A. -

"Fait de nourrir (un être vivant, une partie du corps), de se nourrir ou d'être nourri, nutrition" : ...et pour ce, l'en a mestier de repos et de recreacion et des choses neccessaires a vie humaine pour nourissement. (ORESME, E.A.C., c.1370, 528). La chose dehors est alteree et corrumpue ou resolue, et par ce elle passe et est convertie en la substance de la chose qui crest soit par nutricion ou nourrissement, si comme il est es bestes et es plantes, ou par autre addicion, si comme il est de la pierre qui crest en la terre. (ORESME, C.M., c.1377, 82). Item note que apostume du vit et des parties basses ou ilz sont causés par voye de congestion, adonc ilz sont plus de matiere melancolique, car leur nourissement si resemble s'ilz sont engendrés par voye de dirivacion, ilz sont plus causés de humeurs chauldes, car elles fluent plus tost. (GORDON, Prat., c.1450-1500, VII, 5). Par quoy il leur apparut que ce qu'ilz [les membres] admenistroient au ventre estoit cause de leur nourissement, de leur puissance et de leur soubstenement. (LA SALE, Sale D., 1451, 185). Considere aussi quil y a innumerables choses dedens le corps qui sont a la confirmacion et nourrissement du corps, et pense que tout est congneu a la science diuine et non a nous durant ceste vie. (CIB., p.1451, 186). ...il ne fera son peuple plus subget qu'il ne doit et non prendre que serviteurs propices, honnestes et de bonnes meurs, servans de quelque chose licite, sans superfluité, sans grant habundance et norrissement de chiens ne d'aultres bestes inutiles, mais en tout avoir mesure : ne multiplicacion de menestriers, jugleurs, taborins, femmes illicites, hommes luxurieux et assottez de femmes, et les doit en tout repellir. (BAGNYON, Hist. Charlem. K., c.1465-1470, 12). Quelle chose est voyne ? c'est le lieu du sang de nourrissement. (PANIS, Guidon, 1478, tr.I, doct.1, chap.4). Doncques universellement est a dire que les humeurs naturelles dictes de nourrissement qui habondent doyvent estre purgeez par saignee et les non naturelles par medicines laxatives. (PANIS, Guidon, 1478, tr.VII, doct.1, chap.2). Touchant l'election du lait est a noter que on doit eslire lait de moyenne substance quant on le donne pour nourrissement, et ne doit pas estre fort subtil come lait de drosmadaire ou chameaulx et d'anesse, ne fort gras, ne de grosse substance, come lait des vaiches et brebis. (Rég. santé corps C., 1480, 19).

B. -

P. méton.

1.

"Ce qui nourrit, nourriture, aliment" : Aussi dient il du soleil, pour ce quil change le temps et donne couleur et nourrissement a toutes choses sus terre, et pour ce que il est de si grant uertueusete, il sceuent bien que ce ne peut estre que Dieu (MANDEVILLE, Voy. L., p.1360, 323). Pour ce faut il purgier hastivement, affin que leur nourrissement puisse estre converti en bonnes humeurs. (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 53). Car ceulz qui seulent mengier et boire indifferentement ce que est mis devant eulz, et en prennent tant que ilz se emplent trop, il font ce de superhabundance et excés de nourrissement pris oultre ce qui leur convient selon nature. (ORESME, E.A., c.1370, 224). Ellement est a dire nourrissement pour ce que tous les corps sont nourris des qualités des .IIII. elemens [Trad. du lat. alimentum] (CORBECHON, Propriétés, 1372, X, 3, 180 r°). ...de la pie mere est mis le nourrissement au cervel (PANIS, Guidon, 1478, tr.I, doct.2, chap.1). De la premiere [altération] de chaleur naturelle est faicte la matiere du nourrissement et des deux aultres est faicte pouriture et est faicte de cher cont(r)ere et de sang, lequel sang quant il vient a la ulcere comme dit Avicenne est mué a corrupcion pour la debilité du membre (PANIS, Guidon, 1478, tr.IV, doct.1, chap.1).

-

Prendre nourrissement de qqc. "Se nourrir de qqc." : Dieu voult a Moise donner La manne dont il prist norrissement (Mir. Barl. Josaph., c.1363, 303).

2.

"Pouvoir nutritif" : Et encore dit Avicenne que la chair de vaiche est de grant nourrissement, mais elle est melancolique, engendrant maladies melancoliques (Rég. santé corps C., 1480, 21).

C. -

P. anal. p. métaph. au fig. "Ce qui nourrit, qui alimente"

1.

P. anal.

a)

"Ce qui réconforte le corps (ici le sommeil)" : Mais pour che que estudieuse meditation applique merveilleusement fort le corage aux choses qu'on veult scavoir, selonc le dit de Tulle : "Estude est occupation acoustumee et forte de corage a auchune chose appliquee", il le convient moderer principalment es enfans et es josnes gens, afin que par trop grant traveil ne nuise au corps, ou qu'elle ne destruise la chambrette de la memoire ou cervel, ou qu'elle ne oste le norrissement de dormir, selonc le dit de Ecclesiastique ou .XXXIe. chapitre : "La veille de honnesteté degastera la char, et la pensee d'icelle ostera le dormir" (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 122).

b)

"Ce qui alimente le feu" : ...pour ce qu'il est nom de onccion, il [nom de la Vierge] est appellé huille, et pour ce ceste onccion vault a trois choses : a medicinement de plaie et a curacion, a assavourement de refeccion, et a norrissement de feu, par quoy est entendue dileccion. (Mir. ev. N.D., c.1348, 59). ...la busche est le nourrissement du feu (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 18). ...la gresse est nourrissement du feu, et l'uyle de la flambe (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 56).

2.

[Cont. métaph.] : Et li oueil si bien les reçoivent Que li ray point ne les deçoivent, Mais puelent vëoir clerement D'Amours adès congnoissamment La voie dou soleil entiere, Sans point affoiblir la lumiere Des yeus ; eins est norrissemens Et uns drois assouagemens Qui les deus yeus dou cuer norrit. (MACH., D. Aler., a.1349, 353). ...un membre de la policie ne doit pas estre plus grant que l'autre excessivement ne attraire a soi trop du nourrissement (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 366). ...lecherie et friandise et superfluitéz de vins et de viandes est le nourrissement de charnalité (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 18).

-

Prendre nourrissement de qqc. "Se rassasier, se délecter en faisant qqc." : ...elle [la Dieu mére] est tant belle Qu'en li veoir tant seulement Prenoye mon norrissement Et toute ma refeccion. (Mir. st J. Paulu, c.1372, 145).

3.

Au fig. : Pereche, trop (y) es accidieusse à dormir et à riposeir Et trop grant repous, sens dobteir, Est de visce nourissement. (Sept péchés C., c.1300-1350 [p.1478], 234). [Il s'agit de "la forfaiture de dame"] Se [l'amant] prendre en voloit vengement Par mort, et bien le peüst faire Il trouveroit tout son contraire En la fourme de grant folour, En l'attrait de toute dolour, Un feu pour toute ardeur ateindre, Une yaue pour douceur esteindre, Norrissemens de tous meschiez ; Car dou faire seroit pechiez. (MACH., J. R. Nav., 1349, 197). ...longtain repos aministre nourrissement aux vices (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 370). Se par jeusnes et veilles elle amaigrist son corps et met en servitude, pour quoy au contraire le feu endormi ou comme extaint [le feu de luxure] veult elle susciter ou esmouvoir par nourrissemens de baings ? (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 371). ...par la vertu et nourrissement de grace et de merite (FOUL., Policrat. B., V, 1372, 278). ...exaulcement de proesse, nourrissement de hardiesse (Percef. I, R., t.1, c.1450 [c.1340], 117).