C.N.R.S.
 
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     JEUNESSE     
FEW V juvenis
JEUNESSE, subst. fém.
[T-L : jonece ; GD : joenesse ; GDC : jeunece ; DEAF, J673 jonece ; AND : joefnesce ; FEW V, 94a : juvenis ; TLF : X, 710a : jeunesse]

I. -

[Comme subst. d'état ou de qualité]

A. -

"Fait d'être jeune, état de celui qui est jeune" : ...Si comme Tulle le determine Ou livre qu'il fist de Viellesse Qu'il loë trop plus que jennesse. (Renart contref. R.L., t.2, 1328-1342, 20). Biau filz, acole moy et baise, Oncques sanz toy je ne fu aise, Grant joie pren en ta jonesce (Mir. Barl. Josaph., c.1363, 279). ...attendues les petites valeurs d'une chascune des parties de larrecins par li faites cy-dessus escriptes, et par elle cogneus et confessés, la jeunesse d'icelle, (...) que il n'y avoit pas cause pour quoy elle deust souffrir mort (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 200). Item (...) fut Ogier l'enffant (...) en l'eaige de V ans imparfaiz a l'escolle de grameire et logicque, sy aprendoit miraculeusement solonc sa josnesse. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 16). Nostre jeunesse Dieu a prinse De mainmise Sur nous, mon bon frere Symon ; En nous il a sa grace assise, Dont aprinse Avons la vie de renom. (Pass. Auv., 1477, 119). Et ce se fait pour debouter l'entendement charnel, c'est assavoir qu'on ne cuide ce que le Pere pour l'anchienneté de lui ne soit reputé impotent, le Filz a cause de sa jonesse ne soit reputé moins sage et le Saint Esperit a cause de sa soudaineté soit tenu estre cruel. (Somme abr., c.1477-1481, 159). C'est le baston de ma grande viellesse, C'est mon adresse, celuy seul qui redresse Par sa jeunesse tous mes griefz douloureux. (LA VIGNE, S.M., 1496, 141). La traïson conspira qui n'a point eu de pouvoir, et la jeunesse des traistes qui n'ont peu penser fors à fouyr, a descouvert les lasches courages de leurs folles entreprinses. (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 354).

 

-

De jeunesse. "En étant jeune" : ...car qui n'apprendra son mestier de jeunesce, c'est fort qu'il en soit ja ouvrier. (ARRAS, c.1392-1393, 156).

 

-

P. personnif. : Je feray tant qu'elle l'oubliera [son ami]. Car li cuers ja tant chose n'amera Qu'il ne l'oublie Par eslongier. Certes, je ne di mie Qu'une piece n'en ait peinne et hachie ; Mais Juenesse qui tant est gaie et lie Ne soufferroit Pour nulle riens qu'entroubliez ne soit. Car Juenesse, sire, comment qu'il voit, Met en oubli moult tost ce que ne voit. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 120). Or vëons a une autre chose Qui contre le premier s'oppose : Uns enfes de petit aage Qui a le cuer gay et volage, Si comme de .X. ans ou douse, Que Juenesse en son cuer arrouse, En ouevre de getter s'enfanse, Et on n'i met point de deffense, Eins conjoit en tout son affaire, En quanqu'il fait et qu'il vuet faire, A quoy il se puet adrecier Pour une bonne oeuvre drecier. (MACH., D. Aler., a.1349, 241). Joneche, qui est pourveüs Tous jours que de faire et de dire Coses pour solachier et rire, Mist la parolles en avant (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 208).

 

Rem. ACART, Prise am. H., 1332, 4 ; HENRI FERR., Modus et Ratio, Songe pest. T., c.1354-1377, 45 (Joaneche) ; 47 (Jenneche) ; 97 (Janeche) ; 100 (Joeneche) ; BOUVET, Appar. Meun A., 1398, 59 ; CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 150 ; CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 344 ; 544...

B. -

P. méton.

 

1.

"Période de la vie où l'on est jeune, période située entre l'enfance et la maturité" : Mais il failloit que j'aprenisse, Car qui n'aprent en sa juenesse, Il s'en repent en sa vieillesse, S'il est tels qu'il le sache entendre : Car trop noble chose est d'aprendre. (MACH., R. Fort., c.1341, 151). Desormais dirai de mon estre, Comment en juenesse jouay Et quele enfance desnouay. (MACH., D. Aler., a.1349, 243). Si ne say, s'il prent la vengence De ce qu'as meffait en t'enfance ; Car s'il le fait, il m'est avis, Et que moult te dois aviser De toudis penser et viser A mettre jus tout villain vice Et a faire son dous service ; Qu'a s'amour te duit et adresse, S'il te punist en ta jonesse, Einsi comme il fist Manassès Qu'en prison ot maint dur assès. (MACH., C. ami, 1357, 73). D'yaus deuz issy Huon Capez (...), Qui fu en se jonesse de fortune jus mis, Car il fu en enfanche desguisez et hastis (Hugues Capet L., c.1358, 3). Tout ensement, en sa juenesse Le norrist Hébé la deesse, Et si tres bien l'endoctrina, Que toute bonne doctrine a. (MACH., P. Alex., p.1369, 10). ...car quant une personne en son enfance, en joenesce, se acoustume a aucunes operacions, se il les maintient, gueres a grant painne les puet aprés delaissier. (ORESME, E.A.C., c.1370, 148). Après, sire, quant il advint Qu'en l'aage de vint ans vint, Conment usa il sa jonnesse ? (Mir. Pierre Changeur, c.1378, 245). Trop est de diversse matere Quant sy faitement vous refuse. Sa jonesse povrement use, Car il ne tient de luy nul conte. Plus tendra terre que un conte S'il vit a age. (Vie st Fiacre B.C.P., c.1380-1400, 19). Car jolitée et noblesce Fuist en son coer parfitement Tres le primer comencement De sa vie et de sa jeofnesse. (HÉRAUT CHANDOS, Vie Prince Noir T., c.1385, 51). ...[elle] congneut et confessa estre née de la ville de Beaune en Gastinoiz, et que d'icelle ville elle se parti en sa junesce, passez sont XLIIIJ ans, avec un compaignon qui le mena tout le temps de son aage (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 328). ...elle recordant des paroles et bons enseignemens que sa feue mere li avoit dittes et enseignées en sa jeunesce, dist à ceulx qui la venoient prier et requerre que elle garrisist ladite Agnesot, que au plaisir de Dieu, et bien brief, elle le garriroit. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 328). ...vostre pere ot nom Hervy de Leon, lyquelz fu en sa jeunesse moult de chaude colle. (ARRAS, c.1392-1393, 48). ...en fleur de sa jeunece yere. (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 113). Et car de nostre temps les pluseurs sont habendonnez a tous pechiez dé leur junesse, et a tous vices et a toutes vilaines ordures plus que bestes (GERS., Trin., 1402, 154). Duquel il tint fermement qu'il fust leans, pour ce que, dès sa jonesse, avoit oÿ parler et deviser des choses dessusdictes, et en pluiseurs manieres. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 115). Je cogneuz au temps de ma verte et plus vertueuse jeunesse deux gentilz hommes (C.N.N., c.1456-1467, 362). Hé, mon bon filz [Jésus] (...) Juïfz Vous ont la mis Tresrigoreusement, combien Que jamaiz ne fites que bien Pour l'omme anxien. Je pers le mien En sa jeunesse virtüeuse. (Pass. Auv., 1477, 244). Cestuy eut Thenos, le bon philosophe, qui lui monstra dès sa jeunesse la science des estoilles. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 27 r°). Cestui maistre Jehan Marende prenostica sur la nativité du roy Loys, que Dieu absoilhe, qui fut né à Bourges jusques à son aage de XXX ans, mesmement des faiz de sa jeunesse et des rebellions contre son pere et comme finablement son gouvernement seroit esmerveillable aux hommes. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 153 r°).

 

-

Age / temps de (ma /sa...) jeunesse : Ceulx qui en aage de joenesce ont esté les ventres moistes [commutent] mieulx que ceulx qui les ont durs ; en vieillesse, ilz commutent pis, car comme le plus ilz ont les ventres secz en vieillesse. (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 65). Et quant à la dicte somme disoit que l'obligation dont partie se ventoit avoit esté faicte ou temps de son enfance ou juenesce (BAYE, I, 1400-1410, 187). Et je, Charles, duc d'Orlians, rimer Voulu ces vers ou temps de ma jeunesse (CH. D'ORLÉANS, Compl. C., 1433-p.1451, 261). Je plains le temps de ma jeunesse, Ouquel j'ay plus qu'autre gallé (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 34). ...des le temps de ta premiere jonnesse (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 44). Faictes la mort sur luy courir Au milleur temps de sa jeunesse. (Cene dieux, c.1492, 112).

 

-

De jeunesse. "Depuis la jeunesse" : Mais ce qu'en cé tieng de jonnesce, Car ma mére en estoit maistresce Et grant ouvriére. (Mir. Berthe, c.1373, 197). ...la dame (...) Qui oncques me fit plus de bien Et me nourry de ma jeunesse... (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 149). Ce bon curé avoit ung chien qu'il avoit nourry de jeunesse et gardé (C.N.N., c.1456-1467, 539). Le bon seigneur (...) cognoissoit de sa jeunesse le marchant dont la fillette luy parloit (C.N.N., c.1456-1467, 571).

 

-

Prov. : Ce que on aprent en jonesse Fort est lessier en sa viellesse. (Best. lap. Rosarius S., c.1330, 132). Tousjours fault il passer jonesse. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 827).

 

2.

"Qualités (positives ou négatives) attachées au fait d'être jeune" : Pour ce l'ay dit que, quant j'estoie De l'estat qu'innocence avoie, Que juenesse me gouvernoit Et en oiseuse me tenoit, Mes ouevres estoient volages : Varians estoit mes corages (MACH., R. Fort., c.1341, 3). Et quant Amours m'ot a ce mis Que pris fui et loiaus amis, Elle congnut bien ma juenesse, Mon innocence, ma simplesse. Et pour ce qu'estoie en enfance, Me prist elle en sa gouvernance ; Si me moustra la droite voie, Comment ma dame amer devoie (MACH., R. Fort., c.1341, 6). En la tourbe avoit une fame Dont le nom ne say ne la fame, Qui un juene enfançon portoit, Et au porter se deportoit, Qu'aler ne parler ne savoit Pour la juenesse qu'il avoit. Daniel ot nom l'enfançon, Si com tesmongne la leçon. (MACH., C. ami, 1357, 11). Signeur, nous sommez X. enfans Qui allons par jonesse no corps aventurant (Hugues Capet L., c.1358, 102). Quant il heurent dit leur plaisir, Longuement et à bon loisir, Li soudans pas ne respondi, Car juenesse li deffendi, Et innocence li deffent, Pour ce que c'estoit un enfant, Qui n'avoit pas XV. ans passez. (MACH., P. Alex., p.1369, 116). Pour ce toudis ai je mes maux teüz En esperant de mercy la leesse, Tant qu'en la fin ay les biens receüz, C'est assavoir la fleur de tel noblesse C'on ne puet miex, biauté, bonté, jonesse. S'en lo Amours et raison m'i amaine, Car nulz ne doit avoir honeur sanz paine. (MACH., App., 1377, 652). Et s'il est qui m'en desprise, On verra qu'en toute guise De mal engien N'i a rien, Et qu'à ce mené M'ont juenesse, mignotise, Debonnaireté, cointise Et son maintien Que je tien Douce, humble et secré. (MACH., Lays, 1377, 384). ...vostre pere ot nom Hervy de Leon, lyquelz fu en sa jeunesse moult de chaude colle. Et sachiez que il ne doubtoit ne cremoit chose que nulz homs esprins et plain de feu de jeunesse et de hardement deust doubter ne cremir en regardant honneur. (ARRAS, c.1392-1393, 48). ...jonesse ne les laissoit penser fors a tous deduits (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 394). Quelque semblant que la maistresse long temps a son clerc eust monstré (...) si luy avoit jeunesse et crainte les yeulx si bandez que en rien il ne s'appercevoit du bien qu'on luy vouloit. (C.N.N., c.1456-1467, 151). ...vous cognoissez ma simplesse, jeunesse et innocence (C.N.N., c.1456-1467, 565). Car jeunesse me faisoit faire Mains abuz en mon mestier. Voulent augmenter mon repayre, Prendre ay cuidé l'autruy denier. (Pass. Auv., 1477, 119).

 

-

"Vigueur virile" : ...le dit chevalier qui n'estoit ne n'est pas en aucun lien de mariage, par esbatement et comme meu de jonesse, demanda à aucuns de ses diz serviteurs se ilz savoient aucune fillette, la quelle il peust bonnement aler veoir, et que nature le contraignoit à ce. (Doc. Poitou G., t.5, 1388, 357).

 

-

"Ardeur combative" : ...ledit suppliant, meu de jeunesse, lui respondi que ledit de Fontaines seroit batu. (Chancell. Henri VI, L., t.1, 1426, 366).

 

-

[À propos de chiens] : ...quant les chiens sont en une requeste et il a jennez chiens, que il se tranportent pour leur radeur et pour leur jennesce et courent tous jours devant eulz san riens asentir... (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 70).

 

3.

Au plur. "Comportement (frivole, inconsidéré...) de celui qui est jeune" : ...que des ores en avant elle se gardast de toutes legieretez de rire, de tous jeux et de toutes jeunesces de pucelles (FRÈRE ROBERT, Chastel perill. B., c.1368, 436). ...car il leur sambloit avoir plus de libeertez a faire leurs desordonnees joysnesses avecques le filz de Tarquin que ores n'avoient. (LA SALE, Sale D., 1451, 115). La seconde chose qui faict à noter est l'imprudence des peres, lesquelz trop follement se consentent aux jeunesses et insolances de leurs enffans (MILET, Épître épilogative, éd. M.-R. Jung, 1452. In : Trav. Ling. Litt. 16-1, 1978, 254). Doncques couuient il (,) que doesennauant tu ne faces nulles jeunesses ne legieretez, et que tu te abstiengnes de tous poins des festes et des esbattemens du monde. (MIÉLOT, Mir. N.D. W., 1456, 16). ...tous sonnoient et tendoient a une fin et a une conclusion : c'estoit que l'heritier de France, le daulphin, se reduisist et venist vers son pere (...), et qu'en ce faisant, le roy luy presentoit son amour et sa grace, et oubliance de toutes jennesses et faultes passees (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 90). Les jones n'ont point le sens meur ne rassis et ayment jeunesses et en elles s'aherdent et habandonnent. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 147).

 

Rem. Doc. 1396 ds C. Gauvard, Crime, Etat et société, 360, n.38.

 

4.

Jeunesse d'enfant. "Jeune enfant" : C'estoit la plus belle jeunesse D'enffant qu'on peust regarder d'eul. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 128).

II. -

[Comme subst. collectif] "Ensemble des personnes jeunes, les jeunes" : Moult souvent a jennesce on voit Mars estre favorable et bons. (ROBINET, Compl. François H., p.1420, 137). Mais, aprés que folle jeunesse s'est levee et [a] contempné et mesprisié ces anchiens peres, tout est fondu, tout est consommé, tout est perdu. (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 164). Tant tu porteras de dommaige Et d'exil sur l'humain lignage, En faisant mourir avant aage Jeunesse, qui en plaisir nage... (Cene dieux, c.1492, 124).

 

-

[Sorte d'abstraction personnifiée (ex. qui pourraient à ce titre être mis aussi sous I)] : Car juenesse pleure et se rit Tout d'une cause et en un point. Pour ce couvient baillier a point A juenesse sa norriture De douce amoureuse peuture. Or feroit il bon savoir l'eure Que juenesse rit et se pleure ; Amant le puelent bien prouver. (MACH., D. Aler., a.1349, 252). Je scé bien qu'autrement alast Se jonesce se gouvernast Par raison, aussi qu'age fait [ici] (Mir. ste Bauth., c.1376, 82). Jeunesse viellesse desprise (Myst. Viel test. R., t.4, c.1450, 335). [Prov. H., 141 [J16]] Jamais jeunesse n'est bien seure ; Maintenant rit, maintenant pleure, Maintenant jure, Puis se repent d'avoir juré. (Pass. Auv., 1477, 117). Il n'est costurier ne barbier Ne fermier (...) Ne bouchier, Ne autre mestarail sa bas, Voyre en tous autres estas, En ung tas, Qui sceussent jeunesse regir, Si elle veult faire pas a pas Grans amas De biens mondains pour s'enrechir. (Pass. Auv., 1477, 119).

V. aussi jovenesse
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Robert Martin

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