C.N.R.S.
 
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     ABANDONNER     
FEW XV-1 48b *ban
ABANDONNER, verbe
[T-L : abandoner ; GD : abandoner ; GDC : abandoner ; AND : abanduner ; DÉCT : abandoner ; FEW XV-1, 48b : *ban ; TLF : I, 41a : abandonner]

I. -

Empl. trans.

A. -

Abandonner qqc. à qqn

 

1.

"Laisser qqc. au pouvoir, à la discrétion de qqn" : As dames comper proprement Qui hont maris preux et vaillans Sy que leur havoir et leur temps, Coeurs et corps, desir et penser, Ne vuelent mie abandonner As estragnes bacheleries U elles ne sont pas loÿes (Dit prunier B., c.1330-1350, 43). Tout son païs m'abandonna Et de ses joiaus me donna Liberalment et largement (MACH., F. am., c.1361, 243). Se parti, moult bien m'en remembre, Vingt huit jours dedens septembre, Pour aler faire l'ordenance Dou païs et la gouvernance Qui à son hoir li est donnez Ligement et abandonnez. (MACH., P. Alex., p.1369, 224). Que j'estoie euüreus sur tous, Quant lieus si biaus, si gens, si dous, Si gracïeus, si aaisans, Si delitables, si plaisans Et si bien duis et ordenés M'estoit ainsy habandonnés. (Echecs amour. K., c.1370-1380, 99). Beaulx seigneurs, faictes cy fonder vostre prieuré, et prennez tant de place que vous vouldrez. Je vous abandonne la forest pour prendre bois a charpenter, et, quant ly moyne y seront estably, je leur en donne pour leur ardoir, et tous leurs adherens et habitans. Et leur habandonne la pescherie en la mer qui est prez de ceste place, a ung quart de lieue (ARRAS, c.1392-1393, 75). ...ledit messire Charles de Valois, fils du roy Charles VI e, derrain trespassé (...) avoit abandonné à ses gens ladicte ville de Paris et les habitans d'icelle (FAUQ., II, 1421-1430, 324). A feu et a sang, a rigueur ! Tout ce pays vous habandonne, Sans mercys ne quelque doulceur. (Myst. Viel test. R., t.5, c.1450, 249). Et, quant a moy, corps et avoir Vous habandonne, sans refraindre (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 54). Ad vous je veulx habandoner Tout ce que vous demanderés ; La moitié de mon reaulme aurés, Si le voulés, mon Dieu, vous jure. (Pass. Auv., 1477, 95).

 

-

"Laisser à qqn le bénéfice de qqc." : Charles toutes les dismes entier abandonat qu'il amointoit a l'empire, au Danois en nom del eglise (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 89).

 

-

DR. Abandonner ses biens. "Mettre ses biens à disposition, les céder" : Aujourdui Thomas Lostellier, prisonnier, affirmant par serment qu'il est tenuz envers plusieurs et diverses personnes, en pluiseurs et diverses sommes de deniers, tant par lectres etc., et qu'il n'avoit de present aucuns biens dont il leur peust faire paiement, gré ne satisfacion, si comme il disoit, a habandonné en jugement par devant nous tous ses biens quelzconques, envers ses diz creanciers, et jura par serment que, se il venoit a fortune de biens, il contenteroit sesdiz creanciers senz fraude, auquel abandonnement, nous le receusmes, au regart de ses debtes non privilegiées (Sent. Chât. Paris M., II, 1396, 625).

 

2.

"Donner qqc. à qqn" : ...et tant pour ce qu'elle nous en a donné et abandonné. (Mir. femme, 1368, 181). Si me pris d'elle m'approcher [une damoyselle] Mais tantost des noix me donna Et toutes les m'abandonna, Dont je mangay ou trois ou quatre Pour passer le temps et esbatre (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 163).

 

-

Abandonner qqc. à qqn par don : Et en la fin luy abandonne Les trezors celicques par don. (Vie st Eust. 2 P., c.1400-1450, 193).

 

3.

"Accorder qqc. à qqn, le lui offrir" : Or m'as voulu grace donner Et ta pitié habandonner (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 356). Il nous a fait ung grant honneur Et bien sa grace habandonnee Quant puissance nous a donnee De retenir et pardonner A qui voudrons pardons donner : C'est ungne noble liberté. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 417). JOB. Mauldict soit l'heure que fus né ! La nuit, le jour perisse aussi Que fus conceu, quant suis ainsi Logé en ce lieu tenebreux ! Or vois je que a gens malheureux Lumiére tresclére est donnée, Et ne m'est pas habandonnée ; Mais suis couvert d'obscure nue. (Myst. Viel test. R., t.5, c.1450, 38).

 

-

[Dans le domaine de l'amour] : J'aim loiaument de cuer et sans retraire La plus trés belle et le plus dous viaire Qu'onques encor Nature peüst faire, Qui me donna Jadis son cuer tout et abandonna. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 116). Amours scet bien ses biens abandonner Aus fins amans qui sont en son hommage (MACH., L. dames, 1377, 102). ...je n'ay pas failly De choisir dame tresmignonne : Cueur et corps je luy habandonne (Myst. Viel test. R., t.4, c.1450, 180). ...vous voisés seullement Vers elle prier doulcement Que son amour vous abandonne. (P. moyne, a.1500, 50).

 

.

Prov. : Femme qui donne s'amour habandonne (Garin Mongl. K., c.1460-1465, 110).

 

-

Abandonner qqc. envers qqn : Quant Pitié vit que franchement Voulu mon cueur abandonner Envers ma Dame, tellement Traitta que lui fist me laisser Son cueur (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 38).

 

-

Abandonner qqc. pour qqn : Las ! or ne deusse je penser Qu'a le [mon coeur] garder et chier tenir, Et non pour tant, mon seul desir, Pour vous le vueil abandonner. (CH. D'ORLÉANS, Chans. C., c.1415-1440, 225).

 

4.

[D'une femme] Abandonner son corps à qqn. "Se donner à qqn (par prostitution)" : ...elle a fait de son corps sa volenté, et icellui a abandonné à tous bons compaignons qui d'elle ont volu faire leurs plaisirs et voulentez (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 328).

 

5.

Abandonner qqc. [subst. d'action ; inf. subst. ; le neutre] à qqn. "Donner à qqn la liberté de faire qqc., le lui permettre" : Et si avoit IJ escuiers A qui li roy abandonna L'aler, et congié leur donna. (MACH., P. Alex., p.1369, 178). En cel pay[s] n'espousat oncquez homme feme : toute commune chascune femme estoit, ainsy que chiens, et en tous lieux l'ung a l'aultre habitoit. Et dient que ce seroit pechié se une femme reffusoit, et Dieu l'avoit ainsy abandonneit pour le siecle multiplier. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 159). Le duc d'Athenes abandonne A ses gens le pillage et donne. (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 326). Puys que vous fuyez, La fuytte m'est habendonnee. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 707).

 

6.

Empl. trans. indir. Abandonner à qqn à / de faire qqc. "Laisser qqn libre de faire qqc., le lui permettre" : Mais s'il m'estoit abandonnez De lui vëoir a mon loisir, S'i penroie moult grant plaisir (MACH., D. Aler., a.1349, 310). Comment Courtoisie le rechut et li habandonna a aler par tout. (Echecs amour. K., c.1370-1380, 97). DIEU [à Sathan]. Tu allegues d'estranges motz, Des quelz je sçay tout le contraire ; Mais a toy et a tes suppotz J'abandonne a luy malfaire, Car il est simple, debonnaire, Qui vit sans discort et sans blasme. Faictz donc de son corps voluntaire Ce que tu veulx, mais garde l'ame. (Myst. Viel test. R., t.5, c.1450, 26). ...et conclurent d'aller le lendemain courre tout le payz et de mettre leurs estandars en ung petit villaige et, là, faire l'escalle jusques ad ce que leurs gens fussent retournez, et de chascun estandart demourroit le tiers o la compaignye et habandonnoient à tout le monde à courir, ainsi qu'ilz fussent retournez ce soir à leurs estandars, et, si n'y estoient le soir, on ne les attendroit plus. (BUEIL, II, 1461-1466, 89).

B. -

Abandonner qqn à qqn

 

1.

"Livrer qqn à qqn" : Et, comme ung meschant condempné, On vueult qu'il soit habandonné A tout le monde en general. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 354). Demourez, ribault, demourez. Par le grant Dieu, vous y mourrez : Le roy a nous vous habandonne. (Myst. Viel test. R., t.4, c.1450, 296). De leur sang auray mainte goutte Puis qu'ilz nous sont habandonnez. (Myst. Viel test. R., t.5, c.1450, 57).

 

-

"Livrer [un animal] à un autre" : Se en aucune cense ou metoirie a foucq de brebis, et aprés la disme payee des aigneaulz, l'en ne presente chascun an et habandonne ung aignel au loup, si le prent il depuis non obstant toute garde. (Ev. Quen., II, c.1466-1474, 130).

 

-

"Livrer [le corps de qqn] à [un animal]" : LE IIe CRESTIEN. C'est tresgrant inhumanité De veoir noz freres crestiens Habandonnez aux loups et chiens ; Je vous pry que nous les ailons De la hoster, et empourtons Aultre part, pour les sevelir (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 162).

 

2.

"Confier qqn à qqn" : NOSTRE DAME. (...) Luy [Jésus-Christ] estant es cieulx Ains qu'il fust mortieulx, J'ay ferme credence Qu'il estoit tout vostre en presence Sans estre a moy habandonné. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 284). Or sa, mon filz Jacob, pensez D'aller ung petit reposer Et de fait ma fille espouser ; Allés, je la vous habandonne, Et plaine puissance vous donne De communicquer avec elle. (Myst. Viel test. R., t.2, c.1450, 210). A Dieu, pére ; priez pour nous. Puis que vous nous avez données A Jacob et habandonnées Par coppulacion humaine, C'est bien raison qu'il nous amaine La ou Dieu luy enseignera. (Myst. Viel test. R., t.2, c.1450, 247).

C. -

Abandonner qqc.

 

1.

"Cesser de tenir, lâcher qqc." : Lors le seigneur de Loissellench abandonna sa lance pour soy joindre a Saintré (LA SALE, J.S., 1456, 165). ...il getta sa lance, abandonna la bride de son cheval et perdit son espée (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 375).

 

2.

Au fig. "Donner libre cours à qqc." : Et ceulz qui en peuent avoir plus ou qui en ont plus, ilz les [querelles et rivalités] abandonnent, eslargissent et emploient en leurs concupiscences pour acomplir du tout leurs passions et leurs desirriers, en condescendant et obeïssant a la partie de l'ame qui est irracionele. (ORESME, E.A., c.1370, 478). LE MARESCHAL. (...) Veez les saillir : soient rebutés ! LE MARQUIS. Mareschal, ne vous en doubtez, Car par noz dieulx ne pour mourir L'on en verra de bien marrys, Car mon vouloir si habandonne. (Pac. Job M., c.1448-1478, 269).

 

-

Abandonner la bride à qqc. "Laisser toute liberté d'action à qqc." : [Mahomet] Tu devoies eslargir les loys estroictes, et tu as ouvert la voye et abandonné la bride a tout appetit sensuel. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 122).

 

3.

"Renoncer à la possession de qqc." : [Les Gantois révoltés, pendant leur guerre contre le comte de Flandres] il estoient si en unité que point de diferent n'i avoit, mès metoient avant or et argent, jeuiaulx et chavance, et qui le plus en avoit, il l'abandonnoit (FROISS., Chron. R., IX, c.1375-1400, 219). Qui n'a qu'un pain et l'abandonne, Il ne puet nourrir sa personne (DESCH., M.M., c.1385-1403, 199). ...mais luy [Jean d'Alençon] qui estoit josne enffant n'en voult riens faire, et ayma mieulx a abandonner tout le sien et garder sa loyaulté envers vous, que soy mettre en subgection de vos ennemis. (JUV. URS., Exort., 1458, 420). Pour toy servir et honnorer, Abandonner Tout ce que j'ay, Jhesus, vouldroye. (Pass. Auv., 1477, 131).

 

-

"Perdre (son honneur)" : Car quant sires, qui vuet honneur Et qui het toute deshonneur, Vuet faire ordener une chose, Se son serviteur s'i oppose, Qui plaint et pleure ce qu'il donne, S'onneur esteint et abandonne (MACH., P. Alex., p.1369, 53). ...quant dames veulent avoir pitié De leurs servans, leur moustrant amitié, Et de bon cueur aucun reconfort donnent, En ce faisant leurs honneurs abandonnent Soubz fiance de trouver leurs amans Secrez (CH. D'ORLÉANS, Ret. am. C., 1414, 12).

 

-

Abandonner [une fonction, un poste, une mission...]. "Laisser, quitter" : ...quans avons nous veu desobeir aux mandemens, (...) s'en aller a qui qu'en desplaise, abandonner leurs gardes (...), livrer les forteresces (CHART., Q. inv., 1422, 59).

 

-

Abandonner [une action habituelle]. "Laisser (une action habituelle pour une autre)" : Il fault que je cesse De dicter et de rimoyer, Et que j'abandonne et delaisse Le rire pour le lermoyer. (CHART., B. Dame, 1424, 332).

 

4.

"Renoncer à qqc. (de répréhensible ou qui peut conduire au mal)" : Qui de mal faire Se veult retraire, Griefves souffrances Luy convient traire (...) Toutes folles acoustumances, Jeuz, bancquetz, tabourins et dances Habandonner, pour a Dieu plaire. (ALECIS, Blas. faulses am. P.P., a.1486, 237). Saichez que suis entalenté D'abandonner les grans exces Que j'ay soubstenu et porté (LA VIGNE, S.M., 1496, 162).

 

-

Abandonner (le corps). "Renoncer (pour mortifier le corps)" : Certes, dist Estonné, je endure bien (...) pour le corps habandonner affin qu'il fust plus legier et allegié (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 13).

 

5.

Abandonner [son corps, sa vie...]. "Risquer, exposer" : Qui veist la gens abandonner vies et corps, et aprocier le pont (...) il se peuist grandement esmervillier. (FROISS., Chron. D., p.1400, 667). Aussi ceulx à qui Dieu fait la grace d'avoir bon corps, le doivent bien abandonner pour la foy de Nostre-Seigneur Jhesus-Christ et pour soustenir bonne querelle, non pas à boire d'autant et faire choses dissollues et desraisonnables ne excès sans cause, dont ilz ne sont requiz et ne prouffitent à eulx ne à aultrui, sans avoir consideracion de quelque bonne fin (BUEIL, II, 1461-1466, 21).

 

6.

Abandonner que. "Prendre le risque que" : Quelque povre homme que je soye Se ma dame tenir povoye Entre mes bras, dedens ung lit, J'abandonne qu'on me pendist Si bien tost sa grace n'avoye. (Parn. sat. S., a.1500, 94).

D. -

Abandonner (un lieu)

 

1.

"Quitter un lieu en renonçant au pouvoir qu'on y exerçait" : ...combien que de present les choses soient aucunement amendees par la venue des Angloys, car ceulx qui estoyent es places par crainte et paour les habandonnerent (JUV. URS., T. rever., 1433, 57). Après Gervaise tira à part le Jouvencel et luy dist : "Monseigneur, le duc Baudouyn et le conte d'Orte sont en si grant orgueil qu'ilz ne prisent ne Dieu ne homme et ont abandonné tout le payz de darrière et tous leurs gens ont tiré ès places qu'ilz ont prises, pour faire la guerre et pour gaigner..." (BUEIL, II, 1461-1466, 122). ...tous les autres cappitaines, lors estans en laditte ville de Beauvais, estoient d'oppinion de lesser et abandonner la ville, car il leur avoit esté remonstré que icelle ville n'estoit point tenable (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 288).

 

2.

"Quitter un lieu" : ...monter es nefs et abandonner Romme et aller habiter en autres regions (CHART., Q. inv., 1422, 49). Quant araigne se treuve sur quelque personne, c'est signe de bon eur. Et se arondes habandonnent la place de l'an passé pour autre, c'est le contraire. (Ev. Quen., II, c.1466-1474, 125).

E. -

Abandonner qqn

 

1.

"Mettre au ban, bannir qqn" : ...et abandonne le Roy leurs corps et leurs biens, et de tous leurs adherens en ce et complices (FAUQ., I, 1417-1420, 195).

 

2.

"Délaisser qqn, se désintéresser de lui, cesser de le soutenir" : ...lesquielx [les fils] se la guerre commence vous seront fors adversaires ou les peres vous ont esté loyaulx, et espoir une partie des peres, voyans que les avez habandonnés, vous habandonneront. (JUV. URS., Loquar, 1440, 395). Or n'ay je homme qui me sequeure : Tout chacun m'a habandonné (Myst. Viel test. R., t.4, c.1450, 268). Adoncques le Mareschal s'agenouilla et dist : "Sire, je ne vous sauroye plus recommander la besongne ; car je voi bien que vous l'avez assez à cuer. Et à vostre congié, Sire ; s'il me vient aucune fortune, je me recommande à vostre bonne grace." - "Ne vous soulciez, Mareschal, dist le Roy ; je ne vous abandonneray point en tant que touche mes biens ; de la vie je ne vous pourroye restituer." (BUEIL, I, 1461-1466, 176). Quant on voit sa querelle bonne et son sang bien combatre, la larme en vient à l'ueil. Il vient une doulceur au cueur de loyaulté et de pitié de veoir son amy, qui si vaillamment expose son corps pour faire et acomplir le commandement de nostre Createur. Et puis on se dispose d'aller mourir ou vivre avec luy, et pour amour ne l'abandonner point. En cela vient une delectacion telle que, qui ne l'a essaiée, il n'est homme qui sceust dire quel bien c'est. (BUEIL, II, 1461-1466, 21). Et si a le roy abandonné vostre maistre le connestable. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 349).

 

-

"Ne pas venir en aide à qqn" : Dieu mon pere, par ton [l. ta] bonté, A tous ceulx veulhes pardonner Qu'en ceste croix m'ont mis onté, Affin qu'on te puist mieulx louer. Pas ne les veulhes habandonner Pour ce qu'ilz ne sçavent qu'ilz font. (Pass. Auv., 1477, 216). Jamais le hault Dieu de lassus En rien ne t'abandonnera, Ains decoste toy, soubz et sus, De tresbon cueur s'ordonnera. (LA VIGNE, S.M., 1496, 535).

 

-

"Ne plus s'occuper de qqn" : Item, et a Noel Jolis, Autre chose je ne lui donne Fors plain poing d'oziers frez cueilliz En mon jardin - je l'abandonne : Chastoy est une belle aulmosne, Ame n'en doit estre marry - : Unze vings coups lui en ordonne, Livrez par les mains de Henry. ["je ne m'occupe pas davantage de lui, le chastoy que je lui destine étant un legs suffisant" (éd.)] (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 127).

 

3.

En partic. "Mettre fin à des relations d'amour, d'amitié, de solidarité avec qqn" : ...se leur roy est d'eulx abandonnez Par lascheté (CHART., B. Nobles, c.1424, 397). ...et maintenant pour un ribaut moynne dont vous estes acointie si faulsement et deloialment vous estes deshonoree et m'avez abandonné (LA SALE, J.S., 1456, 296).

 

-

Abandonner une femme : ...ung jacopin qui abandonna sa dame par amour, une bouchiere, pour une autre plus belle et plus jeune (C.N.N., c.1456-1467, 10). Quant une femme desire que son mary ne se double, prende son chat et le muce par deux jours soubz ung cuvier sans mengier ne boire, puis lui loie les .IIIJ. pattes ensemble bien ointes de bure, et lui donne pain tempré en son orine, et rien autre chose qu'il mengera par famine ; et incontinent que ainsi advenu sera, le mari tant amera sa femme que pour nulle autre ne l'abandonneroit. (Ev. Quen., II, c.1466-1474, 135).

 

Rem. Cf. aussi LEFÈVRE, Hist. Jason P., c.1460, 229, 235.

 

4.

"Quitter, délaisser" : ...non obstant abandonnerent son corps pour courir à ses biens (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 398).

 

-

Abandonner l'un l'autre. "Se quitter" : Atant habandonnerent les .II. freres l'un l'autre, car Gadiffer s'en alla vers la Grant Bretaigne et Nestor se mist au chemin de randon vers l'Estrange Marche (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 340).

 

5.

Abandonner [un animal]. "Ne plus tenir (un animal), le quitter" : Ainsi partit le Cappitaine avec ses soixante compaignons, et vint au plus couvert qu'il peust jusques à la barrière. Et puis remonta contre le pré, là où estoit la multitude des chevaulx et des gens, et se fourre parmy et prend à dextre et à senestre. Chascun qui le vit des ennemys, sault à pié et habandonne son cheval. Qui veist varlets et pages fuyr, femmes crier, à qui il n'eust rien cousté, en eust voullentiers ri. Tantost l'eschauguete sonna atout ; chacun saillit à la barrière pour rescourre son cheval. (BUEIL, I, 1461-1466, 134).

F. -

Abandonner qqn à qqc. "Livrer qqn au pouvoir de qqc."

 

-

[De la mort] : Las, je ne scey Si j'ay a la mere recours ; Tous les jours D'elle me sera raproché Qu'a la mort t'ay habandonné Et laissé. (Pass. Auv., 1477, 181).

 

-

Empl. abs. : Ce n'est que peine que leur vie : Orgueil enfle leur cueur, Envye Ronge, Couvoictise aguillonne, Ire esmeut, Luxure habandonne, Si a tout mal lasche la bride, Gloutonnie estainct, Homicide, Diffame et, bref, tous pechez Dont les mauvais sont entaichez, En lieu de delectacion, Leur tournent en pugnicion. (ALECIS, Passe temps P.P., 1480, 141).

G. -

Abandonner qqc. à qqc. [à un comportement, une action néfaste ou répréhensible]. "Livrer qqc. à qqc." : ...ceulx qui mieulx faire deüssent (...), Sont les plus avant en la fengue Et ont leurs cuers abandonnez A courte foy et longue langue. (CHART., B. Dame, 1424, 357). ...les biens dez eglises abandonnez a proie et a rappine. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 54). ...il semble que ce royaume soit abandonné a tous vices. (JUV. URS., Nescio, 1445, 547).

 

-

Abandonner qqc. à l'aventure : Et donc, mon filz, pour Dieu, gardez vous bien, Par tel poincture, D'abandonner ainsi a l'adventure Mon droit, ma part, mon sang et ma nature. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 340).

II. -

Empl. pronom.

A. -

S'abandonner à qqc.

 

1.

"Se livrer à qqc." : Et se tu m'aimmes de cuer loing, Pour ce que de toy ne m'esloing, Eins t'aour, ser et m'abandoing A toute peinne Pour amer, ne riens n'i ressoing, Mort m'aras, quant de ton tesmoing Ma chiere dame, à qui me doing, Sera certeinne. (MACH., Compl., 1340-1377, 247).

 

-

[À la mort] : ...a mort s'abandonna (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 191). ...mieulx vauldroit a une personne s'abandonner a la mort que commettre ung seul peché mortel (C.N.N., c.1456-1467, 143).

 

-

S'abandonner en qqc. : Il [Jésus-Christ] en a sa vie donné, Tout rebroué, Pour le plaisir que pris en pomme. En poine mon filz s'abandonne, Tout ainsi comme Tu l'as veu ; c'est pour tes delitz. (Pass. Auv., 1477, 246). Et la cause de les ardoir fut affin que sans nulle esperance de retourner en leurs places ilz fussent plus prestz de eulx habandonner en tous perilz. (GAGUIN, Comment. César, 1485. In : Chrestom. R., 252).

 

2.

"Se laisser aller à qqc. (de répréhensible)" : ...oultrageux fui trop et nice Quant a pechié m'abandonnay (Mir. st J. Paulu, c.1372, 126). Aucuns pour echever le parler des gens, et afin que on ne les juge devos, se abandonnent a paroles et vie mondaine, et a boire et a mengier, et souvant trebuchent en pis. (GERS., Pent., p.1389, 82). Bien savoit Sathan que gloutonnie cause en l'ame qui s'y habandonne une fievre desordonnee. (GERS., Prem. dim. Carême G., c.1402, 743). ...et eulx [certains nobles] habondonnans oultre maniere raisonnable aux voluptez et folz desirs de la cher, ilz convertissoient le jour en la nuyt et la nuyt ou jour (JUV. URS., T. crest., c.1446, 119).

 

-

S'abandonner que. "Se laisser aller à ceci que" : ...j'ottroy Perdre d'Espaigne la couronne, Biau sire, s'elle s'abandonne Qu'avec li gisez charnelment (Mir. Oton, c.1370, 342).

B. -

Empl. abs. "Se livrer, s'exposer" : Ton pouoir fait as De le mettre au bas, Maiz tollir ne li pues pas La valeur qu'il a, Que bien demonstra, Quant s'abandonna Et seür estal donna, Sans guenchir plain pas. (MACH., Lays, 1377, 478). Sans faulte il n'y avoit chevalier qui s'abandonnast de tel courage ne qui tant hardiement emprint a faire les haultes proesses ne qui tant haultement ne tant chevallereusement en venist a chief que faisoit le Chevalier Asuré. ["qui se précipitât, s'aventurât, avec une telle hardiesse" (éd.)] (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 178). ...au fort, quant lance luy failly, il tira l'espee et tant s'abandonna sans riens douter que mal gré en eussent sez mal vueillans (Comte Artois S., c.1453-1467, 95). ...ou cas que mon très redoubté seigneur monseigneur le duc de Bourgoingne emprengne de aler ou saint voyage, je le serviray de mon corps et de ma chevance ; et s'il lui plaist, de sa grace, de moy ordonner et faire cest honneur de estre aveuc lui, je me habandonneray jusques à la mort (Doc. 1454. In : ESCOUCHY, Chron. B., t.2, a.1465, 187-188).

 

-

"Se précipiter sans retenue, s'élancer" : [Les Français, à Crécy] ensi que il venoient et entroient en la bataille, il s'abandonnoient follement et se perdoient (FROISS., Chron. D., p.1400, 736). Lors se habandonne de toute sa force et vint ferir le roy si grant coup qu'i l'abat du cheval à terre si bellement qu'il ferit le heaume à terre (Ponthus Sidoine C., c.1400, 39). L'empereur et Phillippe se vont bien adoubant, Puis se vont en l'estour forment habandonnant. (Cip. Vignevaux W., p.1400, 154).

C. -

S'abandonner à / de + inf.

 

1.

"Consentir à + inf., s'y disposer, s'y prêter" : ...ainçois abendonner Me vueil a ceste lettre lire. (Mir. parr., 1356, 53). ...conment tu t'abandonnas A morir pour nous et donnas. (Mir. Barl. Josaph., c.1363, 245). Eüreux est qui s'abandonne A souffrir pour avoir couronne : "Qui sueffre, il vaint", ce dit Ovide. (LE FÈVRE, Respit Mort H., 1376-1380, 66). Mais yci elle se puet plus hardiement abandonner a estre seule et s'efforcer acquerir la perfection de la vie contemplative (GERS., Montagne contempl. G., 1400, 31).

 

-

S'abandonner de + inf. : [P]our ce me suis habandonne De la seruir de ma puissance A touziours mais car sans doptance A celle suis du tout donne (Miscellanea musicale francese, éd. A. Restori, c.1450. In : Z. rom. Philol. 18, 1894, 395). SECRETAIN. Pour faire ce que l'on m'ordonne, Pencez que pas ne seray lasche, Car de complaire m'abandonne En tous temps (LA VIGNE, S.M., 1496, 329).

 

2.

"S'aventurer à + inf., s'y risquer" : ...nul ne se ose abandonner à passer Seinne (...) pour ce que la riviere croit oultre mesure (BAYE, I, 1400-1410, 218). Et d'autres en y eust qui pour cuyder sauver leur vie se habandonnerent a passer une riviere moult dangereuse (Rambaux Frise S., c.1450-1475, 60). Sez hommez qui le sievoient, veans lez haultez proëcez de son corpz, ne furent paz attains de couardie, anchois, plus fiers que lyons affamez, se habandonnoient en la plus forte presse a sievyr celuy quy estoit leur estandart et seure raliance (Comte Artois S., c.1453-1467, 31).

 

3.

"Se laisser aller à + inf., se livrer sans retenue à" : ...a truander s'abandonnent. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 283). ...et quant Verité fault, Erreur et Fausseté s'i boute. N'est, a la foiz, si saige qui n'en soit deceu s'il s'abandonne a l'escouter. (GERS., Annonc., a.1400, 234). Plusieurs (...) pour gaaignier grosses mereles Deffendent les faulses quereles, Et s'abandonnent A servir ceulx qui plus leur donnent (CHART., L. Dames, 1416, 282). Et pour ce il s'est habandonné legierement à vivre extraordinairement en plusieurs contrées de nostre dit royaume sur les champs ou plat païs, sur nostre peuple et subgiez, en prenant et raençonnant, batant et destroussant (Doc. Poitou G., t.8, 1446, 327). Ung sien filz appellé Maxence, Le plus cruel en son absence Pour mutiler char de cristien Qui soit sur la terre, et si tien Que volentiers s'i habandonne. (MOLINET, Myst. st Quentin C., c.1482, 7).

D. -

S'abandonner à qqn

 

1.

S'abandonner à qqn / à un animal. "Se consacrer à qqn (à un animal), se dévouer à lui" : LE SECOND [BERGER]. Du tout a luy [à cet agneau] me suis habandonné. (Berg. agn. France L., 1485, 23).

 

-

S'abandonner vers qqn : Charité et parfaicte amour Ne se puet tenir enfermee, Mais fault qu'elle soit deffermee Et que doulcement s'abandonne Vers cil a qui elle s'adonne. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 356).

 

2.

"Se livrer en toute confiance à qqn" : Quant a moy tant s'abandonna Que foy et amour me promist, Et de son doi en mien le mist. (MACH., R. Fort., c.1341, 149). Du champ l'ouneur je vous donne Et a vous je m'abandonne Pour vostre bon conseil tenir. (GUILL. DIGULL., Pèler. âme S., c.1355-1358, 282). Nompourquant de près et de loing A vous me doing Et abandoing (MACH., Lays, 1377, 290). S'il a meffait vers vous, il s'en repent, Et se soubzmet en vostre jugement. Puis qu'il se veult a vous abandonner, Legierement lui devez pardonner (CH. D'ORLÉANS, Ret. am. C., 1414, 11).

 

-

"Se livrer [au diable]" : ...cil la [le pèlerin] s'est a li [Satan] ouvert En tous temps a li descouvert ; Tout c'est a li abandonne Sens avoir l'uis vers li ferme (GUILL. DIGULL., Pèler. âme S., c.1355-1358, 66).

 

-

S'abandonner à la volonté de qqn : Et lors dist qu'elle le mandera ceste nuyt par elle et s'abandonnera du tout a sa voulenté. (Chev. papegau H., c.1400-1500, 33).

 

-

[D'un animal] "Se livrer à qqn" : Pour tant, se je fery le cerf qui s'abandonnoit a moy, faire le pouoie. (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 244).

 

3.

[D'une femme] "Se donner à (un homme)" : ...une damoiselle de Maubeuge qui se abandonna a ung charreton (C.N.N., c.1456-1467, 12). [Medee :] J'ay requis Jason d'amours, je lui ay offert lui reveller le secret des dieux, ay je fait mal ? Je ne sçay. Mais au moins je voy clerement qu'a lui me suis habandonnee. O, quelle vergoingne (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 198).

 

-

S'abandonner aux hommes. "Se prostituer" : Mais ceste beaulté luy fu moult contraire, car oncquez ne se vault aplicquer ne mettre au bien faire, ainchois de l'aage de .XIJ. ans fu de si legiere volenté et si plainne d'ordure et de luxure, qu'a tous hommez se habandonnoit et ne refusoit homme nul pour linage ne pour affinité qu'il euissent ensemble. (Vie ste Marie Eg., V D., c.1400-1420, 142).

 

.

Empl. abs. : LA FILLE. Touchant ce pas Pour secourir mes pere et mere M'abandonneray ? SATHAN. Quel repas ! LA FILLE. Commettray je tel vitupere ? User ma vie en tel misere ? Estre a jamais deshonnoree ? Rien n'en feray. (Myst. jeune fille L., c.1413-1445 [c.1530], 14).

 

.

Prov. : Car femme s'abandonne qui riens donne et présente. (Baud. Sebourc B., t.1, c.1350, 81).

 

Rem. Prov. H., 109b [F33].

 

4.

Au fig. [Dans un débat intellectuel] "S'en remettre à qqn" : Et pour ce, est ce bien raisonnable chose de soy abandonner aus anciens et [maismement] a crere les paroles de nos anciens peres estre vraies, et que des choses qui ont mouvement aucune soit divine et immortelle, c'est a savoir que elles aient telz mouvemens desquelz ne soit aucune fin, mais que tel mouvement soit plus fin des autres qui ont fin. (ORESME, C.M., c.1377, 274).

 

-

[De la volonté] "S'en remettre à qqn" : PREMIER ESCHEVIN. A luy je m'areste et me fonde (...) A luy me tiens, parolle ronde, A luy mon vouloir s'abandonne (LA VIGNE, S.M., 1496, 400).

E. -

Se laisser abandonner. "S'exposer, se mettre en danger" : Tu oz que ton honneur se blesse Et, par ta bestise ou simplesse, Tu te laissez habandonner. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 276).

III. -

Part. passé en empl. adj.

A. -

[Dans un sens positif ou plutôt positif]

 

1.

[D'une chose] [Corresp. à abandonner qqc. à qqn, supra I A ; ce qqc., mis à disposition, est profitable, favorable ou au moins abondant]

 

a)

[D'une terre, d'un lieu...] "Être disponible pour tel ou tel usage, être ouvert" : Ne li chemins abandonnez N'estoit pas a tous et a toutes. (MACH., R. Fort., c.1341, 29). Le houx, la blanche espine hors lande, et le mort bois des tailles abandonnées, hors deffens. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 188).

 

Rem. FEW XV-1, 48b : abandonner ses prés "en permettre l'usage à autrui" (NIC. 1606).

 

-

Cour abandonnee. "Cour plénière, ouverte à tous" v. cour

 

b)

"Abondant" : ...abandonnez richesses, vaisseaux et rivieres de lait et de miel (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 120). SARRUG. (...) Le vin estoit habandonné. JETHAM. Tu en as bien beu, Suffené ? (Myst. Viel test. R., t.2, c.1450, 213). En telz enseignes que toute la journee La pluye au dos nous fut habandonnee. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 241).

 

-

Abandonné à prendre. "Laissé à discrétion" : ...vin blancq et vermeil (...) habandonné a prendre (LEFÈVRE ST-RÉMY, Chron. M., t.2, c.1462-1468, 159).

 

2.

[D'une pers.]

 

a)

[Corresp. à s'abandonner, supra II B ("se livrer, s'exposer, se donner") ; celui qui s'abandonne fait preuve de générosité]

 

-

[Souvent en corrélation avec large] "Généreux, prodigue" : Soies liez et abandonnez, Et partout soit li tiens donnez De tres bon cuer et volentiers, Qu'autrement n'est li dons entiers, Qu'onques princes, pleins d'avarice, Ne fu vaillans, c'est trop grant vice. (MACH., C. ami, 1357, 102). ...tieulx haynes viennent souventes fois de peuple a seigneur, ou de chevetaine a ses gens, pour cause que le seigneur ou le gouverneur ou chef (...) ne leur est pas par aventure assez abandonné et large de ses biens (Bouciquaut L., 1409, 446). Erard de Voisines estoit bel escuier ; voulentiers aloit chassier et donnoit voulentiers de sa venoison, car il estoit large et abandonné (Nouvelles inéd. L., p.1452, 71). Oncques prince en son temps ne fut plus humble, ne plus charitable, ne plus misericors, ne plus liberal ne plus large, ne plus habandonné en bonne maniere, sans prodigalité. (GRUEL, Chron. Richemont L., c.1459-1466, 229). Le Roy fait advertir par moy que soyez songneux et diligent de servir et amer Dieu, de faire obéissance à l'Eglise, de entretenir et nourrir vostre peuple et subgectz en paix et en tranquillité, que soyez virille et courraigeux pour le peuple et l'Eglise deffendre, au peuple piteux et misericors, large et habandonné envers tous. (BUEIL, II, 1461-1466, 77). D'aultre part, le conte Francisque fut vaillant, subtil, saige, large et habandonné. (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 116). ...et devez entendre que le seigneur d'Autré fut le plus large et habandonné de ses biens que homme de son temps, et ne plaindoit nulle despence. (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 400). Car il estoit large et habandonné En toutes choses (LA VIGNE, V.N., p.1495, 173).

 

.

Estre abandonné de qqc. "Être généreux en qqc." : Je suis assez abandonné, A grant largesse, de mes biens ; Mais quant j'ay maintesfoiz donné A plusieurs, semble qu'ilz n'ont riens ! (CH. D'ORLÉANS, Compl. C., 1433-p.1451, 284).

 

.

Abandonné à qqc. "Qui s'adonne généreusement à qqc. (de positif)" : ...car il estoit sage, discret, hardy en armes, large et habandonné a toute courtoisie. (Percef. Compl. R., c.1450 [c.1340], 7). [Ms. C, David Aubert]

 

.

Estre abandonné à qqn. "Être généreux pour qqn" : Doulz Dieu, qui a ta crëature Es larges et abandonné, Honneur te soit sanz fin donné ! (Mir. ste Genev. S., c.1410-1420, 134).

 

-

"Prodigue (en sagesse, en savoir)" : LA ROYNE. C'est ung grant prince ? PHILOTÈS. En tout bien ordonné. LA ROYNE. Et en vertus ? PHILOTÈS. Il est moriginé. LA ROYNE. Est il grant clerc ? PHILOTÈS. Par cueur sçait sa leçon. Conclusion, il est habandonné, Car tout le monde est huy environné Du bruit qui court du saige Salomon. (Myst. Viel test. R., t.4, c.1450, 386).

 

-

Abandonné de. "Ardent à, entièrement disposé à" : Tels se fait de la guerre frés et abandoné Se Pepins l'emperere estoit ore(s) arotés, Ja n'i mettroit del sien .IJ. d. moneés (Garin Lorr. M., c.1330-1400, 488).

 

b)

[Corresp. à s'abandonner à qqn, supra II D 1 et 2] "Être soumis (à qqn), lui être dévoué"

 

-

[Dans un cont. amoureux] : Car la belle, à cui sui toudis Abandonnés, M'a dit de bouche, vis à vis : "Amis amés". (MACH., L. dames, 1377, 45). La trés belle et la bien amée A qui il est mis et donnez Et ligement abandonnez (MACH., Prol., c.1377, 8).

B. -

[Dans un sens nég. ou plutôt nég.]

 

1.

[D'une chose] [Corresp. à abandonner qqc., supra I C ; une chose abandonnee est une chose qui n'intéresse plus]

 

a)

"Délaissé" : [Sur l'ordre du comte de Flandres, les gens du plat pays s'enferment chez eux] et les gens d'armes (...)trouvoient les granges toutes plaines et bien pourveues (...) car tout estoit abandonné (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 286). ...t'a fortune getté en ceste tempeste, que tu vaugues comme nef qui perist (...). Tu voiz que chacun quiert a part sa privee salvation, et que tous en tirent ce qu'ilz pevent comme de chose abandonnee et perdue. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 9).

 

b)

"Enlevé, éloigné" : ...la force m'est habandonnee. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 255).

 

c)

"Banal, commun (donné à tout le monde)" : Quant à la tradionne maniere de parler abregé, neantmoins reduicte à compendiosité quant au fait de la matiere et des personnes, veuillez aussi moragerer au facteur, en excusant le langaige si aucun en y a estrange. Car certes, il est plus habandonné d'escripre latin que françois, par quoy les termes ne sont pas si à main. (J. MILET, Epître épilogative. In : Trav. Ling. Litt. Strasbourg 16-1, 1978, 254).

 

d)

Au fig. "Inconsidéré, insensé" : Ha !, dist on, estes vous alee En un voiage avoec cesti Qui vous a maint anoi basti ? Par foi, ce fu uns grans outrages Et uns abandonnés ouvrages ! (FROISS., Espin. amour. F., c.1369, 159).

 

2.

[D'une pers. ou de la manifestation d'une pers.]

 

a)

[Corresp. à abandonner qqn, supra I E ; celui qui est abandonné est délaissé, livré à lui-même]

 

-

"Délaissé" : ...vivre en misere comme gent abandonnee (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 109). O que j'ay peché griefvement Devant mon souverain Seigneur, Mon maistre, mon seul createur, Suis je du tout habandonné (Myst. Viel test. R., t.4, c.1450, 212).

 

.

[D'un malade] "Condamné" : ...malade jugié a mort et abandonné sans remede (CHART., Q. inv., 1422, 48).

 

.

"Sans ressources" : Mais, s'il y a eu faulte aucune, Se a esté faulte de pecune, Habandonnés sont, par ma foy, Assez, mais qu'il y eust de quoy. Se sont gens pour tenir les rens Et pour contreffaire les grans... (S. fol, c.1480-1490, 8).

 

.

"Livré à soi-même, incontrôlé ; dévoyé, hors-la-loi" : ...icellui nostre cousin commanda (...) que, s'il trouvoit nulz des gens des diz capitaines qui, sans vouloir aler avec eulx, retournassent vivans et robans sur le pays, qu'il les preneist ou fist prendre comme gens habandonnez et les amenast à justice, pour en faire telle punicion et justice que au cas appartiendroit (Doc. Poitou G., t.8, 1445, 201). JUDAS. (...) Je suis le pire et plus infame Qui soit n'en ville n'en royaulme, Et l'omme plus mal fortuné. La terre m'argüe et diffame, Le ciel encontre moy proclame Comme ung murtrier habandonné. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 149). ...fut (...) ordonné que tous les aultres, c'est assavoir ceulx qui n'estoient point gaigiez, se retirassent hastivement et sans delay ès pays dont ils estoient, sans pillier, ne desrober le povre poeuple ; ou aultrement, se ainsy ne le faisoient, on y pourvoyroit, et en feroit justice comme de gens habandonnez. (ESCOUCHY, Chron. B., t.1, c.1453-14, 57).

 

.

Empl. subst. : ...ledit Pierre de Gamaches, lors cappitaine dudit lieu de Chivray, avec lequel demouroit lors ledit suppliant, comme dit est, se mist sus et assembla certain nombre de compaignons, par aucuns desquelz fut prins ledit Bourreau, l'un desdiz gens de guerre, malfaiteurs et habandonnez, et mis en prison (Doc. Poitou G., t.8, 1446, 338).

 

-

Estre abandonné de qqn. "Être éloigné de qqn" : O Jhesus, ramply de scïence, Souverain tresor de clemence Qui de mes pechiéz indulgence M'avoyes donné, Es tu de moy habandonné Et pour metre en habandon né ? (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 323).

 

-

Au fig. "Sans défense morale" : Le tiers remede est fuyr toutes males occasions et compaignies suspitionnees et ordes collocutions : Corrumpunt bonos mores colloquia prava. Femme qui ot volentiers mal parler est comme tout abandonnee. (GERS., Annonc., a.1400, 237).

 

b)

[Corresp. à abandonner qqn à qqn, supra I B 2 ou à s'abandonner à qqn, supra II D 2 et 3 ; celui qui est abandonné à qqn lui est livré]

 

-

"Être livré à (ici aux diables)" : LUCIFER. (...) Rifflez dessus, grans et menuz ; Le ribault est habandonné. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 101).

 

-

[Avec une connot. sexuelle] : ...aiez en vous ceste honesteté que, puis qu'il fault que a vous je soie abandonnée, ce soit premierement a l'un sans la presence de l'autre. (C.N.N., c.1456-1467, 552).

 

.

Empl. abs. : Or ca, dis je, ce que voules Faites, je sui abandonnes, (Je) n'oseraie estre contraire A chose que veullies faire. (GUILL. DIGULL., Pèler. vie hum. S., c.1330-1331, 406).

 

-

[D'une femme] Estre abandonnee à hommes. "Se prostituer" : ...femmes deviennent brehaignes et steriles quant elles sont trop habandonees a hommes. (GERS., Luxure II, G., 1402, 835). Je vous demandes, se vous avez juenes filles, seurs ou cousines non mariees, vouldrez vous qu'elles fussent abandonnees a tous les hommes... ? (GERS., Luxure II, G., 1402, 835).

 

.

Femme abandonnee. "Prostituée" : Il ne suit que oyseuses et festes, Publicans, pecheurs magnifestes, Folles femmes habandonnees (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 298). J'ay mes chevaulx, mes hacquenees De mes putains habandonnees, Croupans au bordeau pour l'argent. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 384). Ce a bien esté a vous mal dit Dire que fammes habandonnees Sont a Paris ou alouees [l. alouer] Les a ce fault, maistre enrimé, Infame Bourguignon salé... (S. fol, c.1480-1490, 7).

 

c)

[Corresp. à s'abandonner à qqc. (de répréhensible), supra II A 2 ; celui qui s'abandonne manque de retenue]

 

-

"Qui manque de retenue, trop ardent" : Trop sui abandonnee, par Dieu qui est sans fin, Mais che fait bonne Amour, qui m'en donne doctrin, Qui chi m'a fait venir - che est sans mal engin - Mais j'estoie navree d'un grief dart acherin Dont Amours me frapoit au vespre et au matin (Bât. Bouillon C., c.1350, 90).

 

-

"Dévergondé, exubérant" : Le 10e [degré d'humilité] est non estre prompt et abandonné et ryre legierement tant en parlant comme en autres choses faisant (Douze degrés d'humilité G., c.1350-1400, 100). Aussi celles [les bourgeoises] qui sont ridées, Et pales et descolorées, Fais les farder, quoy que je presche, Pour monstrer leur coleur plus fresche, Fais les habandonnées et bauldes, Si qu'elles soient toutes ribaudes. (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 7). Car a la verité, dame trop habandonnee grant honneur n'embrace, il est expedient qu'elle se seuffre endormir par prieres et oroisons. (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 140).

 

-

[De la manifestation d'une pers.] : [Medee à Jason :] "...Si vous prie que vous n'ayés regard a mon offre habandonnee, ainçois a vostre salut." (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 197).

 

-

Abandonné à (un vice). "Livré à" : Car ja n'en seroit meilleur tant comme il fust abandonné a telles passions. (ORESME, E.A.C., c.1370, 107). ...quant l'homme est habandonné et subject aux passions bestiales (Somme abr., c.1477-1481, fº 85 vº). Vie perverse et desordonnee, Vie a tout mal habandonnee, Vie dampnable, vie dissolue, Vie de vices orde et polue, Par moy seras empoisonnee. (Cene dieux, c.1492, 137).

 

-

[D'un vice] "À quoi l'on s'abandonne" : ...tu enseignez aux aultres gourmandise et abandonnee luxure (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 123).

C. -

[Corresp. à s'abandonner à / de + inf., supra II C] Estre abandonné à / de + inf.

 

1.

[D'une chose] "Être voué à" : Car pourreture est passion De corps qui a commixtion, Maiz le groz air mixtionné Est promptement abandonné à prendre la corruption Qu'on nomme putréfaction, Quant aucune chose non pure S'est meslée avec sa nature, Par tel forme, non autrement. (LA HAYE, P. peste, 1426, 45).

 

2.

[D'une pers.]

 

a)

"Être contraint à" : Par faulte de m'avoir donné Chastïement en ma jeunesse, Maintenant suis habandonné De souffrir mort dure et parverse. (LA VIGNE, S.M., 1496, 313).

 

b)

"Désirer vivement" : Mon amy, Dieu vous voelle rendre Le conseil que m'avez donné ! Sachiez que suis abandonné De faire vostre bon conseil. (DU PRIER, Roy Adv. M., 1455, 366).

 

-

"Consentir à" : Ainsi comme Amours ly conseilla elle fist ; car elle le mena en sa chambre et luy monstra le greigneur semblant d'amours que nulle femme peust monstrer a homme, et fu du tout abandonnee a faire a son commandement et a son plaisir. (Chev. papegau H., c.1400-1500, 35).

 

-

"Être voué à" : A servir Dieu il est habandonné (Myst. Viel test. R., t.4, c.1450, 49).

 

c)

"Avoir l'audace de" : Je vous pry que me pardonnez, Se je suys trop habandonnez De parler a vous privéement, Car je vous ayme loalment Et le diz pour vostre grant bien ! (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 98).

 

Rem. Il se peut que de ait une valeur causale ; abandonné aurait alors le sens de "hardi, audacieux" et trouverait place sous B 2 c.

 

d)

"Se laisser aller à, être enclin à" : Avec toy [Orgueil] vient adez (...) une leesse esslevee et toute enflee ou trop legiere et abandonnee a se venter ou excuser (GERS., Mendicité G., 1400-1401, 274). Pecheresse desordonnee, A tout mal faire habandonnee (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 185).
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Robert Martin

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