Empl. trans.

A. -

"Faire mourir ; p. ext. anéantir"

1.

"Faire mourir" : Celle couleur [violee] est mauvaise es corps des gens et des bestes, car elle est signe de trop grant froidure qui estaint la chaleur naturelle et commence a mortifier nature ; ou elle signifie trop grant habondance de sanc melencolieux qui honnist la couleur de la pel (CORBECHON, Couleurs S., 1372, 380). Mortifico (...) : mortifier (Aalma R., c.1380, 264). O Atropos, pourquoy as tu celle ente Mortifiee, et du tout mis envers Pour desormais faire pasture aux vers ? (LA VIGNE, V.N., p.1495, 314). Mort mordant qui les vifz et mors Mortellement de tes dens mors Et mortiffie de mort mortelle, De rechief, par divers amors, Tu les masche, ronge et remors D'une remorsure immortelle. (LA VIGNE, S.M., 1496, 487).

-

Mortifié. "Mort" : En Jeremie après moustré Vous est conment il fu couchiez Ou sepulcre mortiffiez (Mir. st Sev., 1362, 229).

-

"Qui a l'apparence de la mort, blême" : ...elle avoit mué couleur vermeille en pale et mortiffiee (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 93).

2.

P. ext.

a)

"Anéantir (qqn ou qqc.)" : Quant li pechierres le juste considere, Il le quiert et pourchace touz jourz mortifïer (Gir. Ross. H., c.1334, 199). ...de vostre biauté virgine, Ou bonté doulçour ymagine Qui resplendist et fructiffie En lumiére qui morteffie Toutes obscurtez et conjoie. (Mir. parr., 1356, 39). ...l'omme vuit de vertus est mortifié par vices, et est si que neant vers Dieu, mais le vertueulx vit et vivra perpetuellement. (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 145). La tierce estoit eschevellee, et sa robe pourfendue sur le pis, ses yeulx presque mortiffiez et enfoncez en sa teste, la couleur destainte, ung suaire sur son bras, le chevestre au col, et le coustel au poing (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 6). LE .II. SERGENT. On le doit bien magnifier, Louer son sainct nom precieux. Pour malice mortifier, Sainct Nicolas est dangereux. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 144).

Rem. Renart contref. R.L., 1328-1342, gloss. ; MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 455.

-

[P. oppos. à vivifier] : Et pas je n'entens de la loy escripte dont l'escripture mortifie, mais de la loy de l'esperit qui vivifie en sainteté de cuer, en purté de corps, en entiere fermeté de foy et en euvres de charité (FOUL., Policrat., IV, 1372, 63).

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[Domaine religieux] : Semblablement je dy que la phisonomie nostre Dame esmouvoit les regardans a toute pureté et chasteté, et mortifioit luxurieuse cogitacion. (GERS., Concept., 1401, 425). ...et ont teles personnes souvent en elles aulcuns vices ou affections charneles ou mondaines, lesqueles pas ne mettent paine et diligence de mortifier, comme aulcunes maulvaises et scandaleuses accoustumances ou amour desordonnee (Traité S. Sacr. B., c.1450-1500, 176).

-

Empl. abs. "Faire disparaître (la sensibilité) (?)" : La noire[ semence de jusquiame] est tres mauvaise et mortelle et la rouge est mains malle et la blanche encores mains ; et est bonne en medecine car elle a vertu de restraindre et de faire dormir et de mortifier. (CORBECHON, éd. G. Sodigné-Costes, 1372. In : Bien dire et bien aprandre 11, 1993, 395).

b)

"Terminer qqc." : ...Ains que le guerre fust d'iaux .II. mortefiie. (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 243).

B. -

RELIG. Mortifier (la chair). "Soumettre (la chair) à des austérités ascétiques (en la privant des plaisirs charnels)" : ...a Dieu se monstre plaisant en mortifiant ses membres (JEAN GOLEIN, Rational B.D., c.1370-1372, 263). [autres ex., cf. gloss. de l'éd.] Et certes, posé que il ne fust ne loy ne canon qui deïssent que l'en deüst faire abstinence et mortifier sa char dez delectacions charneles, toutevoies nous le pourrions prouver par lez textes dez Philosofes (Songe verg. S., t.2, 1378, 226).

-

"Se soumettre à des austérités ascétiques" : ...chacun doit verser sa devocion en soy meismes et mortifier par penitences secretes (JEAN GOLEIN, Rational B.D., c.1370-1372, 363).

C. -

MÉD. "Gangréner, nécroser" : Chaut en toute plaie est de tres grant seurté, quant il fait sanie : tel amollie le cuir, il est mittigatif des rigours, des spasmes, des thetanes, garit la groscece de la teste, aide aux fractures des oz, toutesfoiz plus ou il a plaie de char, aide tres grandement a ceulx qui ont plaie en la teste, aide a tous les membres qui sont mortiffiez par froidure, aux plaies corrosives, confere a la verge, a la vessie, a la maris (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 83). ...et quant le chancre sera mortefié, on le congnoistra par ce que la char apparestra rouge (GORDON, Prat., c.1450-1500, VII, 5). ...quant la ulcere n'a si non ordure et pourriture grosse et viscose, elle est appellee sordide et puis quant sa malice est acrue en telle maniere qu'elle pourist et mortiffie la cher et en delaissant escarre, de laquelle est eslevee fumee orde et puante, elle est appellee pourrie et fraudullente et se sa malice va plus avant, elle passe a estiomenus qui est la mort de l'omme (PANIS, Guidon, 1478, tr.IV, doct.1, chap.3). ...j'envelloppe tout le membre mortiffié avec espanadrap (PANIS, Guidon, 1478, tr.VI, doct.1, chap.8). ...mais il advient Que la prison de chair mortifiee La rend infecte (SAINT-GELAIS, Séj. honn. D., c.1490-1495, 239).

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"Corrompre, décomposer" : Et quant ceste couleur [violee] est en un membre, c'est signe que les humeurs y sont mortifiés et de moult d'autres passions, sicomme dit cellui Gilles. (CORBECHON, Couleurs S., 1372, 380). Herbes et fleurs parees de verdure Semblent belles et cleres au matin, Mais quant ce vient le declin vespertin, Palles gisent, voyre et mortiffiees. (SAINT-GELAIS, Séj. honn. D., c.1490-1495, 290).

V. aussi mortifiant