I. -

[Idée de reniement ou d'abandon (d'une personne, d'une chose à laquelle on attachait une certaine valeur, d'un droit...)]

A. -

[Idée de reniement (surtout dans le domaine religieux)]

1.

Empl. trans. dir. Renoncer qqn ou qqc. "Renier qqn ou qqc."

a)

Renoncer qqn. "Renier qqn" : ...ung autre prendroit l'evesché De cil qui nous a renoncé, Et seroit posé en son lieu. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 444). Et la fin de son labit est Que David chante sus et jus : Et episcopatum ejus, Post hunc, accipi[a]t alter. En quoy David volt decreter Q[u]'un autre prendroit l'evesché De cil qui nous a renoncé, Et seroit posé en son lieu. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 1043). ...il est si obstiné Mais de renuncer nous dieulx (OUDIN, St Genis M.S., c.1490, 84). ...ledit Marchus a tous jours persisté en ses rigueurs et menaces, renonçant Dieu et tous ses saincts que, s'il trouvoit ledit suppliant, il le desmonteroit et le tueroit. (Lettres rémission René II P.D.H., 1496, 296). SAINCT MARTIN. Puisqu'avez telle congnoissance, Renoncez ces deables maulditz En prenant de Dieu la creance Et vous aurez son paradis. (LA VIGNE, S.M., 1496, 440).

b)

Renoncer qqc.

-

Renoncer sa loi. "Renier sa foi" : ...elle ameroit mieulx estre arse en ung feu que à renoncier sa loy (WAUQUELIN, Belle Hélène Const. C., c.1448-1452, 297). ...[Adrien] vous a fait tel desplaisance D'avoir renuncer vostre loy Que vous tenez. (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 142).

2.

Empl. trans. indir. Renoncer à qqn ou qqc. "Renier qqn ou qqc." : Je ne croy riens plus vraiement, Sire, et pour ç'a ma loy renonce Et vueil vivre (...) Com crestien. (Mir. st Sev., 1362, 209). L'ARCEVESQUE. (...) Dites moy se vous renoncez Au Sathenas. CLOVIS. G'y renonce, n'en doubtez pas, Sire, pour voir. L'ARCEVESQUE. Il me convient aussi savoir S'a ses pompes et a ses faiz, Conme bon crestien parfaiz, Vous renoncez. (Mir. Clov., c.1381, 275). LE JUIF. C'est mon homme [le chrétien] qui est en vie ! Vecy grant resjouyssement ! (...) Je renonce a toute juifrie. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 151). SAINCT MARTIN. Pour esbatement ne pour jeu Ne laissez Dieu de paradis. PREMIER. Tousjours, tant en faitz comme en ditz, Renunçant aux dieux interditz, Le serviray devostement. (LA VIGNE, S.M., 1496, 499).

-

[Au dieu Amour] : ...se il est ainsi que Amour, que j'ai si longuement et si loialment servi et en qui j'ai mis cuer, pensee et amour, me tolt la riens ou monde que j'aimme plus chierement, dont elle m'avoit promis bien et parfaite joie, je la renie et renunce de tous poins a li et a son service (MACH., Voir, 1364, 674).

B. -

P. ext. [Sens affaibli]

1.

Renoncer qqc.

a)

"Quitter, cesser d'être attaché à qqc." : ...sur les tressouveraines joyes de paradis, lesquelles je renonce pour les tresangoisseuses paynnes d'enffer (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 220). Avecq eulx [les chrétiens] (...) M'y suy bouter et fait amettre [en prison], Et le monde, sans plus debatre, Ay renuncer (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 107).

b)

"Se soustraire à qqc." : Il a ses compaignons laissiez, Et le mertire a renuncer (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 117).

2.

Renoncer à qqc.

a)

"Cesser par une décision volontaire de prétendre à qqc. (qu'on avait ou qu'on cherchait à avoir), renoncer à qqc." : Bien savoient que li mestiers Des oiseaus moult m'abelissoit, Si que chascuns d'eaus s'avansoit De moy presenter courtoisie. Ad ce ne renonsay je mie, Mais moult les en remercioie Et autel leur representoie. (MACH., D. Aler., a.1349, 370). Mais mettre n'i vueil chose laide Car quant y tonne et il eslaide, Li temps est noirs, obscurs et lais, Mais assez est plus dous que lais Contre Mesdit, par sainte Helainne ! Pour ç'a toute chose villeinne Vueil renuncier, et la delay. (MACH., F. am., c.1361, 144). Et si vous doing (...) Le royaume de Mirabel Qui m'est escheu de nouvel, Et la conté des Vaux Plaissiez, Puis qu'a Espaigne renonciez Du tout en tout. (Mir. Oton, c.1370, 387). L'AINSNÉ. Dame, ne tieng point que m'onneur Soit que vous plus me gouvernez, Puis que je suis roy couronnez ; Je renonce a vostre conseil, Et desoresmais user vueil De ma puissance en touz endroiz (Mir. ste Bauth., c.1376, 118). ...il n'y a nul d'entre nous IIIJ. qui ne sache tous les chemins de cy en Prusse, et en Esclavonnie, et en Craquo. Se mestier est, nous vous y guiderons bien et seurement par tous les destrois, passaiges et rivieres. A ce respondy le duc : Beaulx seigneurs, cecy n'empire pas nostre affaire, et je n'y renonce pas quant il sera temps. (ARRAS, c.1392-1393, 177). ...li Flamenc ... se offrirent a estre apparilliet au roi, et de venir devant Calais, trois jours apriés ce que il en seroient requis et semons. Li rois d'Engleterre ne renonça pas a ces offres, mais les tint a tres bonnes et les en remercia. (FROISS., Chron. D., p.1400, 808). ...ledit Deniz s'estoit longuement tenu et n'avoit volu aler devers sadicte mere, pretendens qu'elle le voloit faire renuncer à son heritage (BAYE, I, 1400-1410, 199). Et se d'aucuns seigneurs ou dames avez eu ou temps passé ou avez presentement robes ou pensions, vous y renonciez du tout (BAYE, II, 1411-1417, 131). Ce jour, Jehan Harent, rotisseur, demourant à Paris à la Porte Baudoyer, a renuncié à une appellacion par luy faicte, huy a VIIJ jours, d'une sentence donnée contre luy par le prevost de Paris (FAUQ., II, 1421-1430, 350). Nulle femme coustumiere ne peut renoncer sur la fousse ne autrement aux meubles d'elle et de son mary, en maniere qu'elle ne soit tenuee de poier la moctié des debtes. (Cout. instit. Anjou Maine B.-B., t.2, 1437, 338). SAINCT MARTIN. De plus porter je ne me vente Jamais habit de chevalier ; Je renonce au bras seculier Pour garder l'ecclesïastique, Lequel m'est plus particulier Pour avoir joye letiffique. (LA VIGNE, S.M., 1496, 262).

-

Renoncer à + inf. : J'ay tel honte de voir leur vie dampnable, Que je renonce a plaider plus leur cause. (Cene dieux, c.1492, 116).

-

"Considérer comme nul" : . Li chevalier et li esquier qui en tretié estoient deviers les François, dissent a l'evesque Gui de Lion : "Sire, vous avés mené les trettiés et les paroles a ceuls qui nous ont asegiés. Confors nous vient d'Engleterre, et nous avons nos fois et nos sieremens enviers madame ; se li tenrons. Regardés quel cose vous volés faire, car il est heure que vous i renonchiés, ou que vous i faites renoncier." Li evesques s'estoit si fort loiiés par les paroles de son cousin, mesire Hervi de Lion, enviers les François que il ne pooit requler, ne ne voloit aussi ; si dist : "Signeur, je ne irai point parler a euls sans vous, car ce que j'en ai fait, vous estes tous participant ; et de vous viennent otant bien li trettié que il font de moi." - "Mesire Gui, respondirent li chevalier, vous dites verité. Mais quoique fait en a esté, encores i poons nous bien renonchier. Et de chi en droit nous i renonçons, et nous volons tenir dalés madame qui tant de biens nous a fais et fera encores" (FROISS., Chron. D., p.1400, 524-525).

-

[Dans une formule de serment] : Je renonce a chevallerie Se de la putin ne me venge (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 480).

-

Empl. pronom. Se renoncer à qqc. : Item, si elles se renoncioint audit benefice de droit velleyain. (Cout. instit. Anjou Maine B.-B., t.2, 1437, 443).

b)

"Se soustraire à qqc." : ...ne avecques ce courir en ladicte duché et païs dudit duc, ne y faire entreprise, pilherie aucune, ne en prandre harnois, ne faire chosse quelzconque directement ou indirectement qui pourte prejudice audit duc ne à sondit païs hors du royaume tel qu'il est à presant, en renonçant à tous comendemens ou contrainctes que le roy nous pourroit faire faire. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 361).

II. -

[Idée d'annonce] Renoncer qqc. (à qqn). "Annoncer qqc. (à qqn)" : Si que voi cy ma response : Se tu veulx, si la renonce A Nature, m'escoliere (GUILL. DIGULL., Livre pèler. vie hum. E.M., 1355, 316). Alez et renonciez a Jehan que les avugles voient (JEAN GOLEIN, Rational B.D., c.1370-1372, 357). Lors se parti li dis evesques de Hembon, et deffia la dame et tous ses aidans, et s'en ala renoncier au dit monsigneur Hervi et dist la besongne ensi comme elle se portoit (FROISS., Chron. L., II, c.1375-1400, 151).

Rem. Sens bien représenté en a.fr.