C.N.R.S.
 
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     PEINDRE     
FEW VIII 522a pingere
PEINDRE, verbe
[T-L : peindre ; GDC : peindre ; FEW VIII, 522a : pingere ; TLF : XII, 1268b : peindre]

A. -

"Embellir et décorer, représenter et figurer avec des couleurs"

 

1.

"Couvrir qqc. de peinture, de motifs décoratifs" : ...Pués entreovrit la chambre qu'estoit pointe a flour (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 86). Pour ce que si mal atirez Estoit [le roi assassiné], et si deffigurez Qu'il n'i apparoit forme d'omme, Tant estoit plaiez ; c'est la somme. Couronne avoit de parchemin Painte, et tele que par chemin N'est nul homme, s'il la trouvast, Tant fust povres, qui la levast ; Et aussi le sestre et la pomme Estoient aussi povre comme La couronne et de tel peinture. (MACH., P. Alex., p.1369, 271). ...une paire de saint Pierres de terre painte ou coffre d'une des filles d'icelle Gilete (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 99). Au jour d'ui, entre X et XJ heures, les prelas et clergié de France assemblé au Palaiz sur le fait de l'Eglise, ont esté amenez maistre Sance Loup, nez du païz d'Arragon, et un chevaucheur du pape Benedict qui fu derriere, nez de Castelle, en IJ tumbereaux, chascun d'eulx vestuz d'une tunique de toille peincte où estoit en brief effigiée la maniere de la presentation des mauveses bulles (BAYE, I, 1400-1410, 235). ...semblables sont a la beauté des fiens couvers de noif, ou, comme dit Jhesu Crist, aux sepultures blanches et paintes, ou comme les pommes [que dit Josephus croistre en Sodome, qui par dedans sont] plaines de cendres et par dehors belles (GERS., Concept., 1401, 416). Aprés ces roys d'armes venoient ses quatre trompectes et clarons, et aprés eulz les chevaliers et escuiers qui sur leurs cuisses portoient XIJ grosses lances, dont les VJ estoient du tout armees et vestues de drap d'argent a ses couleurs forrees de martres, et les autres VJ tres richement paintes en semblable façon. (LA SALE, J.S., 1456, 111). Le quatriesme de demy satin bleu, paint de branches et de fuilles d'argent, et le cinquiesme bardé et couvert d'assier. (LA MARCHE, Mém., I, c.1470, 320). Les maisons sont fort grandes et haultes, et de bonne pierre, les anciennes, et toutes painctes (COMM., III, 1495-1498, 109). Et n'eusmes guères allé que le vismes de loing, et fismes descendre des varletz et amasser des lances par le champ, dont il y en avoit assez, par especial de bourdonnasses, qui ne valloient guères et estoient creuses et ligières, qui ne pesoient point une javeline, mais bien painctes et fusmes myeulx fourniz de lances que le matin. (COMM., III, 1495-1498, 188).

 

-

P. anal. au fig. Peindre qqn. "Laver qqn" : Et puis t'a une aultre eaue painte De l'eaue de compuncion, Pour avoir la salvacion Et la joie perpetuele De l'ame en la gloire eternele, Que tu ne puez pas acquerir Par marier. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 321).

 

-

Part. passé en empl. adj. "Décoré, orné" : ...le soleil ses raiz envoyoit et departoit par la terre paincte et brodée de belles fleurs. (C.N.N., c.1456-1467, 88).

 

.

Au fig. [Du langage] "Orné d'agréments propres à séduire" : Amoureux ont paroles paintes Et langage frois et joly ; Plaisance dont ils sont accointes Parle pour eulx ; en ce party J'ay esté, or n'est plus ainsi (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 119).

 

2.

"Représenter, figurer avec de la peinture, mettre en image (des personnes, des animaux, des choses)"

 

a)

[des personnes, des animaux] : Que l'en praigne toille a telle quantité que l'en puisse praindre dessus une biche (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 134). Et pour ce, feint l'en que il [les anges] ont elles ["ailes"] et sont ainsi peinz. (ORESME, C.M., c.1377, 294). Le roy y entre et regarde par my la chambre, et y voit grant foison de chevaliers pains, armez de leurs cottes d'armes toutes armoiees de leurs armes. Et estoient dessoubz leurs noms escripz, et de quel lignaige et de quelle region ilz estoient (ARRAS, c.1392-1393, 304). ...comment et pourquoy les Rommains la firent entaillier [l'Amitié] et la poindre en la faiçon de la plus belle dame, et toute nue, c'on peüst deviser. (LA SALE, Sale D., 1451, 140). Ganellon fut content d'y aller tout seul et fist relier son heaulme et monte sur son cheval nommé Gascon, son escu pendu en son col, ou estoit paint le lyon. (BAGNYON, Hist. Charlem. K., c.1465-1470, 160). Ceste beste devint ung tres excellent et magnificque paintre qui toudis paindoit Nostre Seigneur Jhesu Crist bochu et monstrueux (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 234). On ne scauroit au monde paindre Plus beau visage de valleton. (Copp. lard., a.1488, 165). Celuy dont je parle print Constantinople en l'aage de XXIII ans, qui veult dire cité de Constantin. Je l'ay veü painct, et sembloit bien qu'il fust homme de grant esprit. (COMM., II, 1489-1491, 338).

 

-

"Mettre en couleur la statue représentant qqn" : Mais je vous prometz, par ma foy, Je ne croy point que ne soye sainct. Il fauldra donc que je soye painct Et mis dessus le maistre autel. Quel sainct seroy-ge ? Il n'est tel Que d'estre en paradis sainct Rien. (Jen. filz de rien T., c.1475-1500, 327).

 

-

[P. métaph. ou dans un cont. métaph.] : Douce dame dont je porte l'empreinte Dedens mon cuer figuree et empreinte Que fine amour y a mis et empreinte A un pincel De souvenir, mais tout entour enseinte De loyauté l'a qui garde l'enseinte, Qu'autre n'i soit figuree ne peinte, Dont trop m'est bel - Par souvenir vois tost a son appel ; Quant je l'aeur, mon dieu terrien l'apel. (MACH., F. am., c.1361, 179). Mon cuer t'amour si ensaint Qu'il ne se faint Qu'il ne t'aint Pour tes parfaites douçours ; Et ta biauté qui tout vaint Dedens li paint Et empraint Aveuc tes hautes valours. (MACH., Bal., 1377, 541). Et souvenirs, qui ne me laist durer, L'impression de t'image honnourée, Juene, gentil, bonne et belle sans per, Peint en mon cuer avec douce pensée, Pour moy faire joie avoir. (MACH., L. dames, 1377, 205). Et quant je sui en ce point, Ma dolour ne m'est pas dure, Qu'amours pure Sa figure En mon cuer peint et figure Doucement et si à point Qu'en moy de doleur n'a point, Eins suis en envoiseüre (MACH., Les lays, 1377, 443).

 

-

Ne pas attribuer à qqn plus de réalité que s'il fust peint en paroi : Si fu hays et vil tenu, Sanz estre de nul soustenu, Si qu'a peine le tient on roy, Ne que s'il fust paint en paroy De sa gent, qui en grant despris L'orent (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 256).

 

-

Estre achevé de peindre. "Pour tel ou tel, le tableau sera complet !" : Mais il seront si bien plumez Qu'i seront achevez de paindre ! (Bien avisé Mal avisé B., c.1487-1490 [1396], 251).

 

b)

[des choses] : Il ne me vint pas a merveille Se li lions pour amer veille Celle qu'on doit clamer "Tout passe", Qui toutes dames veint et passe De quanqu'on puet penser ne dire, Peindre, pourtraire ne escrire. (MACH., D. Lyon, 1342, 185). ...les figures, Ne les estranges pourtraitures, Les trés estranges contenences, Ne les desguisées sanlances Paindre, pourtraire, n'entaillier (MACH., D. Lyon, 1342, 213). Car le droit estat d'innocence Ressamble proprement la table Blanche, polie, qui est able A recevoir, sans nul contraire, Ce qu'on y vuet peindre et pourtraire ; Et est aussi comme la cire Qui sueffre dedens li escrire, Ou qui retient fourme ou empreinte, Si comme on l'a en li empreinte. (MACH., R. Fort., c.1341, 2). Et pour ce vous veuil deviser, Seulement pour vous aviser, Comment li ancien entailloient L'ymage d'Amour ou paingnoient. (MACH., Voir, 1364, 648). Les philosophes anciens si ordenerent et determinerent que l'en paingnist l'ymage de sapience sur les portes de touz les temples et que l'en escrisist ces paroles "Usus me genuit, peperit memoria, sophiam me vocant Graii, vos sapienciam" qui dient en romans "Usage m'engendra, memoire m'enfanta, les Griex m'appellent sophie et vous m'appellez sapience" (FOUL., Policrat., IV, 1372, 67). Anciennement on paingnoit oroison une ymage qui avoit le corps et le chief ranversé au ciel, et estoit accompaigné de IIII anges, et tenoit chascun ung roullet en sa main, ou avoit ung vers escript. (JUV. URS., Aud. celi, 1435, 272). [Messire Jehan de Croy, ambassadeur du duc de Bourgogne, au roi de France :] Se ses armes, son nom ou sa devise [du duc de Bourgogne] sont mises ou pointes par vostre royamme, tantost elles sont parcees, esgratinees ou villainement soullees. (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 186). Du temps passé n'avons que faire, Ne du faict des gens anciens. L'on l'a paint ou mys par hystoire (Gens nouv. P., c.1461-1500, 317).

 

-

Au fig. Peindre qqc. en son coeur/en soi : Et ta biauté qui tout vaint Dedens li paint Et empraint Aveuc tes hautes valours. (MACH., Bal., 1377, 541). Et souvenirs, qui ne me laist durer, L'impression de t'image honnourée, Juene, gentil, bonne et belle sans per, Peint en mon cuer avec douce pensée, Pour moy faire joie avoir. (MACH., L. dames, 1377, 205). Ains congnoistre ses doulens faictz est vains : Vaincs la doncques par cautelle et savance, Avance toy, monstre ton exellance, Lance te fault ou n'ayt oultrecuidance, Dance en la main des plus petis compaings, Paings en ton cueur la vertu de constance, Tance a toy seul contre folle plaisance, Aysance nuyst aux dissoluz mondains. (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 20). Souvent le garson tand Faire tel faincte, Querant bon nom com ayant de Dieu crainte, En attrayant a soy personne mainte : La figure qui est en son cueur painte C'est Faulx Semblant, Qui en temps chault se monstre tout tremblant, Devant loyal et par detrés emblant, Aux ypocrites et tristes resemblant Par fiction. (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 80).

 

c)

En partic.

 

-

"Décorer un espace avec des fresques" : Si montames par les degrez En une chapelle moult cointe, D'or et de main de maistre pointe Et des plus trés fines coulours Qu'onques mais veïsse que lours. (MACH., R. Fort., c.1341, 143).

 

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"Représenter qqn/qqc. à fresque" : Li Bastars de Buillon est au palais venus. Moult fu noble la sale, et pointe toute sus (Bât. Bouillon C., c.1350, 176). ...puis regarderent la sale de touz lez, qui estoit painte et enluminee si finement que ce sembloit toute vive chose de quanque il y avoit paint. (Bérinus, I, c.1350-1370, 111). Et ainsi s'en va esbatant par la sale. Et y voit mainte belle hystoire painte, et les escripz dessus qui donnent la congnoissance que c'est. Et entre les autres y est painte l'ystoire du roy Elinas d'Albanie et de Presine et de leurs trois filles, et tout du chief jusqu'en la fin (ARRAS, c.1392-1393, 303). Il est mis en terre en l'eglise de Saint François aux Cordelliers de Nicossie bien honnestement, et y a une tombe bien faicte et bien escripte dessus lui, et ainsi ses armes et lui sont painctes ou mur dessus lui, et sa baniere en une lance avec sa cotte d'armes. (Voy. Jérus., c.1395, 87). En la sale, dont j'ay parlé, Qui fu grande en lonc et en lé, Avoit tout au commencement Figuré et paint richement Comment Dieu forma ciel et terre Et trestout quanque on y peut querre, Et comme ou firmament assist, Lune et souleil, qui bien y sist, Et d'estoiles le reppara, Et la nuit du jour seppara, Et comment lui plot anges faire Beaux a merveilles (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 134). ...tout ainsi que l'en paint par ses parois le roy Herode assis en chayere et les Innocens que l'en detranche devant lui (Bouciquaut L., 1406-1409, 114). Au moustier voy, dont suis parroissïenne, Paradiz paint, ou sont harpes et leuz, Et ung enffer, ou dampnez sont bouluz (VILLON, Test. M., 1461-1462, 80).

 

-

"Décorer un espace avec des mosaïques" : Sainct Marc est la chappelle de la Seigneurie qui est la plus richement paincte que eglise du monde et est la paincture mosayque qui sont petites pieces et verrieres de la grandeur d'ung petit denier (Voy. Hierus. S., 1480, 12).

B. -

"Amélorer l'aspect d'une personne ou d'une chose"

 

1.

"Embellir, farder (les parties visibles du corps)" : Auchunes sont qui pechent plus griefment, lesquelles, non pas pour plaire a leurs maris mais pour leur plaissir, paindent face et cheveux par desir de vaine gloire, selonc le dit de Ovide ou livre de l'Art : «Les fenmes chastez auchunefois se delitent quant on dist qu'elles sont belles» (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 413). Elle mue, dist il, sa face par onguemens, par diverses manieres de faire, affin qu'elle soit veüe belle combien qu'elle soit tres laide, comme Jesabel qui paindi ses yeulx (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 414). Icelles anchois doivent scandelir les yeulx des christiens, qui leurs yeulx et leur viaire paindent de pourpre et d'aucunes couleurs, desquelles les faces ainssi plastrees, laides par trop grand resplendiseur, sont samblables aux ydoles. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 434). Advise ci chascuns et sente De celle qui ses crins divise A aguille d'or qu'ell'a prinse, Et fait de pierre ses tresoirs Et de perles, et ses miroirs D'yvoire, et espingles dorées, Frontiaux et coifes bien ouvrées, Qui sa face paint et couleure (DESCH., M.M., c.1385-1403, 193). Ce chapeau [la couronne d'épines] vous fait grant encombre, Car il s'esfondre Pour soy rescoudre - dans vostre chief tant precïeux. C'est pour vous oindre Le chief et paindre - d'oignhement doulx et gracïeux. (Pass. Auv., 1477, 254).

 

-

Au fig. p. antiphr. : Tout estonné, appliquay l'ueil la vers, En ung quartier ou terrible maignye Consideray, mais Megere au travers Qui convoquoit sa sequelle bannye Pour vray repos, paincte de felonnie, Telle que Nuyt, de son cousté senestre, A engendré de Herebus, dont a estre Aspre, hydeux, difforme, monstrueux, Ou a hault cry leur dit en bruit sequestre : «Oyez mon mot rabide et furieux». (ANTITUS, Poés. P., c.1500, 5).

 

-

Se peindre. "Se farder" : Et pour ce dit Ovide que "ceulx qui se atournent et pignent sy curieusement come les femmes font doivent estre d'amours bany et deboutés", et aussi redevroit on, a la verité, dire de celles qui se paignent pour leur beauté naturele amender qui ne leur souffit pas, car ce n'est mie signe de bien ne de vertu. (EVR. CONTY, Eschez amour. mor. G.-T.R., c.1400, 557).

 

2.

"Changer l'aspect d'une chose, pour tromper le client" : Marchans se vont tous assentir A parjurer et a mentir, Denrrées font paindre, biffer Et monlt bien les scevent parer ; Mais le laboureur ne poeut oindre Ne sa terre biffer ne poindre (Renart contref. R.L., t.2, 1328-1342, 47).
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Pierre Cromer

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