C.N.R.S.
 
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     PREU     
FEW IX prode
PREU, subst. masc.
[T-L : pro ; GD : preu1 ; FEW IX, 417a : prode]

A. -

"Profit, avantage" : La vierge par son doulx plaisir Le nous doint si bien retenir Qu'a no preu soit. (Mir. marq. Gaudine, 1350, 125). LA VENTRIERE. Nous vous rapportons vostre enfant Crestïen, dame. C'est son preu. (Mir. enf. ress., 1353, 25). Quant Dieu chastoie l'omme et blame, Il le fait pour le preu de l'ame (LE FÈVRE, Respit Mort H., 1376-1380, 59). ...ainsi tu me sauveras, En quoy grant merite acquerras Et preu a t'ame. (Mir. Barl. Josaph., c.1363, 292). Eins vueil morir, com loyaus amoureus À qui la mort est jugie à grant tort, Et je sçay bien que ce sera mes preus, Car je sui si arrivez à mais port Que toute riens à moy grever s'amort. (MACH., L. dames, 1377, 107). Mais nul povre ne peut avoir A celle court ne preu, ne don, Benefice, ne guerredon (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 66). Se le faitez ensy, gran preu y averez. (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 695).

 

Rem. Renart contref. R.L., 1328-1342, gloss. ; DESCH., Oeuvres Q., t.1, c.1370-1407, 261 ; WAUQUELIN, Manequine C.T., a.1448, gloss. ; Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], gloss. ...

 

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[Associé à honneur] Honneur et preu : Pour Dieu merci, reprenez vo maniere, Vous vous tuez de faire tele chiere, Car je voy bien que moult comparez chiere L'amour de li. Si n'aiez pas le cuer einsi failli, Car ce n'est pas preus, ne honneur aussi. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 66). Pour ce tendoient a valoir Et mettoient en nonchaloir Tout fors l'amer, par quoy valour Eüssent qu'on a a dolour. Car commant qu'honneur soit et preus, S'est ce grant peinne d'estre preus, Et moult y couvient travillier, Moult jeüner et moult veillier (MACH., D. Lyon, 1342, 211). Doit on bien plourer et gemir La mort de si très vaillant homme ! Il fu si vaillans, c'est la somme, Que ce sera honneur et preuz S'il est mis avec les IX. preus ; Si que ce sera li disiemes (MACH., P. Alex., p.1369, 274). Par foy, dist ly contes, ma dame, je croy que vous dictes verité, car j'ay ouy dire que a la fontaine de dessoubz icellui rochier, a l'en veu advenir de maintes merveilleuses adventures. Mais, quant a lui, je pry a Dieu qu'il lui en laisse bien joïr [à Remondin], a son preu et a son honneur. (ARRAS, c.1392-1393, 34). Preudomme doit servir, entendez bien, Dieu et aprez son souverain seigneur, Amer son preu autant comme le sien, Son corps deffendre et garder son honneur (TAILLEV., Psaut. vil. D., a.1440, 125).

 

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"Tout ce qui est profitable à qqn, bien-être" : ...pité ne merci Ses crueus cuers ne vuet avoir de mi. Las ! elle het mon preu et ma santé, Pour ce que j'aim s'onneur et sa biauté, Et si la serf de cuer en tel cremour Que nulle riens ne li pri, eins l'aour. (MACH., Motés, 1377, 505).

 

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Faire son preu. "Tirer profit" : A non Dieux, entre ceaux qe soeffrent tant de mesaise, comme de meynt malveis mangiers et pires boires, mau choché et mau vestu, si q'entre tiels gientz purroie jeo trover de faire moun pru, si jeo feusse sage (HENRI LANC., Seyntz medicines A., 1354, 14). Où loyauté ne repaire Nulz ne devroit esperer Qu'amours y ait son repaire ; N'amis vrais ne se doit traire Où loyauté ne repaire, Ains s'en doit dou tout retraire, Car trop en puet empirer, N'il ne porroit son preu faire. Où loyauté ne repaire Nuls ne devroit esperer Qu'amours y ait son repaire. (MACH., L. dames, 1377, 70). Qui n'a regart sans plus qu'a son preu faire... (TAILLEV., Psaut. vil. D., a.1440, 126).

 

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Si preu qu'il y a : Or faut que te teingne couvent De ce que je t'ay en couvent : C'est de toy et de moy nommer, Par quoy on sache qui blasmer, S'il a deffaut ou mespresure En ceste presente escripture. Et vraiement, si pro qu'i a, Bien croy que des deffaus y a. Mais qui vorra savoir sans faille Nos deus noms, et sans controuvaille, Vesci comment on les sara (MACH., C. ami, 1357, 141).

 

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Mauvaise haste n'est preu : "...Et si porra bien avenir Que vous verrez Bremont venir ; S'il vient, vous en serez plus fors." Chascuns respont : "C'est nos acors." Après messire Jehans Pastez Li dist : "Sire, ne vous hastés, Car mauvaise haste n'est preus, Et ce sera honneur et preus De faire ce fait sagement, Et nom pas trop hastivement..." (MACH., P. Alex., p.1369, 149).

B. -

En partic. [Dans des formules de souhait, de politesse] : LA DAME. (...) Agnesot, que Dieu preu te face, Va t'en garder l'ostel bonne erre. (Mir. enf. ress., 1353, 3). "Oïl," dist Madame, "pour la doubte de ces bruynes nous avons desgeuné de toctees a l'ypocras et a la pouldre de duc." - "Bon prou vous puist il faire, ma dame, et a monseigneur l'abbé aussi." (LA SALE, J.S., 1456, 291). Quand le bon seigneur fut dedans, et il eut alumé de la chandelle, il regarda la belle compaignie dedans le lict, et dist : "Bon preu vous face, madamoiselle, et a vous aussi, mon escuier. - Bien grand mercy, monseigneur", dist il. (C.N.N., c.1456-1467, 213).

 

Rem. Myst. process. Lille K., t.3, a.1485, 37/500.

 

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[Formule de malédiction] : ROUGE GORGE. Villain, si ne vuydez la place, Vous aurez tantost bel effroy Sus le logis. JAUNE BEC. Tramblés, beffray, Tramblez ! vermine vous menasse. VERDIER. Laisson ce fol, mau prou luy face ! Alon prousuyvre nostre proye. (Pipée R., c.1470-1480, 179).

 

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[P. antiphr. (et p. substantivation de preu vous fasse)]

 

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Avoir un preu vous fasse. "Prendre un coup" : J'ay de dueil ung tel(,) preu vo[us] face (LA VIGNE, S.M., 1496, 410).

 

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Donner un preu vous fasse. "Donner un coup" : LA MERE. Si Mahon veult qu'il se parface A estre ung coup rustre de guerre, Pour donner ung dur(,) preu vous face : Son pareil n'est point sur la terre. (LA VIGNE, S.M., 1496, 161).

 

Rem. L'éd. donne : «formule de souhait : grand bien vous fasse !» d'après le sens de preu face "souhait de bonheur" (GD VI, 398a). Cette lecture amène à faire de l'adj. (dur, tel) un adj. subst., lequel semble peu usuel. On propose donc de comprendre preu face, p. antiphr., "mauvais coup" (cf. H. Lewicka, Les Comp., 1968, 140) et de modifier la ponctuation en supprimant la virgule qui précède le syntagme. C'est l'hypothèse retenue par G. Roques, in : Le M. fr. (3e Colloque, Düsseldorf), 1982, 112 et par DI STEF., 733c : «Donner un preu vous face, frapper».
 

DMF 2020 - Synthèse Robert Martin

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