C.N.R.S.
 
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     MALOTRU     
FEW XXV *astrucus
MALOSTRU, adj. et subst. masc.
[T-L : malostru ; GD : malestru ; GDC : malotru ; AND : malestru ; FEW XXV, 632b : *astrucus ; TLF : XI, 266b : malotru]

A. -

"Littér., né sous une mauvaise étoile ; malheureux, infortuné, misérable" : ...Et je pecheur si malostru Que je ne l'ay mie veu [Vierge] Pour mon pechié. (Mir. march. larr., c.1349, 107). Calamitosus (...) : malestruz (Aalma R., c.1380, 40). [Dieu à Caïn :] D'or en avant, quant ovreras, En terre riens ne trouveras ; Elle ne te randra nul fruit, Tant es mauldit et maulostruit, Et toujours seras fugitifz, Dolent, povre, nul et chetifz, Toute ta vie sur la terre. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 24). DESROY [un diable]. C'est [Jésus] celluy quil plux nous debote, Quil nous gaste, quil nous destruit, Mes je le randray malestruit, Car je feray tant aux Juïfz Qu'il ly escuperont le viz Et ce ly osteront la vie Par malvoitier et par envie (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 150). Dieu mette en mal an qui en ment, Oncques nul ne vint au devant Sinon deux malastrus racletz. (Gaud. sot, c.1450, 12). LOURDAUT. Je te pry qu'il soit pour nous deux [Les mets apportés par Tart Abille]. Au fort, par ma foy, je le veulx, Car tu es ung bon malestru Et bon meschant. (Lord. Tart Ab. L., a.1465, 161). Et ne verras tu devenir Ung marchant, s'il est amoureux, Meschant, maloustru, souffraiteux, Ne jama[i]s ne fait son proffyt ? Et par le saincg que Dieu me fit, Ung clerc en pert son estudiez Et son savoir, que que tu diez. (Lord. Tart Ab. L., a.1465, 167). Or tay toy ! Tu me rons la teste D'ainsy parler. Que cuydes tu Quelx gens se sont, dy, maloustru ? Cuides tu que se soient crapaudaille Ne povres gens ne tel merdaille ? Nenny, dÿa ! Ce sont, par Dieu, Des plus grans et du plus grant lieu (Lord. Tart Ab. L., a.1465, 170). Je suis malostru et meschant, Quant mon estat bien considere De moy tenir en tel misere Et en si meschante consorte (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 575). Quelle deablesse, Fortune, as tu trouvee, Toy qui m'as fait une si grant levee ? Qu'as tu mengé ? Dont grant deable viens tu ? Rien ne vauldra ta clameur eslevee, Car si tu n'as ton emprise achevee, Oncques deable ne fut plus malostru. (LA VIGNE, S.M., 1496, 476). Prenez cecy voyez filz viendra Mon royaume mauez tenu Dont vous en estes malostru Comme fut icy vous mourrez Ia nul remede nen aurez : Ne vous ne les autres payens. (Myst. st Martin K., a.1500, 259).

 

Rem. Renart contref. R.L., 1328-1342, gloss.

 

-

Empl. subst. "Malheureux, misérable" : Et auxi chaicun malaustruy Prenoit à destre et à senestre (SAINT-ANDRÉ, Livre Jean de Bret. C., c.1400, 504). [LOURDAUT] Je te pry qu'il soit pour nous deux [les mets apportés par Tart Abille]. T[ART] [ABILLE] Au fort, par ma foy, je le veulx, Car tu es ung bon malestru Et bon meschant. (Lord. Tart Ab. L., a.1465, 161). Il est vray que Martin le Roy Du tout a faulse la loy Et a laisse la Royaute Nul ne scait ou il est alle Hermite es boys est deuenu Ou il est comme vn malostru Il ha laisse ioye mondaine Pour viure en douleur et peine (Myst. st Martin K., a.1500, 210).

 

Rem. Percef. I, R., c.1450 [c.1340], gloss.

B. -

[Valeur dépréciative]

 

1.

[D'une pers.]

 

a)

"Malavisé, imbécile" : Je suis, fait il, tropt cognehuz, Quant je sert ce folz malostruz. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 135). De la folie des malestruz Sont li saiges riches et druz. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 184). JHESUS. Que vous estes gent malostrue Et plains d'erreur, quant a ce point L'escripture ne savez point... ! (Mir. nat. N.S.J.C., c.1343, 237). ...trop serroit malestruz et trop serroit en sa defaute, si come tout pleine de pacientz sont qe nient ne voillent faire ceo qe luy meistre comande, mes font lour desir, et pur ceo se perdent sovent et se tuent. (HENRI LANC., Seyntz medicines A., 1354, 158). Conment ay je esté si avugle, Si malostru, si fol, si bugle Que je ne l'ay pas ravisée ? (Mir. Theod., 1357, 93). Bien sui malostrue personne, Qui en tel servage me met Que je sers et croy Mahommet, Qui n'est que droite fanfelue. (Mir. Oton, c.1370, 369). Cil qui het droiture et raison, Malostru en toutte saison, Volentiers destourne et desvoie Cheulx qu'il voit aler droite voie. (THOMAS MAILLET, Prov. Alain H., c.1375-1400, 66). Car l'omme est trop fol, de quelque estat qu'il soit, quant il voit qu'il a bonne femme et sage, s'il ne lui donne auctorité de gouverner se besoings est, combien qu'il en soit assez de si malostrus et tant descognoiscens qu'ilz ne scevent veoir ne cognoistre ou bonté et sens est assis (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 81-82). Bien estez folz et malestruz De tenir la loy que tenés. (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 82). ...je croy qu'i sont yvres et sy malostrus qu'ilz mescongnoissent ta valeur et puissance, par quoy ilz perissent en desplaisir (Comte Artois S., c.1453-1467, 130).

 

b)

"Mauvais, méchant, maudit" : ...le gent malostrue [les ennemis de la reine] (Hugues Capet Lab., c.1358, 219). Turquant s'en vint à ly, ly lères malostrus (God. Bouillon R.B., t.3, c.1356, 5). Seignour, or entendeis, por la virge absolue, Paiien furent armeis [,] celle gens malastrue (,) IIII batalhes ont fait (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.2, a.1400, 572). Theodobiers, ù fut grant proeche et vertus, Encontrat Badelin, unc paiin malastrus, Teil cop li at donneit, de son brant esmolus, Que le tieste li fent (JEAN D'OUTREM., Geste Liège B.B., t.2, a.1400, 573). Ha, hay ! dist il, faulse Fortune, Tu m'as esté felle et enfrune ! Bien es mauvaise et malostrue. Il est plus fol que beste mue Qui point se fie a ton affaire (COUDRETTE, Mélus. R., c.1401-1402, 121). ...ains que pris m'aient li paiien malostru (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 236).

 

Rem. Percef. I, R., c.1450 [c.1340], gloss.

 

c)

"Rustre, lourdaud, grossier" : Ja n'iert saiges homs mal vestuz, Mais uns cocars, uns malostruz, Uns paillars ou une paillarde, Ja nulz d'eux gaillars ne gaillarde Ne seront fors que detirez, Desrompuz et deffigurez. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 282). Item, au seigneur de Grigny Laisse la garde de Nygon Et six chiens plus qu'a Montigny, Vicestre, chastel et donjon ; Et a ce malostru changon, Moutonnier, qui le tient en procés, Laisse troys coups d'un escourgon Et coucher paix et aise es ceps. (VILLON, Lais R.H., c.1456-1457, 19). Et pensés qu'il faisoit bon veioir le jenne Jason a l'encontre du geant malostru, auquel il donna tant de paine que le geant par sa pesanteur se lassa et commença a suer (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 143).

 

-

Empl. subst. [Comme terme d'insulte] : ...ouquel hostel feust survenu icelui prestre et eust demandé au dit exposant pourquoy il avoit voulu batre un de ses compaignons, en appellant icelui exposant tribert, malotru (Doc. Poitou G., t.7, 1414, 263). Et tu auras sou ton cervel. Or tien ce collet, malestreu ! (Myst. st Bern. Menth. L., c.1450, 181). Oyez le villain malostru, S'i ne se vouldroit rebeller ! (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 729). Bien sçay que vous n'en direz plus, J'ay conclus A vous abreger sans plus dire. Estendez le col malostrus, Chien recrus, Vous me faictes enrager d'yre. (Myst. st Laur. S.W., 1499, 242).

 

Rem. Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 767 ("goujat, mufle").

 

2.

[D'une chose] "Lourd, grossier" : Et jà soit ce que pestillence Puisse parfoiz avoir naissance D'eaues en soy corrompues Et de viandes malostrues, Comme souvent el prent racine En temps brehaign et de famine (LA HAYE, P. peste, 1426, 43). Car, oultre leur autre valeur, Ilz [les aulx] eschauffent pour leur chaleur Humeurs qui sont froides et crues, Et les grosses et malostrues Divisent et les mollifient, Et en oultre si mondifient Toute la poictrine et le ventre (LA HAYE, P. peste, 1426, 127).

 

-

"Mal conformé, mal conditionné"

 

Rem. Doc 1412-1414 (Fribourg, masque que son drap puisset estre long, jasoit cen qui remagnie malestruz) et 1420-1423 (id. solong l'ordinance deis malestruz drap) ds GD V, 116b.

 

-

"Difforme" : Que le cors qui corrompu est Et malotru et pesant est Aggrieve l'ame et si l'opprient Quë en chaitivaisons la tient. (GUILL. DIGULL., Pèler. vie hum. S., c.1330-1331, 197).

 

-

[D'un coup donné] "Rude" : Mais Ricart, qui doutoit le gran cop malostru... (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 188).

 

-

[D'une chose abstr.] "Mauvais, difforme" : Creés en Jhesu Crist (...) Et renoiez vo loy qui tant est malostrue (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 607).
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Robert Martin

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