C.N.R.S.
 
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     JOUER     
FEW V 36,37a,39b jocari
JOUER, verbe
[T-L : jöer ; GD : joer ; GDC : joer ; DEAF, J380 jo‰r ; AND : juer1 ; DÉCT : jöer ; FEW V, 36,37a,39b : jocari ; TLF : X, 742b : jouer]

I. -

Au propre

A. -

"S'amuser, se divertir, se distraire"

 

1.

Empl. intrans. ou pronom. [La nature des divertissements, des jeux n'est pas toujours précisée dans le contexte] Jouer/se jouer

 

a)

"S'ébattre, se livrer à des jeux, se divertir" : Mais de ces nobles damoisiaus Qui jouent parmi ces praiaus, Et de ces damoiselles gentes Qui mettent toutes leur ententes A moy honnourer et servir Te vueil je les noms descouvrir, Car ja ne te seront celé. (MACH., D. verg., a.1340, 33). Desormais dirai de mon estre, Comment en juenesse jouay Et quele enfance desnouay. J'amay les menus oiselès, Gens, gais, jolis et nouvelès, Hui .I., puis un autre demain. (MACH., D. Aler., a.1349, 243). Et si a des enfans aisans, Trés paisibles et appaisans, Et si se jouent et esbatent, Mais de parler po se debatent. (MACH., D. Aler., a.1349, 243). Il ot jadis en France un roy Qui un jour ot mis son arroy Pour aler jouer en riviere. Oiseaus ot de mainte maniere Qu'il fist aveques lui porter, Pour soy deduire et deporter. (MACH., D. Aler., a.1349, 355). Se baston ne verge tenisse, Plus près de vous jouer venisse (Mir. parr., 1356, 16). Ce jour ala li roys jouer Pour veoir et pour ordener La maison de la Marguerite Qu'au deviser moult se delite. (MACH., P. Alex., p.1369, 265). ...si comme il est dit de ceuls qui s'entreaimment pour la delectacion que il ont en jouer ensemble. (ORESME, E.A., c.1370, 420). Item, dire que gieu soit la fin de vie humaine et que nous devon faire tous noz negoces et besoignes et souffrir mal et endurer painnes, et toute nostre vie ordener finablement pour gieuer, - c'est inconvenient. (ORESME, E.A., c.1370, 516). De puis se jeua, esbati et demora li rois d'Engleterre avoecques le roy de France, en le cité d'Amiens. (FROISS., Chron. L., I, c.1375-1400, 96). Et aloient cil hostagier jeuer sans peril et san rihote aval le cité de Londres et environ. (FROISS., Chron. L., VI, c.1375-1400, 56). Qui l'est, il est plein de merencolie, Estre vuet seuls, mournes, tristes, pensis ; Ne puet veoir qu'on joue ne qu'on rie, Contre lui pense, et si le prent au pis. (MACH., L. dames, 1377, 67). LE MARQUIS. (...) Jouer voiz en la galerie Avec ces autres chevaliers, Qu'a eulz devise voulentiers Et o mes amis m'esbanoye. (Gris., 1395, 58). Et estoit venus jeuer et esbatre en la ville de Lille, et la le vinrent veoir les bonnes gens de Tournai ; il les vei volentiers. (FROISS., Chron. D., p.1400, 459). Que veult autre chose Plaisir mondain fors boire et mengier, flaver et jouer, suyr taverne et fuyr moustier, ouyr plus tost detraction ou vilains et ors parlemens que predicacion ? (GERS., Déf., 1400, 225). Car je n'avoie soing adons Fors de jouer, car jeune estoie (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 24). Aler en boscage, Jouer en l'ombrage, Passer maint passage, Assembler ung marïage (CHART., L. Plais., c.1412, 150). Comment joieux se doit esbatre Rire, chanter, jouver souvent, Pour anoy de leur cuer abatre, Affin de vivre liement (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 116). ...veez cy nostre homme et sa femme qui se boutent ou boys, chantans, jouans, et devisans, et faisans feste (C.N.N., c.1456-1467, 89). ...voyant les peres et les meres prendre grand plaisir a veoir les enfans jouer et faire soupplesses et apertises, aggrava sa doleur (C.N.N., c.1456-1467, 555). Ce dict jour, aprés que le roy eult souppé, par maniere de passetemps, bien acompaigné de plusieurs gens de bien, il s'en alla jouer sur la greve, pres du pont du dict Moncaillier ; et la fist amener les faulcons d'artillerie, et en fist charger aulcuns pour tirer luy mesmes a son plaisir. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 302).

 

-

[D'un animal] "S'ébattre, se mouvoir" : Quant li gibiers estoit passez Et qu'il [l'alérion] s'estoit jouez assez, Volentiers vers moy revenoit Toutes fois qu'il le couvenoit. (MACH., D. Aler., a.1349, 334). Et toutes fois qu'i fera biau temps, soient menez jouer aus chans bien matin et au vespre, et quant il revendront de jouer, soient peus de bon pain de fourment (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 98).

 

-

P. ext. "Se détendre, prendre du bon temps" : Si sont li frere en grant descort, Mais, en la fin, fu leur accort Tel, tant s'en sont les barons mis En peine et leur prochains amis, Que "l'un d'eulx un an regneroit Et l'autre tandis s'en iroit Jouer, querant les adventures, Par le monde, plaisans ou dures." (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 296). ...je me suis party de nostre païs soubz umbre du pardon qui est a present icy. Mais creez que ce n'a pas esté ma principale intention. Car j'ay conclud d'aller jouer deux ou trois ans par pays. [L'homme ne supporte plus la vie conjugale] (C.N.N., c.1456-1467, 284). ...et demourerent en ladicte ville par l'espace de huit jours entiers, où ilz furent bien fort festiez et menez jouer au bois de Vincennes et autres lieux (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 346).

 

.

"S'amuser, plaisanter, ne pas être sérieux" : ...Et quant il [les chasseurs] ont dist leur parole, L'en rit, l'en gieue, l'en rigole. A l'asemblee sont tous liez (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 248). RAISON. Je ne me joue pas, nous ne sommes pas a inciter de jeu, mais je ne puis encores scavoir de toy les motifz que tu as de toy abstenir de la sainte communion. (Traité S. Sacr. B., c.1450-1500, 148). Pardonnez moy, je me jouoye Et aloye a la bonne foy ; Mais actendez vous bien a moy Qu'avant qu'il soit heure de nonne, Vous l'aurés en propre personne, Croyez le de vray seurement. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 778).

 

b)

"S'adonner à des jeux, à des joutes physiques ; manier les armes, se battre" : ...tout doi savoient bien jeuer et escremir, et mieuls assés li rois d'Engleterre et de plus soutieus tours ne fesist li dis mesire Ustasse ; car il l'avoit apris d'enfanche. (FROISS., Chron. D., p.1400, 870). ...la se jouoient Li bachelier et s'esprouvoient, A plusieurs gieux faire de force (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 288).

 

-

Se jouer avec qqn. "Se mesurer avec qqn au cours d'un jeu, et (au fig.) d'un combat" : "Ha, monseigneur mon frere," dist Saintré, "mais vostre dame a elle commandé que de telz picaudes ["coups"] festoissiez ceulz qui se jouent avecques vous ?" (LA SALE, J.S., 1456, 133).

 

.

Se jouer à qqn. "Se mesurer à qqn, attaquer qqn" : ...leur dist ledit suppliant telles parolles ou semblables en substance : "Veez là le clerc du juge qui s'en va sans cornète et sans chappeau, et dit qu'il l'a perdu ceans. Il ne fait pas bon se jouer à lui ; s'il y a personne qui l'ait prins, si le lui rende." (Doc. Poitou G., t.11, 1473, 341).

 

2.

"Se divertir avec des jeux de hasard, des jeux de société..."

 

a)

Empl. intrans. "Pratiquer un jeu de hasard" : ...tout l'argent dessus dit par lui prins et emblé par la maniere que dit est cy-dessus, il a despendu à boire, mengier, jouer et esbatre avec les filles de vie, sanz ce qu'il jouast oncques aus dez. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 397). ...disant qu'ils jouassent hardiment, et s'ilz perdoient, qu'il en paieroit la moitié (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 138). Des testamens [celui] qu'on dit le Maistre De mon fait n'orra quy ne quot, Mais ce fera ung jeune prestre Qui est nommé Thomas Tricquot. Voulentiers busse a son escot, Et qu'il me coutast ma cornecte ; S'il sceust jouer en ung tryppot, Il eust de moy le Trou Perrecte. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 147). Je veulx jouer ! Dea, je n'ey pas le dé gecté. (Pass. Auv., 1477, 204). Ne suis je pas l'omme desordonné, Puisqu'a jouer je suis si maleureux ? A tous les deables soit tout mon corps donné, Tant est mon cueur meschant et douloureux ! Tous, fors que moy, sont aux hazars heureux, Tous se font riches et povre je deviens. (LA VIGNE, S.M., 1496, 373).

 

b)

Empl. trans. dir.

 

-

"Pratiquer (un jeu)" : SECOND COMPAIGNON. (...) Des maulx c'on li fait [au fol] a grant feste, Et grant solaz estre li semble. Alons jouer touz deux ensemble Autre partie. PREMIER COMPAIGNON. De li me plaist la departie ; Vous dites bien. (Mir. parr., 1356, 29).

 

-

Jouer qqc. (à tel jeu). "Engager (un bien, de l'argent) à un jeu de hasard, hasarder" : ...lesquelles choses il engaiga et joua aus dez à un marchant de Rodas, nommé Guillaume Vallée ; pour lequel larrecin il fu emprisonné en ladite ville de Rodas (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 251). Se lor demora chils argens, et le departirent entre euls a grant joie. Il en i ot auquns qui bien le garderent (...) et li aultre le jeuerent as dés, qui ne s'en savoient conment delivrer. (FROISS., Chron. D., p.1400, 99). Il est vray, seigneurs, que nous deux Estïons palhars luxurieux, Et advons joué tout le nostre, Et puis nous advons fait plus oultre, Car pour mieulx palharder Nous nous sommes mis a rober Et avons fait les larressins Qu'on nous mect sus (Pass. Auv., 1477, 174).

 

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"Laisser à un jeu décider qui aura telle chose, tirer au sort" : Nous soulïens jouer jadix Le butin qu'avïons guaignier. De ce larron qu'avons meshaigné Il nous covyent jour [l. jouer] la robbe. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 213).

 

.

Jouer qqc. aux dés : Or est du tout fait en verité Que dist David en son dicté : Que mes os demembreroient Et ma robe aux dez joueroient. (Myst. Pass. Amb. R., c.1474-1500, 64). Nous la jourrons [la tunique du Christ] a trois beaulx des. (Pass. Auv., 1477, 201).

 

.

Jouer qqn au sort. "Laisser le hasard choisir qqn" : Pour les oster de debat les fist jouer au sort cellui qu'ilz choisiroient, dont chascun fut tres content. (LA SALE, J.S., 1456, 264).

 

c)

Empl. trans. indir.

 

-

Jouer à/de qqc./à/de tel jeu "Faire une partie de tel jeu" : ...tuit li autre assez longnet Estoient mis en un congnet Et s'esbatoient bonnement A jouer au "Roy qui ne ment". (MACH., R. Fort., c.1341, 28). Garde t', amis, qu'aus dez ne joues Et que pas ton temps n'i aloues, Car c'est chose trop deshonneste A prince qui quiert vie honneste ; Car il ne vient pas de franchise, Eins est fondez seur couvoitise (MACH., C. ami, 1357, 138). Puis alames jouer aus boules (MACH., Voir, 1364, 344). Huit jours entiers y sejournerent [à Alexandrie], Et en la ville se jouerent, Qui estoit grant et longue et lée, De tours et de murs bien fermée. (MACH., P. Alex., p.1369, 189). Il y avoit IIJ. olifans, Qu'à merveilles estoient grans ; Aussi virent il une araffe ["girafe"], Je ne say s'elle vint de Jaffe. Et li chevalier leur moustrerent Les gieus dont Sarrasin jouerent. (MACH., P. Alex., p.1369, 201). Les autres jeuent ensemble as tables ou as dez (ORESME, E.A., c.1370, 494). Lors s'en parti et s'en revint arrière à leur logeis, et trouva le conte de Haynau, son neveu, qui jeuoit as eschés au conte de Namur. (FROISS., Chron. L., II, c.1375-1400, 33). Jehan le Courant, huissier d'armes, pour vessies de beuf, achettés par lui pour l'esbatement du roy (...). Argent 16 s. parisis. Le Roy, pour jouer à croiz et à pille, 2 frans, bailliez à lui par Pierre Le Borgne, escuier de messire Johan de Harcourt (Comptes hôtel rois Fr. D.-A., 1383, 208). Et dist qu'il n'est pas en la poissance d'omme, quel qu'il soit, s'il ne scet la maniere comment l'en jeue audit jeu, qu'il ne perdist à icellui. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 169). Et lors vit que ledit Pelerin, qui estoit moult eschauffé de jouer aus dez ou aus croix et aus piles, requist lui qui parle et lesdiz compaignons qui estoient à ladite table qu'ilz jouassent ausdiz jeux (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 141). ...eulz estans en esbat avec autres compaignons et jouans à la soule au devant du monstier d'icelle eglise, virent ycellui prisonnier (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 465). ...lequel lui requist s'il vouloit jouer à la paume, auquel il respondi que voluntiers il joueroit et metteroit un franc contre lui s'il vouloit. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 478). ...la jeuoient ils et s'esbatoient as escés et as tables. (FROISS., Chron. D., p.1400, 819). Et, se l'air n'est bel, par raison Doit un chascun en sa maison Labourer et s'exerciter, Pour greigneur péril éviter, Dont s'ensuit que c'est chose sote Que jouer lors à la pelote, Courre, lutier, jeter la pierre, Et cheminer de fervent erre (LA HAYE, P. peste, 1426, 85). Or ça, mon ami, je veul (...) aussi que vous jouez et esbatez de foiz a foiz a la paume, avoir des ars, des fleiches, qui sont jeux honnestes et dont les corps par raison en vaillent mieulz. (LA SALE, J.S., 1456, 58). Et ce fait, vont vers la royne et les autres dames, qui tresgrant honneur et bonne chiere lui firent, puis vont en la chambre de parement et la jouerent a maintz jeux tant que l'eure fut de soupper. (LA SALE, J.S., 1456, 109). ...ce pere vint trouver son filz, qui jouoit a la paulme en la ville de Laon. (C.N.N., c.1456-1467, 325). ...m'avez vous fait jouer a la cligne musse pour me faire ce desplaisir ? (C.N.N., c.1456-1467, 505). Il ont eu deux grosses pertes, Compris la journee des harans ; Mieulx leur vaulsist jouer es cartes Que d'eulx estre mis si avant. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 404). Joueroit il point a la touppie ? (Sots, c.1480-1500, 267). LE PREMIER. (...) Jouons a aucun jeu, nous deux. LE DEUSIESME. Et par sainct Jaque, je le veulx ; Avise quel jeu tu veux faire. (Tr. Men., c.1480-1500, 289). Fist aussi une semblance de truye d'arain qui humoit toutes les noises qui se faisoient à Romme, et deux grans ymages de cuyvre, qui jouoyent d'une pomme ou pelote par dessus Romme. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 71 r°).

 

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Jouer à la capette/à la clique/à la fossette/à l'esperdu/au chapifol...*

 

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Jouer au hasard. "Pratiquer des jeux de hasard" : ...et quant il fu d'entendement, si aprint a jouer au hazart, ne autre jeu ne lui plaisoit que le jeu des dez et du tremerel, ce estoit toute sa joye et son deduit, n'a autre chose il n'entendoit ne jour ne nuit (Bérinus, I, c.1350-1370, 11).

 

-

Jouer à qqc. à qqn. "Faire une partie de tel jeu avec/contre qqn" : Et, sur ce, joua à la paulme ausdiz convers et à Thomas Guerart, chevaucheur dudit seigneur, pour le souper (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 21). Item, en alant dudit lieu de Montlehery droit à Chartres, il et ledit Bourguignon se logerent en la ville de Bleiz, en laquelle ilz jouerent audit jeu à leur hoste, et à icellui gaignerent VJ frans en blans de IIIJ d. t. piece, avec une dague qui estoit garnie par-dessus d'argent. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 169).

 

-

Jouer à double ou à quitte/à quitte et/ou à double. "Jouer une dernière partie qui, si l'on gagne, rattrappe toutes les autres"

 

-

P. anal. [D'une personne attaquée par d'autres] "Risquer le tout pour le tout" : On ne doibt donner l'assault que pour cinq poincts. L'ung, quant il y a faultes de vivres ou mortalité et qu'on ne peult plus tenir le siège. L'autre, quant on sent les ennemiz venir et que on se sent le plus foeble et que on ne les peult attendre. En ces deux points il fault donner l'assault pour en jouer à double ou à quitte. (BUEIL, II, 1461-1466, 42). Et (...) c'est l'un des grans pointz de la guerre que de sçavoir la convine de ses ennemis ; et ilz le sçavoient bien ; et à ceste cause attendirent-ilz le jour et gaignerent la ville sans coup ferir, ainsi que avés ouy. Et autrement ilz en eussent joué à quitte et à double. (BUEIL, I, 1461-1466, 92). ...mais je n'entens pas que aucuneffoys on ne mette peine de surprendre son ennemy, comme en ung logeiz, en chevauchant ou par une embuche. Et en joue l'en à quitte ou à double ; car, qui fault à les surprendre et ilz vous voient venir, je dy pour ce qu'ilz sont arrestez, qu'ilz ont de grans avantaiges. (BUEIL, I, 1461-1466, 201). ...quant il vit qu'il les vouloient enmener, il print ung baston, en disant que à celle heure falloit jouer à quicte et à double, et se parforça et ingera de frapper lesdiz francs archiers. (Doc. Poitou G., t.12, 1481, 440).

 

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Jouez des vostres. "À vous de jouer" : ..."Gens, jouez des vostres !" (Pipée R., c.1470-1480, 172).

 

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P. anal. [D'un élément naturel] Jouer de qqn (un passager de navire) "S'amuser avec qqn, comme s'il s'agissait d'un jouet" : Car souvent la mer par mainte onde Jouoit de moy conme a la bonde Et me jettoit puis ça, puis la (Mir. fille roy Hongrie, c.1371, 81).

 

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Au fig. Jouer du verre. "Lever le coude, boire beaucoup" : SECOND MENESTERÉ. (...) Droit la [a la feste] nous fault acheminer Et savoir s'y pourrons gaingner Or ou monnoye. LE TIERS MENESTERÉ. Pas si sourt ne suis que bien n'oye Ce qu'entre vous deux avez dit. Le cuer de joye ou corps m'en frit, Car g'y pense a jouer du verre (Mir. ev. arced., c.1341, 127).

 

d)

Se jouer à tel jeu : Quant li dieu par amors amoient, Et les deesses se jouoient Aus dous gieus, courtois, savoureus, Qui sont fais pour les amoureus, Li clers solaus, la belle lune, Et des estoiles la commune, Li XIJ. signe et les planettes, Qui sont cleres, luisans et nettes, Ordenerent un parlement, Fait de commun assentement. (MACH., P. Alex., p.1369, 1).

 

3.

"Se divertir par des jeux sexuels"

 

a)

Empl. intrans. ou pronom.

 

-

[D'une femme] "Batifoler, folâtrer, s'amuser" : ...quant le dit Guillaume y fu entré, sa dicte femme s'en issy, et lors un nommé Jehan Morin, autrement Veillon, qui estoit ou dit hostel avec la dicte femme, qui depuis qu'elle fu mariée au dit Guillaume est alée aval le païs jouer et est dissolue et mal renommée, coury sus au dit Guillaume (Doc. Poitou G., t.5, 1389, 405). Ne de trouver ces pelerinages hors ville pour aler quelque part jouer, ou mener la gale en quelque compaignie joyeuse n'est fors pechié et mal a qui le fait : car c'est faire ombre de Dieu et chape a pluie (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 182).

 

-

"Se livrer à des ébats amoureux" : Et dist que verité est que jà pieçà, ainsi comme elle et sondit ami Ainsselin se jouoyent ensamble, et qu'il se voult partir plus tost de sa compaignie que elle ne vouloit, elle qui parle print le chaperon de sondit ami, et, en le prenant, print et appoigna partie des cheveux de la teste dudit Hainselin (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 331). Si leur print volunté d'aller jouer au bois, eulx deux tant seullement (C.N.N., c.1456-1467, 88). Sur mol duvet assiz, ung gras chanoine, Lez ung brasier, en chambre bien natee, A son costé gisant dame Sidoine, Blanche, tendre, polye et attintee, Boire ypocras a jour et a nuytee, Rire, jouer, mignonner et baisier, Et nud a nud pour mieulx des corps s'aisier, Les vy tous deux par ung trou de mortaise. (VILLON, Test. M., 1461-1462, 117).

 

b)

(Se) jouer à/avec qqn. "Se livrer à des ébats amoureux avc qqn" : Othovïen le jeune o elle se joua Soit a tort ou a droit cil blasme elle avra Si que jamais ung prince d'onneur ne la vouldra (Flor. Octav. L., t.1, c.1356, 244). ...[elle] ouy dire à plusieurs autres compaignons, qui se rigoloyent et jouoyent à elle, que lesdiz mariez estoient moult malades, et que puis leurdites noces ilz n'avoient eu santé (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 342). ...de l'orfevre de Paris qui fist le charreton couscher avec luy et sa femme ; et comment le charreton par derriere se jouoit avec elle (C.N.N., c.1456-1467, 2). Et je croy bien fermement que vous sariés bien jouer avec pucelles d'aage en quelque chambre seulet a seullete pour vous bien despourter en amours (BAGNYON, Hist. Charlem. K., c.1465-1470, 76).

 

c)

Loc.

 

-

Jouer la basse : Ha ! que ces maistres jacobins, Cordeliers, carmes, celestins Ne jouent de nature la basse, Onc chien puant de passe passe Ne fut si listre, par mon ame. (Rapp., c.1480, 63).

 

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Jouer de l'escremie : Et pour ce, chierement vous prie, Alez jouer de l'escremie Autre part, car, quant en ce cas, Encore ne m'avez vous mie, Encore ne m'avez vous pas ! (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 137).

 

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Jouer du cimier : ...elles avoient comme eulz joué du cymier (C.N.N., c.1456-1467, 13).

 

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Jouer des cymbales : Quant l'omme est avec sa compaigne Il puet bien savoir qu'il ne gaigne D'elle fors que le maltalent S'il se sent si lasche ou si lent Qu'il ne puist jouer des cimbales. (Barbes brayes A., a.1450, 259). ...en passant par adventure par devant la chambre ou sa femme avec le chevalier jouoit des cimbales, il en oyt le son (C.N.N., c.1456-1467, 432).

 

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Jouer du bas mestier : ...de deux compaignons qui cuidoient trouver leurs dames plus courtoises vers eulx ; et jouerent tant du bas mestier que plus ne povoient (C.N.N., c.1456-1467, 13).

 

-

Jouer des jeux de nature : BEAUCOP. (...) Quant emprès vous se vint coucher ? BEAUCOP. Vous le povez assez penser, Entre nous deux selon droicture Jouasmes des jeuz de nature. JOYEULX. Ainsi vous eustes ce tatin. BEAUCOP. Et puis (le) l'endemain au matin Quant j'euz usé de son amour, Me fist lever au point du jour... (B. veoir, p.1480, 17).

B. -

[L'objet (sonore et/ou visuel) est le résultat de l'action] "Pratiquer des activités ludiques à caractère culturel, qui exigent apprentissage et savoir-faire"

 

1.

[Domaine de la musique]

 

a)

Empl. intrans.

 

-

[D'une pers.] "Faire de la musique au moyen d'un instrument" : Avant, seigneurs ! faites mestier Pour nous esbatre. Icy jeuent les menesterez, et s'en va le jeu. (Mir. roy Thierry, c.1374, 338). Ci viennent les menestrez, et amainnent le roy en son siége ; et puis vont querre la royne en jouant. (Mir. ste Bauth., c.1376, 92). Oudit temps, le roy fist venir grant nombre et grant quantité de joueurs de bas et doulx instrumens qu'il fist loger à Saint-Cosme près Tours, où illec ilz se assemblerent jusques au nombre de six vingtz ; entre lesquelz y vint pluseurs bergiers du pays de Poictou, qui souvent jouerent devant le logis du roy, mais ilz ne le veoyent pas, affin que ausdiz instrumens le roy y prensist plaisir et passe temps et pour le garder de dormir. (ROYE, Chron. scand., II, 1460-1483, 122).

 

.

P. méton. [D'un instrument de musique] "Interpréter de la musique" : Et semblablement se les pignes a laine pignassent par eulz meisme et se les archéz les vielles sonnassent ou jouassent par eulz meisme et ainsi dez autres instrumens (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 51). Et si y avoit encores trois bien belles filles, faisans personnages de seraines toutes nues, et leur veoit on le beau tetin droit, separé, rond et dur, qui estoit chose bien plaisant, et disoient de petiz motetz et bergeretes ; et près d'eulx jouoient plusieurs bas instrumens qui rendoient de grandes melodies. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 27). Et estoit le camp du roy du costé des ennemis devers Pontresme, parquoy toute nuyt trompettes et clairons ne cesserent de jouer en attendant l'artillerie et les Allemans de l'avantgarde avec les gens d'armes. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 277).

 

b)

Empl. trans. "Interpréter qqc." : Sa harpe acorda sans delay Et joua son dolereus lay Et chanta de vois douce et seinne, De si grant melodie pleinne, Qu'a sa vois, qu'a ses instrumens, Fist cesser d'enfer les tourmens (MACH., C. ami, 1357, 82). ...je vous prie pour Dieu (...) que je puisse jouer une chanson de ma musette (C.N.N., c.1456-1467, 452).

 

-

Jouer (d') (un instrument de musique) : Orpheüs jouoit de la lire Mieus qu'homme ne le porroit dire, Qu'il en estoit souverain maistre, Trop plus qu'homme né, ne a naistre. (MACH., F. am., c.1361, 203). Orgues, vielles, micanons, Rubebes et psalterions, Leüs, moraches et guiternes Dont on joue par ces tavernes, Cymbales, citoles, naquaires (MACH., P. Alex., p.1369, 36). Et les communicacions qui semblent estre faites pour delectacion, il sont pour aucun proffit ; si comme de ceulz qui karollent ou dancent ou chantent ensemble, ou qui gieuent ensemble des instrumenz de musique (ORESME, E.A., c.1370, 433). Avant, seigneurs ! faites mestier Pour nous esbatre. Icy jeuent les menesterez, et s'en va le jeu. (Mir. roy Thierry, c.1374, 338). Ci viennent les menestrez, et amainnent le roy en son siége ; et puis vont querre la royne en jouant. (Mir. ste Bauth., c.1376, 92). ...en cest hostel avoit gentil compaignon clerc, qui tresbien chantoit et jouoit de la harpe (C.N.N., c.1456-1467, 279). ...pour le grand plaisir qu'elle print aux doulx et melodieux chans et armonie d'instrumens dont l'on jouoit a son huys, elle s'avança de venir veoir (C.N.N., c.1456-1467, 567). Le mistère accomply, l'on joua des orgues en l'eglise, et au pasté fut faicte une chasse telle, qu'il sembloit qu'il y eust petitz chiens glatissans et braconniers huans et sons de trompes, comme se ilz fussent en une forest (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 361). LE TEMPS. Hola ! Escoutez Chacun, tenez la, Jouer fault de cest instrument, Au jour d'huy de ça et de la, Qui veult regner avec le Temps. CHACUN. Et comment le nomme on ? comment ? LE TEMPS. Une trompe. (Sots triumph., c.1475, 46). Cestui Amorat estoit souverain musicien et sçavoit jouer des orgues que ledit empereur envoya audit Pepin en ceste mesme legacion. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 105 r°).

 

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Au fig. Jouer des flutes. "Abuser de la crédulité des gens, baratiner" : Ryme, raille, cymballe, fluctes, Comme folz fainctilz, eshontez ; Farce, broulle, joue des fluctes ; Faiz es villes et es cytez Farces, jeuz et moralitez ; Gaigne au berlanc, au glic, aux quilles, Aussi bien va, or escoutez, Tout aux tavernes et aux filles. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 131). [R.H., Comment. Test., 238 ; Thiry, 226.]

 

2.

[Domaine du théâtre]

 

a)

Empl. intrans. "Interpréter une pièce de théâtre, donner une représentation théâtrale, un spectacle, représenter sur scène" : Et Lucifert quil fut jadix Ange cy cler re[s]plandissant, Qu'orgueul ala tant surmontant Qu'il ce voult sur Dieu eslever - Cy comme verrés cy jouer - Par quoy en enfert trabucha, Ou tout temps en doleur sera Et trestous les siens adherens (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 3). Seigneurs et dames, humblement vous prïons Qu'a tous vous plaise noz faultez pardonner. Se mal parlé ou mal joué avons, Excusez nous ; pas n'est nostre mestier. De ce propos ne voulons plus traicter. Oyés la farce, s'il vous plaist, par doulceur ; Maiz, je vous prie, ne vuellés oblier : Qui ne craint Honte, il n'aura ja Honneur. (Pouvre peuple H., c.1450-1492, 230). Et d'icelle venue et bonne paix en fut resjouy et joyeux très noble et très reverend pere en Dieu mons. le cardinal de Bourbon qui, à l'occasion d'icelle bonne paix, fist faire en son hostel de Bourbon, à Paris, une moult belle moralité, sottie et farce, où moult de gens de la ville alerent pour les veoir jouer, qui moult priserent ce qui y fut fait. (ROYE, Chron. scand., II, 1460-1483, 127). Par Dieu, nous jouerons qui qu'en grongne Et nous deüst on enterrer. (Sots Magn., a.1488, 198).

 

b)

Empl. trans.

 

-

Jouer tel personnage. "Tenir le rôle (d'un personnage)" : MALOSTRU. Ha, j'ay la Farce des oyseaulx. Esse chose de bien ? (MALOSTRU) TESTE CREUSE. C'est baulme. MALOSTRU. Vous en jourez tresbien la femme, Vous avez le corps tant faictifz, Les yeulx rians, le nez traitifz, Il semble que (vous) soyez fardé. (Copp. lard., a.1488, 165). TESTE CREUSE. Coppieurs sont ilz en usaige ? SOTIN. Lardeurs jouent leur parsonnaige. TESTE CREUSE. Coppie on maintenant le monde ? SOTIN. Lardeurs tienent ilz table ronde ? (Copp. lard., a.1488, 171).

 

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P. ext. Jouer tel genre de personnage. "Se comporter en" : Et a l'aventure, celle qui parle doit avoir une robe ou autres joyaux pour jouer bien le personnage, qui avient souvent. (Quinze joies mar. R., c.1390-1410, 15). Et le bon homme vient et enquiert que elle a et s'esbahist fort, combien qu'il li a autreffoiz veu jouer le personnage, mes, pour enqueste qu'il puisse faire, il n'en avra ja aultre chouse. (Quinze joies mar. R., c.1390-1410, 50). ...ainsi, je suis seigneur. Il me fault faire la justice et, se je n'ay du sens, il m'en fault emprunter, c'est à dire que j'aye bon conseil. Et me fault faire l'exploict de la guerre en personne. Ainsi ce sont trois personnaiges qu'il me fault jouer. (BUEIL, II, 1461-1466, 14).

 

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Jouer du faux compagnon à qqn. "Fausser compagnie à qqn, l'abandonner" : ...a la mort t'ay habandonné Et laissé. Je t'ay joué du faulx compaignhon. (Pass. Auv., 1477, 181).

 

.

Jouer à qqn du jeu de la fausse compagnie. "Tromper qqn par de fausses apparences" : Plaisir mondain a joué a eulz du jeu de la fausse compaignie, il les a laissiez au besoing en purgatoire ou en enfer (GERS., Déf., 1400, 244).

 

.

Jouer son personnage. "Remplir son rôle, accomplir son office" : LE BOUREAU. (...) Je veulx jouer mon personnage. (...) Je ne scey jouer d'aut[r]e offices. Mon segnieur, feyson en justice. Alons le bouter au jubet. (Myst. st Sébast. M., c.1450-1500, 194).

 

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Jouer son jeu. "Tenir son rôle" : ...quand il vit ce, il se pensa qu'il estoit heure de jouer son jeu. Si fist maniere de vouloir mectre son chapperon (C.N.N., c.1456-1467, 238).

 

-

"Représenter (telle pièce)" : Demain verrés, cy plait a Dieu, En ce mesme et proppre lieu, Jouer de Dieu la Passïom, Ce nous avons temps et saisom. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 119). ...ledit supliant et autres estoient au carrefour Saint-Hilaire veoir jouer les jeux, et puis s'en allèrent hors ladite ville, pour estre à une repetition de certain jeu qu'ilz voulloient jouer de la Sainte Hostie, où ledit suppliant receut ung rolle pour estre du jeu. (Doc. Poitou G., t.12, 1476, 88). Et ce fut ce que nous monstrasmes Le dern[ier] jour que nous jouasmes, Joyeusement unys ensemble, Et commençasmes, ce me semble, Comment Anne, le chien felon, Traicta le doulx Jhesus selon Rudesse et inhumanité (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 756). LE MESSAGIER. (...) Moy, messagier, vers vous acourt Pour vous dire que sera pris Congié des seigneurs de hault pris, Des bourgeoises pareillement Et de ceulx qui, en ce pourpris, Assemblez se sont humblement Pour voir jouer devostement La vie monseigneur sainct Martin Dont, s'il vous plaist, l'achevement Viendrez voir demain au matin. (Cy finist la seconde journee de ce present mistere.) (LA VIGNE, S.M., 1496, 442). ...et ne demeura sur ledit parc que les personnages de la farce du Munyer cy devant escripte, laquelle fut si bien jouee que chascun s'en contentit entierement (Procès-verbal de la représentation. In : LA VIGNE, S.M., 1496, 120).

II. -

P. ext.

A. -

[D'une pers.] "Pratiquer, exercer (une technique, une activité)"

 

-

Jouer d'art/d'enchant/d'enchantement/d'enchanter/d'enchanterie/d'ingremance. "Pratiquer la divination" : A Robastre respont que ja n'y [entrera], (...) et comment il voua Que jamais en nul jour d'enchant ne jouera (Hern. Beaul. D.B., c.1350-1400, 29). "...De ces ars d'ingremance vous pourra bien jouer..." (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 367). ...Par ma foy, il scet bien, se croy, jouer d'enchanter. (Flor. Octav. L., t.1, c.1356, 262). PREMIER PRESTRE. Egar ! le feu s'en est volez Soudainement ; n'en y a goute. Il a joué, seigneurs, sanz doubte D'anchantement. (Mir. st Panth., 1364, 356). Homme n'est ou monde mortel Qui sceut jouer d'enchantement (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 133). Sus, sus, d'ambler soiez soigneux. Riens ne ty vault le sermonner, Se d'ingremance scez jouer, Monstre le nous tout maintenant. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 138). Mais on m'a dit qu'en ceste ville Y est maistre Jehan des Boillons, Qui joue d'art et si fort habille, Qui soit en nulles regions. Je vous pry que nous y aillons Savoir de nous qu'il vouldra dire, Ne quelle fortune nous aurons (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 131). Chartrier, gardes bien... Serre luy desoubz le grant tra... D'un fer pesant qu'il ne s'en fu[ie], Car il joue d'enchanterie. (Mart. st Pierre st Paul, fragm. Anholt R., c.1480-1500, 202). Tenez vous en la main garnie Qu'il ne s'enfuye aulcunement, Car il joue d'enchantement, Et luy et trestous ces semblables (Myst. st Laur. S.W., 1499, 211).

 

-

Jouer des bateaux. "Faire des tours de prestidigitation ou de magie" : Messire Olivier de Mauny, chambellan du Roy, pour don fait par lui à une bonne femme qui avoit joué des basteaulx devant ledit seigneur. (Comptes hôtel rois Fr. D.-A., 1381, 184). L'autre dit que sa femme lui avoit respondu qu'elle n'estoit venue ne yssue d'enchanteurs ne de sorciers, et qu'elle ne savoit jouer des basteaulx de nuyt, ne des balaiz, et pour mourir elle ne feroit ne consentiroit, ne jamaiz en l'ostel ne gerroit s'il estoit fait. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 86). ...comme, le jour de Penthecoste derrenierement passé, le dit Perrinet feust venu à Saint Ylaire sur l'Autise, en sa compaignie sa femme et enffans, un oure, un cheval et une chievre, et à trompes et tabours il eust assemblé le peuple après disner, pour le veoir jouer de son mestier et de ses dictes bestes, sans y penser ne faire nul mal, engin ne malice aucune, et en faisant son dit mestier et joant de ses bateaux. (Doc. Poitou G., t.7, 1408, 118).

 

-

Jouer d'une arme, ou d'un objet qui en tient lieu. "Se servir d'une arme..." : Ce fisent cil de Grenade et de Bellemarine, qui portoient ars et archigaies, dont il savoient bien jouer, et dont il fisent pluiseurs grans apertises de traire et de lancier. (FROISS., Chron. L., VII, c.1375-1400, 77). Adonc dist là uns Bretons qui trop bien savoit jeuer de l'arbalestre : "Volés vous que je vous rende tout mort ce portier et dou premier cop ?" (FROISS., Chron. R., IX, c.1375-1400, 142). "Baille moi ta daghe." - "Non ferai" dist li escuiers (...) Li rois regarde sus son vallet, et li dist : "Bailles li." Chils li bailla moult envis. Quant Tieulliers le tint, il en commencha à juer et à tourner en sa main. (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 120). ...de toutes les armes que les Catheloings (...) scevent faire, celles de jetter la darde me plaist le mieulx (...) et trop bien en scevent jouer. (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 264). Item, et se les ennemiz sont puissans et qu'ilz ayent batu la place en manière que on les voye prestz d'assaillir, est de neccessité à ceulx de dedans avoir feu, fer et pierres, de quoy ilz se aident et deffendent par grant force et vigueur, et aussi coulleuvrines, ribaudequins, serpentines et aultres engins gettans pierres et plombées, avecques bonnes grosses arbalestres bien garnies de ce qui est neccessaire, et gens convenables pour jouer desdis engins. (BUEIL, II, 1461-1466, 52). Puis, par vostre malle meschance, Avez dernierement joué Des goupillons, et fort hué Les femmes que a leurs benoistiers Achetroyent, traistres meurtriers. Comment ossés ainsi mesdire Des dames ? (S. fol, c.1480-1490, 8).

 

-

Jouer d'escremie. "Recourir à la violence" : PETIT BON. Que justice est bien a son ayse A estre en ce point endormye. Qui ne joue de l'arquemye On y a bien peu d'audïence. (Myst. jeune fille L., c.1413-1445 [c.1530], 44). Tens le col, filz de putain folle, Affin que je ne faille mye. (Il frappe.) Vela bien joué d'escharmye ! (Myst. st Laur. S.W., 1499, 283).

 

-

Jouer d'autre mestier. "Trouver une autre activité, une autre charge" : ...Je vous veul requerre Que ses gens que je oÿ ci nommer, Qui se font si mal renommer, Banis de ceste compaignie Sient et de fauconnerie. Envie d'oiseaux n'a mestier, Bien scet jouer d'autre mestier ! (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 183). Malferas, court ysnellement, Va tost et fait tout a loisir. Se nostre loy vouloit faillir, Jouer fauldroit d'autre mestier. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 65).

 

-

Jouer de mainmise à qqn. "Mettre la main sur quelqu'un, se saisir de sa personne" : MALCUS. Ma besoigne se porte bien Puis que mon oreille est remise. Mais nous vous jourrons de main mise. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 254). MALCUS. Ma besongne se porte bien Puis que mon oreille est remise ; Mais nous vous jourons de main mise. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 705).

 

-

Jouer de passe-passe. "Faire des tours d'adresse" : Et n'esse mie l'enchanteur Lequel juoit de passe passe ? Il a fait mainte bonne farse En Nazareth et Galilée. (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 149). À ung Lombart qui a joué de passe-passe devant le roy (Comptes roi René A., t.3, 1476, 44). JUGE. Vous jouerez de passe passe Si vous laissez le jour passer. (LA VIGNE, S.M., 1496, 522).

 

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Au fig. Jouer de passe passe à qqn. "Tromper qqn" : L'EMPEREUR. Esperez vous envers moy de mesprendre ? SAINCT MARTIN. Mon chier seigneur, nenny, sauf vostre grace. L'EMPEREUR. Bonne raison ad ce ne puis entendre : Me voulez vous jouer de passe passe ? SAINCT MARTIN. Nenny, vrayment, mais puisque j'ay espace, Je vous diray pour quoy je suis venu. (LA VIGNE, S.M., 1496, 244).

 

-

Jouer de tel contrepoint. "Utiliser tel procédé" : Sans plus actendre, il le fault acoustrer Et luy jouer d'un gaillart contrepoinct. (LA VIGNE, S.M., 1496, 480). Je veulx, par mon engin gaillart, Jouer d'un aultre contrepoinct. (LA VIGNE, S.M., 1496, 517).

 

-

Jouer des doigts. "Faire preuve de dextérité, de doigté (ici, pour gagner aux dés)" : Il est temps que joue des dois, Si je veulx la roube guaignher. (Pass. Auv., 1477, 203).

 

-

Jouer du bec. "Être habile en paroles" : ...au plus tost qu'il sceut trouver la meschine, Dieu scet s'il joa bien du bec ! (C.N.N., c.1456-1467, 121).

 

-

Jouer des talons. "Courir" : CUIDER (...). Est il bien Jouhen ! On le pleume la au vent d'eul ; Il en crie et maine deul Et si ne soit partir de la. Il y fault faire ung grant estormie ; [il sort en criant]. Bou ha ha ! VERDIER (...). Encore ne m'av'ous mye, Je scay bien jouer des tallons. (Pipée R., c.1470-1480, 204).

 

-

Jouer d'un défaut, un vice. "Mettre en pratique, pratiquer (un défaut...)" : LE ROY. (...) Conment jeues tu de tieulx faiz ? Est ce l'onneur que tu me faiz, Faulse mauvaise sodomite ? (Mir. roy Thierry, c.1374, 265). Par tromper Chacun en est point, Chacun fait tout par tromperie. [Par faulceté, par piperie, Par jurer, mentir et quoy plus ?] TESTE. Par bien jouer de flaterie Chacun fait d'ung diable ung reclus (Sots triumph., c.1475, 47). Il fault jouer de placebo ["flatterie"] Et les payer du grant credo, Assez promettre et rien tenir. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 84).

B. -

"Agir" : ...si ne pouoit il jouer au gré du monde ou du peuple, qui est en la greigneur partie tout bestial et maucongnoissant (Bouciquaut L., 1406-1409, 344). LE CRESTIEN. Je mettray En ung creux baston tout son or. LA FEMME. Voulez vous perdre ce tresor ? Croyez moi, vous n'en ferés rien. LE CRESTIEN. Ne te chaille, je jourray bien : En ce creux baston le mettray Et tres proprement l'enclorray. (...) Le feray tenir Au juif. Lors pourray maintenir Et jurer tout certainement Que [je] luy ay entierement Son or rendu. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 125). LA FEMME. Se vous pouez le cas parfaire, Vous jourrez mieulx que maistre Mouche. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 127).

 

-

Jouer sous chape. "Procéder secrètement" : L'ONCLE. (...) Et gardez cy ceste prison Que par la vostre mesprison Elle n'eschappe. PREMIER CHEVALIER. Il sara bien jouer soubz chappe, Sire, qui la nous ostera (Mir. marq. Gaudine, 1350, 140). PREMIER DYABLE. (...) Touz jours nous jeue Dieu soubz chappe, Qui nous fait si d'un a un b Que touz jours nous sommes gabé Et perdons tout. (Mir. Pierre Changeur, c.1378, 249).

 

-

Se jouer. "Exercer son activité" : Je vous deffens a tous ensemble [aux cinq sens personnifiés] La male escole d'Iniquité, Car il y pert qui s'i assemble Temps, sens, purté, los, verité. N'est pas esbat la si embatre Qui durement ne se veult batre. (...) Jouez vous, mais sans male emprise ; Se vo leçon est bien aprise, Le chancelier vous maistrisera, C'est Dieu qui vous glorifiera (Coeur sens M., a.1433, 77).

 

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Jouer à qqn que... "Agir sur qqn dans le sens que..." : ...et bien luy jogoient ses esperis, selon aucuns apparans qu'il vey ung jour, qu'il estoit en peril de sa vie (FROISS., Chron.[Livre IV] V., c.1400, 713).

 

-

[D'une chose (un document officiel)] "Être en fonctionnement ; d'où être valable" : J'ay sauf conduist jusque demain juiant (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 430).

C. -

Jouer de. "Avoir recours (à qqn/à un animal/à qqc.)"

 

1.

Jouer de qqn. "Utiliser qqn" : "Entre vous, bourdeur et langageur et vendeur de bourdes et de langages ou palais à Paris et en la cambre de Monsigneur, mettés le roiaulme à vostre vollenté et jeués dou roi à vostre entente." (FROISS., Chron. R., IX, c.1375-1400, 129).

 

2.

Jouer d'un animal. "Se servir d'un animal pour faire un spectacle" : Un ménestrel qui joua d'un chien et d'un singe devant le Roy qui aloit aus champs ce jour, 1 escu (Comptes argent. rois Fr. D.-A., I, 1359-1360, 265).

 

3.

Jouer de qqc. "Avoir recours à qqc. (de concret ou d'abstr.)" : Si nous fault avoir avis sur che et jeuer de l'enbusque, par quoi il soient atrapé et la ville prise. (FROISS., Chron. D., p.1400, 654). "Alés, trahitres, alés, respondi li rois de France. Par monsigneur saint Denis, vous sarés bien preecier ou jewer d'enfaumenterie ["de magie"], se vous m'escapés." (FROISS., Chron. L., IV, c.1375-1400, 178). ...quant li senescaulx de Hainnau, li sires de Haverech et li autre les veïrent venir et une grosse route, et tous bien montés, il jeuèrent de le retraite. (FROISS., Chron. R., IX, c.1375-1400, 250). Mais si très tost comme ilz ont laissié et fait voler deux ou trois dardes et donné un cop d'espée, et ilz veent que leurs ennemis ne se desconfissent point, ilz se doubtent (...) et se sauvent (...) Encores jouerent-ilz là de ce tour et de ce mestier. (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 164).

D. -

Empl. abs. "Donner du jeu, du lâche (?)" : AFFRICQUEE. Sus, jouez ! JOUHAN. Ainsi ? AFFRICQUEE. A la mort ! Vous me serrez trop... (P. Jouh. D.R., a.1488, 20).

 

Rem. R. Bossuat (R. belge Philol. Hist. 39, 1961, 88) comprend ce passage différemment : "jouez n'est-il pas une invitation à agir comme celle d'un joueur à son partenaire : jouez, c'est votre tour, allez-y !".

III. -

Au fig.

A. -

[Avec une idée d'insouciance, de légèreté, comme s'il s'agissait d'un jeu]

 

-

Se jouer de qqc. "Risquer qqc., mettre qqc. en jeu" : Sy ne cuidiez pas que nul prince sage se jouast de sa vie et de son honneur ainsi par fiction et par personnage forgié, et mesmes quant le vouldroit et cuideroit faire (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 274).

 

-

S'y jouer. "S'y risquer" : Les chiens si mordent en riant, Il ne s'i fait point bon jouer. (Est., p.1460, 23). A, vous y allez ! Vous y jouez vous, Jaune Bec ? Vous y serés poié tout sec, En fin vous y lairrés les plumes. (Pipée R., c.1470-1480, 193).

 

-

Se jouer à + inf. "S'amuser à" : LE JUGE. Or escoutons : Estoit il point vostre aloué ? PATHELIN. Voire, car, s'il c'estoit joué A le tenir sans alouer... LE JUGE. (Path. D., c.1456-1469, 158). LE SAVETIER. [Ort] vieil villain, puant bigame, Vous jouez vous donc a nous bastre ? Et ung ! LA LAITIERE. Et deux ! LE SAVETIER. Et trois ! (Sav. serg. D.L., c.1480-1490, 34).

 

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Se jouer de + inf. "Faire qqc. sans se soucier des conséquences" : ...parlez à touz noz autres cappitaines ayant charge de par nous des gens de guerre de la grant ordonnance que semblablement ilz ne se jouent pas de donner aucuns congiez en quelque façon que ce soit (Lettres Ch. VIII, P., t.2, 1488, 78).

B. -

"Se moquer"

 

-

Jouer avec qqn. "Se servir de qqn comme d'un jouet ; se moquer de qqn" : ...quant il fut oudit pré, il dit audit Jehan Herveron : "Ton filz me voulut arseoir batre, maiz je le galloupperay bien." Lequel Jehan Herveron lui fit responce tout en riant que s'il s'en pouvoit passer, qu'il lui feroit ung grand plaisir, cuidant que ledit Fauconnier ne se fit que bourder ou jouer avecques lui. (Doc. Poitou G., t.12, 1476, 140).

 

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Jouer de qqn. "Se moquer de qqn" : "Zephir, bien vous poués de moy gaber, mais atant vous souffisse, car bien sçavés que ne vous puis grever. Et sçay bien que mestier ne m'est de moy a vous nommer, si vous prie que quant assés avrés de moy joué, qu'il vous souffisse..." (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 893). "Comment, déa ! vous avez joué de moy et du légat de nostre Saint-Père, qui est plus grand chose que moy ; et me venez requérir que j'escrive our vous !..." (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 20).

 

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Se jouer à/avec/de qqn. "S'amuser aux dépens de qqn, se moquer de qqn" : Tien, tu aras ceste colée. (...) Avecques vous me jeue et ruse. Ne hé rien tant, en tout le monde, Conme tiex gens : Diex vous confonde ! (Mir. Rob. Dyable, c.1375, 24). Englés suesfrent bien un temps mais en la fin il paient si crueusement que on s'i puet bien exempliier, ne on ne puet jeuer a euls. (FROISS., Chron. D., p.1400, 41). ...quand vous estes bien joué et farsé de moy, au mains avancez vous (C.N.N., c.1456-1467, 124).

 

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Se jouer de qqn au fol : Par layens chascun se jouoit de luy au fol (Messire Gilles de Chin L.-R., c.1400, 77).

 

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Se jouer de qqc. : Les grans seigneurs terriens de qui les biens de commancement viennent à l'Eglise n'en faisoient encore que rire et jouer ou temps que je escripsi et cronisay ces croniques. (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 227).

C. -

[Dans des loc. avec tour, jeu et autres mots ; idée de mauvaise farce, de mauvais coup infligé à qqn]

 

1.

[Avec tour]

 

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Jouer (d')un tour à qqn : ...De la pitié plouroient, molt amoyent leur seigneur Et juent tous ensemble pour morir a douleur, Ainsi n'en ira pas, maiz jou(e)ront d'aultre tour. Hastivement s'armerent (Lion Bourges K.P.F., c.1350, 509). ...de la force de ce coup fut le geant constraint de fleschir par terre d'un genoul. Et quant Holland vey que le chevalier lui avoit joué de ce tour, il lui dist... (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 114). ...nostre homme (...) se pensa, en passant par la chambre (...) qu'il jouera d'un tour. (C.N.N., c.1456-1467, 122). ...et a Dieu le commenda tout en basset, en plorant tendrement, pour le grand dueil qu'elle avoit du tresfaux tour qu'il luy avoit joué. (C.N.N., c.1456-1467, 180). ...creez que le tour qu'elles m'ont joé leur sera cher vendu. (C.N.N., c.1456-1467, 188). Ha, dit il en soy mesmes, je voy bien que c'est. On m'a joué d'un tour, et j'en bailleray ung aultre. (C.N.N., c.1456-1467, 250). Et quant il fut arrivé devers le Roy, il dist que monseigneur le connestable n'avoit osé passer par là ; et quant monseigneur fut venu devers le Roy, il sceut ce qu'il avoit dit de lui, et le tour qu'il luy avoit joué (GRUEL, Chron. Richemont L., c.1459-1466, 169). Ce n'est pas ycy le premier Des fins tours qu'il nous a joué, Mais se je ne suis enroué, S'il fait chose contre la loy, Oncques ne veistes tel desroy Comme il ara sur son logis. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 387).

 

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[De la Fortune] Jouer de son tour à qqn : Dieu vueille pencer d'elle, car elle est en grant peril. Fortune, la parverce, lui a bien joué de son tour, car, de son hault estat, l'a bientost mise au bas (Cleriadus Z., c.1440-1444, 295).

 

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[D'Amour] Jouer de ses faux tours : Maiz je di qu'il n'est si grant paine Comme d'amer chose mondaine, Car en amant fait forsener Le viel et fait le joenne errer. Je le di pour Deduit d'Amours, Qui joue adonc de ses faux tours. (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 309).

 

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Jouer un tour de finesse à qqn. "Prendre qqn par ruse" : PROSERPINE. (...) Grosses truandes, desriglees abbesses, Putains nonnains, ypocrites loudieres, Pour leur jouer ung beau tour de finesse, Je les mectray par dessoubz noz chauldieres. (LA VIGNE, S.M., 1496, 222).

 

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Jouer un tour de maistre. "Exécuter un tour en finesse" : Ce n'est riens qui ne puist estre, On voit de plus grans merveilles Que de baster aus corneilles Lez mariz et l'erbe pestre. Car de jouer tours de maistre Femmes sont lez nonpareilles (CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 377). NYVELET. C'est bien gargoullé. MALOSTRU. Mais me cuides tu faire paistre ? NYVELET. On a jouay ung tour de maistre. MALOSTRU. Nous a on telz brouetz brassez ? SOTIN. Or sont les coppieurs farcez. (Copp. lard., a.1488, 178).

 

-

Jouer d'un tour d'escremie à qqn : Mais fortune, qui tost deffait, Quant il li plaist, ce qu'elle a fait, Et qui onques ne tient couvent, Car sa couvenance est tout vent, Li joua d'un tour d'escremie, Douquel il ne se doubtoit mie. (MACH., P. Alex., p.1369, 23).

 

2.

[Avec jeu]

 

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Jouer de tel jeu à qqn. "Se comporter de telle manière envers qqn (essentiellement malveillante)" : ...quant v(e)oit que le lÿon [qui fait des ravages] de tel jeu ly jua, Il issit du palaiz, les degrés avalla (Lion Bourges K.P.F., c.1350,). Elle a le cuer trop fort espris De requerir la mére Dieu. Mais je li pance d'un tel jeu A jouer qui fort li nuira : Se je puis, son oncle gerra La nuit qui vient avecques elle (Mir. marq. Gaudine, 1350, 131). ...Quant v(e)oit que le lÿon de tel jeu ly jua, Il issit du palaiz, les degrés avalla, Car sa gent vet suyvant qui molt se destrava (Flor. Octav. L., t.2, c.1400, 447). LE DRAPPIER. Et cest advocat potatif A trois leçons et trois psëaulmes, Et tient il les gens pour Guillaumes ? Il est, par Dieu, aussi pendable Comme seroit ung blanc prenable. Il a mon drap ou jerni bieu ! Et m'a il joué de ce jeu... Haula ! ou estes vous fouÿe ? (Path. D., c.1456-1469, 120).

 

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[De la Fortune] Jouer de son jeu : Mais fortune, qui souvent joue de son jeu, leur mua bien leur joye en grant douleur. Pour ce, est il foul qui s'esjouit des biens de cest monde et qui s'i fie : ilz sont tantost venuz du hault au bas, comme vous orrez cy aprés. (Charles de Hongrie C., c.1495-1498, 147).

 

3.

[Avec d'autres mots]

 

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Jouer d'un autre accointement à qqn. "Surprendre qqn (ici un ennemi pendant qu'il fait la fête)" : ...Tant com cilz paiens sont venus si noblement Et qu'ilz s'entrefestient aux trefs joyeusement, Nous leur irons jouer d'ung aultre acointement (Flor. Octav. L., t.2, c.1400, 404).

 

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Jouer de son metier à qqn. "Jouer un tour de sa façon à qqn" : Et qui l'encontre [Meseür] au descoucher, Il se peut bien raler coucher, Car croy qu'il en aura mestier, Si lui jeue de son mestier. (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 86).

 

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Jouer de tel trait à qqn. "Tricher, jouer un mauvais tour" : ...[il] oy dire audit Guespin que une foiz mons. le connestable avoit esté en male grace et amour de nosseigneurs les ducs de Berry et de Bourgongne, et que se aucun d'eulz l'eussent peu lors tenir, qu'ilz li eussent fait amender ce qu'il leur avoit meffait, et que icellui mons. le connestable avoit joué à nosdiz seigneurs d'un faulz trait (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 517). Dangier m'a joué de ce trait, Mais se je puis avoir puissance, Je feray, maugré qu'il en ait, Encontre lui une aliance (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 41).

 

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Jouer des siennes. "Jouer des tours" : Voz mots poingnans combien qu'ilz sont agus Si lez peult on reprendre par poins mains ; Or tenés bien qu'il ne parviengne aux miennes, Car a son tort fauldroit jouer des siennes. (Lyon cor. U., 1467, 55). Le bon gallant, dont parler voeus, Qui avoit bien joué des siennes, Se confessa, quand il fut vieux (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 686).

 

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Jouer du blanc harnais. "Promettre sans rien donner" (Déf. donnée dans l'ex.) : Et se vous devez argent grans Soit a preudhomme ou marchans De blefz, d'avoines ou de draps Si leur jouez du blanc harnoys : C'est de courtoysement parler, De promettre sans riens donner. (Serm. st Fausset K., c.1480, 222).

 

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Jouer du cabas. "Escroquer, voler" : ...Il demeure encor a foison De dampnéz en nostre maison, Ou fons de nostre enffer la bas ; Mais il [Jésus] a joué du cabas Trop lourdement a une foiz, Car il emporte le droit choix Et la fleur de nostre heritaige. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 351). Il donne malediction Aux procureurs et advocas, Se pour faire une audicion Ne prendent cinq ou six ducas ; Mais ceulx qui juent du cabas, Ambassadeurs et commissaires Sont absous, s'ils comptent cha bas Despens qui ne sont ordinaires. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 744).

 

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Jouer du phebé

 

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"Se cacher, disparaître" : Il scet bien jouer du phebé Quant il est temps. (LA VIGNE, S.M., 1496, 435).

 

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"Tromper son monde, donner le change" : SATHAN. De ces jeunes garsons vollages On y trouve grans advantages, Qui bien scet jouer du phebé. (Myst. jeune fille L., c.1413-1445 [c.1530], 15).

 

Rem. Cf. G. Roques, R. Ling. rom. 48, 1984, 15-24.

 

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Jouer du renard à qqn. "Ruser avec qqn" : Dont ce seigneur de Mortemer, voiant que le chevalier en vouloit premiers a luy, s'escria : "Haa, sire, pour Dieu, deportez moy de la jouste, car certes je n'en veul pas avoir a vous". Dist le chevalier : "Par ma foy, vous arez le cop. Me cuidiés vous jouer du regnard ? Certes, vous n'estes pas assez rougë." (Jehan d'Avennes F., c.1465-1468, 98).

 

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Jouer du subtil à qqn. "Mystifier quelqu'un" : Il nous a ioue [l. ioué] du subtil Comme a lautre [l. l'autre] fois il fist (Myst. st Martin K., a.1500, 206).

 

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Jouer la fourbe à qqn. "Tromper, trahir qqn" : Et devez sçavoir que le moyne estoit souspectionné qu'il avoit joué la fourbe à monseigneur de Guienne et baillé la corme verte, et que icelluy moyne fut cause de le mettre hors de la terre des vivans. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 281).

D. -

DR. FÉOD. [D'un vassal] Se jouer de son fief. "Aliéner une partie de son fief en continuant à être réputé seul possesseur et en comprenant toujours cette partie de fief dans le dénombrement (en cas de vente, les droits dus au seigneur sont non seulement ceux de la partie vendue, mais aussi ceux de la partie aliénée, de même pour les autres cas comme le retrait et la saisie)" : Item ung vassal se peult jouer et desjouer de son fief jusques à démission sans ce que le seigneur luy en puisse demander proffit. (Cout. Chât. O.-M., c.1480-1500, 423).
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Pierre Cromer

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