C.N.R.S.
 
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     ÉBAT     
FEW I battuere
ESBAT, subst. masc.
[T-L : esbat ; GD : esbat ; GDC : esbat ; FEW I, 293a : battuere ; TLF : VII, 589a : ébat]

I. -

[En rapport avec le verbe battre]

 

-

"Coup" : Quant Johan l'entendit, ne le tint mie à gas, Vers le conte brochat, s'encontre Floridas, De son grant malh de fier li donne teils esbas, Que le heame et la coeffe ne ly valent dois as (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.3, a.1400, 464).

 

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[D'un oiseau de proie] Prendre esbat. "Battre des ailes pour s'envoler" : ...il batra contremont et prendra bons esbas (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 219). Il est bien voir que l'esprevier De souvent batre est coustumier, Maiz sachiez que c'est grans esbas De lui bien garder ses esbas : C'est qu'il s'esbate tellement Que il ne bate villainement (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 339).

II. -

[Idée de divertissement]

A. -

"Ce qui divertit, détend, procure du plaisir ; divertissement, passe-temps, plaisir qu'on y prend" : Si m'en alai parmi le brueil Qui estoit si biaus qu'onques mais Ne vi, ne ne verrai jamais Si bel, si gent, si aggreable, Si plaisant, ne si delitable ; Et les merveilles, les deduis, Les ars, les engins, les conduis, Les esbas, les estranges choses Qui estoient dedens encloses, Ne saroie jamais descrire. (MACH., R. Fort., c.1341, 30). Se bien savoies que tu fais (...) Joie n'aroies ny esbas Tant qu'a genoulz m'aroies cy A jointes mains crié mercy. (Mir. parr., 1356, 12). En moy n'a voir ne jeu n'esbat, Tant me deult le chief et debat Et me fait mal. (Mir. Pierre Changeur, c.1378, 241). Quoy que je me couche en ce lit, En moy n'a n'esbat ne deslit, Ains suis d'onneur perdre en doubtance (...) Se par vous, doulce vierge pure, Je n'ay secours. (Mir. fille roy, c.1379, 92). Je pers toute joye et soulas ; En pleurs seront tous mes esbas Et en doleurs toute ma vie. (Pass. Auv., 1477, 191). Pour quoy chascun de vous s'aplicque Et tout par maniere d'esbatz A revisiter la fabricque Desormais par tout hault et bas. (Sots mal., c.1480, 89). ROSSIGNOL. Dictes present adieu folie, Tous esbas cessent, c'est le train. SOTIE. Vous ne folerés plus demain Mes enfans. (Vig. Trib., c.1480, 227). On ayme trop la vie temporelle, Jeux et esbas (LA VIGNE, V.N., p.1495, 318).

 

-

À l'esbat/en esbat : Cogneut oultre que, demi an a ou environ, qu'il qui parle s'en aloit en esbat de la ville de Compiengne, dont il est nez, en la ville de Choisi, assez près d'illec (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 73). ...samedi derrenierement passé, de relevée, avant vespres, eulz estans en esbat avec autres compaignons et jouans à la soule au devant du monstier d'icelle eglise (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 465). Et tant chevaucha qu'il s'approucha durement de la fontaine. Et pour lors avoit sur la fontaine trois dames en esbat, dont entre elles en avoit une qui estoit la plus seignourie, et leur dame estoit. (ARRAS, c.1392-1393, 23). ...ils s'en pooient partir a l'endemain et retourner arriere en lors esbas. (FROISS., Chron. D., p.1400, 876). ...S'ilz ont joye, alors je pleure, S'ilz vont en esbat, je labeure, S'ilz ont du bien, j'ay mal tousjours. (Rond. poés. XVe s. R., c.1400-1500, 122). Salomon un jour aloit a l'esbat, bien acopaigné De princes et aultres gens. (Nouvelles inéd. L., p.1452, 112). Après le soupper, la compaignie s'en alla a l'esbat (C.N.N., c.1456-1467, 249). ...comme la femme de celuy qui festioit la compaignie menast a l'esbat la femme et la seur de nostre dit gentil homme (...), elles se vindrent rendre en la maisonnette du bergier (C.N.N., c.1456-1467, 357). Bon Temps, avant que je desplace, Est remis en point sans debat, Jesus qui les pechez rabat Vueille preserver de souffrance Et tenir en joyeulx esbat Le noble royaulme de France. (Sots, c.1480-1500, 280).

 

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Prendre (son) esbat. "Se distraire" : Einsi prenoient leur esbat En ce vergier, sans nul debat, Les gens qui venir y voloient, Ne creature ne trouvoient Qui leur vëast plein ne destour, Einsois que l'iaue alast entour. (MACH., D. Lyon, 1342, 219). Et se le temps n'est de saison, Prenez l'esbat en vo maison Ou autre part en lieux plaisans. (DESCH., Oeuvres R., t.8, c.1370-1407, 341). ...ne say Lyeu nul si faitiz ne si gay Pour prendre esbat. (Mir. pape, 1346, 362). MAISTRE ALIBORUM. Pour le present Je corrige magnificat. Et vous, quoy ? DANDO. Je prens mon esbat. Nous chantons tous deux a ung ton, Vous corrigez et chien et chat, Je suis domine fac totum. (Sots Magn., a.1488, 200).

 

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Prendre son esbat à + inf. "S'amuser, prendre du plaisir à" : Ainsi qu'estoie en tel estat, J'oÿ a une d'elles dire : "J'en voy un qui prent son esbat A penser, sans jouer ne rire..." (Cent ball. R., c.1388-1396, 109). BROIEFORT. Je luy vois faire une couronne Bien propre selon son estat. BRAYART. Tendis, nous prendrons nostre esbat A lui croqueter sur la teste De gros roseaulx. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 307). La pourrés vous veoir toutes sortes de bestes et d'oyseaux et prandre esbat et recreation a veoir les paintures et edifices singulieres lesquelles j'ay fait faire pour l'amour de vous. (TARDIF, Apologues R., c.1493-1498, 87).

 

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"Se permettre de" : Il nous fault enquerir qui c'est Qui prent maintenant son esbat A vyoler nostre sabbat, Et d'où luy vient l'auctorité De donner parfaicte santé Aux malades le jour des festes. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 119).

 

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Prendre ses esbats. "Faire l'amour" : Ma femme ayme sur toute rien A le veoir ; tousjours la faict rire. Une lettres luy voys escrire, Que vostre mary portera. Et ma femme l'am[usera] ; Ce pendant prendrons nos esbatz. (Gent. Naudet T., c.1500, 278).

B. -

En partic.

 

1.

"Activité physique, source de plaisir" : Du surplus, selon son aige de XIIJ ans, estoit tres habille et hardy valeton, fust pour chevauchier un bien rigoureux coursier, fust a chanter ou a dansser (...) et a tous autres essais et esbas que il veoit aux hommes faire (LA SALE, J.S., 1456, 2).

 

2.

"Divertissement de la chasse" : LE QUINT CHEVALIER. (...) Veez ci le marquis revenir, Qui vient d'esbat, soy et sa gent. (Gris., 1395, 10). Or advint ainsi que ledit Robert s'en retournoit vers Abbeville, lui et sa compagnie (...), il encontra aucuns des fauconniers du duc qui venoient de l'esbat avec leurs oyseaux (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 341). ...nous lisons que Octovian Cesar et Marcus Antonius (...) se sont autreffois esjouys et qu'ilz ont prins plaisir au gibier et esbat des cailles (TARDIF, Apologues R., c.1493-1498, 60).

 

3.

"Plaisanterie, jeu" : NASON (à l'aveugle que Jésus vient de guérir) Et quant te fist Jhesus cecy ? Je ne le tiens point a esbat. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 190).

 

-

"Jeu, d'où activité inutile, perte de temps" : CAŸPHE. ...Ce que vous faictes n'est qu'esbat. Il en fault despecher la court Et traicter sa mort le plus court Que nous pourrons (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 329).

 

-

Par esbat : Et disoit que les hommes ne sont point tenus d'endurer des dames s'il ne leur plaist, car elles sont subjectes a eulx, et ne leur apertient point de venir mettre en leur doz aucunes herbes ou ordure, soit par esbat ou autrement (MART. D'AUV., Arrêts Am. R., c.1460-1466, 215). Le lyon la laissa aller [la souris] plus par esbat que par pitié. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 125).

 

4.

"Divertissement théâtral, jeu au théâtre" : Et vous, messeigneurs haulx et bas, Qui avez ouy nous esbas, En gré les prennés. (Pipée R., c.1470-1480, 218).

 

-

[Les acteurs aux spectateurs] Recevez en gré nos esbats : Supplïant la noble assistence De ceste presente compaignie Assemblee pour la confrarie De la Vierge, Mere de Dieu, Qui est establye en ce lieu, Ou nom de sa nativité, Dont en faisons festivité Ce jour par courtoise alyance De son digne lieu de Lyance, Que ung chascun selon son degré Recepvez noz esbatz en gré. (Myst. jeune fille L., c.1413-1445 [c.1530], 83). JOYEULX SOUBDAIN. Pource que ne povez aymer Vous en dictes tous ces fatras. BEAUCOP VEOIR. Seigneurs, vueillés nous pardonner Et prenez en gré nos esbas. (B. veoir, p.1480, 21). LE CRESTIEN. Des merites sainct Nicolas Prions toute la compaignie Qu'i prennent en gre noz esbatz Et soustenez la confrarie. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 159). Bonnes gens, prenez tout en gré ; Nous en allons par cy le pas. Ung chascun selon son degré, Vueillez prendre en gré noz esbas. (Obstin. femmes T., c.1480-1500, 59).

 

5.

"Ce qui amuse, babiole" : BRUYT. Et que portes tu ? CUIDER. Se sont esbatz Pour appeller les jeunes gens. BRUYT. Mais quoy ? CUIDER. Les fatras sont gens Pour endurer jeunes cornettes... (Pipée R., c.1470-1480, 160). SOTOUART. Rien n'est qui me nuyse, Tous esbas je puise Dedans ma cornette. CROQUEPIE. Dy nous [icy] quelque sornette Pour passer temps. (Vig. Trib., c.1480, 226).

C. -

P. méton. "Lieu propre au jeu ou à l'exercice physique" : Car li gesirs, ce dist, le grieve. Par tout le quiert et haut et bas, En tous lieus et en tous esbas Ou il prendoient leur retour. (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 87). Mais il ne vot mies souffrir ne consentir que elle alast hors, ne s'amoustrast nulle part, fors en aucuns esbas qui estoient devant le porte dou chastiel, et qui respondoient à le maison. (FROISS., Chron. L., I, c.1375-1400, 89).
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Robert Martin / Pierre Cromer

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