A. -

[En situation "forclusive" (phrase interr., subordonnée hypothétique, dans le champ d'un élément nég., en phrase comparative d'inégalité ...)] "À un moment quelconque, un jour" : Je ne di mie que Nature De po de chose n'ait assez ; Mais se li mondes entassez Estoit dou ciel jusqu'a la terre De quanque cuers porroit requerre, Dire et ymaginer d'avoir, N'en y porroit il tant avoir Qu'il peüst jamais, a droit dire, A un cuer couvoiteus souffire (MACH., R. Fort., c.1341, 101). Ma dame, se jamais voulez Veoir vostre fille, venez A la recluse. (Mir. st J. Cris., c.1344, 304). Vous ne savez ou vous yrez Ne se jamais revenrez cy (Mir. mère pape, c.1355, 373). "...je chevaucerai quelque part avoech mes gens, pour savoir se je trouveroie jamais nulle aventure." (FROISS., Chron. L., VII, c.1375-1400, 198). Et dist adonc et jura que il seroit si grandement amendé, enchois que jamais rentrast en Gaind ne que la ville euist pais à lui, que toutes autres gens i prenderoient example. (FROISS., Chron. R., IX, c.1375-1400, 178). Il chevaucheroient au matin avoecques les fourageurs de l'ost, assavoir se il trouveroient jamais cose qui bonne leur fust, car il desiroient à faire fait d'armes. (FROISS., Chron. R., IX, c.1375-1400, 248). Et estoit li intencions des Englès que, anchois que jamais il rentraissent en Engletère, il destruiroient toute Escoce. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 265). ...ilz lui firent XXII. ou XXIII. playes en sa personne (...), par quoy lui qui estoit deliberé estre homme d'eglise est inhabille à jamais l'estre. (Doc. Poitou G., t.8, 1431-1447, 236). Je ne m'en fays pas fort, dist le musnier ; mais j'ose bien dire, s'il est possible de jamais le trouver, que j'en apprendray la maniere. [On recherche un diamant qui vient d'être perdu dans une chambre] (C.N.N., c.1456-1467, 45). ...elle fut haultement merciée (...) de celuy qui, après ces nouvelles bonnes, laissa sa dame le plus joyeux que jamais il avoit. (C.N.N., c.1456-1467, 49). M'amye, je ne vous puis celer ma folie, dont beaucop il me poise que jamais l'entreprins (C.N.N., c.1456-1467, 77). ...s'il vous plaist ceans laisser cest enfant, je vous promectz, par ma foy (...) je vous donneray le premier que j'aray jamais. (C.N.N., c.1456-1467, 149). ...qu'il vous plaise me donner congié ainçois faire ung pelerinage a Saint Nicolas de Warengeville, lequel j'ay voué et promis avant que jamais je change l'estat ou je suis. (C.N.N., c.1456-1467, 170). ...en ce point viendray je vers vous ; si n'y faillez point si jamais vous voulez parler a moy. (C.N.N., c.1456-1467, 193). ...le marchant alla a l'ostel du pere et de la mere de sa femme et leur dist que si jamais ilz vouloient veoir leur fille en vie qu'ilz venissent hastivement en son logiz. [La femme vient d'être surprise en flagrant délit d'adultère] (C.N.N., c.1456-1467, 380). La pouvre gouge, plus esbahie que jamais, n'osa plus demourer après ces horribles parolles (C.N.N., c.1456-1467, 420). L'eure et le jour quasi mauldis, Hellas, que jamais je fus né, De voir mes membres interdis, Putreffaitz, pourris, reffroidis (LA VIGNE, S.M., 1496, 463).

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[Avec sans]

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Sans jamais + inf. : ...et volons que le dit convent en joïsse et possesse sans jamays y contredire (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, 1398, 735). ...l'un fera place a l'autre, et bons amys comme devant, sans plus jamais parler de tuer et de batre. (C.N.N., c.1456-1467, 240).

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Sans que + subj. +jamais : ...se passa maintesfoiz depuis ladicte posterne, sans que l'embusche fust jamais descouverte a celuy a quy plus touchoit. (C.N.N., c.1456-1467, 30). Si vesquirent depuis assez longtemps monseigneur et madame paisiblement ensemble, sans qu'elle sceust jamais qu'elle eust eu afaire au chevalier estrange. (C.N.N., c.1456-1467, 78).

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Si jamais. "Dans l'hypothèse improbable où" : C'est a vous male mescheance, Se jamais y mettez les mains (Mir. enf. diable, c.1339, 45). Vous savez, et est cler, Chascuns le voit, Que, se jamais il ne me souvenoit De ma dame qui me tient si destroit, Que ma doleur oubliée seroit. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 95). Mais se jamais j'y croy, je vueil que mon corps viengne a male fin. (BAGNYON, Hist. Charlem. K., c.1465-1470, 105). Se jamais jour, au descouvert, Je vous puys en ung meffait prandre... (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 911).

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[Rare, même sens dans l'interr. indir.] : "Signeur, tout quoi et ne faites nul effroy. J'ay oy gens : tantost sarons qui ce sont, qui ceminent à ceste heure. Je ne sçai se ce seroient jamais vitaillier, qui venissent rafreschir ce chastiel de vivres, car il n'en est mies bien pourveus." (FROISS., Chron. L., VII, c.1375-1400, 80).

B. -

Ne ... jamais / jamais ... ne. "Ne ... à aucun moment" : ...jamais je ne cesseray De loer vous et gracier (...) A genouz et a jointes mains. (Mir. abbeesse, 1340, 90). Jamais ne voloient avoir pour leur signeur le conte Loeïs, et dissoient que jamais ne le poroient amer, pour les grans damages que il avoient receus par lui. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 73). ...li François voloient ravoir Ghines et Calais et toutes les forteresses que li Englès tenoient à ce jour, dechà la mer jusques à la rivière de Garone (...) laquelle cose li Englès n'eussent jamais fait. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 154). ...il pria et requist par plusieurs fois icelle Marguerite, qui estoit et est belle fille, de l'aage de XXIIIJ ans ou environ, que elle voulsist estre s'amie, et il i promettoit que jamès à bien qu'il eust elle ne faudroit. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 205). Laquelle Marion li promist lors et jura, comme dit dessus, que jamais à nul jour du monde, ne à personne, quel que elle seust, ne le accuseroit. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 355). ...[elle] leur promist par force, pour ce que ilz la menaçoient de tuer et de jetter en l'eaue des fossez et batre se ainsi ne le faisoit, que jamais riens ne leur en demanderoit. (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 514). ...sans l'acort et consentement de euls, il n'en euist jamés riens fait. (FROISS., Chron. D., p.1400, 222). Et disoient que (...) li contes de Montfort ne li porteroit jamés contraire. (FROISS., Chron. D., p.1400, 503). Bien savoient que par trettié jamés ne le raveroient (FROISS., Chron. D., p.1400, 570). ...il s'en est tant bien acquitté que jamais ne luy sarions desservir. (C.N.N., c.1456-1467, 42). Or le laissez venir, dist le mary ; il ne fist jamais si folle entreprise (C.N.N., c.1456-1467, 49). Or, jurez donc que jamais en eglise, quelle qu'elle soit, n'entrerez, jurez, villain ! (C.N.N., c.1456-1467, 59). ...si tresfort dormoit que, pour le porter du chariot en sa maison et sur son lit le gecter, jamais ne s'esveilla ! Et la fut il ensevely entre deux linceux sans s'esveiller bien de deux jours après. [D'un ivrogne] (C.N.N., c.1456-1467, 64). Le Dieu d'amours, qui n'est jamais oiseux, luy mist en bouche (...) la tresgrand loyaulté d'un marchant son voisin (C.N.N., c.1456-1467, 146). C'est si grant peché que de le non point paier que je ne suis jamais aise quand je ne luy doy rien. (C.N.N., c.1456-1467, 218). ...je le mettray ou feray mettre en tel point qu'il ne courroussera jamais ne moy ne aultre. (C.N.N., c.1456-1467, 232).

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[Valeur intensive] "À aucun moment, pour rien au monde" : Et car elle ne savoit ou le sauver, pour ce que ou grenier ne l'eust jamais envoyé, elle le fist bouter en la ruelle du lit [Surprise par le retour de son mari, une femme, qui a déjà caché un premier amant au grenier, cherche à cacher le second] (C.N.N., c.1456-1467, 243). ...au fort, il ne m'en chault pas tant qu'on pourroit bien dire ; je n'en quier jamais faire noise [Le mari se montre désabusé] (C.N.N., c.1456-1467, 245).

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[Avec non (quand le verbe qui suit est à l'inf.)] : ...et par aventure demoura impotente de non jamais concepvoir ou de non porter fruit entier. (MÉZIÈRES, Vertu sacr. mar. W., c.1384-1389, 249). ...d'un qui l'eglise avoit robée, auquel il fist jurer de non jamais plus entrer en l'eglise. (C.N.N., c.1456-1467, 2). Il ne peut obtenir ung tout seul mot, et encores mains de semblant qu'[elle] luy baille quelque pou d'espoir de jamais non pervenir a ses attainctes (C.N.N., c.1456-1467, 116).

C. -

[Valeur pleinement nég. (sans l'appui de ne)]

1.

"À aucun moment" : ...après ung certain voyaige par lui fait, [il] fist veu de jamais faire le signe de la croix (C.N.N., c.1456-1467, 15). ...proposé et promis luy avoie en mon cueur, non pas de jamais moy marier, mais de le non faire encore, ne encore (C.N.N., c.1456-1467, 170). ...[je] suis ad ce resolu, de jamais coucher avec elle si [que] luy auray monstré et a vous aussi qui je suis (C.N.N., c.1456-1467, 334). La voulenté de Dieu est distinguee en deux. L'une qui se dist le bon plaisir, et encores ceste est de deux manieres. L'une qui se dist precedente, laquelle aucune fois ne est complete ne acomplie. L'aultre qui s'apelle consequente ou ensieuvante, laquelle jamais demeure incomplete ou imparfaicte. (Somme abr., c.1477-1481, 172).

-

(Il) est temps ou jamais : Maintenant est temps ou jamés Qu'on luy baillie quelque doctrine. (Myst. st Sébast. M., c.1450-1500, 17).

2.

Loc.

a)

À jamais : Seigneurs, dist Melusigne, je vous ay cy assemblez pour avoir vostre conseil comment ceste forteresce cy sera appellee, comment il soit memoire a jamais comment elle a esté fondee merveilleusement et aventureusement (ARRAS, c.1392-1393, 46). ...elle dist que a tousjours et a jamais, tant que le siecle durroit, s'apparroit trois jours devant que ceste forteresce devroit muer seigneur, ou que l'un des hoirs devroit mourir (ARRAS, c.1392-1393, 289). Ma volenté, mes diz, mes fais Sont telz et seront a jamais (CHART., R. Bal., c.1410-1425, 385). ...et promectrez que desmaintenant jusques à jamais n'obéirez à nul autre comme roy de France. (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.4, c.1425-1440, 4). Il te fera en enffer trabucher, Ou a jamais auras peinne et tourmant. (Pouvre peuple H., c.1450-1492, 207). Par la mort bieu, beau pere, vous ne saulterez a jamais d'icy sinon les piez devant, se vous ne confessez verité. (C.N.N., c.1456-1467, 220). ...et avoient peur que le roy les en haïst à jamais (COMM., III, 1495-1498, 159). En Enfer en serés renté A jamais en grant pulentise. (Myst. st Laur. S.W., 1499, 276).

b)

[Après un superl.] De jamais : ...il luy vint faire la plus grande chiere de jamais (Comte Artois S., c.1453-1467, 60). ...je y voys voluntiers, car c'est le plus plaisant homme de jamais. (C.N.N., c.1456-1467, 270). Il a le plus grand tort de jamais. Il me veult tout le mal du monde (C.N.N., c.1456-1467, 325). ...ilz desirerent sa compaignie et luy prierent de venir loger avec eulx, et qu'ilz feroient la meilleur chere de jamais. (C.N.N., c.1456-1467, 396). ...faisions la plus grand chere de jamais. (C.N.N., c.1456-1467, 412).

3.

Empl. subst.

-

C'est un jamais. "C'est qqc. de permanent, de très ancien" : "...Quel disme ? - [Al]ors, dit elle, c'est ung jamés ; et le disme de nuyt de vous et de moy ?..." [Il s'agit ici de la dîme que perçoivent les Cordeliers sur les femmes de la ville] (C.N.N., c.1456-1467, 218).

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Au grand jamais : Que ferai-je malheureuse damnée, Puisqu'il me faut présent tomber es lacs D'Enfer ! hélas, hélas, hélas, hélas ! Au grand jamais ne recevrai soulas Donques je fus en très male heure née (Myst. ste Barbe P., 1493, 69).

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À tout jamais : Diable interdit, puant serpent A tout jamais mauldit seras (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 63). Si autrement vous le croyez De la mort serez tous coulpables Et serez tous hebergez En enfer avec les dyables La souffrirez peine et tourment A tout jamais sans prendre fin (Myst. st Martin K., a.1500, 215).

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"Renvoi sine die"

Rem. GRÉBAN, Pass. J., c.1450, gloss.

V. aussi jà