C.N.R.S.
 
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FEW XIII-2 tutari
TUER, verbe
[T-L : tüer ; GDC : tuer ; DÉCT : tüer ; FEW XIII-2, 446b : tutari ; TLF : XVI, 729b : tuer]

I. -

Empl. trans.

A. -

Au propre [Se substitue progressivement à occire et mourir]

 

1.

[D'une pers. (ou d'une arme)] "Faire mourir qqn de mort violente" : ...conment la femme du roy de Portigal tua le seneschal du Roy et sa propre cousine (Mir. femme roy Port., c.1342, 151). Et congnois bien que, sanz doubtance, C'est le propre fer de la lance Qui le tua [Julien]. (Mir. emp. Julien, 1351, 211). ...s'ilz faisoient un et le phisicien commandast autre ce seroit pour tuer le malade ["ce serait condamner le malade"] (SAINT-GILLE, Comment. A.Y. L., 1362-1365, 350). [Les trois chevaliers se précipitent sur le roi et le tuent] L'autre fu cils de Gibelet, Li tiers fu cils de Gaverelles Qui li porta dures nouvelles, Car ce fu cils qui à grant tort Li donna le cop de la mort. Et cil troy tuer le devoient, Qui ses liges hommes estoient. Devant son lit sont arresté De mal faire tuit apresté. Li sires d'Absur la courtine, Qui de soie estoit riche et fine, Tira, pour le roy mieux veoir, Et pour son cop mieux asseoir. (MACH., P. Alex., p.1369, 268). Et les autres commutacions sont violentes et manifestes, si comme baterie, emprisonnement, mort, estre tué, rapine, mutilacion, accusacion, injuriacion ou souffrir injure. (ORESME, E.A., c.1370, 284). Requis s'il fu oncques à homme tuer, murdrir ou occir, dit par son serement que nom (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 397). Dit aussi que ledit Eustace, d'icelle demie-lance, couru sus et navra ledit Olivier, disant que puisqu'il en avoit tué l'un, il tueroit l'autre. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 410). ...[il] cognut que, environ la Toussains derrenierement passée, il tua et occist Drion Anceau, demourant en une ville nommée le Bois Mallesherbes, et l'occist environ trois heures de nuit (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 55). ...ilz nous persecutent et tuent. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 127). ...car l'en dit que desja avoient esté mors et tuez en ce royaume, tant d'un costé que d'autre plus de XX mil personnes de tous estas (BAYE, II, 1411-1417, 84). Adont sont si aisés quant ilz tuent ou massacrent gent, rompent coffres, robent tout (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 131). Durant laquelle assemblée ou commocion furent esdictes prisons et ailleurs à Paris tuez et mis à mort environ de IIIJxx à cent personnes, entre lesquelles il y ot trois ou quatre femmes tueez (FAUQ., I, 1417-1420, 152). Mais affin que nul ne le peust savoir, subitement il tua le messaige qui porté avoit la nouvelle. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 53). ...s'il ne s'en fust fuy, les freres de la damoiselle l'eussent la tué, pour le grand blasme et deshonneur qu'il luy avoit fait (C.N.N., c.1456-1467, 384). Tant luy criarey a l'oureilhe Que pour elle feray tüer Jehan baptiste, pour le mener Seans dedens noz sarcacabins. (Pass. Auv., 1477, 93). Troab, troab, ce ne sont qu'abus. Tuer les gens, ce sont beaulx miracles ! (Pass. Auv., 1477, 163). Ja lie chere Jamaiz n'aroye De Dieu le pere, Veu qu'en la voye - j'ay tué son filz. (Pass. Auv., 1477, 276). Me turas-tu, traistre larron ? (Obstin. femmes T., c.1480-1500, 52). [Autres ex. p.51 et 55] PRINCE. (...) Je puisse perdre les deux yeux S'a se coup je ne vous despesche, Maistre belistre glorïeux ! (Icy sainct Martin s'en fuyt cacher et le prince tire son espee pour le tuer...) (LA VIGNE, S.M., 1496, 435).

 

-

En partic. "Faire mourir (un adversaire) au combat" : Chascuns li donne los et pris, Pour le grant fait qu'il a empris. Mervilleusement se combat ; Il en tue tant et abat Qu'il fist place à plus de sexante, Qui descendirent sans atente. Niés fu dou roy et ses privez, Sages, vaillans et esprouvez. (MACH., P. Alex., p.1369, 70). L'autrier ardi les galiotes De Turquie, et d'Alixandre Mist les maistres portes en cendre, Et tua bien trois cens mil hommes. (MACH., P. Alex., p.1369, 132). [Empl. impers.] ...de leur partie fut tué sus le champ .XXXVIm. hommes d'armes (JEAN DE ROUVROY, Stratag., c.1425. In : Chrestom. R., 104).

 

-

Tuer qqn tout froid. "Faire de qqn un cadavre" : Auquel Huguet le dit de Marconnay dist moult arrogamment que il le tueroit tout froit, s'il faisoit semblant de riens faire. (Doc. Poitou G., t.5, 1380, 135).

 

-

Tuer qqn tout mort. "Faire mourir qqn net" : Palhart, tay toy, Ou je te tuarey cy tout mort ! (Pass. Auv., 1477, 204).

 

-

Tuer qqn tout roide. "Faire mourir qqn net" : Dictes moy, dist l'oste, la chose comment elle va, par ma foy je vous lairray aller, et ne vous feray ja mal ; si non je vous tueray tout roidde. (C.N.N., c.1456-1467, 220).

 

-

Tuer sa vie charnelle. "S'acheminer vers la mort physique (p. oppos. à la mort de l'âme)" : ...elle ne scent point comme par avant les doleurs de sa maladie solitaire lesqueulx elle sentoit en tuant sa vie carnelle ; mais aussi n'est mie encore vivifiée ou avivée pour recevoir la consolation de l'amour espirituelle. (GERS., Montagne contempl. G., 1400, 31).

 

-

[Dans une formule d'imprécation ; d'une maladie] : Que male foire Puisse tuer la faulce palharde ! (Pass. Auv., 1477, 98).

 

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[Du feu] : Et qui voit feu en sa maison Habundamment en grant foison Et a celle de son voisin, Son amy ou bien son cousin, Et a ceste-cy proprement Tuer le feu [,] entierement (,) Estaindre les flammes s'adonne (RIVIÈRE, Nef folz D., 1497, 354).

 

-

Empl. abs. : Là n'ot Sarrasin respité Que, s'il fust ateins ou tenus, Qui ne fust à sa mort venus ; Nos gens queurent de rue en rue, Chascuns ocist, mehaingne ou tue. (MACH., P. Alex., p.1369, 90).

 

-

[Empl. pronom. passif] : ...il se fera tuer ou pendre (Flor. Octav., a.1454. In : Chrestom. R., 143).

 

2.

[Le suj. et/ou l'obj. désignent un animal]

 

Rem. Sur l'emploi privilégié de tuer quand il s'agit d'animaux, cf. T.D. Hemming, Romania 89, 1968, 101-102.

 

a)

[Le suj. désigne un animal] : [Mon cheval] Ha rompu .IJ. travaus à Reins, Dont le mareschal ha juré Que, foy qu'il doit saint Honnouré, Ja mais il ne le ferrera Ne près de lui n'aprochera, Qu'il a paour qu'il ne le tue. (MACH., Compl., 1340-1377, 264). ...monseigneur de Mont regnart (...) a esté tué d'un sanglier. (Fr. arch. Compiègne B.H., 1473-1478, 183).

 

b)

[L'obj. désigne un animal] : Maus leus le puist [mon cheval] et lui mengier ! On le congnoist ; ne le puis vendre Et ne truis qui le vueille prendre, Et hors ne le puis envoier, Pour ce qu'on ne s'en puet aidier. Et je ne le deingne tuer Ne hors de mon ostel ruer. (MACH., Compl., 1340-1377, 265). Par pluseurs sains le vueil prouver, Qui l'ont sceü par esprouver. Li saint apostre garissoient Tous ceus qui santé demandoient. Sains Georges tua le serpent Qui avoit de lonc un erpent ; Sains Blaises sus le lac embla, Qui terre ferme li sambla (MACH., P. Alex., p.1369, 14). Li bons roys fist une retraite Et entour lui resgarde et gaite, Et trouva qu'il ont ja tué De ses chevaus et afolé Tant qu'il n'en a que IIIJxx. (MACH., P. Alex., p.1369, 214). ...ilz trouverent plenté de jennes chevros, sy en tuerent deux et en mengerent (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 1013).

 

c)

[Le suj. et l'obj. désignent un animal] : Il est ung autre gendre d'animal en la riviere du Nil (...) qui tuent et destruisent les cocodrilles, qui sont serpens tres venimeux. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 143). Et si avoie si duite et aprise la beste (...) qu'elle me faisoit quanque je luy enseignoie et me tuoit cerfs et ours et autres bestes, que nous mengiens entre moy et mon filz. (Chev. papegau H., c.1400-1500, 85). LE GRANT. Et Dieu scet quel chien ! LE PETIT. Tres bon les avoient, Tres seurs les trouvoient, Ung loux vous touvoient Si loing qu'ilz le voient [l. veoient] (Moralité cincq pers. B., 1484, 34).

B. -

Au fig. "Anéantir" : Car oncques morsure de serpent, cop d'espee ou autre pointure ne fut tant venimeuse comme langue de personne envieuse, car elle frappe et tue souvent soy et aultre, et aucunes fois en ame et en corps. (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 148).

 

-

[De Satan, qui tue l'âme par le péché] : Celle [la Vierge] ce don a desservi Qui de l'ennemy t'a ravi Qui par pechié t'avoit tué Et a Dieu t'a restitué. (Mir. pape, 1346, 393).

 

-

Vouloir tuer quaresme. "Étaler une détermination belliqueuse" : ...ilz avoient grand volunté de mal faire ; il(z) sembloit qu'ilz voulsissent tuer quaresme ! [Une femme annonce à son mari que les sergents sont venus pour l'arrêter - Vocab. du carnaval] (C.N.N., c.1456-1467, 508).

 

-

Tuer l'amorabaquin. V. amorabaquin "Faire preuve de présomption"

II. -

Empl. pronom. "Se tuer"

A. -

Empl. pronom. réfl.

 

1.

Au propre "Se donner la mort" : Mais cils qui ot le cuer franc sans amer Dist : "Dame chiere, Pour Dieu merci, reprenez vo maniere, Vous vous tuez de faire tele chiere, Car je voy bien que moult comparez chiere L'amour de li. Si n'aiez pas le cuer einsi failli, Car ce n'est pas preus, ne honneur aussi." (MACH., J. R. Beh., c.1340, 66). Je ne say Qui vous a fait prendre l'essay De mener vie si sauvage : Voir legiereté de courage, Qui vous fait ains vos jours tuer (Mir. st Guill., c.1347, 38). [Il convient de comprendre "qui vous fait vous tuer avant l'heure" (cf. l'ex. de Cl. Marot cité ds GD IV, 661a). F. Bonnardot interprète différemment et fait de tuer un verbe trans. : "abréger le cours de sa vie (par les privations)"] Je ne me tien pas a celi, Qu'il a tant de dueil et de rage Que c'est merveille qu'il n'enrage, Ou qu'il ne se tue ou se pent, Ou que d'amer ne se repent (MACH., Prol., c.1377, 8). Et pensez comment elle, qui est jeune et tendre et de doulce alaine, puisse endurer veil home qui toussira, crachera et se plaindra toute la nuit, poit et esternue : c'est mervoille qu'elle ne se tue ! (Quinze joies mar. R., c.1390-1410, 101). Hanibal a sa gent perdue, Tant a dueil qu'a pou ne se tue (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 241). ANATHOT. Tu ne faiz rien. LUDIN. Mais je me tue. (Myst. Incarn. Nat. L., t.2, c.1454-1474, 196). ...lors Orgenthorix morut, et n'est point sans suspicion, comme les Suisses jugent, que luy meismes ne se tuast. (GAGUIN, Comment. César, 1485. In : Chrestom. R., 252).

 

2.

P. exagér. "Se donner beaucoup de mal, se fatiguer à l'extrême" : Aulx chans me tue chascun jour, Et ma fame prent son sejour Es tavernes, c'est chose voire. (Vie st Fiacre B.C.P., c.1380-1400, 33). ...maistre Jacques James, Qui se tue d'amasser biens (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 138). Je me tue pour luy complaire, Par bieu, je ne sçay que luy faire Et de pis en pis elle va. (P. Jouh. D.R., a.1488, 38).

 

Rem. Cf. aussi LEFÈVRE (R.), Hist. Troyes A., c.1464, 3.4 (je me tue de melancolie), empl. par exagér., mais sans l'idée de se donner du mal ; même chose ds LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 4.13 (je me tue bien de penser à vous) ; K. Baldinger, Z. rom. Philol. 107, 488.

B. -

Empl. pronom. réciproque "Se donner la mort l'un à l'autre, s'entretuer" : Et quant Nature vit ce fait Que son oeuvre einsi se desfait Et que li homme se tuoient, Et les yaues empoisonnoient Pour destruire humeinne lignie Par couvoitise et par envie, Moult en desplut la belle et gente, Moult se coursa, moult fu dolente. (MACH., J. R. Nav., 1349, 146).

 

Rem. Il devrait s'agir du verbe trouver et non tuer ds RIVIÈRE, Nef folz D., 1497, 628 (Tous ces gens icy estrangiers Veullent regir noz voilz legiers, Et si font leurs preparatives Pour venir par voies actives, Affin que aucun lieu avoir puissent En la nef et qu'il se y tuissent [l. t[r]uissent] "se retrouvent" ?).

III. -

Part. passé en empl. subst. "Celui qui a été tué, personne tuée" : Il fist nagier tout droit au port, Et là se combati si fort, Que maugré tous est descendus. Tant en y ot de pourfendus Et de tuez, qu'il s'en fuirent. Li roys et sa gent les sievirent Qu'il monterent sus les chevaus, Comme preudommes et vassaus. (MACH., P. Alex., p.1369, 213). Tant furent lors François esvertuez Pour les poiltrons faire cropir a l'ombre, Que des blessez, des mors et des tuez Nul n'est vivant qui en saiche le nombre. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 175).

IV. -

Part. prés. en empl. subst. "Celui qui tue (un animal), boucher" : ...et seront les porceaux tuez par les sergens ou autres qui les trouveront dedans ladite ville ; et aura le tuant la teste (Mét. corp. Paris L., t.1, 1351, 43).
 

DMF 2020 - Synthèse Robert Martin

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