A. -

"Action par laquelle on se venge, on punit une offense, vengeance" : [Fortune] Tout le mont ne prise une prune, Eins le demeinne A la samblance de la lune Qui ore est pleinne, clere et brune, Et fourme ne clarté nesune N'a en quinseinne, Fors tant que n'a mois ne semainne, Jour prefix, ne heure certeinne, Eins est sa venjance soudeinne ; Chose est commune, Car quant la personne est plus pleinne D'onneur, de richesse mondeinne, De son tour a niant la meinne. Tele est Fortune. (MACH., R. Fort., c.1341, 35). Encor te pri je, biaus amis, Porte honneur a tes anemis De ta parole, qui po couste, Et si les ressongne et les doubte Tant qu'encontrë eaus te pourvoies, Si que d'eaus asseürez soies. Mais garde bien qu'on n'en mesdie En ta presence, quoy qu'on die, Car c'est trop petite vengence, Ce m'est avis ; et sans doubtance, Qui en mesdit, ou fait mesdire, Plus que ses anemis s'empire. (MACH., C. ami, 1357, 138). L'autre [puissance est] la puissance appetitive, par quoy l'ame a desir et affeccion et tent a aucune chose et est divisee en deux principaulz, c'est assavoir, la concupiscible, par quoy l'en tent a aucune chose delitable ou fust chose triste, et la puissance irascible par quoy l'en a yre et appetit de vengance. (ORESME, E.A.C., c.1370, 158). Perverse creature, tu desires vengence pour ce que il te semble que tu es si grant que nul, quoy que tu faces, ne doit oser contredire ne groucier a tes vouloirs (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 16). ...par vengence, si que firent les enfans Jacob pour leur suer qui ot esté violée occirent le roy qui ce avoit fait (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 94). ...lequel traictié et accord le duc de Bourgoingne avoit esté esmeu de poursuir, non mie pour occasion d'aucune vengence contre quelconques personne, mais seulement pour obtemperer, obeir et ensuir le commandement, advis et consentement dessusdis (FAUQ., I, 1417-1420, 360). ...et de ce tu te pourras esleuer a mediter sur la vengence que Dieu fait si generalement pour le pechie de Adam. (CIB., p.1451, 187). Le soir du lendemain approucha (...), tresdesiré du bon mercier pour accomplir la trescriminale vengence qu'il veult executer (C.N.N., c.1456-1467, 50).

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En vengeance de : Sodoma (...) sur qooy Dieux fist plouvoir feu et souffre du ciel en venjange de pechiez contre nature (JEAN LE LONG, Voy. Odoric A.M., 1351, 5). Par lesquelz dessusditz fut le pot descouvert ; et, quant ledit de Cominges presenta lesdits abbé et de la Roche au duc, dist telles ou semblables parolles : "En vengeance de monseigneur le duc de Guienne et de vous, Monseigneur mon maistre, qui avez perdu vostre très cher et parfait amy..." (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 286).

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Avoir vengeance de qqn/de qqc. : Car il a, de fait appensé, Murtri cestui (...) : Si requiers, en le vous disant, Que briefment en aie venjance (Mir. ev. arced., c.1341, 133). [Discussion chez le sultan au sujet de la conduite à tenir vis-à-vis des ambassadeurs] Il avoit là IJ. amiraus Faus, traïtes et desloiaus. L'un avoit à non Sedamour ; L'autre Julep, à po d'amour. Les IJ. deïrent au soudan : "Sire, vengence de cest an N'arez dou meffait d'Alixandre, Si bien com de ceste gent prendre. Faites les prendre et retenir, Et tous de male mort morir..." (MACH., P. Alex., p.1369, 199). Certes, amis, c'est pour les grans domaiges que le roy de France a fais et fait faire en Flandres, et la cause que les gens de Flandres ne regardent pas ne ne pevent veoir que autrement ilz puissent grever ne avoir vengence du roy de France ne de ses aliez, se ce n'est par empoisonnement. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 472).

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Avoir sa vengeance de qqn. "S'en venger" : PROSERPINE. Il nous convient vers luy retraire Pour en avoir nostre vengence. (LA VIGNE, S.M., 1496, 516).

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Crier vengeance

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[D'une pers.] "Demander d'être vengé" : ...et briefment chascun crioit vengence a Dieu encontre luy. (GERS., Annonc., a.1400, 236).

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[D'un crime, d'un péché] "Mériter d'être puni" : C'est le pechié qui crie a Dieu vengence, qui put aux angels, voire a aucuns dyables (GERS., Noël, p.1404, 297).

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Le sang crie vengeance. V. sang

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Donner vengeance à qqn de qqn. "Venger qqn de qqc." : Et ce faisant ne doubtez point qu'il nous donra faculté victorieuse, vengence de noz ennemys et gloire bien heuree (LA VIGNE, V.N., p.1495, 285).

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Faire vengeance(s)/la vengeance (de qqn/de qqc.). "Se venger (de qqn/de qqc.)" : Item, quant a faire venjances ou pugnicions selon justice, il a moult grant difference se les injures sont voluntaires ou involuntaires. (ORESME, E.A., c.1370, 292). ...tous voz vraiz subgiez devroient crier à haulte voix vengence, pugnicion et justice soyent faictes de ceulx qui tant se sont forfais envers vous (...) et eulx en mectre en fait (Ch. VI, D., t.1, 1411, 345). ...et ce pour faire la vengance de la mort dudit roy Andrieu, son frere. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 181).

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Faire vengeance à qqn de qqn d'autre : Dieu, (...) Nous en fera [d'Estienne] sanz detrier Bonne venjance. (Mir. prev., 1352, 246).

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Prendre vengeance (de qqn/de qqc.). "Se venger (de qqn/de qqc.)" : ...vaz sanz delaiance De Julien prendre venjance. (Mir. emp. Julien, 1351, 196). Si ne say, s'il prent la vengence De ce qu'as meffait en t'enfance ; Car s'il le fait, il m'est avis Qu'il te donne trop bel avis, Et que moult te dois aviser De toudis penser et viser (MACH., C. ami, 1357, 73). ...Et Midos li sos desprisoit La harpe, et le fretel prisoit, Mais Phebus en prist grant vengence, Car il fist tant par sa puissance Que Midos d'asne oreilles ot ; Mais ses barbiers, qui bien le sot, Maisement son maistre cela (MACH., F. am., c.1361, 203). Des gentils hommes dou païs, Sans les autres qui escoutoient Par derriere ce qu'il disoient. Bien fu qui tout ce reporta Au roy, et qui li enorta Qu'il preïst crueuse vengence De si très grant desordenence. Et fu le jour XXVIIJe De Janvier, à heure de prime. (MACH., P. Alex., p.1369, 257). Et quant ilz ont retribué pugnicion et pris venjance, ilz sont apaisiéz. (ORESME, E.A., c.1370, 262). ...s'il eust peut, ... il ... eust prins cruelle vengance de la mort de messire Richart Burlé et ses aultres chevaliers que on luy avoit osté et fait morir sans deserte. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 81). S'elle m'ocist, c'iert pechiés et enfance, Puis que je l'aim sans nul decevement ; Et s'elle vuet de moy penre venjance, Bien vueil morir pour faire son talent ; Car je ne puis morir plus doucement, S'il plaist Amours, que pour amer m'ocie. (MACH., L. dames, 1377, 117). Sa fausseté n'est pas bien congneüe, Car par samblant aucune fois elle oint ; Mais elle point, envenime et partue Souvent celui qui près de li la joint. Si en penray vengence par ce point Que, par joie maintenir et bien faire, Je la feray morir de dueil ou taire. (MACH., L. dames, 1377, 172). Qu'en son douls servage, Sans partir entray, Quant sa douce ymage Premiers resgardai ; Si qu'adont je me navray Dou mortel dart Qui de mon cuer ne se part. Si prent la venjence De m'outrecuidence Amours qui me lance De mortel fer de sa lance A mettre jus tout villain vice Et a faire son dous service (MACH., Les lays, 1377, 377). Quelle merveille se le Saint Esperit se depart en la parfin, et en prant griefve venjance ? (GERS., Pent., p.1389, 80). Et lui presenta Alain le chastellain et tous les autres, et lui compta toute l'aventure, et lui dist comment Remondin se recommandoit a sa bonne grace, et qu'il ne lui voulsist desplaire s'il avoit prins vengence des traitres qui l'avoient voulu murtrir en trahison, et qu'il lui envoyoit le chastellain et les autres pour savoir la verité du fait, et qu'il en preinst la punicion a sa voulenté. (ARRAS, c.1392-1393, 73). Qant mesires Carles entendi ces paroles, si fu durement courouchiés et dist et jura que jamais n'entenderoit a aultre cose, quoique couster li deuist, si averoit repris la Roce Deurient et castoiiet cheuls qui ces trettiés avoient fais, et pris si crueuse venganche que tout li aultre s'i exemplieroient. (FROISS., Chron. D., p.1400, 812). ...si n'eust esté son cousin, il en eust prins vengence criminelle [Sa femme le trompe] (C.N.N., c.1456-1467, 352). Petis et grans, Bourgoix, marchans, Nobles, vilains [l. nobles et vilains] en ung tas, Jeunes, anfans, Sont tous nuysans Les ungs es autres en tous cas. En leur repas Tendent leur las Ad nuyre pour prandre vengence (Pass. Auv., 1477, 110). Car le hault Dieu des premiers et extresmes Tout genre humain soumetant sous mes mains Par ses signes nous a tous mis a mesmes ...[esmes] Et de prendre vengance des humains. (Cene dieux, c.1492, 107).

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Prendre vengeance sur qqn de qqc. "Se venger sur qqn de ce que" : Veulx tu vengence sur moy prendre De tes dieux s'on les a deffaiz ? (LA VIGNE, S.M., 1496, 448).

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Prendre ses vengeances : Et se tu vues dire que tu ne Yès mie subjès de Fortune, Et que ta grant attration Affranchist ta condition, Et qu'elle donné ne t'a mie Ta richesse et ta signourie, Einsois te vient de droite ligne, Li sires qui droit regle et ligne Prent ses vengences si obscures Maintes fois sus les creatures Que nuls ne le porroit penser, Ymaginer ne recenser, Et par maniere trop diverse Trebuche l'un et l'autre verse. (MACH., C. ami, 1357, 67).

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Procurer vengeance. "Exécuter une vengeance" : ...et fut respondu à la duchesse d'Orleans et à son filz que on leur feroit justice de la mort dudit duc d'Orleans et tous ceulx du sang se firent parties formelles, pour procurer icelle vengence. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 147 r°).

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Querir/requerir vengeance de qqn : Ostes (...) A conquis ou champ le traistre Qui nous a mis sanz cause en guerre, Dont vengence venoie querre (Mir. Oton, c.1370, 387). Je le feiz [rompre la très amoureuse prison] en telle façon, Voyant celle devant mes yeulx Consentant a ma deffaçon Sans ce que ja luy en fust mieulx ; Dont je me dueil et plains aux cieulx, En requerant d'elle vengence A tous les dieux venerïeux, Et du grief d'amours allegence. (VILLON, Lais R.H., c.1456-1457, 12). Ha ! faulse mort, fait as ung si grant mal à tous nobles et à tous gens de guerre, Qu'on doit de toy vers Dieu vengence querre ! (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 395).

B. -

P. ext. "Action de punir (un coupable), punition, châtiment" : O doleur intolerable, que le Roy appreuve murtre et loue pechié, auquel est donné le gleve à la vengence des mauvaiz et louange des bons, comment pourra-il souffrir tel chose ? (BAYE, II, 1411-1417, 261).

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Vengeance Dieu. [Formule d'assertion forte "Au risque d'encourir le châtiment divin"] : Mes le portier, crainte de dieu, O sa mace, veniance dieu, Le ferit (Pèler. vie hum. S., App., p.1331, 442).

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[À propos du Jugement Dernier] : ...servons sanz demourance Ce saint jardin de qui tout bien despent, Et nous aurons au grant jour de vangence Des biens d'Amours tresplantureusement. (Mir. Berthe, c.1373, 253).