A. -

"Plonger dans l'obscurité, voiler" : N'il n'est eclipse, se m'aist Dieux, Qui de l'obscurcir ait puissance (CH. D'ORLÉANS, Chans. C., c.1415-1440, 238). Ilz [les éléments] recongnoissent maintenant Que leur dieu souffre doleur grant, Et pour ce sont ilz obscurcy Qu'ilz ne vueillent pas contre lui Reluire ne monstrer clarté, Mais ilz vueillent en verité De sa doleur avoir partie (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 200). O trés beneuree mansion de supernele trinité ! jour trés cler d'eternité que nuit n'obscurcist point (Internele consol. P., 1447, 209). Avoec Paris fu mis en le cartre obscurcie (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 813). ...il dist que plusieurs prodiges se apperroient, ce qui fut veriffié, car peu de temps après se apparurent, come en temps serain et cler, à obscurcir le Soleil duquel les raiz estoient sanguinolentes, quand paressoient ès vitres ou fenestres de maisons. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 109 v°). ...et voloient moult espées, tant que l'air, au droit d'iceulx où ilz [les oiseaux] passoient, estoit obscurci grandement (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 151 v°).

-

Empl. intrans. ou pronom. "Devenir sombre, se voiler" : Je voi la terre tenebreuse Toute obscurcir, laide et ombreuse (FROISS., Pris. am. F., 1372-1373, 92). O quel tref et voile du temple a l'eure de nonne fendu du hault jusques au bas, quant le soleil perdy sa couleur et obscurcy a l'eure de mydi. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 556). Adont vi le temps obscurcir Et les nues si espessir Qu'a peine y veons nulle goute (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 47). Le temps s'obscurcy (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 297). Le temps se prist si a troubler, Obscurcir, touner, espartir Et fort pleuvoir que, sanz mentir, Il sembloit que tout deust cheoir (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 220). Elle faisoit, par vertu d'une chançon qu'elle savoit, troubler et obscurcir l'air, mouvoir les vens des fosses et cavernes de la terre, commouvoir les tempestes en l'air, arrester les fleuves, confire poysons (CHR. PIZ., Cité dames C., c.1404-1407, 732). ...cellui mantel, assemblé par la souveraine industrie des predecesseurs, estoit desja par violentes mains froissez et derompuz et aucunes pieces violentement arrachees, si que la partie de dessus se monstroit obscurcie et pou de fleurs de liz y apparissoient qui ne fussent debrisees ou salies. (CHART., Q. inv., 1422, 8). A laquelle couronnacion et tout ainssy que on le couronnoit, advint une tresmerveilleuse adventure et estrange signe ; c'est assavoir que tout le soleil obscurcist, si comme se il fust l'eure de minuit (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 188). Se la lepre est causee de sang, la couleur se trait a rougeur obscurcie, la face subrubiconde avec plusieurs ulceres rouges (GORDON, Prat., c.1450-1500, I, 21). ...l'air estoit obscurcy et couvert par l'abondance des sayettes, des viretons et du traict (BUEIL, I, 1461-1466, 108).

Rem. Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], gloss.

B. -

P. anal. "Troubler (la vue, les yeux...)" : ...le cueur m'est troublé de freeur et les yeulx obscurciz de larmes (CHART., Q. inv., 1422, 5). La VI. passion de cornee, c'est que aulcuneffois humeur flue a la cornee et y engendre fumee ou nebule qui obscurcit la veue (GORDON, Prat., c.1450-1500, III, 3).

Rem. DESCH., Oeuvres Q., t.6, c.1370-1407, 62.

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Empl. intrans. ou pronom. "Se troubler" : Sa biauté ne fait qu'obscurcir, Ne son viaire que noircir (Mir. roy Thierry, c.1374, 284).

C. -

Au fig.

1.

Empl. trans.

a)

"Couvrir, cacher qqc." : Quant Dieu (...) En dame voult amant son fil fourmer Virginalment et si secretement Que nulz fors li ne pot savoir conment, Tant fu celle euvre a congnoistre obscurcie (Mir. st Sev., 1362, 237).

-

Obscurci à. "Caché à" : Elle a tous ses sens de son corps comme clos et endormis et obscurcis a tout ce qui se fait par les mondains, et les a ouvers aux joyes des sains et des saintes (GERS., Montagne contempl. G., 1400, 30).

b)

"Priver qqn de rayonnement" : Mais en oultre je considere que saint Pol ne pot en plus estre obscurcis ne empeschié d'espandre [l]es rays de sa doctrine par les persecucions des tirans nez que le soleil materiel pot estre blecié par le roy duquel recite Seneque qu'il trayoit ses sayettes encontre le soleil. (GERS., P. Paul, a.1394, 499).

c)

"Troubler, aveugler, égarer qqn, son coeur" : Amours, je te lo et graci Cent mille fois et remerci, Quant mon cuer qu'avoies nerci, Tourblé, desteint et obscurcy et en ton Martire adurci, Par ta puissance As amé et vues amer si Que de ta douceur adouci Et de ta clarté esclarci L'as et fait dous son amer si Que desirer me fais merci En esperence. (MACH., R. Fort., c.1341, 118). Comme obscurcie de plains, plours et lermes, à cause de nouvelle mort, me convient faire doloureuse introite et commencement à la .IIe. partie de ceste oeuvre presente (CHR. PIZ., Faits meurs Ch. V, S., I, 1404, 108). Par elle, selon la doctrine de Aristote, ont estoy et sont souvent lez haulx engins et eslevés entendemens des parfons et excellens hommes troublés et obscurcis, aprés frequentation de trop parfondes et diverses pensees (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 4). Car moult de maulz me surviengnent en ceste valee de misere, lesquelz me troublent souvent, me contristent et obscurcissent et trés souvent m'empeschent, me detraient, me oignent ou atraient et me impliquent affin que je n'aye franc accés a toy et que je ne goe des joieux embracemens qui toudis sont prests aux beneurés esperis (Internele consol. P., 1447, 131). La cause, c'est humeur melancolique qui inficie le cerveau troublant les esperis et obscurcist l'ame et obfusque et corront les pensees et cogitacions (GORDON, Prat., c.1450-1500, II, 18). O saincte personne louee, Graces te rendons et mercys Quant noz cueurs, de doubte obscurcis, Enlumines de ta puissance Par la lumiere de clemence (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 977).

-

"Troubler, ternir qqc." : La vaine d'amistié je embroulloie par les puantises de concupiscence, et la beaulté d'icelle je obscurcissoie par la laideur de charnalité (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 271).

Rem. Myst. process. Lille K., t.3, a.1485, 41/395.

2.

Empl. intrans. ou pronom. [D'une chose] "S'estomper, se voiler, se troubler" : Sapience est clere, laquelle jamais ne obscurcist, et vient au devant de cheux qui le desirent, et en leurs voies se demoustre joyeusement (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 89). Et pour ce aussi la delectacion qui l'ensuit en obscurcist et appetice et affebloie. (ORESME, E.A., c.1370, 509).

Rem. GILLES LE MUISIT, Poésies K., t.2, c.1347-1353, 117.

3.

Part. passé en empl. adj. "Sombre, triste, affligeant" : Ne plus n'aray riens triste n'oscurci, Mais lié et gay me vorray demener Et faire que maint dur cuer adouci Soit par mos dous et plaisans aüner Des biens qui en vous sont compris, Qui me seront par vos enfans apris. (MACH., Prol., c.1377, 6).