C.N.R.S.
 
http://www.atilf.fr/dmf/definition/étendre1 
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     ÉTENDRE1          ÉTENDRE2     
FEW III extendere FEW XIII-1 tendere
ESTENDRE, verbe
[T-L : estendre ; GDC : estendre2 ; AND : estendre1 ; FEW III, 325b : extendere ; FEW XIII-1, 199b : tendere ; TLF : VIII, 230b : étendre]

A. -

[Idée de déploiement, d'extension dans l'espace]

 

1.

Estendre qqc.

 

a)

"Donner à qqc. une plus grande étendue, déployer, étaler" : ...charbons ardans m'estendez, Sur lesquelz aler le ferons [Ignace] A nues plantes (Mir. st Ign., 1366, 84). Jehans Boucinel avoit pourveu deus harnois d'armes bons et souffisans, enssi que li affaires demandoit (...) si les fist là tout parellement estendre et mettre sus la terre, et puis dist à Nicollas : "Prendés premiers." (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 48). ...ladite vaisselle d'argent (...) estoit mise et estendue sur le dreçoir de ladite sale (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 28). ...et, pour passer plus seurement et à moins de bruyt, estendirent dessus le pont ung fumier qui estoit auprès de la porte. (BUEIL, I, 1461-1466, 64).

 

-

"Déployer, déplier, dérouler (un tissu)" : Ma suer, noz surcoz estandons Cy devant nous. (Mir. Berthe, c.1373, 230). ...ceste nappe estendons Et ce pain sur table mettons (Mir. st Alexis, 1382, 283). ...XL aulnes de toile ou environ, en une piece, qui avoient esté estendues en icellui jardin pour blanchir (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 79). Son mantel a terre estendy (CHR. PIZ., M.F., IV, 1400-1403, 49). Il vous covyent la nappe estandre, Puis nous appourtés pain et vin. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 263). Ung drap blanc estendu sera Sur ma chassë en souvenance Que nul homme n'emportera Autre chose de sa chevance. (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 128). Vous cinq, estendés celle toelle ! Prenés encore celle royle Et finirons nostre parfait A l'onneur de Dieu, qu'a tout fait (Pass. Auv., 1477, 259).

 

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En partic. "Hisser, déployer (une voile)" : Puis qu'il face tant qu'il la serve. Se tu estens au vent ton voile, Fait de main de maistre et de toile, Tu scez bien que ta nef ira La ou li vens la conduira, Pour ce, sans plus, que la franchise De ta nef au vent sera mise. (MACH., R. Fort., c.1341, 94). ...chil qui tenoient le gouvrenal de sa nef, le fissent tourner a force, et li aultre estendirent lor single contremont (FROISS., Chron. D., p.1400, 887).

 

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[D'un tissu] S'estendre. "Être déployé" : Si fut le pavillon du chevalier ouvert, qui estoit adossé par dedans d'ung riche drap d'or noir qui s'estendoit sur une grande chaire et faisoit marchepied par tout le pavillon, et jusques dehors, plus de deux aulnes. (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 183).

 

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Part. passé (Estre) estendu : Et lors montre ly preudoms les degrez de la sale, et le roy aprez. Et quant ilz furent en la sale, si voient a un des boux une perche qui estoit de la banne de la licorne, et ot dessus estendu une piece de veloux, et fut l'esprevier dessus, et le gant emprez lui. (ARRAS, c.1392-1393, 303). A ta requeste si sera entendu Ains que d'icy je face departie, Car du manteau qu'est sur moy estendu Tu en auras la plus grande partie. (LA VIGNE, S.M., 1496, 197).

 

-

Estendre un chemin. "Parcourir un chemin dans sa longueur" : LE GAUDISSEUR Je m'en allay sans plus attendre Tant que jambes peurent estandre Mon chemin tout droit a Saint Jaques. (Gaud. sot, c.1450, 10).

 

b)

"Étirer qqc." : Item, un ange quelcunque ne peut pas de sa vertu former tel corps de quelcunque figure, car une porcion de aer de la quantité d'un pey en touz senz, il ne la pourroit tant estendre que elle fust aussi longue comme est le dyametre de tout le monde (ORESME, C.M., c.1377, 290).

 

-

Estendre qqc. au double : Et semblablement, se par les parties proporcionnelles d'une heure une matiere estoit en la premiere rarefiee ou estendue au double (ORESME, C.M., c.1377, 252).

 

-

"Étirer (la peau)" : Il te convient ta peau ridee estandre Et te bouter en forme de Venus (LA VIGNE, S.M., 1496, 479).

 

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Estendu. "Étiré" : Au contraire dist saint Jerome a Eustoche : «Je desire que tu eschievez les compaigniees de celles que necessité fait estre vesves, desquelles la maison est plaine de convives et plaine de flateurs, desquelles la peau est extendue et les joes sont vermeilles, lesquelles tu cuideras plustost non avoir perdu leurs maris mais enquerir». (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 432). Ceulx qui ont letendu cuir dur, sec et extendu, finiront sans sueur (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 89). ...ceulx qui sont en voye de mourir ont le cuir dur, et sec, et extendu (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 150).

 

-

Estendre qqc. de qqc. "Extraire qqc. de qqc." : Donc, attendant qu'on expulse et decerpe De mes raysins le maculé verjus, Cy j'estandré de la vigne ung vert jus. (LA VIGNE, Compl. roy Bazoche M.R., 1501, 412).

 

c)

Estendre (un membre, une partie du corps...)

 

-

"Tendre, allonger (les bras, les mains) en les raidissant" : Amis, vueilliez vos bras estendre, Si m'acollez. (Mir. st J. Cris., c.1344, 269). C'est, affin que en peu de chose je en mecte exemple, qu'il rie sans les dens moustrer, qu'il regarde sans les yeulx en bas fichier, qu'il parle sans extendre les mains et sans faire signe du doy (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 250). DEUXIESME FIL. Ha ! mére, estendez vostre main Et a baisier la me donnez (Mir. ste Bauth., c.1376, 154). ...et se garde l'en de toute hastiveté, et que l'espreveteur s'agenoille bellement et loing, et bellement estende ses bras et doulcement preigne et lieve sa proye et l'oisel dessus (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 158). Sire, en toutes les choses dessusdittes j'ay tant mespris envers Dieu et envers vous que je voy bien que suis perdu, si vostre grant grace et misericorde ne si estend, laquelle, tant et si très humblement et en grant admertume et contriction de cueur que je puis, vous supplie et requier, en l'onneur de la benoiste passion de Nostre Seigneur Jesu Crist et merites de la benoiste vierge Marie et des grans graces qu'ils vous font, plaise vous me la m'octroier liberalement et donner. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 368).

 

-

Le bras estendu : ...le chevalier (...) tenoit le bras levé et estendu sans avoir puissance de l'avaler. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 910).

 

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[De la paume de la main] S'estendre. S'ouvrir : Et science de Rethorique Ressemble a la paume publique, Pour ce que elle les estend [les paroles], Ainsi com la paume s'estend. (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 130).

 

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"Tendre, allonger (le cou)" : ...comme le cerf perceut le chevalier, il estendy son col, puis baissa la teste, comme s'il voulsist dire : 'Chevalier, trenche moy le col. (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 240).

 

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(Le) cou estendu : Sarrasins sont de si trez même manière que jamaiz, on ne verroit aller Sarrasin teste levée ne col estendu ne ... haulte poitrine (JEAN LE LONG, Voy. Bieul B., 1351, 331). La cisterne ouverte et non recouverte est la beaulté de homme ou de fenme apparillee de fol atour pour prendre les ames, alant le col extendu, les cheveulx espars ou aournéz, a face descouverte. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 382). Pour che que les filles de Syon sont eslevees et ont alé le col extendu en faissant signes, actraiant des yeulx, en joignant les mains, en alant a pas ordonné, Nostre Seigneur fera les testes d'icelles filles devenir chauves et les desnuera des cheveux. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 398). Dieu regarde en priere cuer humble et devost et n'a cure de paremens ne de haulte maniere, comme font ces foles hardies qui vont baudement le col estendu comme serf en lande et regardent de travers comme cheval desréé. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 45).

 

-

[Des yeux] "Exorbité" : Personne qui a les yeulx esraillés[,] gastes et estanduz segnefie malice[,] vengence ou traison. (Comp. kal. bergiers C., 1493, 74 r°).

 

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[Des seins] "Distendu, pendant" : Tu as ja tellement oblié ton espoux que graces tu ne as rendus de tous tes beneficez, tu es faitte comme une fole femme, tes memeles sont extendues, ta face ridee, tes joez macerés, tes yeulx tous plains de langueurs, tes levres sont cesches et ta peaul obruee, tes vertus corrumpuez, et de tous amans tu es faicte odieuse. (CRAP., Cur Deus, De arrha B.H., c.1450-1460, 275).

 

-

"Déployer (les ailes)" : [Cont. métaph.] De bien d'autrui Envie est si dolente Qu'adès s'en complaint et demente ; Soi mesme het et deshonneure ; Toudis rechigne ; toudis pleure. Elle a ses elles estendues, Si que dedens les bestes mues Qui n'ont raison n'entendement La voit on tout appertement. Et vous pouez apparcevoir, Se je men, ou se je di voir. (MACH., D. Lyon, 1342, 225).

 

d)

"Agrandir qqc."

 

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"Repousser (les limites) de qqc." : ...et print ses couleurs, disant que ledict duc de Bourgongne estendoit ses limites plus avant que le traicté ne portoit. (COMM., I, 1489-1491, 171).

 

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"Prolonger (une ligne)" : Soit faicte une ligne, laquelle soit estandue au compas sus la ligne .a.c. et illec soit fait .d. (NIC. CHUQUET, Géométrie H., 1484, 286).

 

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"Agrandir, ouvrir plus grand (le compas)" : Puis d'icellui point qui est R2.1 1/4. jusques au point qui est entre .a. et .b. soit estendu le compas car c'est R2.1 1/2. (NIC. CHUQUET, Géométrie H., 1484, 288).

 

2.

Estendre qqn.

 

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"Allonger, placer qqn (ou la représentation d'une pers.) de tout son long" : ...l'ymage a la pucelle Trouvay de l'autel descendue Et encontre l'uis estendue (Mir. nonne, 1345, 345).

 

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Estendre qqn à/en la gehine. "Allonger qqn sur le banc de torture" : Et certes c'estoit grant durté, Et très grant inhumanité, De creature femenine Faire estendre et mettre à gehine. (MACH., P. Alex., p.1369, 261). Et, après que ledit Charlot Tonnelier, dont est parlé devant, qui ainsi s'estoit incisée la langue, en fut guery, fut derechef amené en la question près d'estre estendu en la gehyne, pour ce qu'il ne vouloit congnoistre les cas à lui imposez. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 225).

 

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Estendre qqn à la question : Et pour en savoir la verité, le feismes estandre en ladite question. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 17). Et pour ce que autre chose que dit est ne volt congnoistre qui lui portast prejudice, fu fait despouillier tout nu, mis, lié et estendu à la question sur le petit tresteau (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 33). Et, pour ce, fu fait despouillier, mis, lyé et estendu à la question (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 74). En enterinant lequel jugement, ledit prisonnier fu fait despouillier tout nu, mis, estendu et lié à la question sur le petit tresteau (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 113). ...ladite prisonniere fu faite despouillier toute nue, mise, liée et estendue à la question sur le petit tresteau et en après sur le grant (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 430).

 

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Estendre qqn sur le tresteau : ...furent de rechief, li uns après l'autre, remis et liez à ladite question, et sur le petit tresteau et sur le grant fu miz et estendu ledit de Warlus, qui aucune chose ne voult confesser (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 162). EN ENTERINANT lequel jugement, le dessus dit prisonnier fu despouillé, mis et lié à la question, et estendu sur le petit tresteau (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 287).

 

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[Dans un supplice] "Étirer qqn" : Et la dame li respondoit, Endementiers qu'on l'estendoit : "Sire, vous estes mes drois sires, Faire me poez tous martyres, Crucefier, morir ou vivre, Et hors de ci mettre à delivre..." (MACH., P. Alex., p.1369, 261).

 

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Estendre (un mort) : Nicodemus, sans point tarder, Et Joseph atout unguemens, Suaires et abillemens, Sont alés au mont de Calvaire Une tres maise enfance faire, Car Jhesus ilz ont despendu, Et puis l'ont mis et estendu En ung monument entailliet, Pour quoy nous sommes bien tailliet, Que mal et perte en ayons S'alencontre ne pourveyons (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 221). Et incontinent ledit monseigneur de Liege, qui n'avoit aide ne secours que de ses serviteurs et familiers, se trouva fort esbahy, car ledit de la Marche, qui estoit sailly de sadicte embusche, s'en vint à luy, et, sans autre chose dire, luy bailla d'une taille sur le visaige, et puis luy mesmes le tua de sa propre main. Et après ce fait, icelluy de la Marche fist mener et getter ledit evesque et estendre tout nud en la grant place devant l'eglise Sainct-Lambert, maistresse eglise de ladicte cité de Liege, où illec fut magnifestement monstré tout mort aux habitans de ladite ville et à ung chascun qui le vouloit veoir. (ROYE, Chron. scand., II, 1460-1483, 119).

 

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"Allonger (un animal) de tout son long" : Se fist son chien par force prendre, Loier, bersillier et estendre Et sa langue sachier a plain, Tant qu'on vit le ver tout a plain. (MACH., J. R. Nav., 1349, 229).

 

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Estendre qqn (Jésus) en croix/sur la croix : ...pour la pomme [qu'avait cueilli Adam] restablir [au pommier], Il convint que le fil Dieu fust Pommë et qu'en arbre de fust Atachie il fust et pendu Notairement et estendu. (GUILL. DIGULL., Pèler. âme S., c.1355-1358, 192). Tes oreilles soient faites entendentes en la voix de ma priere. En la quelle je te requier, tres doulx Dieu, pour la pitié et remembrance de ton digne corps, et de la doulour que il senti quant estendu sus la croix il fu, par piés et par mains detirés a cordes pour au partuis avenir, atachés a troies clos, que tous bourgois de bonnes villes, de Paris et de par toute Xpistiante, vueilles garder de mal et de peril (CHR. PIZ., Psaumes allég. R., 1409, 140).

 

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"Abattre qqn" : La male poissïon l'estande. (Myst. Pass. N.S. R., c.1350-1370, 155).

 

3.

(S')estendre

 

a)

[D'une chose] "Occuper une certaine portion d'espace"

 

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"Occuper plus d'espace" : Et pareillement la mer selon l'estat et le cours de la lune, elle s'estent et passe ses termes accoustuméz, lequel mouvement commence du centre moyen et s'estent jusques aux extremités et encores les passe. (Somme abr., c.1477-1481, 145).

 

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(S')estendre qq. part : Et donques se un royalme ou une chose publique se estendoit par toutes terres, ce seroit aussi comme une infinité et une quantité enorme et immoderee (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 291). Et donques semblablement aussi comme nul royalme ne dure tous temps, nul ne se doit estendre par tous lieus ; mes ausi comme il a mesure en sa duration, il doit avoir mesure en son extension. (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 292). ...jusqu'a la riviére d'Aire, Sire, vostre regne s'estent (Mir. Clov., c.1381, 258). Puis retornat à Mes qu'en Loheraine extente (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.2, a.1400, 553). Asie se extend devers oriant jusques a souleil levant, devers midi elle fine a la grant mer (PREMIERFAIT, Cas nobles hommes G., 1409, 179). Et les Belges commencent aux dernieres terres de Gaule devers occident, et se estendent vers la basse partie du fleuve du Rin (GAGUIN, Comment. César, 1485. In : Chrestom. R., 250).

 

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S'estendre (de qq. part) à/jusque qq. part : ...vous (...) tenés contre l'onnour et majesté roial dou roi d'Engleterre et de ses hoirs, la chité de Bervich et grant pais qui s'estent jusques a bonnes de la mer d'Escoce (FROISS., Chron. D., p.1400, 215). Dont son royaume s'estendoit du fleuve d'Oyse jusques a cellui de Meuze (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 231). Et cellui d'Orleans s'estendoit du fleuve de Loirre jusques a cellui de Saynne, ou estoit Beausse, Gastinoiz, Touraine, Anjou, le Mayne, Normendie, le Perche, Aussoire, Sens et Puissoie. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 231).

 

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[Autre façon de dire la même chose] S'estendre et comprendre tels territoires : ...ma fille sera hiretée de toute la conté de Guerles, ainsi que elle s'estent et comprent dedens les bornes (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 149). Et treuve par les anciennes cronicques et escriptures que le royaulme de Bourgoingne s'estendoit et comprenoit Piemont, Ass, Prouvence, Dauphiné, Savoye, duchié et conté de Bourgoingne et jusques à Sens, du costé de Paris, que l'on dit encoires Sens en Bourgoingne (LA MARCHE, Mém., I, c.1470, 50).

 

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Estendu. "Vaste" : Si est la ville de Kem grande et poissans et estendue durement et fort peuplee. (FROISS., Chron. D., p.1400, 693). ...Abbeville (...) est une ville grande et estendue et bien logans (FROISS., Chron. D., p.1400, 715). Et vouloit sur toutes choses que, après son trespas, on tint le royaume en paix cinq ou six ans, ce que jamais n'avoit peü souffrir en sa vie. Et, à la verité, le royaume en avoit besoing, car, combien qu'il fust grant et estendu, si estoit-il bien maigre et paouvre (COMM., II, 1489-1491, 317).

 

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[D'une plantation] S'estendre loin. "Occuper un grand espace" : Une haie dont merveilleus Fu, vy qui misë y estoit, Qui par semblant loing s'estendoit. Il y cressoit hous et fresgons, Bos espineus plain d'aguillons (GUILL. DIGULL., Pèler. vie hum. S., c.1330-1331, 203).

 

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[D'un végétal] Estendu de branches. "Qui est doté de grandes branches" : Ilz (...) trouverent (...) une moult belle fontaine qui sourdoit par dessoubz ung moult beau chesne, estendu de branches qui servoient a faire umbre a la belle fontaine. (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 314).

 

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[Dans un cont. métaph.] "Qui déploie ses branches" : Celle damoiselle jolie Qui estoit a ce clerc amie, C'estoit li ente faitissete Comme une douce pucelette, Ou grant vergier d'Amours plantée. La pot estre si eslevée Et de branches si estendue Et de feuilles si bien vestue, De fleurs si cointement parée, Comme estre aus milleurs comparée. (MACH., J. R. Nav., 1349, 223).

 

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[D'une matière] "Se répandre (dans l'espace)" : Mais aussi com pluseurs rivieres Arrousent, et pluseurs lumieres Radient et leur clarté rendent En tous lieus ou elles s'estendent, Ces douse nobles damoiselles Qui de tous biens furent ancelles, Chascune selonc sa nature, En meurs, en maintieng, en figure, Embelissoient ceste dame... (MACH., J. R. Nav., 1349, 182). Et donques en procedant oultre en aval est terminee et finee toute transmutacion, quar oultre ne se puet estendre ne descendre la lumiere des corps du ciel. (ORESME, C.M., c.1377, 258).

 

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[D'un élément naturel] Estendu. "En expansion" : ...quant l'air est estandu, il fait le beau temps et sery (CORBECHON, Propriétés, 1372, XI, 1, 183 r°).

 

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[Du soleil] "Darder ses rayons" : ...Quant le soleil fut levé sy hault qu'il s'estendoit par tout, a ce point failly l'enchantement que Bruiant avoit fait sus les quatre chevaliers. (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 319).

 

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[D'une partie du corps] "S'allonger, croître" : LE COURBE HOMME. Les os m'estendent et me croissent : Je croy que je me vueil drescier. (Mir. st Panth., 1364, 348). La mort le fait fremir [celui qui est en train de mourir], pallir, Le nez courber, les vaines tendre, Le col enffler, la chair moslir, Joinctes et nerfz croistre et estendre... Corps femenin, qui tant est tendre, Poly, souëf, si precïeulx, Te fauldra il ces maulx attendre ? Oy, ou tout vif aler es cieulx. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 43).

 

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[D'une partie de vêtement] Estendu. "Ouvert"

 

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Travailler à col estendu. "Travailler avec le col ouvert, travailler en se donnant du mal" : Soing et Cure (...) m'admonnestoient Que j'ouvrasse à col estendu Et que bien me seroit rendu (JACQUES BRUYANT, Voie pauvreté richesse P., 1342, 39).

 

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[D'un élément liquide] "Déborder" : ...les maistres ou seigneurs conseilliers ceans (...) ne povoient venir au Palaiz ne en la Chambre de Parlement seurement pour le grant excès de la riviere qui s'extendoit en pluseurs rues moult impetueusement (BAYE, I, 1400-1410, 219).

 

b)

[D'une pers., d'un animal] "S'étirer"

 

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[D'une pers.] : ...et fit une maniere comme de soy estendre et esveillier ainsi qu'il yssist d'un grief somme. (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 18). ...il vey le chevallier illecq gisant, qui faindoit de dormir. Mais quant Gadiffer vey qu'il s'estendoit comme en soy esveillant, il commença a dire... (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 175). ...quant il fut armé, il se commença a soy estendre et pollir en ses armez (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 285).

 

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Ne pas oser se crampir ni s'estendre. "Ne pas oser bouger du tout" : Et ainsi que ils estoient en conclave, ils ne se osoient crampir, ne extendre pour les Rommains qui crioient comme gens hors du sens que, se ils ne avoient pappe rommain ou néapolitain, que ils turoient tout (Hist. chron. Flandres K., t.2, c.1342-1383, 155). ...Alixandre avoit tousdis sur mer, au plus pres de son ost, cent et .IIII. xx gros vaissiaulz plains de bonne gent d'armes et de tous vivres, et par ces vaissiaus ychi estoient tous cheux qui estoient ou marchissoient en mer si constraint que nulz ne se osoit crampir ne estendre. (WAUQUELIN, Faits conq. Alexandre H., c.1450, 224).

 

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S'estendre d'un sentiment. "Allonger ses bras, s'étirer pour exprimer tel sentiment" : ...Et quant li Bastard l'ot, de la joie s'estent (Baud. Sebourc B., t.2, c.1350, 252).

 

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[D'un animal] "S'étirer, se redresser" : Si vint un levrier pour le prendre. Le lievre adonc se va estendre En saillant par telle maniere Que tous les levriers mist darriere. (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 405).

 

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[D'un animal] Estre estendu de une forte émotion. "Étirer tous ses membres sous l'effet d'une forte émotion" : Souvent est li faucons de paour estendu, Et fuyoit toudis l'aigle et li faisoit reffus, Mais pour che ne voloit l'aigle aler ensus Et le bequoit si fort que sans en est issus. (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 594).

 

c)

[D'une pers.] "Se coucher de tout son long, s'allonger"

 

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"Se coucher (à terre), se prosterner (en signe d'hommage, de prière...)" : Encore selon mon avis Me vault il miex que je m'estende En repentance, et que j'atande La grace de la vierge mère. (Mir. pape, 1346, 395). Si tost que vous orrez sonner Nos instrumens et resonner La trompe, le fretel, la harpe (...) Et la tres douce melodie De tous les genres de musique, N'i ait celui qui ne s'aplique Pour aourer l'idole d'or. Et se vous commandons encor Que chascuns a terre s'estende Et honneur et gloire li rende. (MACH., C. ami, 1357, 19).

 

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S'estendre à la mort. "Se coucher pour mourir" : MUNIER. A la mort me convient estandre. Avant que je parte d'icy, Pourtant je crie à Dieu mercy (LA VIGNE, Munyer T., 1496, 233).

 

.

Estendre mort. "Tomber mort" : Noyer ou pendre Vouldroye ou morte estendre Plus tost que attendre Faire a mon mary tort. (Vie st Eust. 2 P., c.1400-1450, 202).

 

.

Estendu : Roland, quy cogneut bien sa fin, par contemplacion entiere, les yeulx au ciel levés et les mains joyntes, tout estendu au pré va dire : "O beau sire Dieu, mon createur, mon redempteur, filz de la Vierge Marie, mere de tout confort, tu sçais mon intencion, tu sçais que j'ay fait par la bonté qui est en toy..." (BAGNYON, Hist. Charlem. K., c.1465-1470, 209).

 

-

"S'allonger" : ...Que, quant il [Polyphème] ot son oeil perdu, Il ot le cuer si esperdu Que li anemis s'estendi Si qu'en .II. la roche fendi. (MACH., Voir, 1364, 624).

 

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[De Jésus] : LE DRAPPIER. C'est il, sans aultre, vrayëment, Par la croix ou Dieu s'estendit ! (Path. D., c.1456-1469, 160).

 

-

S'estendre en/sur qqc. "S'étirer, s'allonger, se mettre en exension en prenant appui sur qqc. (les étriers)'" : Par les chemins et par les camps Estoit si liez, gais et cantans Et sy s'estendoit en l'estrier Que le cuir faisoit eslongier (Dit prunier B., c.1330-1350, 66). ...et par ung souldain souvenir que Amours luy donnoit il s'estendoit sur les estriers, brochoit le cheval, sy le faisoit saulter, virer et tourner. (Jehan d'Avennes F., c.1465-1468, 22).

 

-

Estendu en croix. "Allongé sur la croix" : Et, pour bien rafreschir les entrans en ladicte ville, y avoit divers conduis en ladicte fontaine gectans lait, vin et ypocras, dont chascun buvoit qui vouloit. Et, ung peu au dessoubz dudict ponceau, à l'endroit de la Trinité, y avoit une Passion par personnages et sans parler, Dieu estendu en la croix et les deux larrons à destre et à senestre. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 28).

 

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(Mort) estendu. "Allongé, couché (mort)" : Et mon pere le fery du pommeau de l'espee en la temple grant coup. A ce qu'il estoit fors et aspres chevaliers, et la coiffe d'acier estoit feble et mal seure, et le pommel de l'espee estoit pesant, l'aventure fu telle qu'il le tua tout mort estendu a la terre. (ARRAS, c.1392-1393, 58). Quant le corps virent sanz couleur, Enmi le palais estendu, Pere et mere et freres tendu Et les seurs ont a eulx occire, Qu'i les laissast (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 108). SOTOUART. Or est il mort et trespassé, Mais ce c'est de soif je ne scay. Tous ensemble. Vele la, vele la tout estendu, Dont le deul nous est chier vendu. (Vig. Trib., c.1480, 232).

 

-

Abattre / jeter / ruer qqn tout (plat) estendu : Sy s'en vint prestement a lui, ne nul mot il ne dist, jusques a tant qu'il le tint et le haherdi de tel ravine qu'il le abati enmy la nef tout estendu (Bérinus, I, c.1350-1370, 217). ...maiz Aigres prinst le cuvert de tel vertu et le bouta en sus de lui tellement qu'il le getta contre terre tout estendu, puis print un hestal en sa main et se deffendi moult viguereusement contre ceulx qui le cuidoient mehaigner, et fery sur eulx a grant exploit, si que pluseurs en abati mors. (Bérinus, I, c.1350-1370, 372). ...et de ce cop rua l'Angloix, la visiere dedans le sablon, et tout plat estendu (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 128).

 

-

Choir estendu : "Lasse !" dist elle, "quel remors Puis avoir de ceste nouvelle !" A cest mot chey la pucelle A la terre, toute estendue. (MACH., J. R. Nav., 1349, 201). Quant Sipio le second Affricquant, alla par mer en Auffricque, au saillir de la mer qu'il fist, il tresbucha et cheit tout estendu a terre. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 56). ...sy prit sa hache à deux mains, et de l'ance d'icelle le rebouta de rechef la teste en terre, et de ce coup luy donna de la peine parmi son derrière, et le fit cheoir tout estendu (Faits Lalaing K., c.1470, 178).

 

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Gesir estendu : Et Rollant s'y girat stendus ainsy que ung mort homme (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 216). Icy devant en ceste terre, Gist tel et tel bailly d'Aucerre, Tout estendu, le dos envers, Lequel, par fortune de guerre, A Beauvais vint la mort acquerre, Et sur ce voult faire ces vers. (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 133).

 

d)

[D'un groupe] "Se déployer, s'installer" : JOSEPH. Nous sommes bien tard arrivéz, Car la cité est ja comblee De gens a si grant assemblee Qu'ilz ne se scevent ou estendre (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 63). Car je void tant de gens venir Qu'on ne se scet plus ou estandre. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 193).

 

-

[D'hommes de troupe] "Se déployer" : Ensi se conmença li bataille (...) Et les archiers d'Engleterre s'estendirent au lonc et donnerent moult grant confort as gens d'armes (FROISS., Chron. D., p.1400, 778).

 

.

"S'installer, prendre position" : Li rois se desloga et toute son host (...) et s'en vint logier sus le rivière d'Yonne à Kon desous Vosselay. Si s'estendirent ses gens sus celle belle rivière, c'on dist Yone, et comprendoient tout le pays jusques à Clamisi. (FROISS., Chron. L., V, c.1375-1400, 227). Si se estendirent et firent leurs logeis sur ces biaux prés au lonc de la rivière de Dourdonne, et estoit grant plaisance au regarder. (FROISS., Chron. R., IX, c.1375-1400, 5). Nuls n'osa desobeïr ; tous s'apparillièrent des bonnes villes de Flandres et dou Francq de Bruges, et vinrent mettre le siège devant Audenarde, et s'estandirent par champs, par prés, par marès tout à l'environ. (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 246). Et, oudit voyage, ledit grant maistre, usant dudit povoir de lieutenant du roy, logea [et] fist loger l'armée et ses gens de guerre d'icelle armée, dont il avoit la charge et conduicte, et leur ordonna les villes, lieux et pays où ilz se porroient estandre pour avoir leurs vivres, logis et provisions. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 248).

B. -

[Idée d'extension dans la durée]

 

1.

Estendre (une durée, la durée de qqc.). "Prolonger (une durée)" : Par trois jours le chemin est estendu, affin que par grant soing et labeur le pere fust traveillié ou tourmenté, affin que tout cel espace si long le pere, regardant son filz, mengast avec lui et que autant de nuis l'enfant fust embrachiés de son pere, se reposast sur sa poitrine et se couchast en son geron. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 217). Cedit jour, a ordonné la Court que maistre Loiz Blanchet, prisonnier, duquel la prison avoit esté extendue par le Palaiz jusques à au jour d'ui, demourra en cest estat jusques à lundi prouchain (BAYE, I, 1400-1410, 145).

 

2.

S'estendre

 

-

[D'une chose abstr.] "Se prolonger" : Item, delectacion et tristece se extendent et durent par toute nostre vie. (ORESME, E.A., c.1370, 496).

 

-

[D'une somme d'argent] "Durer et suffire à la dépense" : Mon chier cousin, si avant que mon or, mon argent et tout mon tresor que j'ai amené par de deça, qui n'est pas si grans de trente fois comme cilz de par de delà est, se pora estendre, je le voeil donner et departir à vos gens. (FROISS., Chron. L., VI, c.1375-1400, 208). ...comptez doulcement à tous et si avant comme le vostre peut courrir ne estendre pour paier leurs menus frais (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 100). J'ay cecy, j'ay cela pour mettre pour vous et pour atendre tout vostre advenir ; et ne faudrez du vostre tant qu'il s'estend, si Dieu ne nous faut de nos biens, premier que le voudriez (CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 336).

C. -

Au fig.

 

1.

Estendre qqc. "Donner plus d'ampleur à qqc., en augmenter le champ d'action" : Mais moult d'autres cas sont selonc diverses choses asquelles pueent estre comparees les puissances, si comme de la distence a laquelle une puissance puet alterer ou faire son action, quar puet estre qu'elle est determinee absoluement par la tres plus petite distance de toutes celles asquelles elle ne puet estendre son action, si comme un feu puet eschaufer ou illuminer jusques a une distance a laquelle il ne puet ne oultre, mais puet a toute mendre, ceteris paribus. (ORESME, C.M., c.1377, 192). Li rois de France (...) estendi ses mandemens et conmandemens parmi tout son roiaulme (FROISS., Chron. D., p.1400, 821). Et si est vray que ou prejudice tant de la jurisdiction spirituelle que temporelle les juges royaulx eslargissent et extendent trop les cas que ilz dient estre privilegiés, tellement que se une personne voit une chevre entrer en ung jardin ou se une josne fille se mesfait de sa voulenté sans force ou violence ou se deux s'enterbatent ou chemim publique et semblables plusieurs cas, ilz diront que il y a saulve garde enfrainte et que ilz en auront la congnoissance, et ne seuffrent pas que les juges ordinaires de la jurisdiction temporelle ou spirituelle en congnoissent. (JUV. URS., Verba, 1452, 382).

 

-

[D'une institution] Estendre sa main à un cas. "Accroître le champ de son autorité à tel cas" : ...maiz parce qu'est innocent, lui ne doit point estre puni, attendues les conjectures, et lui plaist que la Court extende à ce cas sa main, à quoy s'atent et y a fiance. (BAYE, I, 1400-1410, 107).

 

-

Estendre (une faculté) à + inf. "Développer (une faculté) jusqu'à + inf." : O qui est ce qui bien estendra son intelligence a contempler par dilatacion de pensee en tant de diuerses choses qui sont au corps et aussi en lame [l. l'ame] : certes qui bien est usagie de contempler en ceste maniere de contemplacion, il y a commencement de soy esleuer aulx choses inuisibles et passera legierement aulx autres manieres de contempler sur soy par la seconde maniere et par la tierce maniere de contemplacion, cestassauoir [l. c'estassavoir] par subleuacion et par alienacion de pensee. (CIB., p.1451, 186).

 

-

Estendre qqc.(une force, une puissance) en + inf. subst. "Déployer, employer qqc. dans toute son étendue" : Et il, en gardant courtoisie, Toudis de bon cuer l'ameroit Et son pooir estenderoit En li chierir et honnourer ; Et pour li mieus enamourer Il maintenroit toute noblesse, Honneur, courtoisie et largesse. (MACH., J. R. Nav., 1349, 169).

 

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[D'une émanation du pouvoir] "Être diffusé qq. part" : Li mandemens dou roi s'estendi par toutes les parties d'Engleterre jusques ens ou fons de Cornuaille (FROISS., Chron. D., p.1400, 208).

 

-

"Embrasser, contenir qqc."

 

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[Sentence] C'est folie d'entreprendre Plus que pouvoir ne peut estendre. "C'est folie d'entreprendre un projet qui dépasse ses forces" : C'est folie d'entreprendre Plus que pooirs ne puet estendre. (MACH., J. R. Nav., 1349, 267).

 

2.

"Répandre qqc." : Dyaletique si ressemble Au poing cloz, qui se tient ensemble, Pour ce qu'elle assemble et abstraint Les parolles et les restraint ; Et science de Rethorique Ressemble a la paume publique, Pour ce que elle les estend, Ainsi com la paume s'estend. (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 130).

 

-

Estendre qqc. sur qqn. "Distribuer largement qqc. à qqn" : Les enfans aus méres rendez Et de mes biens leurs estendez Et donnez tant qu'ilz si n'en noisent Et que liement s'en revoisent (Mir. st Sev., 1362, 200). Hee, vueillez vostre aumosne estendre Sur le povre qui ne voit goucte. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 188). Vueillez donc vostre aumosne estandre Sur le povre qui ne voit goutte. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 444).

 

-

Estendre (une chose abstr.) (à/sur qqn) : ...requerant que de ce ledit lieutenant voulsist de lui avoir pitié et lui extendre sa grace. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 227). Et li pri (...) Qu'il [Dieu] vous regart de ses doulx yex Et sur vous si sa grace estende Qu'en brief la parole vous rende (Mir. Pierre Changeur, c.1378, 291). ...car a toutes manieres de gens, soient prestres, clercs ou aultres, et pour quelconques cas que ce soit, voire de ceulx que on dit ecclesiastiques, voire de falcificacion de bulles papalles, peut extendre sa clemence en donnant remission aux delinquans, sans ce que la jurisdiction ecclesiastique y ait plus que congnoistre. (JUV. URS., Verba, 1452, 308). Pour Dieu, sire, ayez pitié de moy et de mes povres enfans et estandés vostre misericorde, et à tousjours mais ne cesserons de vous servir et de prier Dieu pour vous, auquel supplie que par sa grace, Sire, vous doint très bonne vie et longue et acomplisement de tous voz bons et haulx desirs. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 369).

 

-

Estendre qqn à qqc. "Amener qqn à qqc. (une position d'infériorité)" : ...je les ay conquis de fait Et a ce mis et estenduz Qu'il se sont com subgiez renduz Tout plainement. (Mir. st Lor., 1380, 135).

 

-

Estendre qqc. à qqn. "Attribuer, par extension, qqc. à qqn" : Mais le nom de prodigalité, nous le actribuon et extendon aucune foiz a ceuls qui sont desactrempéz. (ORESME, E.A., c.1370, 230).

 

-

Estendre qqc. sur qqn. "Porter un coup à qqn" : LE ROY. Fil a putain, bien m'as blecié Du cop qu'as sur moy estendu (Mir. fille roy, c.1379, 75).

 

3.

S'estendre

 

a)

[D'une chose]

 

-

"Se disséminer, se multiplier" : Et ainsi diversement en innombrables guises et differenciées manieres s'estendent les maulx et persecucions que mauvais tirant seigneur scet trouver à faire selon les inclinacions, les uns d'une maniere, autres d'une autre se donnent. (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 122).

 

-

S'estendre qq. part. "Se trouver, estre inclus dans qqc." : A Johan celle lettre porteras eramment, Et dis qu'il fache che qui par dedens s'estent, Erant sans atendue. (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.2, a.1400, 746).

 

-

[D'une science, d'une technique, d'une oeuvre...] "S'appliquer" : ...il fut recousu et toutes ses plaiez mises en bon point si avant que medecine naturelle se peut estendre. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 823).

 

b)

S'estendre à/en qqc.

 

-

"S'appliquer à qqc. (une autre science)" : Cestui fut souverain medicin et parfait astrologien en tant que estandre se peut astrologie ès maladies de corps humain. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 133 r°).

 

-

"Insister sur qqc." : En la loenge de la vierge benoite se peine toute sainte escripture et estent tant comme elle peut (Mir. st J. Paulu, c.1372, 91).

 

-

[D'une chose abstr.] S'estendre à qqc. "Aller jusqu'à qqc., atteindre qqc." : Car ceste vertu dont nous voulons parler et liberalité ne se extendent pas ou ne ataingnent pas jusques a grandeur. (ORESME, E.A., c.1370, 258).

 

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S'estendre (sur qqn). "Se répandre sur qqn" : C'est ta grace vraiement Qui s'estent à tous ceus qui en recoy Pleurent et plaingnent souvent. (MACH., Les lays, 1377, 411).

 

.

[D'une oeuvre littéraire] "S'ouvrir à (tel sujet nouveau)" : ...si s'estendra elle toutesfoiz, a cause de la fresche advenue, a ung cas a Romme nagueres advenu [L'auteur présente une nouvelle qui sort du cadre géographique habituel] (C.N.N., c.1456-1467, 302).

 

.

[D'une chose abstr.] Estendu. "Déployé (de telle ou telle manière)" : ...le corps du ciel a en soy seulement ame intellective appellee intelligence, laquelle est indivisible et non pas estendue par quantité ne par parties, mes est toute en chascune partie de ce corps. (ORESME, C.M., c.1377, 314).

 

-

[D'un texte officiel] "Concerner qqc." : Ce nonobstant, les appellans ont obtenu lettres qui ne s'extendent pas aux biens ou terres tenues par autre que par le roy, qui aussy sont surreptices par plusieurs moiens dessusdis (CAGNY, Chron. M., Pièces diverses, 1413, XVII).

 

-

[De l'esprit] S'estendre à qqc.

 

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"Parvenir à comprendre qqc." : Tu vois aussi le mortel corps Clerement laver par dehors ; Mais du [l. au ?] lavement plus parfait Qui par grace en l'ame se fait, Ton sens ne se puet pas estendre. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 155).

 

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"Être en mesure d'intervenir (dans un domaine)" : Et quant il vouldroit user à force de rigueur, monsieur, quant à moy, du rendre ou du garder [l'otage], mon sens ne s'y estent plus. Je n'ay serment que à vous (LA SALE, Reconf. De Fresne H., 1457, 9).

 

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S'estendre à + inf. "Aller jusqu'à + inf." : Or regardons la subtillece de l'entendement de nostre prince, comment grandement s'estendi à comprendre et concepvoir toutes choses, tant speculatives, comme ouvrables (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., II, 1404, 20).

 

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S'estendre à qqc. + interr. indir. "Parvenir à comprendre + interr. indir." : ...se nous voyons aucune chose advenir soit en ciel ou en terre ou nostre sens se puet estendre dont ce vient et comment ce puet estre par raison naturelle, loer en devons cellui qui tel pouoir a donné a ses creatures humaines. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 563).

 

-

SPIRITUALITÉ [De la pensée hum. ; corresp. à l'activité de l'esprit au premier degré de la contemplation] "S'élargir, se dilater" : Dilatacion de pensee est quant lentendement [l. l'entendement] se extent et se espant en plusieurs choses mediter lesquelles on peult assez aisiement congnoistre comment, mais que on applique son engin et entendement. (CIB., p.1451, 185).

 

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Estendu à qqc. "Appliqué à qqc." : Mais je ne les vëoie mie, Car dou chemin estoie arriere, Et, d'autre part, pour la maniere De ce que j'estoie entendus Et tous mes engins estendus A ma queste tout seulement. (MACH., J. R. Nav., 1349, 156).

 

-

[D'une qualité, d'un sentiment...] S'estendre à qqc. "S'appliquer à qqc., exercer son action (dans tel cas)" : Ycelle sobrece, qui est la premiere, ne s'estendra pas seulement en boire ne en mengier, mais en toutes aultres choses esquelles elle pourra servir et restraindre et abaicier superfluitéz. (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 43). Encores, et jassoit que par les anciennes coustumes de nostre royaume, l'appellant doit estre ou champ avant l'eure de dix heures et le deffendant devant l'eure de midy, et quiconcques deffault de l'eure, il est tenu et jugié pour convaincu, se nostre mercy, ou du juge, ne s'y estend (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 214).

 

-

[D'un pouvoir, de l'émanation d'un pouvoir, d'une puissance] S'estendre (sur qqn/qq. part). "S'exercer sur qqn/qq. part ; avoir une certaine portée" : Quant vers euls le voient venir, Il ne scevent que devenir : Il s'en fuient et se tapissent, Et cil qui puelent le guenchissent, C'est assavoir cils ou il tent Et sus cui ses pooirs s'estent. (MACH., D. Aler., a.1349, 326). ...si di que il s'est meffet envers vous et que son pouair ne s'etent mie si avant que il deust entreprendre les choses que j'ai pourposees contre lui (HENRI FERR., Modus et Ratio, Songe pest. T., c.1354-1377, 22). Depuis encores, par l'avis et regard dou roy de France et de son estroit conseil (...) fu requis li rois d'Engleterre que il volsist donner et acorder une commission general qui s'estendesist sus tous ciaulz qui pour le temps tenoient en l'ombre de se guerre villes, chastiaus ou forterèces ou royaume de France. (FROISS., Chron. L., VI, c.1375-1400, 47). Nous le aiderons et conforterons en toutes coses. Nous i sonmes tenu, et le volons faire si avant que nostre poissance se pora estendre, mais c'est petite cose, de nous et de nostre pais, encontre la poissance dou roiaulme de France. (FROISS., Chron. D., p.1400, 250). Il doivent venir chevaliers qui porteront mailles de fier et seront moult crueuls ; mais il n'averont point de chief, et ne s'estenderont point lors poissanches ne lors oevres hors de l'empire d'Alemagne (FROISS., Chron. D., p.1400, 896).

 

-

[D'une chose quelconque] "S'appliquer (à qqc.)" : ...c'est confort aus chetifs que d'avoir compaingnons de leurs paines ; et ce s'estent seulement en fait de guerre. (VIGNAY, Théod. Paléol. K., c.1333-1350, 91).

 

-

S'estendre à + inf. "Tendre à, aspirer à" : Mais le forfait de si haut desirer Vuet penre Amours, qu'elle vuet que j'endure Autant de peinne et de male aventure Com mes desirs à joie avoir s'estent ; Et s'ont esté par son consentement Tuit mi desir fait en loyauté pure. (MACH., L. dames, 1377, 57).

 

-

[D'un traité] "Avoir une certaine portée" : Li rois de Cipre euist volentiers amoienet ces besongnes, se il peuist, et veu que li enfant de Navare se fuissent mis sus lui, mès leurs trettiés ne s'estendirent mies si avant. (FROISS., Chron. L., VI, c.1375-1400, 89).

 

c)

[D'une pers.]

 

-

"Se montrer large, généreux" : ...Et si doiz A tes hostes, sans trop reprandre Leur vouloir ; tu te doiz estendre Une fois pour avoir gré d'eulx (DESCH., Oeuvres Q., t.2, c.1370-1407, 259).

 

-

S'estendre à qqn. "Élargir ses relations à qqn" : ...car qui se voudroit estendre a ses parens et as prouchains et amis et as amis de ses amis, ce seroit une chose senz fin. (ORESME, E.A., c.1370, 118).

 

-

S'estendre à qqc. "Élargir son action à qqc., s'appliquer à qqc." : ...il s'efforçoient hanter guerres ensemble, si que il convenoit que il s'estendissent avec leurs gens [a leur] deffension, et a leur garde (VIGNAY, Théod. Paléol. K., c.1333-1350, 25).

 

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S'estendre à + inf. "S'efforcer de" : Et par semblable me estent je a escrire ce que j'ay ordené estre escript (VIGNAY, Théod. Paléol. K., c.1333-1350, 36). ...le seigneur s'estent si vigueureusement a si pou des gens a la garde et la deffense de son honneur garder en deffendant sa terre et sez hommez (VIGNAY, Théod. Paléol. K., c.1333-1350, 90). ...Mais a bien faire s'extende ; Ses biens vende S'il doibt restitution. (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 71).
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Pierre Cromer

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