C.N.R.S.
 
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     VILENIE     
FEW XIV villanus
VILENIE, subst. fém.
[T-L : vilenie ; GD : vilenie/vilonie ; GDC : vilenie ; DÉCT : vilenie ; FEW XIV, 454a : villanus ; TLF : XVI, 1150b : vilenie]

A. -

"État de vilain, basse condition" : - En verité, sire chevallier, dist elle, je voy bien que vous estes villain et que vous n'estes point venu de si bon lieu comme vous avez depuis nagaires dit. - Damoyselle, dist il, ma villonnie ne le lieu dont je suis venu ne vous peut empirer (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 17).

B. -

"Caractère de ce qui est vil, vilain, méprisable, infamie qui s'attache à qqc. (et qui rejaillit sur qqn)" : Mais quant il ont tuit debatu Le don de toute leur vertu Et il ont l'amant villené Villeinnement et ramposné Et despité par leur envie Com villeins pleins de villenie, Sachiez que ces sis damoiselles, Qui sont juenes, gentis et belles, Sont champions et advocas Pour l'amant qui est si trés mas Qu'il est de toute doleur pleins Pour la doubtance des villeins. (MACH., D. verg., a.1340, 43). Certes, sire, pas ne vous entendi Pour mon penser qui le me deffendi ; Mais se j'ay fait Riens ou il ait villenie ou meffait, Vueilliez le moy pardonner, s'il vous plait. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 60). S'onneur et sa grant courtoisie Me deffendoient villonnie Et voloient que j'honnourasse Chascun, et que po me prisasse ; Car cils a l'onneur qui la fait, Nom pas cils a qui on la fait. (MACH., R. Fort., c.1341, 9). Mais riens demander ne vous ose, Amour, merci, ne autre chose, Qu'a moy n'apartient nullement, Et on dit que communement Demander vient de villonnie, Et loange de courtoisie. (MACH., R. Fort., c.1341, 138). Il aimme l'onneur et le pris Des armes, d'amours et des dames. C'est li rois par cui uns diffames Ne seroit jamais soustenus ; De toute villenie est nus Et garnis de toute noblesse Qui apartient a gentillesse. (MACH., J. R. Nav., 1349, 175). Laisse Fortune couvenir, Qu'après seur eaus chevaucheras Plus fort : einsi t'en vengeras. Mais l'onneur seroit trop blecie Et doublee ta villenie, Se tu estoies en traitié Avec eaus d'aucune amitié, Puis qu'il yroient mal traitant Toy et ton païs en traitant. (MACH., C. ami, 1357, 115). Il entent par inhonoracions non pas qui lui feroit vilonnie et deshonneur, mais qui ne lui feroit le honeur qui lui est deü justement. (ORESME, E.A.C., c.1370, 251). Ce seroit lasqueté et villonnie , se nous laissons perdre trois si bons chevaliers que cil sont, qui si franchement se sont tenu dedens Auberoce (FROISS., Chron. L., III, c.1375-1400, 67). Mais garde bien, sur tout ne t'enhardi A faire chose ou il ait villenie, N'aucunement des dames ne mesdi ; Mais en tous cas les loe et magnefie. Saches, se tu fais le contraire, Je te feray trés cruelment detraire. (MACH., Prol., c.1377, 4). ...tout homme qui ad ce pense, Il ne riote ne ne tense N'il ne porroit penser a chose Ou villenie fust enclose, Haïne, baras ou mesdis. (MACH., Prol., c.1377, 7). LE ROY DE TARTRES. (...) Et qui ainsi ne le fera, Nostre vilennie sera Et nostre honte. (Mir. fille roy, c.1379, 70). S'il est ainsy, o ame devote, que tu pues estre hostelaine de ton Dieu - et oÿ, certes, il est ainsy : celui le dit qui ne puet mentir -, quele folie, quele meschance et vilainie seroit ce a toy de refuser ung tel hoste ! (GERS., Pent., p.1389, 72). Notez que la plus grande courtoisie est donner ; la plus grande vilenie doncquez est tollir et rapiner. (GERS., Annonc., a.1400, 239). ...et ordonnerent que incontinent les Voltes vuidassent hors de Romme par tout ce jour ; par laquelle villonnie et deshonneur ilz peussent legierement estre esmeulx a rebellion contre eulx. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 36). ...elle de ses bien fais et amours loialles tres repentant et contricte en tout bien et en tout honneur, a jeu sans villonnie, damp Abbés la confessa tres doulcement. (LA SALE, J.S., 1456, 256). Et pardieu, monseigneur, respond la simple femme, vous avez tort, qui pour bien faire me mettez sus telle villannie. (C.N.N., c.1456-1467, 463). Dieu qui souffrit gri[e]f passion, Pour la nostre redemption, Vueille garder la compaignie De tout mal et de vilennie. (C. Riffl., c.1480-1520, 58).

 

-

La vilenie est à lui. "Il s'est montré impoli, discourtois" : Si respondy : Tres chiere dame, du mien n'emportez vous rien fors tant que vous passez par my mon pays, et est la villenie a moy, quant vous estes estrangiere, que je ne vous recoif en mon pays plus honnourablement que je ne puis faire ycy. (ARRAS, c.1392-1393, 8).

 

-

Sans vilenie : ...elle sera d'amer esprise Et vorra doucement amer, Amouresement, sans amer, Sans penser mal, sans villonnie, Sans barat et sans tricherie, Son dous amy, et il sera Ad ce menez qu'il l'amera De cuer, sans pensée villeine, Plus que Paris ne fist Heleinne. (MACH., Compl., 1340-1377, 267). Ja pour eus l'amer ne lairay ; Car mon dous amy ameray Doucement, amoureseument, Sans villenie et loyaument En gardant s'onneur et la moie, Qu'Amours le vuet et je l'ottroie. (MACH., Compl., 1340-1377, 268). Encor vueil d'un autre compter, Se vous me volez escouter. "Une dame sans villenie D'un chevalier estoit amie, Si li donna un anelet Trop gent (ne fu villein ne let), Par si qu'adès le porteroit Et que jamais ne l'osteroit..." (MACH., J. R. Nav., 1349, 235). ...Et com prison en vostre dous pourpris Crant et affie, Ne me devez grever, ce m'est avis, Meësmement que plus vous aimme et pris Qu'onques ne fist belle Heleinne Paris, Sans villennie. (MACH., F. am., c.1361, 155). Et ne vous doubtez, car du vostre ne voulons nous vaillant un petit denier, mais que vostre bonne amour sans villenie. (ARRAS, c.1392-1393, 166).

C. -

P. méton.

 

1.

"Ce qui est vil, vilain, méprisable, action vile, comportement ou propos grossier, insultant, brutal, mauvais traitement" : ...plusieurs foiz je la requis De villenie et de hontage ; Mais conme dame et bonne et sage A moy oir point ne li sist (Mir. emper. Romme, 1369, 307). Et se mentez, sachiez de voir, Je vous feray du corps avoir Grant vilenie. (Mir. roy Thierry, c.1374, 312). Vous avés le nom et renonmee de souverainne gentillece et noblece. Or ne voelliés dont faire cose par quoi elle soit noient amenrie, ne que on puist parler sur vous en nulle cruauté ne vilonnie. (FROISS., Chron. D., p.1400, 847). Le seigneur de Saintré, esprins de maltalent a cause de villonies et moqueries dont a esté cy devant parlé, deliberé fut de le mectre a fin (LA SALE, J.S., 1456, 297).

 

-

Dire vilenie (à qqn) : Là, se Dieux plaist, me vengeray De Florimont, et tant feray Que jamais en jour de sa vie À roy ne dira villenie. (MACH., P. Alex., p.1369, 234). Quant li roys oy la nouvelle, Il dist : "Ma doleur renouvelle, Quant je voy qu'on me tient si vil, Qu'on dit villenie à mon fil ! Biaus dous Dieux, que t'ai je meffait ? Ne sera pugnis ce meffait ? J'ay perdu honneur et loange En ce monde, se ne m'en vange." (MACH., P. Alex., p.1369, 258). Li roys fist un commandement, Qu'on amenast isnellement En sa presence le vallet, Qui po savoit et po valet, De dire outrage et villenie Au conte de Triple en Surie, Qui fils dou roy de Chypre estoit, Et telement le despitoit. Et on li amena grant erre. (MACH., P. Alex., p.1369, 258). Sire Diex, de fait et de dit Vous glorifi (...), Qui m'avez donné la ramposne, Le mal parler, la villenie Que m'ont dit ma propre mesnie, Sire, en pacience porter (Mir. st Alexis, 1382, 349). Cogneut avec ce, elle qui parle, que par plusieurs fois ledit Rotisseur et sa femme ont eu de grans noises et riotes ensamble, lesquelz lui ont dit plusieurs injures et vilennies. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 260). Au devant duquel il qui parle vint, lui dist comme plusieurs fois il lui avoit dit plusieurs injures, blasmes et vilenies, et batu sa femme en despit de lui (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 276). SECONT BERGIER. Tu n'ez bon fors qu'a estre carmes, Moine recluz (...) Car tu es couart d'avantaige, Maiz je suis hardi et vaillant. PREMIER BERGIER. Or ne m'alez point assaillant, Rifflart, ne disant villenie. Je suis d'aussi bonne lignie De bergerie com vous estes (Gris., 1395, 45). ...brayent, crient, cornent, huient Et villenies s'entredient (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 315). ...acourut la tout le peuple a grant cri et a grant fureur, disant grans villenies du roy de France (Bouciquaut L., 1408-1409, 319). ...s'il eust enduré, ou osé, il se fust tres voluntiers courroucié et eust dit villannie a sa femme. (C.N.N., c.1456-1467, 187).

 

-

Faire vilenie (à qqn) : ...sur les injures, outrages, vilennies et meffais que l'en dit estre faiz par lesdictes gens de Retelois, en vitupere dudit archevesque et de l'esglise de Reins, et en grant dommage de plusieurs de ses subgiéz, nous voulons estre enfourméz (Trés. Reth. S.L., t.2, 1337, 39). Pallas li compta la maniere Coment Discorde la doubliere Vint aus noces, et sans mander, Pour corrigier et amender La villenie et le meffait Qu'elle dist qu'on li avoit fait De ce qu'on ne l'avoit mandé, Et dit qu'il sera amendé. (MACH., F. am., c.1361, 215). GABRIEL. (...) Vous faites vilenie grande De tant faire attendre le prestre. Vueillez vous tost a voie mettre ; Venez offrir. (Mir. femme, 1368, 227). Vous requerez qu'on laisse vivre Vos Chrestiens et qu'on les delivre, Et que leur franchise perdue Ne soit pas, eins leur soit tenue. Vous nous requerez courtoisie, Et si nous faites villonnie ! N'est pas chose qui se puist joindre, Quant vous nous volez poindre et oindre. Nous ferons ce que vous ferez, N'autre chose n'em porterez (MACH., P. Alex., p.1369, 117). Hardis estoit comme lyons, N'onques ne fu veüz li homs Qui onques en jour de sa vie Li veïst faire villonnie. (MACH., P. Alex., p.1369, 155). Et le filz de laiens s'anfla, Et en dist villeinnes paroles, Qui estoient rudes et foles. Dont il fist mal et villenie, Qu'à fil de roy on ne doit mie Dire pour chose si petite, Chose de quoy on le despite. (MACH., P. Alex., p.1369, 256). Et aussi la loy commande les oeuvres de actrempance, si comme que l'en ne face adultere ou force ou vilonnie a femme. (ORESME, E.A., c.1370, 278). ...et par ceste maniere tu venges la vilennie et injure faite aus .ii. parties (FOUL., Policrat. B., III, 1372, 241). Par lequel musnier fu prié et requis à eulx quatre que l'omme dudit hostel feust batus, et qu'il lui avoit fait plusieurs injures et villenies. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 266). Et en après ce que icellui Alain se fu couchié ou lit d'icelle Perrete, il qui parle se parti dudit hostel et s'en vint couchier en sa chambre, sanz ce qu'il qui parle fist ou dist à ladite Perrete aucune injure ou villanie quelconques. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 513). Tres chiere dame, pardonnez moy l'injure et la vilenie que j'ay fait envers vous, car certes j'ay trop mesprins, et je vous jure ma foy que je ne vous avoye veue ne ouye quant vous me traïstes par la main. (ARRAS, c.1392-1393, 25). J'ay pris le roy qui tant a fait de villenie a la pucelle. (ARRAS, c.1392-1393, 163). ...li contes de Hainnau fu trop grandement courouchiés ; et dist et jura que, de la vilonnie que ses serourges li avoit fait, il l'en souvenroit et li remonsteroit durement qant il ceeroit a point. (FROISS., Chron. D., p.1400, 255). Mais cilz n'orent pas oubliee La villenie et le meffait, Que Leomedon leur ot fait (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 47). Et promettront lesdiz de Cambray que (...) ilx ne leur porteront, ne feront ou feront faire par eulx ne par autre injure ne villenie (BAYE, I, 1400-1410, 133). ...depuis trois ans en ça, Mon bergier m'en couvenança Que loyaulment me garderoit Mes brebis et ne m'y feroit Ne dommaige ne villennie (Path. D., c.1456-1469, 166).

 

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Faire vilenie de + inf. "Mal agir en" : Et vous, damp roy, vous jurrez par vostre loyauté que vous ne vous partirez point de ceans sans le gré des nobles damoisiaux qui ceans vous ont envoyé par devers nous ; car je feroye villenie de vous mettre en prison fermee, non pas pour l'amour de vous, mais pour l'onneur de ceulx qui vous ont envoyé et tramis. (ARRAS, c.1392-1393, 164).

 

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Mettre sa cure en villenie : Qui plus aimme plus endure Et plus mainne dure vie, - Qu'amours qui est sans mesure Assés plus le contralie, - Que li mauvais qui n'a cure De li, einsois met sa cure En mal et en villonnie. Hé ! Diex, que n'ont signourie Les dames de leur droiture, Que ceuls qui ont la pointure D'amours au cuer atachie Choisissent sans mespresure ! (MACH., Motés, 1377, 492).

 

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Penser villenie : Et commanda especialement au dit conte de Sallebrin qu'il ne laissast nullement que ma dame sa femme y fust... Li contes li otria moult volentiers, car il n'i pensa nulle villonnie (FROISS., Chron. L., III, c.1375-1400, 2). S'il n'est d'argent ou de joyaux garni, Celui est fol qui cuide avoir amie Au temps present n'estre appellé ami Pour bien amer, sanz penser vilanie, Car son temps pert et folement varie. Par moy le say qui bien l'ay esprouvé, Quant ma dame m'a dit : "fol, quoy c'on die, Ja povres homs ne sera bien amé". (MACH., App., 1377, 640). ...Si que despuis l'ay cherie Et servie De cuer, de corps, de vigour, Loyaument, sans tricherie, Qu'eins folie N'i pensay ne vilonnie Fors honnour. (MACH., Ch. bal., 1377, 609). Loial amour est de si grant noblese Que, quant amans pense ou quiert villenie, Honneur, amour et sa dame si blesse Que dou penser doit estre s'anemie ; N'onques ne fist deshonnour Avec amour et loiauté sejour ; Dont il s'ensieut que qui a tel desir, S'il cuide amer, ne fait il que haïr. (MACH., L. dames, 1377, 197).

 

-

Querir villenie./Requerir qqn de villenie : Eins me devés tenir en vo servage Comme vo serf qu'avez pris et acquis, Qui ne vous quiert villenie n'outrage. (MACH., L. dames, 1377, 208). Je di qu'il n'a en amour vraie et pure Mal ne pechié, eins est vie jolie, Car amours est de si noble nature Que, quant amans pense ou quiert vilenie, Elle n'i puet demourer, Einsois s'en fuit seulement dou penser. (MACH., L. dames, 1377, 214). ...vous l'avés huy requise de villannye qui est contre l'onneur de pucellaige. (Hist. Berthe Pépin T., c.1400-1500, 239).

 

2.

"Ce qui est de nature à faire honte à qqn, ce qui est humiliant" : Li rois de France... ne voloit mies que ses gens fuissent entrepris, ne que il recuissent , par faute de poissance, blasme ne villonie avoech grant damage (FROISS., Chron. R., VIII, c.1375-1400, 199). Ha, vieille loudie[re] au cul rond, Sorciere, de vin humeresse, Chassieuse, estrangleresse De petis enfans escrie, Je te diray villennie Plus ne qui court d'eau au molin. (Sav. serg. D.L., c.1480-1490, 32).

 

3.

"Parties sexuelles"

 

-

HÉRALD. Lion sans vilenie. "Lion naissant, demi-lion (dont on ne voit pas le bas)" : Lyon sans villenye est quant il n'en pert que la moitié d'en hault. Et toutes choses dont il ne pert que la moitié sont semblables a lui. Et senefie que cellui qui premier le porta en armes par sa vaillance de courage en fais de bataille auoit perdu aucunes parties de ses membres (Best. hérald. H.E., c.1435-1450, 510).

 

Rem. Cf. aussi l'ex. cité par GD VIII, 241c : «c'est un lion sans membre ni testicules» ; FEW : «qui ne montre point de verge (t. de blason)» ; d'apr. la description de l'ex., il s'agit ici de ce que les dict. d'hérald. appellent "lion naissant", "lion issant" ou "demi-lion".
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Robert Martin

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