C.N.R.S.
 
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     MORT1          MORT2     
FEW VI-3 mori
MORT, adj. et subst.
[T-L : morir (mort) ; GD : mort1 ; GDC : mort2/mort3 ; AND : mort2 ; FEW VI-3, 134a : mori ; TLF : XI, 1157a : mort2]

I. -

Au propre

A. -

Adj.

 

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[D'un être vivant] "Qui a cessé de vivre (de façon naturelle ou par violence)" : Quant aucune douleur vient soudainement ou chief, et le pacient pert tantost la voix, et fait son par la bouche aussi comme un homme qui ronfle, se fievre ne survient, il est mort en sept jours. (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 95). Mais certes, combien qu'il m'ait mors, Encore ne suis je pas mors (Mir. st J. Paulu, c.1372, 121). Et endementiers on fera ensevelir les mors et ardoir les chevaulx mors. (ARRAS, c.1392-1393, 164). Et le roy de Craquo fait prendre le corps du roy Fedric tout mort et le fist ardoir devant la porte pour plus esbahir ceulx de la cité de Prange. (ARRAS, c.1392-1393, 180). Quant Troyens voient Hector mort, La tres grant douleur, qui les mort, Il n'est nul qui le peust compter (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 107). Quant sa gent le virent a terre, Mort le cuident, adont, grant erre S'enfuyent (CHR. PIZ., M.F., IV, 1400-1403, 34). ...ilz perceurent ce bon yvroigne, couché comme s'il fust mort, les dens contre la terre. (C.N.N., c.1456-1467, 63). Puisque pappes, roys, filz de roys Et conceuz en ventre de roynes Sont enseveliz mors et froys - En aultruy mains passent leurs regnes -, Moy, povre marcerot de regnes, Morrai ge pas ? (VILLON, Test. M., 1461-1462, 50). Piteuse chouse est et ydeuse Voir la teste d'un homme mort. (Pass. Auv., 1477, 107). C'estoit devant que a luy vince, Qu'il sussita la filhe morte. (Pass. Auv., 1477, 123). Mectés le en terre ; il est mort. (Pass. Auv., 1477, 163). Je y veïz une femme morte et son enfant, dont elle estoit acouchée de nouveau. (COMM., I, 1489-1491, 167).

 

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Mort-né. "Mort en venant au monde" : Et se on parle de Traianus, je dy que il n'estoit pas dampné pour la grace que Dieu luy vouloit faire. On pourroit parler des mors nez sans baptesme. Item comment aucuns sont dampnez en ce monde par obstinacion (GERS., Déf., 1400, 239). ...le dit enfent estoit mort né, noir comme charbon (Doc. Poitou G., t.7, 1404, 27).

 

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Mort ou vif : Maiz moy lassete, Vif ou mort, mon las cuer regrete, Dont puet estre j'aime seulete Et si n'est droit qu'ailleurs le mecte. (CHART., L. Dames, 1416, 292). Seigneur, soyez prest de veillier, Et vous gardez bien de dormir, Et se personne veez venir, Prendez le soit ou vif ou mors (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 234). ...il convenoit qu'il fust pendu au gibet mort ou vif (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 325). Soit mort ou vif, il ne m'en chault. Tout ainsi le mectrons en terre. (Pass. Auv., 1477, 248). ...ilz avoient batu ung sergent et rescoux ung prisonnier qu'il menoit parmy la ville en prison ; et fut crié que qui le pourroit reprendre et ramener mort ou vif, il auroit mille livres de baguetins. (Voy. Hierus. S., 1480, 16).

 

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Mort(e) et vif/vive : Bien le vouldroie, Et compaignie lui tendroie Vive et morte (CHART., L. Dames, 1416, 217). Or pers tous deux par voie estrange Dont je vois, nuz piez et en lange, Prïer la Vierge Qui des cieulx est vraie concierge, Lui presentant un ardant cierge Afin que par sa grace acquierge Grace et pardon, Et a nous deux vueille par don Octroier qu'ainsi ne tardon L'un aprés l'autre, ainçois gardon Par sa pitié, Vifz et mors, la nostre amictié. (CHART., L. Dames, 1416, 222).

 

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[Dans une phrase nég.] Ni vif ni mort : Et quant li Dieables vit ce, sy en ot moult grant despit et lui dist : "Aigre, je voy bien que tu ne me doubtes vifz ne mors, ne paine que on te puist faire..." (Bérinus, I, c.1350-1370, 255).

 

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Mort et esteint : Et Regnault le refiert [le roi Selodus] et le charge si de coups qu'il le convint voler par terre, et ot si grant foule par dessus lui, car sa gent le vouloient rescourre, qu'il fu mort et estaint entre les piez des chevaulx. (ARRAS, c.1392-1393, 185). Et y estoient de point en point, Hommes d'armes les plus certains, Bien cinq cens en leur compaignie, Lesquelz sont tous mors et estains, Noyez, tuez et mis a fins Par art ou par enchanterye. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 488).

 

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Mort et tué : Mon filz en est en croix cloué, Mort et tüé, Pour ton peché, maleureux homme ! (Pass. Auv., 1477, 246).

 

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Raide mort : Lasse ! monseigneur, que feray je Se vous alez en celle gierre ? Je vouldroye estre ja en terre Estoffée et ja roide morte ! Vostre alée me desconforte, Monseigneur et leal espoux. (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 39). Et nous le batron tellement, Entretant que les chaufferés, Que rede mort le trouverés. (Myst. st Laur. S.W., 1499, 226).

 

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[Même sens] Mort tout plat : ...S'en tes pallis Elle [la mort] entre, tantost empallis Tu seras a coup mort tout plat. (ALECIS, ABC P.P., 1451, 45).

 

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[D'une pers. contusionnée et étourdie après une chute] Plus mort que vif : Portez moy au lict ie vous prie Car plus soustenir ne me puis Certes ie suis plus mort que vifz Iay[l. I'ay] tout le corps affole [l. affolé] (Myst. st Martin K., a.1500, 307).

 

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Corps mort : La furent grans feux apprestez, Ou les corps mors furent jaictez (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 327). Puis, au meillieu d'icelle chappelle et au pavé d'icelle, est ung rondeau de pierre de marbre, ou la endroict miraculeusement, par la resuscitacion d'un corps mort fut cogneue et distinguee ladicte vraye croix de Nostre Seigneur avec celle des deux larrons (Pèler. D., 1486, 355).

 

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Laisser qqn mort : L'ystoire nous dist que, quant Remondin fu partiz de son seigneur, qu'il ot laissié mort en la forest (ARRAS, c.1392-1393, 23).

 

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[En position d'attribut]

 

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[Avec un verbe d'état] (Se) gesir mort : La la trouvay toute esgarée, Morant de fain, de froit tremblant, Si que, selon le mien semblant, En celui jour morte jeust, Qui eschaufée ne l'eust. (Mir. Berthe, c.1373, 237). La la trouvay toute esgarée, Morant de fain, de froit tremblant, Si que, selon le mien semblant, En celui jour morte jeust, Qui eschaufée ne l'eust. (Mir. Berthe, c.1373, 237). Seigneurs, puis que ci morte gist (Plus la regars, plus ay grant hide), Faites que vous aiez aide Et que l'emportez la derriére Et li pourveez une biére (Mir. roy Thierry, c.1374, 285). Ains la couvient illec fenir, Et ses filz, quant ill apperçoit Sa mere qui la se gisoit Morte et confuse par son dit, Voua lors, pas ne s'en desdit, Que puis qu'elle est pour la parole Morte qu'il aprint a l'escole, Que sa langue corrigera Et que jamais ne parlera. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 97). Plusieurs jours ou champ combatirent, Mais les dames si Grieux batirent Que le plus d'eulx mors et palis Se gisoient (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 148).

 

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[Avec un verbe de mouvement] Choir (tout) mort. "Tomber mort sur le coup" : Lequel Perrin, de ce ayré et courroucé, print un baston qu'il trouva en l'ostel d'icelle Jehennete, duquel il la fery un coup sur la teste droit en l'oyée, duquel coup elle chei à terre toute morte. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 118). ...d'une darde qu'il avoit et tenoit en sa main, jetta icelle après ledit Gieffroy, de laquele darde il le fery et attaigny entre deux espaules, et dudit cop chei icellui Gieffroy illec à terre tout mort. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 171). Le chevalier par grant hachie D'aventure d'un coup d'espee Lui [... l'ours] a l'autre patte couppee ; Lors getta un merveilleux cry Et le chevalier sanz detry Le va ferir parmi le ventre ; Jusqu'en la croix l'espee y entre, L'ours adoncques chiet mort a terre. (COUDRETTE, Mélus. R., c.1401-1402, 321). Un charme lit, dont tel l'atourne Que tantost cheut mort en la place. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 43). Hector chiet mort, a couleur perse. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 106). ...l'un d'iceulx, qui avoit ung glaive, se vira subit et le darda en l'estomac du chevalier et le percha de part en part, du quel cop incontinent cheut tout mort (C.N.N., c.1456-1467, 551).

 

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[Attribut de l'objet avec un verbe d'action dont mort est le résultat]

 

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Abattre/ atterrer/enverser/mettre/ruer/tuer qqn/ un animal (tout) mort : ...maiz Aigres prinst le cuvert de tel vertu et le bouta en sus de lui tellement qu'il le getta contre terre tout estendu, puis print un hestal en sa main et se deffendi moult viguereusement contre ceulx qui le cuidoient mehaigner, et fery sur eulx a grant exploit, si que pluseurs en abati mors. (Bérinus, I, c.1350-1370, 372). Et Remondin retraist l'espie, et en fiert le porc tellement que il l'atterra tout mort. (ARRAS, c.1392-1393, 22). Et cil tira un costel trenchant et agu, et l'en cuida ferir, mais vostre pere despassa et lui donna du pommeau de l'espee qu'il lui avoit tollue si grant coup en la temple, a ce que la coiffe d'acier qu'il avoit affublee n'estoit pas forte, qu'il le rua tout mort sur la terre. (ARRAS, c.1392-1393, 50). ... il le tua tout mort estendu a la terre. (ARRAS, c.1392-1393, 58). ...nous sommes tous en voulenté de mettre mort cellui qui nous a fait si grant vitupere et si grant deshonneur. (ARRAS, c.1392-1393, 68). Et cilz tendent leurs arbalestres, et mettent bons viretons en coche, et laissent aler tout a une foiz, et en mirent mors a ce poindre sur le pont jusques a XIJ. (ARRAS, c.1392-1393, 101). Et le roy Fedric fiert un payen par telle force que il l'abat mort par terre. (ARRAS, c.1392-1393, 180). ...le conte tyra son braquemart et fery Lancelot, et le navra durement. Par quoy Lancelot, visant a la sauveté de sa vie, recouvra sur ly tellement et par tant de playes que tout mort l'enversa sur le pavé (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 84). Palhart, tay toy, Ou je te tuarey cy tout mort ! (Pass. Auv., 1477, 204). Mes amys de cueur fin, Que j'en aye vengeance. (...) Je vous donne licence De le tuer tout mort. (Myst. st Laur. S.W., 1499, 232).

 

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[Pour marquer l'imminence, dans une menace, un avertissement...] Tu es mort(e)/ vous estes morts/tu vaux presque mort : ...si tire le court coutel qui lui pendoit a dextre lez et lui dist : Faulx traitre, rens toi ou tu vaulz prez que mort. Par foy, dist Oliviers, j'aime mieulx que tu m'occies, car a moy rendre ne puis je gueres conquester. (ARRAS, c.1392-1393, 63). Lors [Geoffroy] broche le cheval des esperons après le soudant et lui escrie : Tourne devers moy, ou tu es mort. Mais j'auroye grant vergoingne se je te feroye par derriere. (ARRAS, c.1392-1393, 230). Sire, pour Dieu, fuiez vous de cy, ou vous estes mort, car le jayant vendra tantost, qui vous destruira, se vous estiez envore [l. encore] telz Vc. que vous estes. (ARRAS, c.1392-1393, 266). Se tu dis mot, tu es morte. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 54). Chemise blanche sur le corps ; Ou autrement vous estes mors (BOUVET, Appar. Meun A., 1398, 22). Fuyez trestous, vous estes mors. (Jen. filz de rien T., c.1475-1500, 312).

 

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Prov. Qui est mort on l'oublie : La jouvente du roy ont tost ensevelie Et le service fait. Qui est mors on l'oublie. (Baud. Sebourc B., t.2, c.1350, 336).

 

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Qui est mort si soit mort : ...Et cil qui furent mort furent enseveli : Qui est mort si soit mors, je n'i compte .I. espi. (CUVELIER, Chron. Guescl. C., t.2, c.1380-1385, 143).

 

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Qui est mors il est mors : Qui est mors, il est mors ; on le boute en quavain : Ne on ne laisse au monde frère, fil, ne germain, Qui en donnast pour l'ame une pièche de pain (Baud. Sebourc B., t.1, c.1350, 26).

B. -

Subst. : Or convient il plus avant enquerir de ceste chose quant as mors, assavoir se il communiquent ou participent au bien ou as maulz qui adviennent a leur amis vivans. (ORESME, E.A., c.1370, 138). Comme il est dit devant, les mors ne sont en ceste presente vie fors tant seulement ou memoire des vivans. (ORESME, E.A.C., c.1370, 138). Et envoya commencier l'escarmouche devant la barriere, et y ot foison de mors et de navrez d'une partie et d'autre, et firent reculer les Sarrasins par force, et y ot moult d'occiz et de mehaigniez. (ARRAS, c.1392-1393, 96). Et endementiers on fera ensevelir les mors et ardoir les chevaulx mors. (ARRAS, c.1392-1393, 164). Sepulture aux mors fait bailler Et, pour son pere, fait tailler Riche tombel et ens l'a mis, Ainsi a ses autres amis (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 57). Or ça, ça, il n'a en Surie Tel ongnement qu'ay apporté. Il est fin, je l'ay esprouvé, Il n'a meilleur jusqu'a Damas ; Droit en la cyté de Bandas [l. Baudas] L'aloy querir, ou croist le balsme, Il renderoit a ung mort l'ame, N'a plus fin jusqu'en Orient. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 118). C'ensuit le miracle du mort. (Pass. Auv., 1477, 129).

 

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En appellatif : Adolessent, sus ; leve sus ! Leve toy, mort ; je parle a toy ! (Pass. Auv., 1477, 131).

 

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Feste aux morts/jour des morts. "Fête du 2 novembre où l'on prie pour les défunts" : Ceste sainte oeuvre et suffrage chacune sepmaine celebre une fois au mains pour les mors soit bien encorporee en la memoire (...) et sing(u)lierement le jour des mors, landemain de la toussains, ta devocion et par oeuvre soit multipliee et doublee, par telle maniere que les ames en purgatoire, qui de leurs parens et amis n'ont nulle aide, puissent sentir largement le suffrage de ta royale mageste et devocion. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 315). ...par ledit mons. le prevost, fu dist qu'il deist verité des larrecins et murdres par lui fais, et en especial d'un certain murdre commis et perpetré le mercredi IIIJe jour de novembre, l'andemain du jour de la feste aus Mors, derrerement passé (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 154). ...IIJ ou IIIJ jours avant la feste de la Tousains derrerement passée, ladite Jehennete de Valenciennes, s'amie, vint et arriva en icelle ville de Vaily, en laquelle ville ilz ont esté ensamble jusques le mercredi après la feste du jour des Mors (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 155).

 

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Service des morts. "Office en l'honneur des morts" : ...et que en oultre de par ledit convent a esté enjoint à chascun des prestres d'icellui de dire pour la Court deux oroisons en leurs messes votives, et à ung chascun des enfans dudit convent de dire une fois les sept pseaulmes et une fois le service des mors pour le salut desdis conseilliers et officiers et de leurs parens et amis trespasséz. (FAUQ., II, 1421-1430, 268).

 

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Vigiles de morts. "Office célébré la veille d'un enterrement" : Et estoit le corps en bonne toile ciree, et gesoit en sa biere sur deux haulx treteaulx devant le maistre autel de layens, et y avoit grant luminaire, et tousjours VIIJ. des freres de layens autour, jour et nuit, qui disoient pseaulmes et vigilles de mors. (ARRAS, c.1392-1393, 290). Et furent dictes vigilles de mors en ladicte eglise, ce dit jour, et lendemain le service, et demoura le corps de ladicte royne la nuit en depost en icelle eglise de Paris. (FAUQ., III, 1431-1435, 167). ...allèrent en très noble ordonnance oyr les vigilles des mors en ladite eglise (MOLINET, Chron. D.J., t.1, 1474-1506, 254).

 

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Chanter de morts. "Chanter l'office des morts" : Si firent tous noz seigneurs chanter de mors et faire le service sollempnellement en leurs chappelles (Bouciquaut L., 1406-1409, 120).

 

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Ressusciter/susciter les morts : Et oultre ilz afferment que a sa venue il resuscitera tous lez mors de la ligne de Juda, et lez fera de rechief habiter ensemble sur la terre en prosperité. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 107). On dit que ladres et bossus Il guarit et sussite mortz ; Boiteux et tors Il adresse encores plus. (Pass. Auv., 1477, 136). ...il [Jésus] ressussite les mortz, Aveugles, bossus, ladres et tors Guarit et toutes maladies. (Pass. Auv., 1477, 161). ...Car, comme plusieurs gens ont veu, Deux mors vous a ressuscité Et a nous ung. (LA VIGNE, S.M., 1496, 579).

 

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Resurrection des morts : ...en son temps [de Théodose] rengna une heresie dampnable d'aucuns crestiens qui denioient et ne creoient point la resurection des mors (MANSEL, Fleur hist., c.1446-1451. In : Chrestom. R., 114).

 

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Reduire/revenir les morts en vie : Il soloit malades guerir, Les mors en vie revenir (Pass. Auv., 1477, 211). Les mors as en vie reduit (Pass. Auv., 1477, 218).

 

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Contrefaire le mort/faire du mort. "Avoir l'apparence/l'attitude d'un mort" : ...[il] contrefaisoit le mort, et tant qu'il fu aporté en la voye sur les quarreaulx. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 505). ...quelque sens que Dieu luy eust donné, il ne savoit remede a son cas, fors de soy taire et faire du mort (C.N.N., c.1456-1467, 310). L'ung gaigna ung arbre ; l'autre fuyt vers la ville ; le tiers, l'ours le print et le foulla fort soubz luy, en luy approchant le museau près de l'oreille. Le povre homme estoit couché tout plat contre terre et faisoit le mort. (COMM., II, 1489-1491, 21).

 

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Loc. Faire un chaudeau à un mort. "Venir en aide à qqn quand il est trop tard" : "...Mais quant je revenrai, n'en aïés souspechon, Pour vous l'irai destruire, s'en arés gerredon." "Par foi," che dist le prestres, "véchi folle raison ! Ch'est quant je serrai mors c'un caudel me fach-on." (Baud. Sebourc B., t.2, c.1350, 39). ...De ten secours n'ay cure, certes, quant mors seray : Tu me feras caudel dont ja n'avaleray ! (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 519). Faiseurs de laiz , de motés et rondeaux, Quant mort sera [Villon], vous lui ferez chaudeaux ! (VILLON, Poèmes variés R.H., c.1456-1463, 68).

 

Rem. Cf. J. Morawski, Prov. fr., 1925, n° 1742 .

 

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Prov. De plus de morts, moins d'ennemis : LA MORT. Se tu dis : "Pour ce ne venra La paix plus tost, quoy qu'il soit mis Soubz terre", ne sçay qu'avenrra : De plus de mors, moins d'ennemys ! (DU PRIER, Songe past. D.-M., c.1477-1508, 120).

 

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Il n'est mors qu'il ne convienne oublier : Il n'est mors que il ne couviegne oubliier et passer. Pour ce, ne laissièrent mies li Englès à tenir leur estat et leur ordenance (FROISS., Chron. L., VII, c.1375-1400, 183).

 

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Tous morts sont d'un estat commun : Or sont maintenant bons amis Et dansent icy d'un accord Pleuseurs qui estoient ennemis Quant ils vivoient et en discord. Mais la mort les a mis d'acord ; La quelle fait estre tout ung Sages et sotz : quant dieu l'acord Tous mors sont d'un estat commun. (Danse macabre femmes H., p.1480, 43).

II. -

P. anal.

 

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[D'un végétal] "Desséché" : Item, pasturages pour leurs dictez bestes es mortes herbes du bysson du Lendinc, hors tailles, depuis la mi septembre jusques à la mi mars. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 102). J'ay beau cest abrë [un figuier] esplucher, Il y a des fueilles grant somme, Mais riens plus. Arbre, jamais homme Ne mengüe fruict que tu portes Et soyent tes racines mortes ! (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 586). En yver l'en doit oster les branches du sauger qui sont mortes. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 118).

 

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[Dans un contexte métaph.] : ALBERT. Las ! las ! or voy je tout pour voir, Biau pére, qu'a mort avez trait. Las ! pié ne main a li ne trait, Mais les yex a clos et la bouche. Que fera le rain, quant la souche Est morte ? certes il morra. Ha ! biau pére, que devenra Ce dolereux ? (Mir. st Guill., c.1347, 52).

 

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Bois mort. "Bois d'arbres ou de parties d'arbres mort, encore sur pied ou naturellement tombé sur le sol" : ...usage au boiz mort pour arder pour XII personnes demourant illec, sans païer aucune faisance. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 6). ...que lui et ses hoirs et successeurs ou de luy aians cause, demourans oudit ostel de la Morinière, aient doresnavant à tousjours leur usaige pour leur chauffaige de boys mort et mort boys en ladicte forest de Molière, (...) et qu'ilz en joyssent tout ainsi que font plusieurs autres ayans ledit droit de boys mort et mort boys en icelle forest (Doc. Poitou G., t.11, 1469, 24). Les habitans de Vernon ont droit de prendre en la forest de Vernon, en lieu dit "en Chastellet", bois mort pour ardoir et toutes branches et cimeux depuis que le corps de l'arbre sera osté. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 32-33).

 

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Mort bois. "Bois de peu de valeur comme les épines, le genêt, le genièvre..." : Et aussi le garingal pesant et ferme en la taille, car il y en a de heudry, pourry et legier comme morbois. Celluy n'est pas bon, maiz celluy qui est pesant et ferme contre le coustel comme le noir, celluy est bon. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 259). Item, doivent avoir le mort boiz en essart, sans amende, tel boiz qui est dit mort boiz en la chartre aux Normans. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 63). ...et se aucun chesne apert sec par le coupel au dessus du maistre fourq et qu'il doie estre nommé estoc, ilz le pevent prendre par païant III s. p. d'amende, la souche pour VII s., et avoir tout mort boys vert et sec pour leur usage sans amende. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 222). ...que lui et ses hoirs et successeurs ou de luy aians cause, demourans oudit ostel de la Morinière, aient doresnavant à tousjours leur usaige pour leur chauffaige de boys mort et mort boys en ladicte forest de Molière, (...) et qu'ilz en joyssent tout ainsi que font plusieurs autres ayans ledit droit de boys mort et mort boys en icelle forest (Doc. Poitou G., t.11, 1469, 24).

 

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[D'un organe, d'un tissu] Chair morte. "Chair insensible (d'une plaie)" : Et jeo tiegne qe les persecucions de ceste mounde si est com un poynante poudre qe ces meistres mettent en ces plaies quant ils voient q'ils eient ascune mort char, ou qe char soit trop crue amont : ils y mettent toute la poudre poignante qe mangue mult fort (HENRI LANC., Seyntz medicines A., 1354, 196).

 

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Chaux morte. "Chaux éteinte" : ...achapt fait de Jaume Ventre et de Pierre et de leurs compaignons Lombars, de quatre vingts charges de chaux morte et furée, convertie auxdites parois (Comptes roi René A., t.1, 1458, 2).

 

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Morte pierre. "Pierre calcaire" : ...un aistre de pierre qui est ou contre cueur, de morte pierre de dix pieds de long et six pieds de hault, pour mettre du feu de charbon à tourner les rotz (Trés. Reth. S.L., t.2, 1409-1410, 603).

 

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Morte-saison. "Période de l'année où la terre ne produit rien" : À Massot d'Avrilli, impositour fermier du plat païz et des villages de la chastellerie de Paci, pour un an (...) pour et en recompensation de ce que sa ferme li avoit esté ostée et le XIIIe mis sus le premier jour daoust CCCLXI en son prejudice, car il avoit poié par mois toute la morte saison, et quant le bon temps vint quil devoit gaengnier et recouvrer ce quil avoit perdu devant, cest assavoir aoust, septembre et octobre, quil fu cuer de vendenges et vente de vins nouveaulx, son marché li fu osté (Compte Navarre I.P., 1367-1371, 400). ...ainsi comme en ycelle morte saison les gentilz hommes se seulent esbatre a chacier aux connins et lievres ou autres bestes sauvages. (Bouciquaut L., 1406-1409, 47). ...Sur le Noël, morte saison, Que les loups se vivent du vent Et qu'on se tient en sa maison, Pour le frimas, pres du tyson, Me vint ung vouloir de briser La tres amoureuse prison Qui faisoit mon cueur debriser. (VILLON, Lais R.H., c.1456-1457, 11). Provisions de bon foins et estrain Pour les nourrir en la morte saison, Semblablement d'avoyne et autre grain Il y avoit a moult grande foison. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 186).

 

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La saison est morte : Le duc Baudouin est aussi puissant que vous estes. Il est en son païs, en fortes villes et fors chasteaux. La saison est morte. Je ne congnoys point que puissez rien besongner. Vous mengez yci voz vivres et ne vous peut plus la ville soustenir (BUEIL, II, 1461-1466, 2).

 

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[Pour indiquer une teinte ; d'une pers., d'une chose] "Pâle" : Tant la tint qu'elle s'esvanouy et perdi la parole et devint toute de morte couleur. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 96). Donc, ce fait, on tourna vers Mahienot qui pareillement jura et dist que l'autre estoit un faux mauvais menteur, et cela lui feroir cognoistre, et baisant le livre devint mort comme cendre et changea de couleur. (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 46). ...a la verité, quand vint a Bruselles, et longuement depuis, il avoit le visaige si mort que c'estoit une pitié. (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 74). Bien doit avoir morte coleur Quant je vous voy porter sy grand doleur. (Pass. Autun Biard F., 1470-1471, 118).

 

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Mer Morte : ...et veismes la mer morte que on appelle la mer malaite, la mer maldite. (JEAN LE LONG, Voy. Bieul B., 1351, 271). Item, assez près d'illec, aval le flun, a une grant eaue que l'en appelle la "Mer Morte". (Voy. Jérus., c.1395, 36). Sur cette mer Morte souloit avoir cinq cités: c'est assavoir Sodome, Gomorre, etc.., lesquelles fondirent jusques en bisme pour le vil peché de luxure. (Voy. Jérus., c.1395, 36).

III. -

Au fig.

A. -

[D'une pers.]

 

1.

P. hyperb. "Qui semble avoir perdu la vie, sous l'effet d'une émotion intense"

 

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[Peur, douleur, colère] : Et depuis on me rapporta Qu'il avoit ses cheveux desroux, Et que tant se desconforta Qu'il en estoit mort de courroux. (CHART., B. Dame, 1424, 359). GESTAS LARRON (...). Haro, je suis personne morte ! Quel doleur, quel poine et torment ! (Pass. Auv., 1477, 217).

 

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[Tristesse] : Las, mon filz, ma doulce fontaine, De tout bien plaine, Que je tant aime, - qui vous a fait ceste grant porte Si treslonguaine Et inhumaine ? Las, elle me rent toute morte ! (Pass. Auv., 1477, 257).

 

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En mort visage. "D'un air abattu, marqué par la tristesse" : Or varrey je piteux desroys En grans esfroiz, Quant ceste injustice et oultracge J'adnunciarey en mort visacge A celle saige Doulce virge, piteuse mere. (Pass. Auv., 1477, 180).

 

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Demi-mort. "Profondément affecté par une vive douleur morale" : MARIE [à Jésus en croix]. (...) Mieulx amasse souffrir la mort Et tous mes membres detraire Que te veoir souffrir a tort, Pasmé, qui est si deputaire. Laisse moi cy demi mort ! (Myst. Pass. Amb. R., c.1474-1500, 68).

 

-

Vivre pis que mort : Neantmoins je vifs, Trop piz que morte a mon avis. (CHART., L. Dames, 1416, 244).

 

2.

Estre mort. "Estre déshonoré" : Et encore, ma tres redoubtee dame, reste a parler des perilz et dongiers qui sont en telle amour, lesquelz sont sans nombre. Le premier et greigneur est que l'en courrouce Dieu : aprés, que se le mary s'en aperçoit ou les parens, la femme est morte ou cheoite en reprouche, ne jamais puis n'a bien. (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 117).

 

3.

[Idée de passivité]

 

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(Estre) mort. "Qui n'agit pas, incapable d'agir" : Il ne pense mie ne ses consaulx que nous soions si mort que, se besoings est, nous ne nous puissons et volons resusciter. (FROISS., Chron. R., IX, c.1375-1400, 173). Et ceulx de Bruges, ensi que gens mors et desconfits, fuioient. (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 226).

 

4.

[Langage juridique]

 

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Se faire mort de qqc. "Renoncer à qqc. (en faveur de qqn)" : ...et ancors n'at-ilh gare que li Danois alat oultre mere, reporta sus devant mon viaire toutez ses terres et s'en fist mors ; et li rois les rendit Bueve hiretablement. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors B.B., t.4, a.1400, 7).

 

-

Le mort saisit le vif. "Les biens du défunt reviennent immédiatement à l'héritier" : Car une election ne baille pas plus de droit a un prince que fait droit de succession, maismement car la seignorie se continue du pere au filz. Et pour ce est il dit que le mort saisit le vifz (Songe verg. S., t.1, 1378, 125). Item, selon la general coustume de France, le mort saysit le vif plus prochain en degré, de celluy costé duquel la succession descent, et si exclut tous lez aultres plus lointains en degré, posé que ilz soient conjoins de tous costés. (Songe verg. S., t.1, 1378, 260). Il est acoustumé que le hoir vient à saisine telle quelle de ce de quoy celui qui mourut estoit vaistu et saisi ; car le mort vaitist et saisit le vif, par la coustume qui est telle et generalle (Cout. instit. Anjou Maine B.-B., t.2, 1437, 296). Quant aucun va de vie à trespassement et celluy qui doit estre eritier est empesché ès choses de la succession ou en général ou en particulier et ce est dedans l'an de la mort du deffunct de la succession dont l'on traicte, s'il veulst, il s'en tiendra pour saisi par la généralle coustume de royaulme de France par laquelle le mort saisit le vif (Vieux cout. Poitou F., c.1451-1454, 71).

 

5.

[Langage religieux] Estre mort au monde. "Qui a renoncé aux fastes du monde pour consacrer sa vie à Dieu" : ...et presismes l'office de l'espee seculiere, nous, qui par nostre profession evangelique devions estre mors au monde, enpresismes a juger et condempner et faire mourir les vifz. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.2, c.1386-1389, 300). Mais regarde toy mieulx et tu congnoistras que le monde vit encore en toy et vaine amour de plaire aux hommes. Car quant tu fuis d'estre vexé et pour tes deffaultes confondu, il est certain que tu n'ez point vray humble ne mort au monde, ne le monde crucefié en toy. (Internele consol. P., 1447, 202). Il y a conjonction espirituele par consentement des courages qui est dissolvee par mort espirituele, par laquelle l'home est mort au monde par l'ingression de religion. (Sacr. mar., c.1477-1481, 44).

 

-

Estre mort en l'ame. "Être mort spirituellement" : Mais de compter n'ay pas envie En la mesure de ma vie Les ans qu'au monde ay despendu Et en vanitez espandu, Car mors estoie en l'ame lors, Et on ne doit pas les ans mors Dire ans de vie. (Mir. Barl. Josaph., c.1363, 273).

B. -

[D'une chose]

 

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[D'une chose abstr.] "Fini, éteint" : Mais j'ay bien pour voir oy dire Que tresbiaux yex, sains et nez, porte Le filz du roy, et n'est pas morte En li chasté. (Mir. Barl. Josaph., c.1363, 264). Dont tel doleur prent en moy son ressort Que ma joie morte en est et fenie. (MACH., L. dames, 1377, 64). De tant com je l'aim et desir plus fort Est la doleur que j'endure plus forte, Car je l'aim tant que je me tieng pour mort, Sans nul retour, dont m'esperence est morte Que jamais de li amez, Nès par penser, soie n'amis clamez. (MACH., L. dames, 1377, 189). Ainsi charité morte treuvent, Ce scevent celles qui l'espreuvent ! (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 95). ...si fu conceue Entr' eulx .II. une amour si forte Que n'iert ne estainte, ne morte (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 65).

 

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[De la parole] "Qui manque d'ardeur" : Je ne dis pas que le deffault ne soit a la fois aux prescheurs qui n'ont point la parole enflammee mais froide et morte autrement que n'avoit saint Jehan Baptiste, qui erat lucerna ardens et lucens, et autrement que Helie, cuius sermo ut ignis ardebat. (GERS., Pent., p.1389, 79).

 

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[Langage juridique]

 

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[D'une loi] "Sans force, sans valeur" : Car la loy escripte est de soy morte et sans vigour ; mais le prince est la loy vive, l'ame et l'esprit des loys, qui leur donne povoir et vertu, et par son sens et adrecement lez vivifie. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 74).

 

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[D'une redevance, d'une dette] "Éteint" : Item, il y a une partie d'iceulx hommez dessus diz qui point ne paient d'iceulx allouages, mez paient avoinez par an, par ainsi que se lez maisons à iceulx estoient destruitez par aucune aventure, ladicte avoine seroit morte et ne seroit plus païéz. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 103). Item, il y a aucuns d'iceulx allouageurs qui ne paient point de allouages ["droit de pâture"], maiz paient avainez, ainsi que se leurs maisons estoient destruitez par aucune aventure, ladicte rente d'avaine seroit morte et paieroient pour icelles avainez argent au prix des autres alouageurs (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 111).
 

DMF 2020 - Synthèse Pierre Cromer

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