (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 255).

 

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Qui bon l'achete [le vin], bon le boit. "Un ouvrage de qualité se paie cher" : LE MAISTRE D'OSTEL. Vous aurez deux mille ducas ; Mais monstrez que soyez habille. LE PAINTRE. Touchez la. J'en auray deux mille Et cinq cens, sans rabatre rien ; Mais aussi je le feray bien. Pour avoir la fleur de mon sens, Ne vous tenez point a cinq cens. Qui bon l'achéte, bon le boit. (Myst. Viel test. R., t.6, c.1450, 194).

 

Rem. DI STEF., 896b.

 

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Nul n'a mes riens sans acheter : Nul n'a mes riens sans achater (Tomb. Chartr. Dix-huit contes K., c.1337-1339, 106).

 

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Acheter chat en sac/en poche. "Acheter les yeux fermés" : C'est acheté ung chat en sac. (MIÉLOT, Prov. U., 1456, 193). Elles monstrent souventes fois Leurs denrees comme les tripieres Car d'echeter il ne chault gueres Qui ne vend ab hoc et ab hac, On n'achette point chat en sac. (Sots Magn., a.1488, 196).

 

Rem. Prov. H, C 83. Prov. M, 1489 (ms. XVe s.).

 

2.

[Le compl. d'obj. désigne une chose abstr.] : La .VIIe. branche d'avarice si est symonnie. C'estadire quant les sacremens de Sainte Eglise sont venduz ou achetez, ou les prebendes des eglises. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 34). ESAÜ. (...) Item, après la mort du pére, L'aisné en faisant le partaige A double part a l'heritage ; C'est le droit d'aisné, tel est il. Jacob, tu as esté subtil de ce droit de moy achatter, Prepanssant de me supplanter, Comme tu entens, une fois. (Myst. Viel test. R., t.2, c.1450, 146). Et, pour ce, ne peult le prisonnier assermenter homme ne porter armes, tant que son maistre l'ait quicté de sa foy. Depuis qu'il a donné sa foy à son maistre, il est son esclave et son serf, pour faire de lui à son plaisir. Et, pour ce, le prisonnier achatte sa foy et sa franchise par argent ou aultrement et fait tant que son maistre le quitte de sa foy. Et, quant sa foy lui est quictée, il peult faire toutes choses comme devant et non aultrement. (BUEIL, II, 1461-1466, 213). J'ay veu, chose incongnue, Ung mort [Charles le Téméraire] resusciter Et sus sa revenue Par milliers achaster [Plusieurs de ses sujets croyaient Charles le Téméraire vivant, prisonnier des Allemands, et offraient de l'argent pour sa libération et son retour] (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 312). Et de l'offre que leur feïz, dirent qu'ilz estoient ses amys et serviteurs et qu'ilz ne vouloient point qu'il achaptast leur amour. (COMM., III, 1495-1498, 115).

 

-

Empl. abs. : Elle [la convoitise] rend les eglises vuydes, Fait batailles et homicides, Achapte et vend par symonie Et par tout acquiert seigneurie. (ALECIS, Passe temps P.P., 1480, 165).

 

3.

[Le compl. d'obj. désigne un être hum.]

 

a)

[Un esclave] : A mes deniers vous achatay Conme serve une foiz (Mir. Berthe, c.1373, 159). Tu scez assez comme depuis que je te achetay petit, je t'ay esté en ta servitude juste et debonnaire, et que de toy qui estoies serf j'ay fait ung homme franc et delivre, pour ce que tu me servoies liberalment ; et de ce que tu m'as depuis servi je t'ay tousjours payé souverain pris. (RIPPE, Andrienne, a.1466. In : Chrestom. R., 206).

 

b)

[Un prisonnier] : ...elle imagina (...) que li rois d'Engleterre (...) le acateroit au chevalier englois qui pris l'avoit. (FROISS., Chron. D., p.1400, 817).

 

c)

Au fig. [Le suj. désigne un vice] "Assujettir, asservir, soumettre" : ...vechi prumiers que vient fornication et dist tu es miens Car tu couvoites et saveures non point choses espirituelles Mais corporelles et carnelles Et pour l'amour d'icelles jovencelles tu es vendus à moy et je t'ay achaté (Psaut. Ludolphe le Chartreux D., c.1495, 73).

 

d)

"Se faire livrer qqn" : JUDAS. Seigneur, que me voulez vous rendre D'argent de luy, je le vandray [Jésus] A vous, et plus n'i attendray ; Achetés lou et me payés. (Myst. Pass. N.S., fragm. Troyes R., c.1350-1370, 273). Et donna Vaspasien, emperiere de Romme, XXX. Juifs pour un denier, en remembrance qu'ilz orent achaté le precieux corps Jhesucrist XXX. deniers. (ARRAS, c.1392-1393, 237).

 

e)

"Rémunérer qqn, s'attacher les services de qqn moyennant finances" : Le prince sage doit en ces choses esprouver celluy qu'il veult retenir pour son conseillier. Et, aprés que par longue espreuve le aura tel trouvé, il ne le peut trop chier ne par trop grant pris acheter. (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 158). Ung saige homme sert bien en une telle compaignie, mais que on le vueille croyre, et ne se pourroit trop achapter. (COMM., I, 1489-1491, 78).

 

-

Se faire acheter. "Monnayer ses services" : ...ceulx qui sont plus tenus de servir se font plus chier achater, et convient traire par largesse les pluseurs a faire leur devoir ou loiauté ne les povoit mener. (CHART., Q. inv., 1422, 51).

B. -

P. ext. "Se procurer, obtenir, gagner"

 

1.

[Le compl. d'obj. désigne une chose abstr.] : Et vaine gloire est le denier au Deable, dont il achete toutes les belles denrees en la foire de ce monde ; et les denrees sont les biens que Dieu adonne a homme et a femme, c'est assavoir les biens de nature, les biens de fortune, et les biens de grace. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 21). Mon cueur dormant en Nonchaloir, Reveilliez vous joyeusement, (...) Une Dame treshonnoree En toute bonne renommee, Desire de vous acheter, Dont je suy joyeux et d'accort ; Pour vous, son cueur me veult donner (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 92). ...si le samedi n'avés loisir ou ne le poves feire que les dittes le dimenche avec bonne et vraye devocion par affin que par icelles bonnes prieres a la pucelle Nostre Dame qui ne pourta que ung enfant plaise me achater grace avec luy que je puisse sain et sauf fere mon voyatge a mon honneur et sauvacion. (CAUMONT, Voy. N., p.1420, 13). ...et n'est pas petite amour ne chose de petit effect achater et avoir la benivolence des subgetz (JUV. URS., Loquar, 1440, 375). Chose qui plaist est a demi vendue, Quelque cherté qui coure par païs (...). Car, quant les yeulx qui sont facteurs du cueur, Voyent Plaisir a bon marchié en vente, Qui les tiendroit d'achatter leur bon eur ? (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 361). ...les biens d'amours doivent estre achetez par longs desirs, par longs travaulx et par inextimables souffretez (LA MARCHE, Mém., III, c.1470, 156). Quant est pour le quart article, qui enseigne la ou l'on treuve et ou l'on peult achater charité, l'on ne la peult trouver synon a la croix, maiz la l'on la treuve parfaitement, car la est le merite comme infiny, souffisant pour nous impetrer toute grace qui nous est neccesssaire pour nostre sauvement. (OLIVIER MAILLARD, Serm., 1475. In : Chrestom. R., 221). Soyez loyal, remply de francheté, Begnin, courtois et tousjours amÿable ; En vous honneur soit par arme acheté. (LA VIGNE, S.M., 1496, 174).

 

-

[En mauvaise part] : Le demourant, je vous di bien, En eupvre de misericorde Doit [tout] convertir sans descorde, Car si les vent ailleurs, o donne Les biens qui de Dieu patrimoine Sont, ou les met en autre usage, De tant l'ame de lui engaige Et achaicte son dempnement, Si avant sa mort ne les rent. (Liber Fort. G., 1346, 64). Tu ne bailleras de l'an gaige, Qui moins vaille que fol langaige. Voy ce que dict en a Chaton, Que plusieurs maulx en achate on ; Et est la chose toute apperte Que par trop parler maint a perte (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 40).

 

-

Acheter cherement qqc. ; acheter qqc. cher. "Gagner qqc. au prix de sacrifices, de peines, de difficultés" : ...esploit d'armes sont (...) chièrement comparet et achatet (FROISS., Chron. D., p.1400, 35). On n'a pas grant bien pour neant, Et cil, qui se va pourvoyant Sagement, doit chier acheter Ce dont peut en grant pris monter. (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 121). Ce que l'ueil despend en plaisir, Le cuer l'achete chierement (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 173). De Veillesse porte livree Qu'elle m'a, puis ung temps, donnee, Quoy que soit contre mon desir (...). [E]lle est d'annuy si fort brodee, Dieu scet que l'ay cheire achaptee, Sans gueires d'argent de plesir (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 543). Hee, benoitte Fortune, que tu disposes tez fais secretement ! On ne puet trop chierement acheter ton amour et ta bienveullance (Comte Artois S., c.1453-1467, 130).

 

.

Prov. Cherement l'achète qui rueve. "Il en coûte beaucoup d'avoir à demander (ici, dans le domaine des relations amoureuses : l'amant doit se donner beaucoup de peine pour se faire aimer en retour)" : A toutes et a tous demant Se vous cuidiés que li amant Aient pour noient che qu'il ont ? (...) Chierement l'achate qui rueve. (FROISS., Pris. am. F., 1372-1373, 55).

 

Rem. Prov. H, A 16.

 

2.

[Le compl. d'obj. désigne un être hum. ; p. méton. du compl.] "Obtenir les bonnes grâces, les faveurs de qqn" : Et desserviray loyaument A ceulx qui m'ont, de bon courage, Aidié ; sans faillir nullement, [Mettroye] corps et ame en gage. Qui m'ostera de ce tourment, Il m'achetera plainement, A tousjours més, a heritage : Tout sien seray, sans changement. (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 148).

 

-

[D'une femme qui exige beaucoup d'un homme avant de lui céder] Se faire acheter : ...s'en tenoit trop plus fiere, et se faisoit acheter. (C.N.N., c.1456-1467, 414).

C. -

"Subir les conséquences néfastes d'une action, d'un méfait (commis par soi-même ou par qqn d'autre)" : Mais elle ne scet mie le verité au cler, Conment Macaires volt Flourence demener Et maugré le sien corps baisier et acoler, Dont puis couvint la dame che fait bien accatter. (Flor. Rome W., c.1330-1400, 246). Le forfait des pecheurs achate, Sy qu'il [Jésus-Christ] en est livré a mort. (Myst. Pass. N.S. R., c.1350-1370, 205). Dist la royne I mot que depuis achata. (Chev. cygne R., c.1356, 13). J'ay acheté Leur recrëant escharceté : Mort est cil par leur lascheté, Qui ne puet estre racheté. (CHART., L. Dames, 1416, 226). ...en plusieurs lieux, non pas en tous, qui ne se donroit aussi grant garde de toy que des ennemis, ta folie et petite foy feroit de haulx dommaiges que tu mesmes et autres acheteroies puis après. (CHART., Q. inv., 1422, 28). Se tu as ta merencolie Prise de non amer jamais, Doivent achater ta folie Les autres qui n'en pevent mais ? (CHART., B. Dame, 1424, 363). Sire, je voy bien que resistence ne porroie avoir contre vous. Si me rens a vous et vous prie que ne me occiez pas ; et en quelque prison que vous me vouldrez mener ou envoyer, je vous promect loyaulment a y aller me rendre prisonnier de par vous. Et renonce a voustre couleur et a voustre nom, car j'ay trop achetté la folie d'entreprendre a le vous oster ; si m'en vois estancher ma plaie. (Charles de Hongrie C., c.1495-1498, 71).

 

-

En partic. [Dans une parole de menace annonçant une vengeance] "Expier, payer cher" : Dieux, dient ly baron, que leur tourmens fu grans ! Encor l'acatera ly rices roys soudans. (God. Bouillon R.B., t.3, c.1356, 168). Acheter li feray son tort. (Mir. femme, 1368, 210). Quant le duc Anthoine scot le meschief que les Sarrasins font au roy, si en ot grant pitié et jure en son cuer que pas ne demourra en ce party et que Sarrasins acheteront la peine que ilz font souffrir aux Crestiens. (ARRAS, c.1392-1393, 172).

 

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En apostrophe : La sanz fin acheteras chiére La paine que me fais porter. (Mir. st Lor., 1380, 190). Et quant li Englois ont veü le convenant, Alerent a la porte a force en chevauchant, Et crioient en hault : "Faulx Bretons bretonnant, Soutivement alez la nostre praie emblant, Mais vos l'acheterez, se je puis, maintenant." (CUVELIER, Chans. Guescl. F., c.1380-1385, 33). Car se tout nous advisons tart De la vilonnie qu'i avons prise, Ne tardera, ce croy, l'emprise De celle honte sy vengier Que vous l'acheterés bien chier. (BOUVET, Appar. Meun A., 1398, 32). Glouton, vous comperrés le vostre fol parler, La mort du coms Roulant vous ferai acheter, A ung licol ferai vo corps soupeser. (Galien D.B., c.1400-1500, 137). Et pour plus amplement cuider le batre, sailly dehors et trouva sondit varlet, cuidant que ce fust ledit Picart, et lui donna plusieurs cops et colées lui et sadicte femme, disant : "Ha, ha, Picart, y estes vous venu, et par le sang Dieu, vous l'acheterez !" (Doc. Poitou G., t.10, 1460, 254).

II. -

Part. prés. en empl. subst. : ...aucuns pourroient demander se il est de necessité que le marchant vendant sa chose, die a l'achetant toutes les defaultes qu'il sceit en celle chose qu'il lui vent. (LEGRAND, Bonnes meurs B., 1410, 380). Le quint [vice] qui vent l'oeuvre le prix Petit, et si ya compris Grans labeurs, peines et despens, Car l'achaptant a ses despens, L'achapte de il qui le va vendre. Le sixiesme qui va contendre Meschant oeuvre vendre et offrir Grant prix, car il fait trop souffrir A l'achaptant dommage et perte (RIVIÈRE, Nef folz D., 1497, 803).
 

DMF 2020 - Synthèse Jean-Loup Ringenbach

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