A. -

Au propre [Idée d'immersion]

1.

Empl. intrans.

a)

[D'une pers. ou d'une chose] "Couler, disparaître sous l'eau" : ...tu (...), qui te vois es ondes du fluve de ce monde plus plungier que sur terre aler... (Mir. Theod., 1357, 81). Ainssi est che chose difficile en lieu sans voie trouver chemin, comme estre en ung feu et non [...], ou courir sur eaue sans ens plongier. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 290). Car si tost com je la main tens Pour le prendre, il [l'escrin] plunge et defuit (Mir. march. juif, c.1377, 205). Courés tous, dyables, a la feste, Pour les faire en la mer plongier Par fort venter et par tempeste (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 179). Den la mer les feray plongier, Sans tenir voye ne sentier (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 182).

b)

En partic. [D'un navire] "Sombrer, couler" : LEVIATHAN. Ilz sont ja nostres, ce me semble, Car j'amanray le vent de mort, Qui leur fera sy grant effort Que toute leur nef plongera. (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 179).

2.

Empl. trans. "Immerger qqn ou qqc." : Pour faire oster eaue de vin mectez eaue et vin en une tasse, et ayez du fil de cocton et plongez l'un bout au fons de la tasse et l'autre bout soit pendant sur le bort et au dessoubz et dehors de la tasse, et vous verrez que par icelluy bout l'eaue degoutera comme blanche. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 275). SATHAN. (...) Mais d'eux griefment me vangeray, Car en la mer les plongeray Premier qu'i soit l'aube du jour. (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 179). Quant l'admiral entent ces paroulles, tout le corps luy commence fremir et, en despit de Jhesus, il crascha aux fons, puis prist l'evesque et le voulloit noyer aux fons, et l'eust plongé dedens se ne fust Ogier qui l'en garda : et non obstant il donna si grant coup a l'admiral du poing sur le visaige que le sang luy sault par la gorge a grant habondance (BAGNYON, Hist. Charlem. K., c.1465-1470, 169).

3.

Empl. pronom. "S'immerger" : Ce conseil est que (...) me plungasse Trois foiz dedans une piscine Que moustrer me devez si digne Que si tost come g'i seray Plungié, du tout gary seray. (Mir. st Sev., 1362, 208). L'aigle, quant il s'enviellist et ne puet plus prendre viande, (...) se transporte et quiert une fontaine tres froide en laquelle il se plonge trois fois. (Somme abr., c.1477-1481, 179).

4.

Au passif. [D'une pers. ou d'une chose] "Être immergé dans qqc." : Et la superficie de la mer est concentrique au monde et ont un meisme centre le monde et la mer. Et par ce que dit est s'ensuit que se Dieu et nature fesoient que la terre vers la partie habitable devenist et fust faite ausi pesante comme elle est vers l'autre partie, ou que la pesanteur de celle autre partie appetiçast tant que toute la terre fust uniforme et de semblable pesanteur en toutes ses parties, il convendroit que la partie qui est habitable descendist et que toute la terre fust plungie en la mer et toute couverte de eaue, ausi comme un honme qui cuevre son visage de son chaperon. (ORESME, C.M., c.1377, 570). ...estrange felonie seroit vouloir l'omme estre plungié en l'eaue pour l'en retirer (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 150). Les fossés de la ville estoient parfons et plains d'eaue, dont pluseurs furent plongés dedens. (BAGNYON, Hist. Charlem. K., c.1465-1470, 147).

B. -

P. anal.

1.

Empl. intrans. [D'un oiseau] "Descendre brusquement"

Rem. HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 116, 80.

2.

Empl. trans. "Enfoncer (une arme sans le corps)" : Car, de certain, j'ay intencion de plongier en ton ventre mon espee moult durement (BAGNYON, Hist. Charlem. K., c.1465-1470, 41).

-

Empl. intrans. [De l'arme] : Riens ne luy vault, car son aulbert fut cassé et rompus tant qu'il luy fist baigner sa lance en son corps et plongier bien avant, et demoura la mort comme une beste. (BAGNYON, Hist. Charlem. K., c.1465-1470, 165).

3.

Se plonger qq. part. "Se précipiter qq. part" : Et a saquié l'espee, es Turs se va plonquier, Cuy il ataint a cop de mire n'a mestier. (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 674). ...voiant aussi ses gens doubtablement assembler à ses adversaires, se mist et plongea vigoureusement dedans la bataille de ses ennemis (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.1, c.1425-1440, 38). ...et se plongerent, pour le vous faire brief, entre leurs ennemis plus fiers que lions de telle heure que, par leur vaillance et bonne aide du noble conte d'Artois, ilz misrent en desarroy lez payens (Comte Artois S., c.1453-1467, 87).

Rem. Jourd. Blaye alex. M., a.1455, gloss. (plonquier).

-

[D'un animal] : Se tu mettoies es narines de la truie ung aneau d'or, nientmoins pour che ne laisse pas a soy plongier en la boe (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 380).

-

Se plonger contre terre. "Se jeter à terre" : Et quand ce vint que les Barrois furent bien près d'eulx, comme à douze à seize drestres, ilz boutèrent le feu tout à une fois dedens leurs canons et coulevrines desusdites, et avec ce eslevèrent ung très grand cry. Pour la doubte desquelz canons, grand partie d'yceulz Barrois se plongèrent contre terre et furent fort effraés. (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.4, c.1444-1453, 464).

C. -

P. métaph. au fig.

1.

P. métaph. : L'un et l'autre en moy s'enbrasoit et ravissoit mon feble eage en confusion par les desers de couvoitise et m'en plongeoit ou goufre de pechié. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 271). Qui trop la croit, il se plunge et affonde En tel peril qu'il n'est ne mer ne onde Qui plus grever puit creature nee (DESCH., Oeuvres Q., t.1, c.1370-1407, 285). Dont vient ton iniquité fors que d'une fauce voullenté plongee en abisme d'avarice ! (BAGNYON, Hist. Charlem. K., c.1465-1470, 202).

-

[Graphie plinge, "normandisme" (Gilles Roques)] : Se il se plinge et noye en l'ordure et vilité de luxure et de voluptéz, il ressemble au pourceu. (Böece Conf. reman. C., c.1400-1500, 113).

2.

Au fig.

a)

Plonger qqn dans qqc. "Précipiter qqn dans qqc." : Plus ne serez regnans dedans mon cueur, Pechez Mortelz, Orgueil, Ire et Rancueur, Plongé m'avez trop dedans vostre ordure (ROBERTET, Oeuvres Z., c.1450-1500, 93).

b)

Se plonger en joie : ...la furent tous instrumens acordez par musicque, melodieux sons rendans et oÿs de tous ceulx quy se plongoient en joye par la plaisance qu'ilz y prendoient (Comte Artois S., c.1453-1467, 19).

c)

(Estre) plongé dans qqc.

-

"Vivre constamment au milieu de qqc." : Comment puet en toy avoir tant de force cel oultrageulx orgeuil que il te fait oublier les tres grans punicions de Dieu, nonobstant que il te sueffre si longuement demouree plungee en tant de deffaulx sans te payer de tes dessertes ? (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 19).

-

"Être accablé de qqc." : Encores nostre Fin Dyamant es noces proposees estoit d'une oscure coulour, voire oscure et tourblé de dolours, de souspirs et de larmes, jusques a la mort plongie toute, et tourblee par les dolours et passions de son tres doulz Espoulz. (MÉZIÈRES, Vertu sacr. mar. W., c.1384-1389, 168). Vous me semblez en tristesse inhumayne Toute plongee, ma bonne seur germayne (LA VIGNE, Ress. chrest. B., 1494, 115).