C.N.R.S.
 
Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500)

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     AMBRE1          AMBRE2     
FEW XIX 'anbar
AMBRE, subst. masc. et fém.
[T-L : ambre ; GDC : ambre ; AND : ambre ; FEW XIX, 7a : 'anbar ; TLF II, 704a : ambre]

A. -

[Substance organique]

 

1.

Ambre (gris). "Matière molle, gris cendré, au parfum musqué, provenant des excrétions du cachalot" : Ambre, ambra en latin, est une chose (...) que l'en treuve en la mer, et dient pluseurs que c'est le sperme de la balaine ; (...) c'est une chose de chaude et sèche nature, moult bien flairant et a haulte propriété de resjouir et conforter le cuer et la cervele, les autres membres et les esperiz qui sont dedens le corps. (LA HAYE, P. peste, 1426, 176). Ambroise est dit d'une espece qui a nom ambre et est moult souefve, odorant et precieuse (...). Ou Ambroise est dit de ambre et de "sios", qui vault autant a dire comme Dieu, si que Ambroise est autant a dire comme ambre de Dieu (...). Ou il fut dit de "ambor" en grec, qui vault autant a dire comme pere de lumiere, et de "sior", qui est autant a dire comme petit (BATALLIER, Lég. dorée D.-L., 1476, 412).

 

-

Fin / fine ambre. "Ambre gris réputé pour la finesse de son parfum" : Car je vi des plus vaillans hommes Qu'on peüst vëoir ne nommer, fust deça mer, fust dela mer, Que qui leur donnast de fin ambre Reins et Paris, en une chambre Sans compaingnie ne geüssent Pour neccessité qu'il heüssent. (MACH., F. am., c.1361, 147).

 

Rem. Peut-être s'agit-il ici d'ambre jaune (v. infra B) de qualité supérieure et considéré comme précieux. Mais dans les ex. suiv., fin / fine ambre doit désigner plutôt l'ambre jaune réduit en poudre et utilisé dans la confection de poudre à canon, l'ambre jaune ayant la propriété de s'électriser au frottement (?) : Inventoire de l'artillerie, pourveances et autres moebles que Mgr a en son chastel de Rupplemonde. (...) 57 livres de poudre de canon en (6) sacs. (...) 60 livres de souffre ou environ. (...) 50 livres de salpetre et 16 livres d'autre estoffe, comme riagal, arsenic, embre et orpiement et vif argent. (Invent. mobiliers ducs de Bourg. P., t.2, 1388, 338). A Zibrecht Van der Heiden, demourant à Bruges, pour cent livres de fine ambre envoie d'icelle ville de Bruges en la ville d'Arras à Colart de L'Aubelet pour en faire pouldre de canon, parmi la voiture, 64 solz (Comptes Etat bourg. M.F., t.3, 1418-1420, 683).

 

-

Adj. + comme ambre ; plus + adj. + que (...) ambre : Lor s'esjouyst et euvre sa grant chambre Plus redollant (,) souef, que ne fait ambre (SAINT-GELAIS, Séj. honn. J., c.1490-1495, 81). Mais toutesfoys tant avant [l. avoit] osé dire Que son alaine estoit flairant comme ambre, Son ris si doulx que je n'eu nerf ne membre, Qui ne fust sien et hors de ma franchise (SAINT-GELAIS, Séj. honn. J., c.1490-1495, 109).

 

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[Cette matière utilisée en pharm.] : En oultre prenez d'ambre grise Demie dragme toute clère, Et de musc une dragme entière Et de camphre, luisant et net, Le poiz de six grains, ou de sept. (LA HAYE, P. peste, 1426, 155).

 

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Rare. [Cette matière travaillée et utilisée dans la fabrication d'objets divers] : ...unes pastenostre d'embre gris, qui sont en une boueste (Invent. biens Ch. Savoie T., 1484, 430).

 

Rem. 1. À noter aussi ds GAY I, 28b : : A Michel Thomas, marchant de Paris, 17 l. 10 s. t. pour unes heures garnye d'ambre gris et ung mirouer (...). (Cpte des menus plaisirs du roi, 1491, 82).2. Ds les ex. suiv., ambre musquet et ambre de senteurs semblent correspondre à ambre gris : : ...patenostres à signeaux dor et d'ambre musquet (Fortune au M.A, 1431, 171, IGLF). Ung tableau faict de ambre de senteurs (Vie privée Anne Bretagne, 1499, 33, IGLF).

 

2.

Ambre blanc. "Substance blanche qui se trouve dans la tête du cachalot et de la baleine, utilisée dans la fabrication d'objets divers" : Le 5 novembre, Jaques Thobin, marchant, demourant a Bruges, [donne quittance de 534 fr. 8 s. p. à lui dus] pour pluseurs patrenostres et autres choses d'ambre blanc que Mgr a achetées de lui, c'est assavoir : pour unes patrenostres et 2 grosses pieces d'ambre blanc, 14 fr. ; pour 5 paires d'autres patrenostres d'ambre blanc et 2 myaiges [l. ymaiges] d'ambre, 37 fr. (Invent. mobiliers ducs de Bourg. P., t.2, 1386, 240). A Charles, mercier, sur neuf escus qui luy sont deuz pour plusieurs patenostres de gest, deux saint Sébastien en verre cristalin, une boette de cristal, une patenostre d'ambre blanc (Roi René vie L., 1476, 375).

 

Rem. À noter aussi ds GAY I, 28a : : Affirment lesd. executeurs que le roy nostre sire avoit eu une parure d'ambre blanc du prix de 12 fr. d'or. (Testam. de Jeanne d'Evreux, 1372, 135). Nostre Dame gesant, les 3 roys de Coloigne et Joseph, et saint Anasthase, tous d'ambre blanc en petis ymages sans nulle garnison. (GS:XXX 1379).

B. -

Ambre (jaune). "Substance résineuse fossile, de couleur jaune mordoré, provenant de certains conifères, notamment en bordure de la mer Baltique" : ...l'ambre decline aucunesfoiz a la blanche couleur, aucunesfoiz il decline a la jaune, et telle foiz est aussi a la vermeille. (...) Ce que l'ambre a aussi proprieté especial de attraire a soy les pailles, aussi que l'aymant de attraire a soy le fer, nous segnifie la grant auctorité et la force d'amours (...). La resplandeur aussi et la grant luminosité de l'ambre segnifie la joye et la plaisance, la gloire et le delit que on a aucunesfoiz en l'amoureuse vie (...) la souef odour aussi qu'il rend quant on le frote, qui delite le sens odoratif, nous segnifie que la joye d'amours et le delit, qui sont bien corporel, sont toutes choses vaines (...). Ce que les patrenostres sont communement faites de l'ambre dessusdit nous segnifie que les humbles prieres et les beles paroles aimables et doulces sont de grant efficace (EVR. CONTY, Eschez amour. mor. G.-T.R., c.1400, 627-628). Ambre, ambra en latin, est une chose moult précieuse, de jaune ou rousse couleur, (...) c'est le fruit d'un abre qui croist subz la mer (LA HAYE, P. peste, 1426, 176).

 

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Adj. + comme l'ambre ; plus + adj. + que (...) ambre : Que j'estoie tout ravis De joye d'emprés elle estre : (...) Avons dancié grant partie De la nuit, quant s'est partie La feste, car temps estoit (...). Lors la blonde comme l'ambre Je convoyay en sa chambre. (CHR. PIZ., Duc vrais amans F., a.1405, 91). Le roy des roys preux entre ung million, Plus net que ung voirre et plus franc que n'est l'ambre (LA VIGNE, V.N., p.1495, 321).

 

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[Cette matière utilisée en pharm.] : Description dun electuaire cordial qui preserue lair venimeus (...) : prenes de canele, vne drame et demie, (...) de tous les pelles, de iaccintes, de esmeraudes, de couraus, de andre, de chascun demie scrupule (Traité peste S., 1349, 55).

 

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[Cette matière travaillée et utilisée dans la fabrication d'objets divers] : ...pour 2 paires d'autres patrenostres jaunes, 4 fr. ; pour une grosse boucle d'ambre jaune, 8 fr. ; (...) pour ung lion d'ambre vermeil, 6 fr. (Invent. mobiliers ducs de Bourg. P., t.2, 1386, 240). ...pour avoir refait et mis à point une croix d'embre garnie d'or, pour madame la Royne (Comptes argent. rois Fr. D.-A., II, 1387, 203). ...il vit et aperceut unes patrenostres d'ambre que la dame de l'ostel où il buvoit avoit mises et leisées sur un dreçoir (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 133). ...l'en li avoit prins et osté unes patenostres d'ambre qui bien valoient XL s. par. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 426). ...de riches dames (...) qui achatent patenoustres de coral, de gest ou d'ombre, anneaulx ou aultres joyaulx. (Quinze joies mar. R., c.1390-1410, 69). Succinus .ccini : andre de quoi on fait paternostres d'andre (LE VER, Dict. M.E., c.1420-1440, 483). Les murs sont dragent [l. d'argent ?] metalin Les fenestres de crestalin Et le comble dont me merueil Fut couuvert dun ambre vermeil Qui Rendoit clarte et lueur Si grant quon ne scet la valeur (LA MARCHE, Chev. délib. L., 1483, 27).

 

Rem. Il serait hasardeux d'affirmer que tous les ex. cités désignent bien l'ambre jaune. Dans les ex. suiv., la distinction de l'ambre gris et de l'ambre jaune est encore plus difficile : Apposer, o les médicines Qu'on veult prendre, tant soient fines, Unes choses especiales Que l'en appelle cordiales, Pour réconforter en partie Le cuer, la fontaine de vie, à quoy valent les margarites Qui sont unes pierres petites, Nommées perles en vulgaire, Et aussi valent à ce faire Ambre, coural, citron et roses (LA HAYE, P. peste, 1426, 118). Et fait-on bien la confiture De seule ambre, très bonne et pure, Pour les Roiz et les autres Princes, Qui ont à gouverner Provinces ; Car l'ambre pure et excellente A propriété véhémente à donner confort et léesce Et à tollir toute tristesce, Et est à ce plus autentique Pour sa nature aromatique (LA HAYE, P. peste, 1426, 146).

C. -

Pomme d'ambre. "Objet en forme de pomme (peut-être constitué d'ambre jaune), servant à décorer, à diffuser un parfum (celui de l'ambre gris ou celui d'autres produits incorporés)" : Aprèz fuit la forme planière Et la devise et la manière A composer la pomme d'ambre Pour flairer hors et en la chambre (...) ; Mais, pour cela que l'ambre pure Est à trouver chose moult dure Et seult couster une grant somme, Peut on composer une pomme De mainte autre bonne matière (LA HAYE, P. peste, 1426, 146).

 

Rem. 1. Ds FEW IX, 156a, s.v. pomum, pomme d'ambre est défini : «Petit vaisseau sphérique d'orfèvrerie, pour les parfums» ; Fr. Möhren, Le Renforcement affectif de la nég., 1980, 50 note : «Lecoy définit "objet, bijou en forme de pomme où l'on enfermait du parfum", Langlois "pomme d'ambre" (donc plutôt : boule formée par la matière elle-même) ; la variante escaille d'ambre laisse croire que ce scribe pensait à de l'ambre jaune». 2. À noter aussi ds GAY I, 28a : : Une pomme d'ambre couverte d'or à fleurs de liz et à osteaulx, non pesée pour ce qu'il y a pou d'or. (Inv. de Charles V, 1379).et ds GAY II, 252b : : Une pomme d'ambre enchassee d'orfavrerie et de pelles, et deus saffirs aus deus bous, et pent à une chaine doree. (Inv. de Jeanne de Boulogne, 1360, n° 84). Une pomme d'ambre à quatre bandes d'argent doré. (Inv. de Charles V, 1380, n°s 2260, 2413, 2415).Cf. également Encyclop., t.13, 1765, 4 : «Pomme d'ambre, (Parfum.) on fait les pommes d'ambre avec des poudres odoriférantes, auxquelles on joint des huiles essentielles qu'on reçoit dans de la cire, du storax liquide, ou du mucilage de gomme adraganth, avec un peu de térébenthine pour les rendre ténaces au besoin ; ensuite, en les humectant de quelque liqueur convenable, on leur donne telle figure et telle grandeur qu'on juge à propos. On y mêle aussi quelquefois de l'ambre, dont elles ont pris leur nom. Cette espèce de parfum n'est plus d'usage» ; H. Havard, Dict. de l'ameubl. et de la décor. dep. le XIIIes. jusqu'à nos jours, t.1, 1887, 68 : «Ces objets luxueux [les pommes d'ambre], qu'on retrouve en nombre dans les Inventaires d'Alix de Frolois, abbesse de Jouarre (1369), de Charles VI (1418-1420), de Charlotte de Savoie (1483), d'Anne de Bretagne, etc., faisaient partie des pommes de senteur que les plus hauts personnages d'alors portaient sur eux pour se parfumer», et t.4, 1890, 447 : «On portait sur soi ces sortes de pommes, et quand on se trouvait dans un endroit contaminé, on avait soin de les placer sous ses narines. De cette façon on évitait, paraît-il, d'absorber les miasmes ambiants».
 

Synthèse Michèle Clarendon