C.N.R.S.
 
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     REFUGE     
FEW X refugium
REFUGE, subst. masc.
[T-L : refuge ; GDC : refuge ; FEW X, 197b : refugium ; TLF : XIV, 628b : refuge]

A. -

"Lieu où l'on peut se mettre en sûreté, où l'on peut mettre qqc. en sûreté" : ...comme les diz mariés n'eussent a present aucun refuge a Paris, pour eulx retraire eulx et leurs biens en cas de peril et de neccessité (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, 1374, 442). ...comme pour ce que les bonnes gens voisins du plat païs d'environ la dite maison y aient et puissent avoir, en cas de besoing et neccessité, retrait et refuge pour eulx et leurs biens (Doc. Poitou G., t.5, 1380, 142). Telle estes vous, Vierge tres digne ! Vous estes le vray lieu de reffuge raisonnablement comparé a celuy que Romulus ordonna en fondant Romme, ou tous maifaitteurs estoyent en franchise, seurté et liberté. (GERS., Purif., 1396-1397, 60). Hays de toutes nations Seront [les juifs], sans avoir mansions Ne refuges proprietaires, Serfz seront et vilz tributaires, Tous maulx sy leur seront propices Pour leur deffaultes et grans vices ; Car l'effusion de mon sang Prenront sur eulx et leur enfant (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 124). ...ladicte ville est l'une des principales et plus fortes villes et citez de nostre royaume, la ville cappital et le reffuge dudit païs, de grant garde et estandue, mal populée et habitée (Doc. Poitou G., t.11, 1472, 317). Item par les trois citéz de refuge lesquelles equalement estoient eslongiés l'une de l'aultre. Les citéz de refuge estoient ordonnees par Moyse, ausquelles s'enfuioient ceulz qui avoient fait homicide, esquelles ilz estoient asseuréz. (Somme abr., c.1477-1481, 125).

 

-

À/au refuge. "À l'abri" : Je ne treuve rive ne port, Ou je puisse aler au reffuge (Pouvre peuple H., c.1450-1492, 177). Et, après ce, ledit Marc et sadicte femme et mesnage s'en retournerent à refuge pardevers ledit messire Charles en la ville de Melun. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 158).

 

-

Avoir (son) refuge qq. part : Si fait bon avoir son refuge Tousjours ou hault lieu souverain (DESCH., M.M., c.1385-1403, 354). Mais il respont qu'a cel Deluge Aura il a la tour reffuge (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 149).

 

-

Mettre qqc. en refuge : ...il avoit veu que toute la vaissele d'argent que l'en avoit eu à icelle feste estoit mis en seurté et refuge en la despence dudit hostel (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 405).

 

-

Trouver refuge qq. part : Et ledit connestable, saichant ledit appointement faict entre le roy et le duc de Bourgoigne, s'en ala rendre à Mons en Henault, es pays dudit duc, cuidant y trouver reffuge, pour ce qu'il avoit uzé une partie de sa vie avec le duc Philippe, pere dudit duc, et avec icelluy duc. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 348).

B. -

P. ext. "Lieu à l'écart, inconnu"

 

-

Les refuges (d'un fleuve). "Les parties cachées, secrètes, encore inconnues de son cours, sa source" : Si n'osa demourer ou pays, mais print toute sa finance et s'en vint sur haultes montaignes marchissans aux reffuges du Rosne et de pluseurs autres gros fleuves, et estoit le pays non habitez. (ARRAS, c.1392-1393, 15).

C. -

Au fig.

 

1.

[À propos d'une personne ou d'une chose] "Recours ; protection" : C'est ce qui garit ma dolour ; C'est ce qui me tient en vigour ; C'est mon refuge ; c'est ma tour ; C'est celle ou sont tuit mi retour ; C'est ma fiance. (MACH., R. Fort., c.1341, 121). Et mon doulz cuer, mes derreniers confors et refuges est telz que je sai bien que, quant il vous plaira et Dieus amenra la bonne heure, que vous estes si bonne et si douce que Dangiers n'osera groucier contre vostre douceur (MACH., Voir, 1364, 570). ...quant nous sommes si esbahiz que nous ne savons que nous devons faire, ce avons nous tant seulement de refuge que nous eslevons nos yeux a toy. (JEAN GOLEIN, Rational B.D., c.1370-1372, 703). ...car ceste Court estoit le seul refuge de justice qu'on peust de present avoir en ce royaume. (BAYE, I, 1400-1410, 246). ...pour ce que les choses de ce royaume estoient en petit point, et que le refuge de ce royaume en justice estoit en et de ceste Court (BAYE, I, 1400-1410, 246). Cryer et brayre Si est du tout nostre reffuge (Myst. jeune fille L., c.1413-1445 [c.1530], 17). En toy doncques, mon Seigneur et mon Dieu, je mets toute mon esperance et mon refuge, et constitue en toy toute ma tribulacion et angoisse, car je treuve enferme et instable tout ce que dehors de toy je regarde (Internele consol. P., 1447, 264). LE GREFFIER. Sainct Nicolas si faict merveilles, Vers luy est singulier refuge Et qui me besse les oreilles, Il faict ung terrible deluge. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 154). MATHATIEL. C'est ung parfait Refuge et souverain soulas Que de servir sainct Nicolas. L'experience le demonstre. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 142). Car, en ce cas et en semblables, le premier reffuge est retourner à Dieu et penser si en riens on l'a offensé et se humilier devant luy et congnoistre ses mesfaictz, car c'est luy qui determine de telz procès sans ce qu'on luy puisse proposer nulle erreur. (COMM., II, 1489-1491, 129). Et de là s'en alla en Bretaigne avec le duc, où il fut bien trois ans. - Ville de Rouen, lequel s'en partit tout descouru, non ayant autre refuge que à Dieu. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 202).

 

-

[Pour une chose] : Là est le secours et refuge de tout labour, consolacion enterine, beauté plus clere que le souleil (CHR. PIZ., P.V.H., 1416-1418, 44).

 

-

Avoir qqn pour refuge : LE CRESTIEN. Nous sommes tous desprins et mis, Mocqué de grans et de petis. On nous monstre au doit. (...) Nous n'avons parens ne amys Pour refuge ; tous ennemys Nous queurent sus. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 75).

 

-

Avoir (son) refuge à qqn/à qqc. : Vez que li las a perdu tout secours, Ne ses cuers n'a refuge, ne recours, Fors a la mort qui a li vient le cours. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 129). Et moult de gens qui semblent estre beneurés ont leur refuge et leur entencion a teles conversacions qui sont en gieux et esbatemenz. (ORESME, E.A., c.1370, 515). ...moult desavenant Est a prince de hault paraige De finer ses jours sanz lignage Avoir procreé de sa chair, Auquel ait refuge et repair Le commun peuple de sa terre. (Gris., 1395, 16). ...iceulx exposans meuz de devocion, et pour l'augmentacion du service divin et autres euvres misericordieuses, et aussi pour le singulier refuge et affeccion qu'ilz ont aux benois sains (Paris domin. angl. L., 1428, 284).

 

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Avoir son refuge à + inf. "Avoir recours au fait de" : Et sont pluseurs qui ne font pas telles oeuvres appartenantes a vertu, mais ont leur refuge a raisonner ou a oÿr ou estudier la philosophie des vertuz et par ce il cuident acquerir vertu ou estre faiz et devenir vertueus. (ORESME, E.A., c.1370, 157).

 

-

S'en aller à refuge vers qqn. "Avoir recours à qqn" : L'USURIER. (...) Comme je suis entalenté De m'en aller devers le juge, Pour en avoir ma volenté Et que le droit il m'en adjuge ; De tous mes debteurs denyer n'eu ge Trois ans a, ne aultre monnoye ; Vers luy je m'en vois a reffuge Incontinant la droicte voye. (LA VIGNE, S.M., 1496, 511).

 

Rem. Cf. DI STEF., 757a ; l'éd. propose un sens plus précis : «aller introduire un recours (auprès d'un juge)».

 

-

Venir à refuge vers qqn : Je ne dy pas, Dieu m'en deffende, Qu'il ne soit raison qu'elle juge Sur moy tel peine ou tel amende Qu'il lui plaist, car pour cela fu ge Contraint de venir a reffuge Vers elle qui ne s'en recorde (CHART., D. Rev., a.1424, 316).

 

2.

P. méton. "Personne auprès de qui on cherche secours et protection" : Cestui bon duc est le droit reffuge des povres femmes besoingneuses et adoulées (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., I, 1404, 158). Hault Plasmateur que povre cuer adresse, Voy la doleur et le piteux martire, Que par Pluseurs le Povre Peuple tire. Gette sur luy tes doulz yeulx de pitié, Faiz apparoir la grande amitié De quoy tu l'ayme, en luy donant secours. Tu es son pere, son reffuge et retours [l. recours] (Pouvre peuple H., c.1450-1492, 195). Aucuns mots nomment Dieu par maniere de assamblee comme la trinité et tresble. Aucuns noms expriment Dieu par maniere de relation comme equal, pareil, samblable. Aucuns par maniere de regard aux creatures comme createur, refuge, deffenseur. (Somme abr., c.1477-1481, 155).

 

-

[À propos de Dieu, de la Vierge] : Sire Dieux tout puissant, qui estes refuge aux besongneux et misericors aux pecheurs, je me commans en vostre glorieuse garde (Bérinus, I, c.1350-1370, 51). ...c'est celle que la sainte escripture Dit des humains estre vraie esperance, Solaz, confort, joye, paiz, recouvrance, Conseil, refuge, advocate (Mir. chan., c.1361, 184). Vierge, par ta grant courtoisie, Soies (...) Mon refuge (Mir. femme, 1368, 182). Vierge, reffuge des humains, Ta nativité glorïeuse Soit louee. (Myst. jeune fille L., c.1413-1445 [c.1530], 81). Lasse ! c'estoit [Jésus] no vray confort, C'estoit no refuge, no port, C'estoit no consolation, De noz pechiez l'ablution, Le loier de nostre labeur ! (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 246).

 

-

Refuge de qqc. "Protecteur de qqc." : ...toutevoyes n'est il [l'Empereur] en rien subjet en la temporalité a l'Eglyse de Ronme ; nient plus que le roy de France, qui est le droit cha[m]pion et le droit bras et reffuge de l'Iglyse de Ronme, n'est mie subjet au Pape en la temporalité, non est l'Impereur. (Songe verg. S., t.1, 1378, 213). Par laquelle chose le Pappe Innocent vint en France, comme souverain reffuge de sainte esglise, en l'an de Nostre Seigneur mil IIcLI (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 171). TIERCE PUCELLE [au roi]. Tu es, toy seul, des pars occidentalles En devalant jusqu'aux orïentalles, Le reffuge de tous plaisirs haultains, Le subjugueur de toutes les Ytalles Et le confort des villes capitalles, Sans espargner celle aux Nappolitains. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 172).

 

3.

"Échappatoire" : Mais des tesmoins nous fault avoir Pour dire que no fait soit voir, Et se le jugement refuse Ailleurs prenderons no refuge Et trouverons aulcune voie De quoy il n'ara pas grant joie. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 145).

 

-

Sans refuge. "Sans échappatoire, sans dérobade" : LE CHANCELIER. Meilleur remede n'y voy goute, Fors que de les fere amener Par devant vous, et que mandez Soit par vous a vostre grant juge Que briefment et sans nul refuge Les vous amainne attivement, Prins et liez estroictement (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 141).
 

DMF 2020 - Synthèse Robert Martin

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