I. -

Empl. trans. Truffer qqn. "Se moquer de qqn" : DEUXIESME POVRE. S'aler y voeil, ou irons nous ? Or ne me truffes. PREMIER POVRE. Nous yrons chiez Robert de Ruffes (Mir. march. juif, c.1377, 179). Sans vous truffer, Je me fois Argent appeller ! (OLIOU, Mess. Arg. A., c.1470, 467).

-

Part. passé en empl. adj. Truffé. "Raillé, moqué" : ...les dieux irez et courouciez pour cause de leur deité moquee et truffee (BERS., I, 9, c.1354-1359, 11.10, 20). Rapporterent plusieurs choses en fin que les gens du Roy sont dolens et se tiennent pour truffés de Balthasar. (LE FÈVRE, Journ. M., c.1380-1390, 191).

II. -

Empl. intrans. ou pronom.

A. -

(Se) truffer. "Plaisanter"

-

[Par jeu, pour s'amuser] : Et pourroit l'en faire question, a savoir mon, se l'en doit dire celui estre bien truffant et conviciant selon ceste vertu par ce que il prent garde a dire choses qui appartienent estre dites a homme de franc courage ou pour ce que il regarde a non contrister et courroucier ceulz qui l'escoutent ou a les delicter et faire leur plaisir. (ORESME, E.A., c.1370, 271). ...par bonne familiarité se truffloit de paroles joyeuses et honnestes (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., I, 1404, 43-44).

-

[Par raillerie, par moquerie] : Mes defautes n'y entrent ja sans grant estour, si ne soient coloree ensi qe jeo ne les puisse mye bien conoistre : c'est de flaiteries, de mensoignes, ou en bourdant ou truflant (HENRI LANC., Seyntz medicines A., 1354, 9). Freres Pierres ne fist conte de leurs promessez et n'en fist que truffer et mocqer (JEAN LE LONG, Voy. Odoric A.M., 1351, 16). Dont Ennode a celles qui n'ont pas honte de ainssi faire parle en ceste maniere, comme en trufant ou par mocquerie : ... (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 377). Qu'es ce, dia ? tu frappe trop fort ! Tu ne te truffes [,] bien (,) le voy. (Myst. st Bern. Menth. L., c.1450, 181). ROUGE GORGE. Et va, va, tes fiebvres quartaines ! Que va tu icy baibillant ? VERDIER. Toutesfoys, truffant et brullant, Le sot en eut sur son croupier Tel cop à l'uys d'ung drappier Que tout le corps luy en trembla. (Pipée R., c.1470-1480, 147). JAUNE BEC. Estes vous la ou je vous voyz, Bourgeoyse, en vous jardrin, soullete ? Vous avez tres belle gorjecte, Toutesfoiz truffant et broullant. PLAISANT FOLLIE. Dont nous vient se gentil gallant Qui pourte si briant cotelle ? (Pipée R., c.1470-1480, 189). Advancés vous ; prestés nous la main ! Certes, je ne me truffe mie. (Pass. Auv., 1477, 126).

B. -

Se truffer de

1.

Se truffer de qqn. "Se moquer de qqn" : Mon seigneur, ne pensez pas la. Bien sçay que vous truffez de nous ; Ce n'est pas femme encontre vous : C'est cler a voir. (Mir. femme roy Port., c.1342, 160). De ces grandes gens se truffent ces Pigmees (JEAN LE LONG, Voy. Odoric A.M., 1351, 44). Comment ! messires li princes , je crois, se gabe et trufe de mi quant il voet que je donne congiet maintenant huit cns lances, chevaliers et escuiers, lesquels à son commandement et ordenance j'ai tous retenus (FROISS., Chron. L., VI, c.1375-1400, 231). Renault, biau cousin, vous avez tant fait que vous vous trouvez ung povres homs et vostres terres engaigiez de touttes pars, et en ce monde on ne fait compte de povre seigneur. Pensez-vous que ceulx qui ont eu les grans dons de vous et les grans pourfiz, les vous doient rendre ? Mes Dieu, nennil ; mais vous defuiront, quant ilz vous verront en cel estat que vous n'avez plus à donner, et se trufferont de vous et des folles larguesses que vous avez faittes, ne vous ne trouverez nul amy. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 144). Et ainsis chascun jour se trufent Des crestiens par ta folour, Dont c'est grant dueil et grant dolour. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 362). Car les barons du royaume s'estoient truffez du frere au roy chassant, cy dessus devise, qui par cautelle avoit prise pour femme la droycte heritiere du royaume, laquelle ilz avoient autresfoiz donne au frere du Blanc Faucon au bec et piez dorez, duquel aussi ilz se estoient truffez, faillant a leurs promesses. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 252). Et ne doyt on pas demander conseil a telx divineurs, sicomme il appert ou XIXe chappitre de Levitique et ou XVIIIe de Eutronome. De telx astrologiens se truffle grandement Ysaie en son XIXe et XLVIIe chappitres. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 616). Comment, dist Remondin a l'ancien chevalier, que puet cecy estre ? Il me sembloit ores que je feusse bien prez de Lusegnen, mais il me semble que je y ay bien failly. Lors commence ly anciens chevaliers a rire. Comment, sire chevaliers, dist Remondin, vous vous truffez de moy ! (ARRAS, c.1392-1393, 77). ...li rois d'Escoce (...) mena ces chevaliers et ces esquiers de France partout avoecques lui, pour euls monstrer le roiaulme d'Escoce. Si veoient un povre pais raempli de bois et de bruieres ; si s'en truffoient et rioient li un a l'autre, et disoient : "Il ne puet estre riches homs qui est sires d'un tel pais." (FROISS., Chron. D., p.1400, 563). Et elle dit et pria la pelerine qu'elle luy donnast sa robe et ses abillemens et qu'elle print les siens. Et la pelerine ne pensoit pas que elle fust toute seule au boys et pensoyt qu'elle se trufast d'elle. (Belle Maguel. C., 1453, 38). Seigneurs, dist Naymes, se je luy ay fait entendre sa folie, vous ne m'en devés point blasmer : vous avés veu qu'il se voulloit truffer de moy. (BAGNYON, Hist. Charlem. K., c.1465-1470, 99). Et si je y vaiz, que diré l'on ! Les gens se trufferont de moy (Pass. Auv., 1477, 136).

2.

Se truffer de qqc. "Se moquer de qqc." : Elle reveloit leurs secrés, Et non pas as gens si discrés Qu'il mesissent en non caloir Che qui peu leur pooit valoir, Mais a chiauls qui de leur anoi Se truffoient par esbanoi (FROISS., Pris. am. F., 1372-1373, 43).

-

S'en truffer. "Se moquer" : Menons le au juge pour juger Ce ribault vees vous qu'il s'en truffe (OUDIN, St Genis M.S., c.1490, 77).

C. -

"Tromper" : Mais forment ly poise et anoie Qu'elle n'ose aler sans truffer Donoier avoec Tristifer (Pastor. B., c.1422-1425, 49).