A. -

Au propre

1.

Reprimer qqc. "Contenir, diminuer qqc. (qui est excessif)" : Mais il engendre chair en dessechant et en conglutinant la humeur et en deffendant que la humeur n'y vienne, en reprimant la chaleur des autres (GORDON, Prat., c.1450-1500, III, 27). Medicine restreinctive de sang est celle qui constreinct le membre et retient le sang qui court et fait ce, ou pource que elle est froyde, en reprimant l'acuité du sang, ou pource qu'elle joinct et assemble les oriffices des voynes, ou pource qu'elle glutine ou estoupe les porrosités des membres, ou pource qu'elle brusle et induist escarre au membre. (PANIS, Guidon, 1478, tr.VII, doct.1, chap.6).

Rem. Ex. d'a.fr. et MONDEVILLE ds TLF.

2.

Reprimer qqn. "Refouler qqn, le faire reculer" : ...ceux qui du roy mandement Avoient des villes garder Pour adversaire reprimer (GUILL. DIGULL., Pèler. âme S., c.1355-1358, 247). Si ont envie leurs adversairez, quand ilz se voient ainsi reprimés par deux seulz chevaliers (...), et tellement lez envahissent que par force de combatre leurz escus furrent detrenchiés et escartelés (Fille comte Pontieu B., c.1465-1468, 57).

B. -

Au fig.

1.

"Contenir (un sentiment violent, une passion, un comportement excessif, un mal..., en soi-même ou chez d'autres)" : Et comme li roys considerast car la cité estoit mout acreue et mout pleine de gens, et que mout de forfaiz et de maus commenceit on a faire repoustement et priveement, dezquelz aucune foyz on ne pooit pas tantost savoir la verité, il a fait faire une chartre publique grant et haute en milieu de la ville pour reprimer le hardiment dez mauvais. (BERS., I, 1, c.1354-1359, 33.8, 58). Tous deux [les deux bras de la statue qui représentent les seigneurs et les gens d'armes] pour le gouvernement Du royaume et deffendement Aus anemis eux opposer Se doivent pour tost reprimer Leur force et malivolence Que il ne facent pas nuisance Au chief n'aus membres [de la statue, c'est-à-dire au roi et à ses sujets] par dessous (GUILL. DIGULL., Pèler. âme S., c.1355-1358, 253). La chambre où tu [Marie] sers mont chiere Ne te doit estre ne plaisant Se n'est pour cause de l'enfant Qui y est venu reprimer L'orguel du monde et supplanter (GUILL. DIGULL., Pèler. J.-C. S., 1358, 75). ...doncques est ce bien droit qu'il viengne mal a ceulx qui ce attemptent et qui ne repriment pas ceste mauvaise inclinacion (ORESME, Divin. C., c.1366, 80). Semblablement, celui qui use des delis corporels et ne s'en depart ou delaisse ou n'en reprime nul quelconques, tel homme est desactrempé. (ORESME, E.A., c.1370, 150). C'est assavoir, en adreçant les fais et en ce est la vertu de justice et la vertu d'actrempance est en adresçant, corrigeant et reprimant les passions (ORESME, E.A.C., c.1370, 152). ...et qui [les malices] ne pevent estre repremé fors par force et par contrainte. (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 96). Ce est a dire, qu'il soit seigneur de soy en reprimant ses concupiscences et ses ires et en regulant ses faiz par raison. (ORESME, Ycon. Arist. M., 1374, 839). ...sur eulx regne Dieu immortel, qui l'orgueil de leur fier povoir peut reprimer (CHART., Q. inv., 1422, 46). Anges de Dieu (...), reprimez mes molestes (...) Affin que puisse eviter les erreurs Qui m'assaillent en ce val miserable Et meriter la joye pardurable. (Prières saints R., t.1, 1488,,, 201).

-

[D'une chose] : La tierche est humiliation a reprimer ou debouter l'enffleure du cuer, car plus humilie discipline recheue par aultrui que par soy meismes (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 203). Ceste meureté est moult affreant a adolescence pour en lui reprimer garrulité ou trop parler et presumption. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 298). Cils qui la voit aus autres riens n'aconte, Mais ce qu'adès croist, embelist et monte Tous maus reprime. (MACH., F. am., c.1361, 180). Car actrempance, selon ce que elle est une vertu particuliere, elle reprime et modere principalment les passions et mouvemenz dedenz nous et ainsi des autres vertus. (ORESME, E.A.C., c.1370, 278). Et pour ce, se les moiens tous seulz sunt les plus fors ou se il se mettent ovec une de ces parties tant que l'autre soit plus fieble, il repriment les malvés mouvemens de celle partie. (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 187). Paour reprime proprement Les faiz des pechiez et reboute (DESCH., M.M., c.1385-1403, 217). ...par vraye foy sont reprimez toutez affections perverses (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 33). Car le venin et l'infection de civille discorde fut ordonné de Dieu pour reprimer l'orgueil dez haultesses mondaines (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 80).

-

Reprimer qqn (qui est excessif, mauvais...) : Vous sçavés que la voullenté de Dieu est que on reprime et confonde les orgueilleux, en soustenant et supportant les doulx et les humbles. (BUEIL, I, 1461-1466, 118). Ce nous seroit ung cruel sillogisme D'abandonner le lieu qui tous repryme, Et qui a tant d'orgueil contrarié Que le renom, tant en prose qu'en ryme, Vulgairement on escript et impryme (LA VIGNE, Attollite portas B., 1507, 165).

-

Se reprimer. "Se contenir" : Aussi se tu oix trop peu volentiers, et tu sens indignacion, reprime toy et ne seuffre yssir de ta bouche aucune chose desordenee dont les mendres soient escandlis (Internele consol. P., 1447, 253).

2.

En partic. "Contenir, empêcher (un mouvement de désordre, de révolte...)" : Et pour ce, les deus juvenceaus ont ordené car il reprimeront ceste injure que on leur voust faire, par fer et par bataille. (BERS., I, 1, c.1354-1359, 40.4, 68). ...car, combien que il soit accepté par la volenté du pueple, toutesvoies, aussi comme en un home droite raison a naturelment seigneurie sus la partie sensitive et la regule, semblablement le roy gouverne par raison et par justice ses subjectz et reprime et corrige leurs mauvais mouvemens (ORESME, E.A.C., c.1370, 438). ...pour ce que ne voulons souffrir telles voyez de fait, mais qu'elles soient reprimées et que bonne justice en soit faicte (...) vous mandons que (...) vous en faictez bonne et briefve justice (Lettres Louis XI, V., t.9, 1481-1482, 143).

Rem. BERS. ds GDC X, 551b.

3.

P. ext.

a)

Reprimer qqc. "Faire obstacle à qqc." : Et ce et autres choses peuent les anges par leur vertu naturele que il ont des leur creacion, mais ceste vertu ou puissance est aucune fois es mauvés anges reprimee et restrainte par le plaisir de Dieu (ORESME, C.M., c.1377, 292). Mais Envie, qui gent desroye, En pourroit sourdre, et reprimer Le los, que leur orroit donner (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 39). ...maiz la vilté de son estat et sa basse naissance lui reprimoit le courage de soy appeller roy (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 118).

-

"S'opposer à qqc., combattre qqc." : Aristode doncques reprime les opinions d'yceulx ancians philosophes es principes des choses. (CHR. PIZ., Avision T., 1405, 127).

b)

Reprimer qqn/qqc. de qqc. "Éloigner, refouler qqn/qqc. de qqc." : Et ycestes choses, par le jugement des hommes, appetissent moult le degré et auttorité du sexe femenin : car ilz veullent dyre que de tant comme un corps est plus imparfait de quelque chose, de tant est reprimé et appetissié de sa vertu (CHR. PIZ., Cité dames C., c.1404-1407, 673). Marthe, chere seur, mes yeux sont Tournéz en lamentacion D'une grant visitacion Qui est en mon cueur imprimee, Que de tous poins m'a reprimee De la povre vie et immonde Que long temps ay menee au monde. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 442).

c)

Reprimer à qqc. "Résister à qqc." : Fortunë y veult droit clamer Et si fait fort reclamer Et nommer Sa tres varïable alee ; Or nous y peut comprimer Et n'y savons reprimer Ne rimer, Car nostre garde est allee. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 814).