C.N.R.S.
 
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     ABATTRE1          ABATTRE2     
FEW XXIV abbattuere
ABATTRE, verbe
[T-L : abatre ; GDC : abatre ; AND : abatre1 ; DÉCT : abatre ; FEW XXIV, 16b : abbattuere ; TLF : I, 65a : abattre]

A. -

[Le compl. d'obj. désigne une chose concr. ; suj. de l'animé]

 

1.

"Jeter à bas (ce qui est vertical)"

 

a)

[Un arbre, en le coupant par la base] : A force de bras abatoit Les groz arbres et derompoit (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 24). Lequel Madorrea (...) se print à abatre et esbranchier ung gros chesne fourchu (Doc. Poitou G., t.10, 1459, 170).

 

-

Abattre [un arbre] par sec. "Élaguer les parties mortes d'un arbre" : ...ilz pevent prendre et abattre le boiz vert en forest coustumiere par amende sans perdre le ferement, mes qu'ils le puissent abattre par sec. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 9-10).

 

Rem. V. sec.

 

-

Abattu. "Que l'on a jeté à bas" : En la forest de Longue Actente, Par vent de Fortune Dolente, Tant y voy abatu de bois Que, sur ma foy, je n'y congnois A present ne voye, ne sente. (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 419).

 

b)

"Faucher" : ...V bonir de bleit que lidit rechipvoir fiste abattre (Terre Jauche D., 1479-1480, 185).

 

-

[Des gagnages en les fauchant] : S'avez gangnages a abatre, Voulentiers en merchanderons Et si les vous abaterons (Mir. femme, 1368, 186).

 

-

[Dans une comparaison, l'adversaire étant fauché comme l'herbe] : Ensement les abatent con li faux fait l'erbour (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 86). [Autres ex. de même type : v.5136, 6000, 16861, 22674]

 

c)

Abattre les tables. "Desservir et défaire les tables" : Et, quant fu temps, furent ostees Les nappes et les mains lavees, Tantost les tables abatues (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 214). ...et quant les tables furent ostees et abatues, lors parlerent ilz de leurs besongnes et nouvelles les ungz aux autres (Mabrien V., 1462, 69).

 

d)

"Faire s'écrouler, renverser, détruire [un bâtiment, un mur, un pont, une statue...]" : ...et aus ouvriers bailla l'en congnieez et autrez instrumens pour abatre la cloison et emplir les fossez (BERS., I, 9, c.1354-1359, 37.8, 68). Je cuidoie que tuit venissent, Et que la baniere sievissent ; Po somes pour le pont abatre, Car se li Sarrazin debatre Le nous vuelent, n'est pas possible, Eins est à nous chose impossible. (MACH., P. Alex., p.1369, 92). ...car nul ne fait adultere aveques sa propre femme, ne nul ne mine ou abat son mur pour se nuire, ne nul ne emble a soy meïsme ce qui est sien. (ORESME, E.A., c.1370, 327). ...ycellui chastel, par le temps des guerres qui ont esté ou pays, a esté du tout ars, destruit et abatu, et de present n'y a aucun edifice, mais que la place seulement. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 184). Monseigneur, il a bien esté depuis V. ou VJ. ans depuis que madame vostre mere fu departie de monseigneur vostre pere, que, tous les ans, le derrenier jour d'aoust, venoit une grant main, et prenoit le pommel de la Tour Poictevine, et l'en esrachoit, si fort qu'il abatoit grant partie de la couverture de la tour, et coustoit, tous les ans, XX. ou XXX. livres a reffaire. (ARRAS, c.1392-1393, 296). [Les Français] ardirent tous les fourbours de Chimai ; et abatirent les moulins (FROISS., Chron. D., p.1400, 347). ...abatirent le chastiel (FROISS., Chron. D., p.1400, 391). Mainte eglisë en est polue Et destruictë et abatue, Dont le service diminue De ceulx qui les avoient fondees. (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 60). ...les presbitaires des povres curés sont abatus et destruis (JUV. URS., Nescio, 1445, 505). De l'ancienne porte qui souloit estre dedans les murs anciens dessusdits, devant l'ostel de l'evesque d'Evreux, en la grant rue Saint Anthoine, près de Sainte Katherine du Val des Escolliers, neant, pour ce qu'elle fut pieça abatue pour eslargir ladite rue, pour ce neant. (Comptes Paris V.L.D., t.1, 1447-1449, 560). ...si vous ne la nous livrez incontinent, nous abattrons les huys et l'enmerrons par force (C.N.N., c.1456-1467, 548). ...vous devez faire trenchées pour aller d'ung siège à autre et rompre les saillies et deffences, tant canonnières que archières, et generallement toutes les choses où ceulx de dedans la place pourroient faire guerre, et, s'il y a aucunes tours ou triangles, les batre et abatre le plus que on peult. (BUEIL, II, 1461-1466, 41). Ce deable abastra la porte. (Retraict T., c.1490, 218). De grosses boulles pour murailles abatre (LA VIGNE, V.N., p.1495, 205).

 

-

Pierres d'abattu. "Pierres de démolition" (GD I, 18b ; ex. de 1494)

 

-

Abattre qqc. sur. "Faire s'écrouler sur" : Sanson (...) pour les Philistiens (...) acravanter et confondre, abbati sur soy et sur eulx (...) la maison (CHART., Q. inv., 1422, 53).

 

-

Abattre [une cité, une ville, une place forte...]. "Raser" : ...si de toy me vengeray, Que toute abatre la [ceste ville] feray (Mir. emp. Julien, 1351, 179). Les Prisquez Latin avoient trouvé vuide la dicte cité de Policare, si est derechief tournés l'ost des Romeins et l'ont de tous poins destruite et abatue, afin que les anemis ne s'i peussent plus logier. (BERS., I, 1, c.1354-1359, 33.3, 57). ...si que dedens cinquante jours il pristrent par armez trente et une ville, desquellez il abatirent aucunez et aucunes en ardirent, par telle maniere que tout le non des Equez fu aussi comme de touz poins destruit et effacié. (BERS., I, 9, c.1354-1359, 45.17, 86). Jadis y ot une cité Qui fu de grant auctorité ; Mais elle est toute confondue, Destruite à terre et abatue. (MACH., P. Alex., p.1369, 137). Abbatre la [la ville de Tyr] fist, quant l'ot prise (CHR. PIZ., M.F., IV, 1400-1403, 39). ...et puis fist arraser et abatre toutes les places et chasteaulx qu'il avoit en ses pays. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 246). ...et puis fut ladicte ville abatue Le samedi ensuivant (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 331).

 

-

Abattre une banniere : Adont les envairent ils de grant corage, et furent par force d'armes lors banieres conquises et abatues (FROISS., Chron. D., p.1400, 585).

 

-

Abattre tout : Saillez en parc et, s'il y a closture Qui vous garde, que yssir ne puissez pas, Abatez tout, rompez, faictes ouverture (Sots triumph., c.1475, 33).

 

-

[De la guerre] : Guerre abattra forteresses et tours (Cene dieux, c.1492, 121).

 

-

Subst. fém. Abattue. "Démolition" (GD I, 18b ; ex. de 1395)

 

2.

"Jeter à bas, enlever, détacher (ce qui est fixé, attaché)" : Il [le clou] tient si bien et serrement Qu'il n'est qui l'en scëust abatre. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 331). Et incontinent il alla commander que on abatist toute la tapesserie du palais ; et qu'on le fornist tout de [d]rap noirs ; et qu'on fist acourtiner l'ostel tout de draps de douleur. Et tout ceus de la terre firent grant dueil. (Belle Maguel. C., 1453, 43).

 

-

[Pour le détruire] : ...abatirent le conduit de une fontainne (FROISS., Chron. D., p.1400, 421). ...abatirent et brisierent les cloces (FROISS., Chron. D., p.1400, 428).

 

-

[Le compl. d'obj. désigne une partie du corps] "Couper, trancher" : Le chevalier set bien gueter Du lyon la fiere assemblee. Parmi la teste tel colee De s'espee li a donné, Que dusques avres [l. au res] du costé Li abati tout contreval, La moitié de la teste aval, Et l'espaule si con me semble. (Dame Lycorne G., c.1349-1350, 182). ...le seigneur de Warenbon, lequel eut le nez abatu d'une taillarde (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.4, c.1444-1453, 407). ...l'un d'iceulx fut fort navré, et tellement que tout le devant de son visaige lui fut abatu d'un cop d'espée, et lui pendoit le visaige à sa peau sur sa pettrine. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 60).

 

.

"Faire tomber [une dent]" : Atant sailhit Sadoyne avant et le ferit sy qu'il luy abatit III dens de sa bouche. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 54).

 

.

[Par une opération chirurgicale] "Enlever, exciser" : Le bon maistre garist et drame L'ueil empeschié de catharacte, Dou quel il couvient qu'il abate Par soutil engien une toie Qui la clarté tient et desvoie (MACH., R. Fort., c.1341, 56).

 

.

Abattre les cornes. V. corne

 

3.

"Jeter vers le bas"

 

a)

[Une pierre, un rocher...] "Précipiter" : ...nous veismes cheoir les grosses pierres comme muiz a vin que iceulx massons abatoient (Voy. Jérus., c.1395, 67).

 

b)

"Faire tomber" : Et le chien vint devant les tables et quant il voit Macquart, des(o)u(b)z la table sailloit : couples, hanaiz, pain et chair abatit et aherdit Macquart par les espaullez as dens et le parçoit tout oultre ; et Macquart [crie], qui la doleur sent. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 129).

 

c)

"Mettre à terre" : Et la [pour prendre le loup, dans un buisson] doit tuer un cheval ou un buef ou autre beste grosse et prendre les quatre membres, cuisses et espaules et les porter et non pas trayner es grans forestz par les quatre parties du buisson. Et, quant chascun de ces quatre compaignons seront es forestz la ou chescun doit fere son trayn, si doivent abatre leur char et lier a la cueue de leurs chevaux et trayner par les voyes et carrefours des forest[z] et puis revenir touz jours en traynant juques la ou la beste est morte et laissier yqui chascun son traïn. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 237).

 

-

Abattre qqc. dessur (de sur) qqc. "Jeter qqc. à bas de" : ...mais aus Rommainz venoient vivres de la cité de Arpos, mais touteffois estoit ce si petitement que li chevalier occupé de veillier, de ester et de [ouvrer], aloient a Arpos querre le fourment sur leurs chevaux, si que moult de fois couvenoit il que il abatissent le fourment dessur leurs chevaux pour eulx combatre aus ennemis. (BERS., I, 9, c.1354-1359, 13.10, 24).

 

-

Abattu. "Que l'on abat, que l'on précipite (sur)"

 

.

P. métaph. "Déchaîné" (éd.) : Pourquoy perit nostre ordinaire rage ? Que nous prouffitent noz ires abatues ? (ANTITUS, Poés. P., c.1500, 6).

 

4.

"Abaisser brusquement (un objet qui pivote, un pont-levis...)" : Et Clarembaut, qui cuida que ce feussent amis, fist abaissier le pont, et ouvry la porte, et vint, lui XIJe, tous armez, sur le pont. Et l'escuier et sa route, quant ilz voient le pont abatu et la porte ouverte, si se traient le chemin le plus prez qu'ils porent. (ARRAS, c.1392-1393, 203). Aussitost que vous aurez pris le guet du bollevart, o ces quatre crocz, vous prendrez le bout du pont-leveys et tirerez à vous et l'abatrez sans point de faulte ; car vous le trouverez ouvert. (BUEIL, II, 1461-1466, 125).

 

Rem. Sens affaibli de "abaisser (peut-être plus bas que l'horizontale)" (abattre une banniere) : doc. fin XVe s. (...le premier chambellan, qui semblablement abatra la banière), que nous communique P. Enckell (La vraie ordonnance ... pour l'enterrement du corps du bon Roy Charles huytiesme, Collection de pièces fugitives pour servir à l'histoire de France, publiée par Léon Techener, 1875, 38).

 

5.

"Marteler (les rayons et les rainures dans la surface active de la meule d'un moulin)" : ...pour avoir abatu les royes des meulles du molin d'escorce et pour avoir engravé l'asse ens es dictes meulles (Doc. 1419. In : Y. Coutant, Terminol. du moulin médiév. dans le comté de Flandre, 1994, 455).

 

6.

Abattre le pain. "Ramasser avidement du pain ou, plus gén., des dons, de l'argent" : Item, je laisse aux Mendïans, Aux Filles Dieu et aux Beguines, Savoureux morceaulx et fryans, Chappons, flaons, grasses gelines, Et puis prescher les .XV. signes Et abatre pain a deux mains. (VILLON, Lais R.H., c.1456-1457, 26).

 

-

Abattre blé et bois : Item, a ses jolys verbois Je laisse abatre blé et bois, Courir, saulter, saillir en haines, Frainguer et dancer "hault le bois" (HAUTEV., Conf. Test. am. tresp. B., c.1441-1447, 57).

B. -

[Le compl. d'obj. désigne une chose concr. ; le suj. un phénomène naturel]

 

1.

"Atténuer, tempérer" : ...la grant chaleur dou soleil N'iert ja si chaude a desmesure, Ne pleinne de si grant ardure, Qu'un petit de vent ne l'abate (MACH., D. Lyon, 1342, 195).

 

-

Prov. Petite pluie abat grant vent. V. vent

 

2.

"Faire disparaître (par évaporation)" : Si qu'adonques ceste rousée Dont sa chaleur est arrousée Le vent de ses soupirs abat (MACH., D. Lyon, 1342, 194). Mais je m'en reving a l'ostel Pour le chaut qui ja la rousée Abatoit, qui estoit levée (MACH., Voir, 1364, 44). ...le beau soleil abat et depart les broullas (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 45).

 

3.

"Détruire, renverser" : ...predist aussi les portans des feux et tremblemens de terre qui furent en Chippre et en Roddes, par lequel furent abatues les ydolles de cuyvre de LXX couldées de hault (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 62 r°). Puis lui dist : "Sire, souviengne vous que les arbres, tant plus sont ilz vers et haulx, de tant plus sont ilz abatuz et est souvent advenu que les cruelz lions ont esté pasture aux petiz oyseaux". (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 64 v°).

C. -

[Le compl. d'obj. désigne une pers. ou un animal]

 

1.

Au propre

 

a)

"Faire tomber, renverser" : Ne lor chaloit d'estre batuz Ou entre les piez abatuz Ne de recuillir la monnoie Que l'en getoit parmi la voie (Tomb. Chartr. W., c.1337-1339, 102). ...lequel Clos il poursuirent (...) et ycellui attaindrent environ la place aus Chas, en laquelle place il le abatirent à terre de plusieurs cops de bastons qu'il lui donnerent (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 101). Nous quatre, abatons ces corps ! (Pass. Auv., 1477, 248).

 

-

Abattre qqn à terre : Ton grant orgueil est bientost ravalé : Il m'est advis tu deusses avoir honte Si de legier quant Beauté te surmonte Et a mes piez t'a abatu a terre. (CH. D'ORLÉANS, Ret. am. C., 1414, 9).

 

-

Abattre qqn de qq. part. "Le faire tomber de" : Je fu en fleur ou temps passé d'enfance, Et puis aprés devins fruit en jeunesse ; Lors m'abaty de l'arbre de Plaisance, Vert et non meur, Folie, ma maistresse. (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 130).

 

-

Qqc. abat qqn : ...ainsi t'abatoit la vision de l'ange Gabriel (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 124).

 

-

"Renverser, coucher" : ...s'il le faisoit, abatuz Seroit de sa mére et batuz Dessus ses fesses. (Mir. Pierre Changeur, c.1378, 249).

 

-

[Dans un cont. érotique] Abattre une femme : Lors le base et acole, là devient si joïeus Que delès un busson qui estoit nentilleus, Abati la roïne ; onques n'en fu honteus. (Baud. Sebourc B., t.1, c.1350, 380). Ne t'y fie, galin, galant. Se d'aventure les abas [les femmes] Ainsy que l'en se va galant Ne met ton coeur en ce cabas. Soyes certain, et n'en debas, Femme perchee soubs la barre De chasteté ou au plus bas Toudis coule, et mal on la barre. (MARTIN LE FRANC, Champion dames I-II, P., 1440-1442, 209). ...quelque part qu'il enconstrast sa femme, il l'abbatoit, fust en sa chambre, fust en l'estable (C.N.N., c.1456-1467, 87). Et par ce semble qu'il ne fauldroit Qu'abbattre femmes en my les rues. (COQUILL., Oeuvres F., 1478-p.1494, 37).

 

-

Le sommeil abat qqn. "L'accable jusqu'à le faire tomber" : Le someil m'abat : que feray ? (Mir. st J. Paulu, c.1372, 113).

 

b)

En partic. "Faire tomber, jeter violemment à terre (un adversaire, dans un combat)" : Atant esvous le duc Anthoine, l'espee ou poing. Quant il appercoit ses gens reculer, par poy qu'il ne desue de dueil. Lors escrie Lusegnen a haulte voix, et se boute entre les Sarrasins plus roidement que fouldre ne chiet du ciel. Et fiert a dextre et a senestre, et rompt et abat quanqu'il encontre ; et ses gens le suivent au doz, qui sont tous esbahiz de ce que ilz lui voient faire. (ARRAS, c.1392-1393, 184). Lors s'en vont a l'encontre du soudant, les lances baissiees. La ot fiere assemblee, car en pou d'eure furent Sarrasins desconfiz, car si bien les recueillent crestiens que pou en y ot qui n'abatist le sien aux lances baissier. (ARRAS, c.1392-1393, 230). Les freres vont, toutes les batailles desrompant, et mettent tout en fuye. Et fu le duc d'Osteriche abatu d'un reuvers que Gieffroy lui donna, et fut erraument saisi. (ARRAS, c.1392-1393, 287). ...lors damp Abbés estant sa jambe (...) puis tout a coup se deslye et par dehors le trousse, tellement que (...) sur l'erbe vert l'abati (LA SALE, J.S., 1456, 281). Il fait perilleux marcher devant ses ennemiz. Et, en quelque manière que ce soit, on doit tousjours tascher que son ennemy marche devant soy ; car on y apprent moult. Si ung homme lutte et il entre le premier à la lutte, communéement il est abatu. (BUEIL, I, 1461-1466, 199).

 

-

Abattre à terre / par terre : ...car cilz, plainz de doleur et d'ire, prist le maistre des chevaucheurs rommainz et l'abati a terre et l'occit et murdri (BERS., I, 9, c.1354-1359, 22.9, 41). Lors commenca la jouste forte. Bien le fist le conte de Poictiers et le conte de Forestz et les Poictevins. Mais les chevaliers de l'espousee fesoient merveilles d'abatre chevaulx et chevaliers par terre. (ARRAS, c.1392-1393, 40). Et le roy Fedric fiert un payen par telle force que il l'abat mort par terre. (ARRAS, c.1392-1393, 180).

 

-

Abattre à la terre : Le monstre a ce cop haulça la teste et fierement vint recontrer Jason de toute sa pesanteur, tellement que Jason fu abatu a la terre (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason, c.1460. In : Chrestom. R., 168).

 

-

Abattre adens contre terre : ...sa queue vint ferir Jason au dos et l'abaty adens contre terre. (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason, c.1460. In : Chrestom. R., 168).

 

-

Abattre [l'adversaire de son cheval] : ...et ly fendirent la teste de jusarmes, puiz que fu abatu de son cheval (BAYE, I, 1400-1410, 206). ...ung gentilhomme, nommé le seigneur de Saint-Quentin, fut en ladicte saillie ou escarmouche abatu de dessus ung bon coursier dessur lequel il estoit monté (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 97).

 

-

Part. passé en empl. subst. "Celui qui a été renversé, que l'on a fait tomber" : La noise fu grant du charpenteis des espees, des haches, des brans, du bruit et du cry des abatuz et navrez et du son des trompettes. (ARRAS, c.1392-1393, 161).

 

.

Prov. L'abattu ne cesse de lutter : Tousjours veullent luitier les abbatus. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 182). Car l'abattu ne cesse de luictier. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 207).

 

c)

"Faire tomber d'un coup mortel" : Quant Herculès se combati Atheleüs, qu'il abati, Pour la bele Deyamire (MACH., C. ami, 1357, 95). ...tant en tue et blesse, Tant en abat, tant en pourfent, Qu'il en a ocis plus de cent. (MACH., P. Alex., p.1369, 94). [Les partisans du comte de Montfort] ocirent, mehagnierent et abatirent biaucop de gens (FROISS., Chron. D., p.1400, 814). ...ung chevalier thebien, courant parmy le champ, l'abatit de sa lance et la lui passa par le corps. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 60 r°). ...pour tuer, fouldroyer et abatre Poiltrons Lombars (LA VIGNE, V.N., p.1495, 280).

 

-

[De la mort] : Vous plaist il mieulx me veoir oultrer Mort devant vous pour voustre esbat, Que pour un confort demoustrer Respitier la mort qui m'abat ? (CHART., B. Dame, 1424, 356).

 

d)

Abattre [l'ennemi]. "Détruire (l'ennemi), l'anéantir" : ...mais quelle bataille porroit de touz poinz abatre les Romainz, lesquelz Caudie et Cannez ne porent onques brisier ? (BERS., I, 9, c.1354-1359, 19.9, 36). Peu de gent et de menu taille Abat souvent grosse puissance ; Fortune en fait et en detaille Tout bien souvent a sa plaisance. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 482).

 

e)

Abattre [un animal]. "Renverser (un animal) et le tuer" : Ce sera nostre grant deffault Se soudainement l'abatons Avant que nous nous esbatons A li chacier. (Mir. fille roy, c.1379, 101). Tost sera le cerf abatus Par eulz [les chiens], je ne m'en doubte mie. (Gris., 1395, 25).

 

f)

"Précipiter" : Saint Marcïal, apostre d'Aquitaine, Le miroër et prince de vertus, Garde tes sers d'encourir celle peine Que seufrent ceulx lesquelz sont abbatus Au puiz d'enfer avecques Tentalus (Prières saints R., t.1, c.1488, 40).

 

-

Abattre [un oiseau]. "Précipiter (un oiseau) et le tuer" : Car a son retour s'embati Vers une aigle, se l'abati. (MACH., D. Aler., a.1349, 356). J'ay veu maintenant devaler Trop beau hairon sur la riviere, Si fault aviser la maniere Comment il pourra estre attaint ; Car se mon faulcon le rataint, Je vueil que je soye batu, Se bien tost ne l'a abbatu, Car assez est duit du voler. (Gris., 1395, 6).

 

-

Abattre [un oiseau] du nid. "Arracher (un oiseau) du nid" : J'ai de columbiaus une paire, Qu'alai l'autrier d'un ny abatre (MACH., Voir, 1364, 284).

 

g)

CHASSE

 

-

Abattre les chiens (après). "Lancer les chiens (après la bête)" ; : Et puis abat ses chiens courans, Bons pour renart et bien chaçans (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 393).

 

-

Abattre le chien sur le sang. "Lâcher le chien pour qu'il suive la trace du sang de la bête blessée" (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 293) : Et puis abat ses chiens courans, Bons pour renart et bien chaçans (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 393).

 

2.

P. anal. "Affaiblir, fatiguer" : ...je vous conseille que vous attendez encores tant que Flamine soit en meillieur point, a cause du traveil de la mer qui moult fort l'a abatue. (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 161).

 

3.

Au fig.

 

a)

[Dans un cont. érotique] "Faire céder" : ...s'elle n'eust esté de Paris, et plus subtile que foison d'aultres, son gracieux langage et les promesses qu'il fait pour son maistre l'eussent tout a haste abatue. (C.N.N., c.1456-1467, 121).

 

b)

"Accabler, détruire (moralement et/ou physiquement)" : ...et lez autres prousomoyent que c'estoit le pechié enfernel qui ainssi nous avoit mallement abatus (CAUMONT, Voy., p.1420. In : Chrestom. R., 71). Vieillesse, la mer de courrous, Qui tout abat et amaine au dessoubz (CH. D'ORLÉANS, Songe compl. C., 1437, 100). ...l'omme y est [en ce monde] (...) moullié tout environ de moult d'erreurs, abatu par moult de labeurs, agrevé de temptacions (Internele consol. P., 1447, 210). L'orgueilleux est premier assis, Il se vieult comparer a six, Si dy je voire, bien a vingt, Oncques autrement il ne advint, Et menace les gens a batre. Pour ce Dieu le fera abatre. (ALECIS, ABC P.P., 1451, 13). Despouille ton orde chemise De peché, dont tu es vestue, Ou certainement je t'avise Qu'en brief te verras abbatue. (Cene dieux, c.1492, 137).

 

-

Abattre qqn de tout honneur : Se vient encontre toy combatre, Pour toy de toute honneur abatre (MACH., R. Fort., c.1341, 88).

 

-

"Réduire à quia" : La seconde raison l'abbat Et vueil qu'elle soit exprimee, Car la commune renommee A, passé a grant temps, couru Qu'il est des disciples Jhesu, Ses cerimonies tenant, Et bien monstre le maintenant (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 371).

 

-

"Terrasser (dans la bataille spirituelle) ; d'où ôter toute joie intérieure" : Je te confesseray, Sire, mon enfermeté. Petite chose me abat souvent et me contriste. (Internele consol. P., 1447, 125). Se je [Dieu] t'envoie griefveté ou quelconcque contrarieté, ne t'en indigne ja, n'en soit ja tout ton cuer abatu. (Internele consol. P., 1447, 160).

 

-

Estre abattu de. "Être jeté à bas, précipité d'un état (moral) supérieur dans un état inférieur" : [L'âme dévote] ne peult estre (...) de la perfection et haultesse de vertu abbatue ne dejectee. (Disc. amour divine, 1470, 116).

 

-

Empl. pronom. Se laisser abattre. "Se laisser décourager, se laisser retenir dans l'action" : Nous nous laissons icy abatre Sans parler ne porter effect (LA VIGNE, S.M., 1496, 181).

 

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Se laisser abattre sous. "Se laisser dominer, détruire, décourager" : On vous devroit batre, Et moustrer au doy, Se dessous sa loy [de Souci] Vous laissez abatre. (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 319).

 

-

Abattu. "Découragé, accablé" : Pour ce estoie tous abatus Que la voy a trop grant dangier, Et se faisoit joie estrangier De moi, si que je ne savoie Comment meintenir me devoie (MACH., Voir, 1364, 110).

 

.

Lassé et abattu. "Épuisé" : ...et aussi du paÿs de Puille li Traveys et li Canusin, lassé et abatu par maintes depopulations faites par Plaucius le consul, se rendirent et vindrent en dedicion. (BERS., I, 9, c.1354-1359, 20.4, 38).

 

c)

[Le compl. d'obj. désigne un groupe organisé, une communauté] "Démanteler" : En dedens briefs jours, la ville de Gand sera la plus honnouree ville des crestiiens ou li plus abatue (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 213). ...il n'est si riche maison, si noble ou ferme cité, et puissant royaume, si estable empire que ceste beste infernale qui est composee de deux vices qui semblent contraires, c'est assavoir de prodigalité et de rapacité, ne perde et abate ne degaste, ne subvertisse du tout en tout se elle s'i embat et y demeure. (GERS., Noël, p.1404, 309). En ce temps, le roy fist casser et abatre tous les francs archiers du royaulme de France, et en leur place y voult estre et demourer pour servir en ses guerres les Souysses et picquiers. (ROYE, Chron. scand., II, 1460-1483, 103). ...vous sçavez (...) que les francs archers furent abatuz, les habillemens de guerre d'iceulx francs archers demourerent es mains des fabriqueurs ou parroissiens de chacune parroisse (Lettres Ch. VIII, P., t.1, 1487, 141-142).

 

d)

Empl. pronom. S'abattre de son tour. "Passer son tour (au jeu) (?)" ; d'où "rester inactif" : Je prens en mes mains voz debas Desormais, mon cueur et mes yeuls : Se longuement vous seufre tieuls, Moy mesmes de mon tour m'abas. (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 464).

 

Rem. W. Rothwell (Z. rom. Philol. 109, 1993, 38) relève, dans un texte anglo-norm. de 1337 (Year Books... Edward III, 11-12, 279), s'abatirent sur lour possession, au sens de "entrer en possession de, prendre possession de".

D. -

[Le compl. d'obj. désigne une chose abstr.]

 

1.

"Diminuer, réduire" : ...li rois d'Engleterre (...) ne cessa mies de envoiier devers les communautés de Flandres grans messages, et de faire grans prommesses pour detenir leur amisté et abatre l'opinion dou roy Phelippe, qui trop fort [les] pressoit d'yaus retraire à sen amour. (FROISS., Chron. L., IV, c.1375-1400, 31).

 

-

"Entraîner le rabais de la valeur de..." (synon. rabattre) : Mais quant aucun tient à hommage à service annuel comme de deux ou troys solz qu'il fait à son seigneur dont il tient, ledit service annuel abat le cheval de service qui seroit deu par la mort du vassal, mais en lieu de cela le denier de service vault l'an que le vassal est allé de vie à trespassement douze deniers, et ainsi troys solz vauldront trente et six solz, et de plus plus, et de moins moins. (Vieux cout. Poitou F., c.1451-1454, 238).

 

Rem. Un des ms. apporte la précision suivante : «...et sont appellez chevaulx de service pour ce que anciennement le nouvel vassal devoit à son seigneur en tel cas de mutacion ung cheval».

 

-

Part. passé en empl. adj. [D'une monnaie] "Qui n'a plus cours" : ...vous avez souffert, souffrez et tollerez chascun jour toutes monnoyes estranges, qui sont abatues et n'ont aucun cours par lesdictes ordonnances (Lettres Ch. VIII, P.M., t.5, 1489, 222).

 

.

Part. passé en empl. subst. "Denier qui n'a plus cours" (Fr. Möhren, Le Renforcement affectif de la nég., 1980, 39) v. A2b

 

2.

"Mettre fin à" : Ainsis fumes en grant debat, Que chascuns de nous se debat En soustenant s'entention. Mais n'i ot pas conclusion, Pour ce c'uns sires s'embati En ma chambre, qui abati Nos paroles et nos debas (MACH., Voir, 1364, 288). Il nous fault appaisier ces Londriens (...) et abattre ce tant d'escandele qui maintenant s'eslieve contre nous (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 34). ...[si les seigneurs du Hainaut] euissent abatu otant les errederies, demandes, requestes, calenges et oppinions dou roi d'Engleterre que il les ont eslevé, de la guerre n'euist riens esté (FROISS., Chron. D., p.1400, 351). Affin d'abattre la querelle Et l'estime qui en venroit, Nous requerons comment qu'il soit Qu'il vous y plaise pourveir (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 220). Quant l'orde et ville dominacion des mages fut oppressee et abattue (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 30).

 

-

Abattre la coutume de. "Rompre l'habitude de" : Dont cesti fu li premiers de tous les roys Romainz qui abatit la coustume de fere les besoingnes par le conseil du senat, ains administra l'empire par conseilz privez (BERS., I, 1, c.1354-1359, 49.7, 83).

 

-

Abattre ses jeux. "Mettre fin aux jeux" : Et des que j'avray fait cecy [mariage] Penser et paine me sourdra, Que trop penser me couvendra Pour l'estat ma femme et de moy, Et mon deduit en perderoy, Et me fauldra mes jeux abatre, Auxquels je me soulois esbatre. (Gris., 1395, 14).

 

3.

[Idée de destruction]

 

a)

"Briser, réduire à néant" : Qui pert en champ son servitour, L'onneur, la bonté, la haultour Qui demeure, abat la tristour. (CHART., L. Dames, 1416, 291). Il est force qu'on y besoigne Ou nostre fait est abatu. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 297). Toute la grand triumphe qui en cest hostel souloit comblement abunder est par ce cas abatue (C.N.N., c.1456-1467, 32).

 

-

Abattre l'orgueil. "Rabattre l'orgueil, l'anéantir" : Dont maint grant orgueil abati. (MACH., C. ami, 1357, 106). ...ta grace en eulz si embates, Que leur orgueil du tout abates (Mir. ste Bauth., c.1376, 119). S'il a pooir de leur orgueil abatre. (MACH., L. dames, 1377, 230). ...li rois Phelippes (...) ot en convenant au conte Lois de Flandres (...) que jamais n'enteroit en la chité de Paris, si averoit esté en Flandres et abatu l'orguel des Flamens, liquel estoient revelé a l'encontre dou conte (FROISS., Chron. D., p.1400, 175). ...par batailles abaty Le grant orgueil, tant combati. (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 237). Mais a present Dieu pour toy se combat Et se monstre du tout de ta partie ; Leur grant orgueil entierement abat, Et t'a rendu Guyenne et Normandie. (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 157). ...la permission divine souffre violler les saintz lieux pour abatre le viollent orgueil de ceulx qui s'en attribuent l'onneur et la seigneurie arrogaument. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 60).

 

-

Abattre le nom de. "Rabaisser le renom de" : Car vostre nom abateray Et vostre honneur affaceray. (Mir. pape, 1346, 381). Telle deshonneur me fera Que le nom il m'abatera De mére de misericorde (Mir. pape, 1346, 382).

 

-

Prov. : Grand tristesse abbat grant joye. (Pass. Auv., 1477, 108).

 

b)

"Abolir" : ...[Jhesus] fait merveille de prescher Et d'abatre et de trebucher Noz editz et noz drois legaulx. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 221). Se ["ainsi"] rendi as bourgois sans contradissïon Leur francques libertés et leur posessïon Et abaty les drois d'Aubuïn le felon (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 607).

 

Rem. Sens fréquent en anglo-normand (AND2, 8a). Cf. aussi : [Charles V, à son lit de mort (16 septembre 1380), au château de Beauté-sur-Marne, abolit les aides sous forme de fouages] désirans eux [ses peuples] relever en aucune partie des aydes à quoy ils ont esté imposez... yceulx fouages avons abatuz et abatons (Ordonnance de Charles V, 1380. In : F. Lot, R. Fawtier, Hist. des instit. fr. au Moy. Âge, t.2, 1958, 262).

 

c)

"Neutraliser, briser l'effet de" : ...pour oster les suspeccions et abattre les parolles des gens (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 170).

 

d)

"Détruire par la critique" : ...vous voullant bien advertir, Sire, que pas ne devez tollerer, ne souffrir que ceste science tant encienne, noble et utille, qui jusquez cy par tant de si grans gens a esté excercée, soustenue et pratiquée, maintenant au seul appetit desordonné de telx ignorans et detracteurs, durant vostre resgne soit ainsi et ou contempt de vous chassée, abatue et villipendée (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 6 r°).
 

DMF 2020 - Synthèse Robert Martin

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