C.N.R.S.
 
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     ABRÉGER     
FEW XXIV abbreviare
ABREGER, verbe
[T-L : abregier ; GDC : abregier ; AND : abreger ; DÉCT : abregier ; FEW XXIV, 25b : abbreviare ; TLF : I, 191a : abréger]

I. -

Empl. trans.

A. -

Abreger qqc.

 

1.

"Rendre plus court en durée, rendre plus bref, écourter"

 

a)

[Un état ou une action] : [Lorsque les six bourgeois de Calais se dévouent, tout le monde pleure y compris le maire, Jean de Vienne] Toutesfois, pour abregier la besongne, puisque faire le convenoit, il les fist desvestir (FROISS., Chron. D., p.1400, 844). ...et pour ycelle [besoigne] abbreger demanda se les parties voudroient descendre à pranre droit par les informations (BAYE, I, 1400-1410, 109).

 

-

Abreger la vie / les jours. "Hâter la mort" : Il puet bien abregier [var. abrijier] sa vie En ce faisant (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 486). Une autre maniere est se aucun fait voluntairement teles abstinences par quoy il abrege sa vie ou corrumpt sa santé ou se fait inhabile a bonnes oeuvres excerciter (ORESME, E.A.C., c.1370, 225). Mais quant le roy de Chippre voit que Sarrasin s'efforcent ainsi, si reprent cuer, et leur fait un poindre moult vertueusement. Et la souffry tant de peine qu'il y ot pluseurs veines de son corps rompues, de quoy aucuns dient que sa vie fu moult abregie. (ARRAS, c.1392-1393, 107). LE PERE. Son depart nous fera mourir Et abreger noz jours. (Myst. jeune fille L., c.1413-1445 [c.1530], 21). Encores ces mesmes personnes Se doivent forment abstenir Pour péril qui en peut venir, Car excédent charnalité Consume et gaste humidité Et la chaleur de corps humain, Et le rent failli, lent et vain, Et abrége souvent la vie, Mesmes en temps d'épidémie. (LA HAYE, P. peste, 1426, 107). Véez-cy tant de vaillans gens qui ont tant traveillié pour la chose publique de ce royaulme et y ont tant de foys exposé leur vie, dont beaucoup sont demourez en la poursuite ; et ceulx qui n'y sont demourez, si ont-ilz abregiez leurs jours et ont mis leur corps en doulleurs, comme de gouttes ou autres maulx, qu'ilz sentent tous les jours et sentiront toute leur vie ; encore plus, la pluspart n'ont que mengier. (BUEIL, II, 1461-1466, 154). Ne pencés plus ad ce tourment, Ma doulcete tante Marie, Je vous en prie doulcement, Car vous abregés vostre vie. (Pass. Auv., 1477, 254).

 

-

[Un mal] "Rendre plus court l'effet de" : Afin que tost soit abregé Le mal qui me porte grevance, Les fourriers [d'Amours m'ont logé] En ung lieu [bien a ma plaisance.] (CH. D'ORLÉANS, Chans. C., c.1415-1440, 241). ...n'est il moien qui se puisse trouver d'abreger mon dur et cruel martire (C.N.N., c.1456-1467, 183). Affin que ne te falhe pas, Pour ta paine mieulx abreger, Sans presser Advance toy encore ung pas. (Pass. Auv., 1477, 100).

 

-

[La durée elle-même] : Jugurte (...) s'avança la mort (...), voullant abregier le douloureux temps de sa captivité. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 19). Mais soit exempt De mort, et vive en bonne mode Sans abreger le periode Que nature luy determine. (Cene dieux, c.1492, 113).

 

-

Part. prés. en empl. adj. "Qui rend plus court, rapide, expéditif" : Ad ce nous consentons nous tous : Il n'est moyen plus abregant. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 209). Je cuyde assez qu'on prouvera, Par bons tesmoings qu'on trouvera, Que la mort a bien desservye, Actendu sa piteuse vye : Il n'est moyen plus abregent. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 536).

 

-

Inf. subst. "Raccourcissement de la durée" : Item, au fait du lavage de vostre mynne ["minerai"], est expedient et pour trouver ung abregier de laver et de grossyer premierement la minne a ung bach que j'ay fait et trouvé sa plache tres bien par d'en costé le chena qui amaine les yauwes es fosses des la veine (...), et par che moyen on peult plainement perchevoir et trouver un grant abregier pour les laveurs au plat (Doc. c.1450. In : J. Rigault, Actes du 98e Congrès nat. des Soc. sav., t.1, 1975, 105).

 

b)

[Un discours, un dialogue] : ...Tant an romant com an latin Plussors foiz m'ont levé matin, Quant que j'oie tout cerchié Ce que j'ai ici abergié. (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 299). Mais je vous requier, s'il vous plaist, Que nous abregons nostre plait, Car trop esloingnons la matiere Qui meüe a esté premiere. (MACH., J. R. Nav., 1349, 240). PYLATE. Abrege ton sermon ; Ne fay point le long langager. BARRAQUIN. Puisque tant le fault abreger, Le cas est tel que je vous compte. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 429). Pour abrevier ce propos, envyron ung an ou deux avant que allissions en Ytalie... (COMM., III, 1495-1498, 16).

 

c)

"Hâter le terme de qqc. ; mettre un terme à qqc." : Et puis après nous nous couchasmes, Pour brief ce compte abreger. (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 188). Allez ent quant il vous plaira ; Nostre exploict est tout abregié. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 90). ...au mois de juing aussi en l'an LXXV (...) mandasmes par noz lettres closes aux gens de noz comptes abreger les comptes dudit de Voisines. (Lettres Louis XI, V.M., t.10, 1478, 411).

 

-

Abreger son affaire / sa voie / le cas... "Mettre un terme à une situation, hâter les choses" : Je vueil (...) que bien tost y soies, Si abregeras moult tes voies. (Mir. enf. diable, c.1339, 52). Seigneurs, abreigons nostre affaire : Puis qu'il a noz diex en despit, Faisons le mourir. (Mir. st Panth., 1364, 355). Va tost, mon amoureux desir, Sur quanque me veulx obeir, Tout droit vers le manoir de Joye ; Et pour plus abregier ta voye, Prens ta guide Doulx Souvenir. (CH. D'ORLÉANS, Chans. C., c.1415-1440, 231). Jamais je ne vueil arrester Tant que dedens la cyté soye Et, pour plus abregier ma voye Et racompter ceste maniere, Je lairray ma cruche derriere Tant que je soye retournee. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 157). Et ainsi donc vous conscentez Sa mort pour le cas abregier ? (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 277). Griffon, va t'en dire au geolier Que Barrabas soit desserré, Et l'amaine tout enferré Pour son cas tantost abreger. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 356). Avant, Jesus, fay ton debvoir, Abbrege le cas : il n'est tel ! Se tu es le Dieu d'Israël, Si descens de ceste croix haulte Et nous croyons en toy sans faulte. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 410).

 

2.

[Le compl. d'obj. désigne une action qui n'a pas encore commencé] "Hâter la survenance de, faire arriver plus tôt " : Dieu, par sa puissance infinie, Abrege ce faict gracïeux, Affin que le fruict precïeux Puissions humblement recepvoir. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 212). Et quant on se voulut retraire, les enbaxadeurs s'en vindrent par devers le duc et lui dirent : "Monseigneur, le roy, noustre souverain seigneur, desire moult fort noustre retour ; et pour se, s'il vous plaisoit abreger l'alee de la royne Satine et que nous la menessons avecques, le roy en auroit ung grant plaisir." (Charles de Hongrie C., c.1495-1498, 12). Les deux traistres, joyeulx de la mort de leur seigneur, se partirent le plus legierement qu'ilz purent et allerent au palais, la ou la dame estoit, qui parloit a Guillaume d'Argence qui estoit nagueres venu de Mayance de par Doon, qui l'avoit envoyé sçavoir et enquerir de la mort de Beufvon l'enfant pour le mariage abreger. (Beufves Hant. I., c.1499-1503, 16).

 

-

Abreger qqc. à qqn. "Hâter, accélérer qqc. pour qqn" : Mieulx vaulsist bon varlès (...) Qu'a tel femme mariez estre, Qui abrege au mari la mort (DESCH., M.M., c.1385-1403, 68).

 

-

"S'acquitter de qqc." : Or t'en va ton mand abregier ; Tu songes trop de la menjaille ! (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 61). Or t'en vad ton faict abreger : Tu pences trop de la ma[n]geaille ! (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 186).

 

3.

Abreger le chemin / son chemin. "Rendre le chemin plus court en distance (ou en difficulté)" : ...icelui Voier se parti du dit lieu de Peyré pour aler au Moustiers sur le Loy, où il a de distance six grans lieues du dit païs, et esperoit aler pour abregier son chemin, au giste en l'ostel ou manoir de Jehan de Pont de Vie (Doc. Poitou G., t.6, 1396, 235). Fist semblablement icelui Virgille, par son art mathematique, percer une montaigne pour abreger le chemin, si très avant que, à peine quant l'on est ou milieu, se peuvent veoir les deux boutz (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 70 r°).

 

-

Empl. abs. : [Qu'ilz] choisissent champs et places les plus advantageux qu'ilz pevent pour combatre. Car on y gaigne le solleil, on y gaigne le vent pour envoier la pouldre droit à ses ennemys. S'il y a point de haye ou de fossé (pou[r] petit qu'il soit il fait grand bien) ou quelque mollière, ou païs, pré ou champ mol, ou rivière, ou bois fort, par où on ne puisse marcher pour abreger, on doit sercher voullentiers tous les advantaiges qu'on y puet trouver. (BUEIL, I, 1461-1466, 154).

B. -

Abreger qqn

 

1.

"Hâter le terme de ce qui advient à qqn" : Abrege moy, Desesperance : Il est temps qu'a ma mort entendes. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 293). LE BOUREAU. Priés pour ce pouvre pecheur, Seigneurs : l'amour de vous demande. LE CONTE AVENIR. Abregiez les, le roy le mande. Qu'i ne soient plus actendans. (DU PRIER, Roy Adv. M., 1455, 241). Mourir fault pour vous abreger (MART. D'AUV., La Dance des Femmes, éd. L. Götz, 1460-1508. In : Z. frz. Spr. Lit. 57, 1933, 326). Troys hommes de vie deshonneste Avez condampnéz a mourir ; Si vous venons cy requerir, Pour obvier a tout danger, Qu'il vous plaise les abreger, Car ilz ont languy longuement Et ont assez eu de tourment. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 422).

 

-

"Régler le sort de qqn, se débarrasser de lui" : Sire, regardez que vecy : Nous admenons vostre adversaire. Regardez qu'on en vouldra faire Pour l'abreger tout d'une tire. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 375).

 

2.

"Hâter ce que qqn demande, le servir vite" : PYLATE. Metz de l'ëaue ou pot lavouer, Apreste bassin et touaille Et, quant c'est fait, si le me baille ; J'ay grant haste, abrege moy tost. BARRAQUIN. Voicy tout prest, sire prevost ; Or lavez en bonne senté. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 315). [Même ex. ds MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 378]

 

-

"Faciliter les choses à qqn" : ...de vous pren congié, Puis que tant vous ai abregié Qu'avez regent. (Mir. ste Bauth., c.1376, 111). TROISIESME CHEVALIER. Seigneurs, vous me chargiez d'un fait Qui ne m'est mie trop ligier ; Mais nient moins, pour vous abregier, Je vous en diray mon avis. (Mir. Clov., c.1381, 197). Nosseigneurs, pour vous abregier, Ne quierent boire ne mengier ; Ilz ne quierent que le repos. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 93).

 

3.

Abreger qqn de + inf. "Éviter à qqn (une action) trop longue" : Mais il nous fault avoir congié De Pylate, nostre prevost, Et qu'il les abrege plus tost De mourir s'ilz ne sont finéz. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 352).

II. -

Empl. intrans. ou pronom.

A. -

"Se hâter, faire vite" : Joseph, pere tres venerable, Faictes conclusion finale Et abregez, car il est tart. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 82). Abregons sans plus mot sonner. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 330). Sus, sergens, allez abregier, Desvetez moy ce maleureux (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 320). JUDAS. Ha, terribleté de vengeance, Horribleté de tout danger, Aproche et me donne allegeance Se mort peult mon deul alleger. DESESPERANCE. Ouy, mais il fault abreger, Car plus vivre t'est trop nuysible. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 343).

 

-

S'abreger : Or, t'abrege Comme ung diligent escollier. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 301). ...abregez vous qu'il ne vous trouve icy. (C.N.N., c.1456-1467, 242). FOURDRE. S'il y fault cagnon ne cordelle, Copper teste, ou enfouyr, Je suis prest et pour m'enfuyr En paiant l'oste des talons. DYOCLESSIEN. Abregiés vous tost. (MOLINET, Myst. st Quentin C., c.1482, 8). Abregez vous et vous hastez (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 392). Je vous prie, abregez vous et vous y en venez (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 240).

 

-

Abreger de + inf. "Se hâter de" : ...Or tost abregez D'obeir tost a sa commande. (Myst. st Laur. S.W., 1499, 143).

 

.

S'abreger de + inf. : ...et se parti icellui Michault hors dudit hostel, tant pour la doubte qu'il avoit de seurvenue de brigans que pour soy abregier de s'en aler (Chancell. Henri VI, L., t.1, 1425, 242). Icy ne ferons mais arrest ; De soupper nous abregerons. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 545).

 

-

S'abreger de qqc. "S'acquitter de qqc. ; en finir avec qqc." : Je ne demande senon ton coup pour me allegier [var. alegir ; abregier] de tous ces maulx, et de tout mon cueur je te desire (BEAUVAU, Troyle B., c.1455, 603). Or approchoit fort le terme dedens lequel il convient faire son pellerinaige audit lieu, car n'y prent on que quarante jours. Si voloit ledit seigneur s'en abregier (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 103). ...par quoy il est temps qu'i se marie et prende aulcune dame, et de fait le roy lui pria qu'il s'en abregast (Jehan d'Avennes Q., c.1465-1468, 190).

B. -

[Dans l'ordre du discours] "Faire court, être bref, concis" : ...les histoires romaines (...) desquelles je me passe pour abregier (LA SALE, J.S., 1456, 3). Abregeons sans plus sermonner. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 398).

 

-

S'abreger : Aprez mainz autres diz et faiz, Dont pour moi abregier me taiz, Jhesus dist que venu estoit Le tempz qu'à clarte mis seroit. (GUILL. DIGULL., Pèler. J.-C. S., 1358, 248). ...par vostre foy, Abregiez vous, car il est tart, Sans plus parler de ce regnart, Maiz, se autre chose avez a dire, Qui bien face a vostre matiere, Si le vueilliez dire briefment (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 395).

 

-

[Modalité d'énonciation] Pour abreger. "Bref, en bref" : Et rent [la bole d'Arménie] de fait nature forte Et la soustient et la conforte à débouter le venim hors, Qui est logé dedens le corps. Oultre a povoir pour abréger A réparer, et alléger, Les esperiz et leur substance, Sans nul péril ne violence. (LA HAYE, P. peste, 1426, 133). Et pour abreger vous devez avoir bonne oreille (JUV. URS., Aud. illos, 1432, 29). Et si te dy, pour habergier Que c'est ma mort toute juree (FRAIGNE. In : CH. D'ORLÉANS, Rond. R., 1443-1460, 528). Pour abreger, tant fist le bon musnier qu'il rendit a madame son tresbeau dyamant (C.N.N., c.1456-1467, 46). ...quant je vis qu'il eust puissance D'aler aux champs, pour abregier, Je le fis estre mon bergier Et le mis a garder mes bestes. (Path. D., c.1456-1469, 158). Il est aussi trouvé es hystoires de la fondacion de Romme que (...) après que le roy Eneas eut (...) prinse la fille du roy Latin en mariage, après aussi que son fils Jullius eut regné trente ans ou païs, advint que deux freres furent nez à Romme, qui pour lors estoit dicte Neufve-Troye, dont l'un fut nommé Remus et l'autre Romullus. Si furent nourris aux champs et allaictiés du laict d'une loupve. Mais, pour abregier, il advint, comme l'istoire le porte, que en leurs mains escheut la seigneurie et gouvernement de la cité. (BUEIL, I, 1461-1466, 128). Car je vous dy, pour abreger, Quelconque jour qu'en mengerés [de l'arbre de vie], Nul ne vous sçaroit sollager, Car de mort pour vray vous morrés. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 37). Mais, pour abreger, il compleüt aux dessusdictz Angloys et rendit la place audit duc de Lorraine, saulves leurs personnes et biens. (COMM., II, 1489-1491, 134). Pour abreger, temps est que je m'en aille (LA VIGNE, S.M., 1496, 253).

 

-

Pour le plus abreger : ...quand la bonne dame l'oyt, fist sauver son amoureux et le fist bouter soubz le lict, pour le plus abreger, puis vint demander a l'huys... (C.N.N., c.1456-1467, 508).

 

-

Il n'est que d'abreger : La veille (...) a sa fille racompte ses nouvelles sans doubte, confermans la vision de l'autre nuyt passée. Il n'est que d'abreger : "Or allons..." (C.N.N., c.1456-1467, 101).

 

-

Inf. subst. À l'abreger

 

.

"Pour faire court" : Et sy me doubt, a l'abergier, Qu'en fin ly estrange bergier, Pour l'erbe du pourpris brouster, N'y viegnent lor tropeaux bouter (Pastor. B., c.1422-1425, 89).

 

.

"En résumant" : Or vous ay je ramenteu à l'abregier du fait d'Angleterre (LA MARCHE, Mém., I, c.1470, 121). Et de ses fais dès lors et de après, ne vous puis gaires [icy] monstrer sinon à l'abregier (LA MARCHE, Mém., I, c.1470, 123).

C. -

"Mettre un terme à un dialogue, un discours, une situation, une activité" : ...se les advocas (...) estoient trop longs en parolles (...) on les doit faire abreger et respondre. (JUV. URS., Aud. illos, 1432, 30). Sus, devant ! il fault abergier. Sy long procès n'est que langaige. (Pouvre peuple H., c.1450-1492, 190). Or commençoit le jour a decliner beaucop et se convenoit bien abregier pour cause des longs misteres et cerimonies quy y restoient a faire. Si fit on abregier les champions (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 161). Gloutonnie, pour amener Sobresse jusque à oultrance, Une lamproye a, son diner : C'est [l. une l. à son diner C'est] son arnois et c'est sa lance, Il haulse pour emplir sa pance. Sobresse, qui se voit en dangier, Ne met en luy nulle deffence, Mais quitte tout pour abergier. (Prisonn. desconf. C., c.1488-1489, 30). ...je vous prie que de vostre part vous luy escripvez qu'il se haste de se y rendre, affin que abregez à toute diligence (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 234).

 

-

[Exclam. dans un dialogue] : "Sire, vous estes maintenant à la fin de l'iver ; vous n'avez plus que tarder. Aussi ces gens d'armes ne font que endommaiger vostre royaume ; le plus tost s'en delivrer est le meilleur." - "Il est vray, dist le Chancellier, car ilz engressent trop ; s'ilz sejournent plus, ilz ne pourront plus entrer en leur harnoix ; et fauldroit que vous leur en donnassez de tous neufz." Et le Roy respondist : "Ilz ne vous coustent gueres, Chancelier." Et chascun se prist à rire. Et le Roy dist : "Or ça, abregeons. Et faictes venir ung secretaire ; si commenderay les lettres." (BUEIL, II, 1461-1466, 165).

D. -

Qqc. s'abrege. "Aller en diminuant, dépérir" : Et, pour ce que moult de genz me blasmeroient, pour ce que de si pou d'age je met enfant au travaill des chienz, je leur respons que toutes natures s'abrejent et descendent, quar chascun scet que plus scet un enfant au jour d'ui de ce qui lui plest ou l'en li aprent en l'aige de set anz que ne souloit fere au temps que j'ay veü en l'aige de douze. Et pour ce l'i vueill je mettre si jeune, quar un mestier requiert toute la vie d'un homme anczois qu'il en soit parfect. Et aussi dit on : ce que on aprent en denteüre, on veult tenir en sa vieilleüre. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 139). ...avise toi et pense que ce n'est riens de ceste presente vie : car elle tousjours s'apetisse et abrege, soit en dormant, soit en veillant ; Tousjours nostre vie s'abrege et apetisse (LEGRAND, Bonnes meurs B., 1410, 383).

 

Rem. L'ex. suiv. est isolé. Abregé paraît signifier "affaibli" : Ta mein n'est pas abregiee, ta misericorde n'est pas faillie, ne jamais ne faudra que tu ne me puisses sauver (GAST. PHÉBUS, Livre oraisons T., c.1380-1383, 49).

III. -

Part. passé en empl. adj. ou subst.

A. -

Part. passé en empl. adj.

 

1.

[D'un événement, d'une action]

 

a)

"Avancé, précipité" : ...femmez qui par mort abregee ont trouvé remede contre douloureuse vie. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 19).

 

b)

"Mené à terme, exécuté rapidement" : Nostre faict est bien abregé. Nicodesme, prenons congé De ses bonnes dames. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 435).

 

2.

[D'un récit, d'un ouvrage] "Résumé" : ...l'istoire de Troye abregiee. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 5). ...vous orrez, avant qu'il soit plus tard, tout a ceste heure ma petite ratelée et compte abregé d'un vaillant evesque (C.N.N., c.1456-1467, 580).

 

-

Abregé parler. "Résumé" : De la maniere de exposer et de faire auchuns abregiés parler (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 130).

 

-

Somme abregee. "Présentation, résumée, condensée (des connaissances)" : Cy commence le prologue de ce present volume qui se dit le somme abregiet de theologie fait et composé par tres excellent docteur en theologie de l'ordre des freres prescheurs, Albert le grant archevesque de Ratispone comme on dist. (Somme abr., c.1477-1481, 98).

 

-

[Empl. adv.] "De manière brève" : Quant à la tradionne [?] maniere de parler abregé, neantmoins reduicte à compendiosité quant au fait de la matiere et des personnes, veuillez aussi moragerer au facteur, en excusant le langaige si aucun en y a estrange. (MILET, Épître épilogative, 1452. In : Trav. Ling. Litt. Strasbourg 16-1, 1978, 254).

B. -

Part. passé en empl. subst.

 

1.

"Ce qui est bref"

 

a)

[À propos d'une action]

 

-

Par abregé. "En raccourcissant (ici la durée d'une évolution)" : ...Dieu plus y ouvrera Par abbregié (CHART., L. Dames, 1416, 239).

 

-

Faire un abregé. "Faire vite" : Il est huy la festivité Du jour de ma nativité, Auquel jour je fais voulentiers Ung soupper a tous mes princiers Pour la feste mieulx approuver ; Si fauldra maniere trouver Que l'en en face un abregié (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 162). N'y a que de l'ensevelir Comme il affiert a sa noblesse ; Non obstant que sa mort nous blesse, Il en fault faire ung abregié. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 197). Je conseille que l'on procede L'ensepvelir sans plus enquerre Et, puis, que l'on le mette en terre Comme appartient a sa noblesse, Car combien que sa mort nous blesse, Si il fault faire ung abregé (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 186). BRAYART. Nous en orrons quelque nouvelle ; Je sçay bien ou il est logé. ORILLARET. Sus, sus, faison ung abregé ; Le sejourner n'est pas licite ! (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 338).

 

b)

[À propos d'un discours]

 

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À l'abregé. "En bref" : VERITÉ. (...) Mais, non obstant la dissonnance, Si fault il dire, a l'abregié, que Justice a tres bien jugié [v. aussi vers 6548 et 8041] (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 40). Et ainsi, monseigneur, je vous ay declairé à l'abregiet sur quoy le bon duc Philippe vostre ayeul se fonda premierement en la fondacion de son ordre. (LA MARCHE, Mém., IV, Pièces annexées, c.1500, 164).

 

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Pour (l')abregé : ...et puis, pour l'abregé, Aprés disner fist son entree a Pyse. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 199).

 

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En abregé. "Dans une présentation synthétique (?)" : ...en quel compte sont mises en plaine valeur de recepte en abregié toutes les rentes deuez audict seigneur es lieux dessusdiz, tant vaillables que non vaillables et tant receues que à recevoir, jouxte les parties declarees es comptes precedens (Comptab. Dieppe M., 1474-1475, 115).

 

2.

En partic. "Écrit ou discours réduit aux points essentiels ; résumé" : Publiques sont [les escriptures] qui viennent es usages communs ou sont a venir, comme sont livres, traitiés, abregiés, sommes (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 132). ...qui vouldra y lise, Et mon abregié si souffise. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 75). En ces sept parties se treuve la sommaire de toute oreison, et l'abregé de ce qui te fait besoing a demander (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 163). Seigneurs, en la deduccion De nostre petit abregié, Il vous a esté prorongé, A nostre possibilité, La divine nativité De Jhesucrist, nostre sauveur (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 135). ...et fist tant ledit Eugenius, qu'il fut en celle science assez ediffié et se gouverna moult curieusement, selon les ellections d'astrologie, comme recite ung quidam sur l'abregé de la Cronique de Clervaulx. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 114 v°).
 

DMF 2020 - Synthèse Robert Martin

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