C.N.R.S.
 
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     PRÉSUMER     
FEW IX praesumere
PRESUMER, verbe
[T-L : presumer ; GDC : presumer ; FEW IX, 320a : praesumere ; TLF : XIII, 1149b : présumer]

A. -

"Conjecturer, croire qqc."

 

1.

"Conjecturer qqc., croire qqc. d'après certains indices" : ...se il y a aucun qui ose ce presumer et dire, on li respondra d'un tres fort argument... (FOUL., Policrat. B., VIII, 1372, 92). Montmor replique et dit que l'Ermite est trespassé, et ainsy le doit l'en presumer, puiz qu'il n'apert de vita (BAYE, II, 1411-1417, 235).

 

-

Presumer que. "Supposer, conjecturer que" : Qui seroit ce qui oseroit Presumer, ou qui penseroit, C'uns tels sires fust tant haïs Des nobles de tout son païs, Et de ses freres proprement Com pour le tuer telement ; Et que la chose fust celée Si qu'elle ne fust revelée. (MACH., P. Alex., p.1369, 253). ...qui semble chose bien estrange, et est plus à presumer que autrement qu'ilz n'ont voulenté aucune de faire reparacion des excès, et est à doubter que se plus grant cas (que Dieu ne vueille !), estoit commis de leur part, que de legier on n'en auroit pas reparacion (ESCOUCHY, Chron. B., t.3, Pièces justif., 1446, 160). Il estoit assez à presumer qu'il sçavoit bien le cours celeste et qu'il prenoit ses choses en bonne influence (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 70 r°). Pareillement est a presumer que le roy ne vivoit pas si aisement en son dit camp qu'il eust faict autre part. Mais a l'ayde de ses bons officiers, il fut supporté et joyeusement entretenu. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 279).

 

-

(Il) n'est pas à presumer que + subj. "Il est improbable que" : ...veu l'estat de sa personne contre celui de ladite femme, qui estoit et est meue de convoitise, attendu sa povreté, et qu'il n'est pas à croirre ne presumer que ledit enfant eust esté sien (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 124). Tous lesquieulx, veu l'estat et personne d'icelle Macete, laquelle, par sa confession, a esté fille de vie et de petit gouvernement, et que icellui de Ruilly est homme bien né et renommé, et n'est pas à presumer que un homme de tel estat eust prins par mariage une tele fille si diffamée (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 321).

 

-

Presumer de qqc. "Supposer à propos de qqc." : [Echo parle de Narcisse] Je presume de sa bonté Qu'il ne m'en prisera ja mains, Car amours m'y ont incité Et contraint par necessité. (Narcissus, p.1426, 288).

 

-

Presumer de qqn que + ind. "Supposer à propos de qqn que" : Et de tel homme l'en presume et est vraysemblable qu'il ait en soy la vraie noblesce de vertu se par ses faiz il ne appert que il se desnature et degenere ou forligne. (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 181).

 

-

Presumer qqn/qqc. pour tel. "Supposer, considérer qqn comme tel" : Sire, quant presumer pour bien Me voulez ceste paciance, Se je le fas par diligence, Je la feray de cuer contrict (Mir. parr., 1356, 9). Donques ilz le devent encores tenir et reputer pour leur souverain, car l'en doit presumer pour le primier poss[ess]eur (Songe verg. S., t.1, 1378, 278).

 

-

[D'une chose] "Donner à supposer" : Conscience de mal perturbee presume tousjours choses crueles. (ORESME, E.A.C., c.1370, 467).

 

.

Presumer que : ...se l'ainsné muert avant que droit luy soit acquis, Droit presume et fainct que il n'ait onques esté nez, car il n'avoit nul droit en la succession du vivent, ne de fait, ne de esperance, puis que il estoit collateral (Songe verg. S., t.1, 1378, 267).

 

2.

"Envisager qqc. ; espérer qqc."

 

a)

"Envisager qqc." : Par quelle hardiesce donques et par quelle folie et presompcion oseroit le disciple du crucifiz, le vicaire saint Pierre, le pasteur des ames, attempter a faire ce que le vicaire de l'empereour (...) si n'oseroit pas presumer ? (FOUL., Policrat. B., VIII, 1372, 92).

 

b)

"Espérer, attendre qqc." : Maistre Jehan, mais en conscience De mon cas et de ma personne, Se je y vois, quelle esperance Y presumez vous, malle ou bonne ? (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 136). Quel bien pouez vous presumer A le tant de fois resumer ? (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 463).

 

-

Presumer de qqc. "Oser espérer qqc." : Or pren garde comme tu peulx presumer de ton salut sans humilite et sans crainte de Dieu. (CIB., p.1451, 199).

 

3.

"Envisager, croire, considérer avec présomption"

 

-

Presumer + prop. inf. : Il m'en est tel mal advenu Que j'ay presumé et tenu Maintes foiz moy estre une femme D'aussi grant auctorité dame Conme l'umble vierge Marie. (Mir. mère pape, c.1355, 359). ...ilz presument à eulx estre licite faire folies (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., I, 1404, 18).

 

-

Presumer de qqc. "Espérer trop de qqc., surestimer qqc." : Ce qu'il dit "Oremus" signifie qu'il ne presume mie de sa propre oroison mais adjoint avec soy les oroisons du pueple (JEAN GOLEIN, Rational B.D., c.1370-1372,).

 

-

Presumer de soi. "Surestimer ses capacités, se surestimer" : Or dautre part affin que tu ne presumes trop de toy il fault congnoistre que tu ne montes point en perfection naturelle iusques aulx anges qui sont tous spirituelz et nont point de fragilite materielle comme nous. (CIB., p.1451, 197).

 

-

Presumer trop sur qqn. "Espérer avec présomption au sujet de qqn" : ...en ceste partie sembleroit que ce fust presumption que l'oroison fust confermee sans ce que Dieu la confermast, ou que l'en presumast trop sur Dieu, qui ne doit mie cheoir en devost suppliant. (JEAN GOLEIN, Rational B.D., c.1370-1372, 600).

B. -

"Prétendre à qqc., oser qqc."

 

1.

"Prétendre à qqc., avoir l'ambition de (faire qqc.)"

 

-

Presumer qqc. "Prétendre faire qqc., oser qqc." : ...[j']ose et presume ce present petit oeuvre, a vostre requeste et advertissement mis en terme et sur piez, vous presenter et offrir (C.N.N., c.1456-1467, 22).

 

-

Presumer (à/de) + inf. "Avoir l'intention de, avoir la prétention de, se faire fort de" : Mes Uxiles ne presuma onques trahir ne falser l'afection et dilection et foy qu'il avoit a sa femme, afin que il fust fait immortel. (ORESME, Ycon. Arist. M., 1374, 842). Et pour ce dit Aristote des jonez gens qui, pour la grant esperance qu'ilz ont de leur nature, sont moult entrep[r]enans et presument a faire pluseurs choses qu'ilz ne pevent parfaire, qui leur vient de ignorance, pour ce qu'ilz n'ont pas esprouvé les paines ne les griefs tourmens qui sont es choses fortes et dures a parfaire. (EVR. CONTY, Eschez amour. mor. G.-T.R., c.1400, 743). ...durant la maladie je n'ay jamais osé presumer de vous requerre de bataille, doubtant que pis vous en fust (C.N.N., c.1456-1467, 516). Ha ! mon bon amy, vous m'avez parfectement et de bonne amour amée, non pas deshonnestement, comme j'avoie presumée de vous amer. (C.N.N., c.1456-1467, 578). Et ja presumoient aler aux preteurs, consulx et senateurs et les prier... (MAMEROT, Romuleon D., 1466, 9). Es tu bien donc si forcené Qu'a nous enseigner tu presumes, Qui sçavons les loix et coustumes Que les Juïfz doivent tenir ? (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 465). Aux festes annuelles, y avoit ou hault de sa table assiz ung évesque ou abbé, luy ou milieu, et au bout de la table ung des seigneurs de son sang. Quant la table estoit couverte, il n'y avoit si grant qui ne vuidast hors de la chambre, et estoit la chose si bien ordonnée, que nul ne présumoit y demourer. (BAUDE, Eloge Ch. VII, V., p.1484, 129). ...osa bien obvier au puissant roy Xerxes, quant il presuma par force entrer en Grece, après ce qu'il eut brullée ceste noble mere des ars et des cités, Athenes, et fait le degast de VII à VIIIc mil volumes de livres, illecques trouvés (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 46 v°). Dit aussi en icellui que n'est chose juste que ceulx qui n'ont bien veu lesdits livres, presument de les juger et villipender. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 125 v°). Cestui presuma ordonner Canons sur les tables de Alphonce qui commencent : "Tempus est mensura motus primi mobillis". (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 134 v°).

 

Rem. Hist. prem. destruct. Troie R., c.1470-1480, gloss.

 

2.

Presumer qqc. contre qqn. "Oser qqc. à l'encontre de qqn" : ...qui ne vueil contre sa royal magesté riens presumer (WAUQUELIN, Belle Hélène Const. C., c.1448-1452, 159). LA MERE. Mon filz Martin, mectz y ta confïence Et ne presume aulcune deffïence Contre celuy qui a fait les haulx cieulx (LA VIGNE, S.M., 1496, 143). TIERS MAISTRE. Qui lairroit trop acoustumer Les gens en euvre temporelle, Bien tost pourroyent presumer Contre nous aulcune querelle ; Pour les mectre en nostre sequelle, Il leur fault leur cas remonstrer Et la gloire spirituelle Par vives raisons demonstrer. (LA VIGNE, S.M., 1496, 329).

 

Rem. G. Roques, in : Le M. fr. (3e Colloque, Düsseldorf), 1982, 110 ; sens att. en lat. tardif et en lat. médiév. (Blaise, 656b) ; FEW IX, 320a, s.v. praesumere donne : «Apr presumir (...) "oser"». Cf. aussi le syntagme presomption contre qqn, v. presomption.

 

3.

Empl. pronom. Se presumer de + inf.. "Se faire fort de" : Car, comme ainsy soit que celuy ou celle seule puist estre digne appellee que le Roy celeste de tel honneur vouldra honnourer, a ce digne sacrement comme digne accepteur quy de soy ou d'aultruy vouldroit jugier, il se presumeroit de congnoistre le sens de nostre Seigneur. (Traité S. Sacr. B., c.1450-1500, 168).
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Robert Martin

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