I. -

[Correspond à jaloux]

A. -

"Très fort désir pour qqn ou qqc. et zèle pour se l'attacher ou pour le conserver"

1.

"Très fort attachement à qqn ou qqc." : Doulce amie, Durer ne puis sans vous, tant suis en jalousie (Huon Bordeaux B., c.1400-1450, 455). La voix d'espoir que nous prenons icy generalment pour desir, se nomme tendence, expectacion, fain, soif, ardeur, hardiesse, jalousie, emulacion, souspire, concupiscence. (GERS., Canticordum G., c.1425-1430, 130). Comme ilz firent de roides abstinences ! Com grande jalousie et ferveur ilz eurent au prouffit espirituel ! Com forte bataille ils porterent a l'encontre de l'edomacion des vices ! (Internele consol. P., 1447, 314).

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"Affection ombrageuse de Dieu pour l'humanité, exigence d'être aimé et servi sans partage" : Plus doulz amy avoir tu ne pourroyes ; mais, en mon Dieu ! de ce t'avise qu'il est tres plain de jalousie, et ne veult point que tu aymes autre chose quelconque plus que luy, et que pour ce en sa presence tu faces fornicacion ou adulteres espirituelz en amant l'ennemy d'enfer (GERS., Concept., 1401, 413).

2.

"Attitude zélée qui résulte d'un tel attachement" : ...soubz l'apparance de bien, de jalousie, de justice et d'amour (FOUL., Policrat. B., I, 1372, 82).

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Bonne jalousie. "Désir qui anime l'homme pour défendre une juste cause" : ...et ceste envie de bien faire n'est pas à desprisier, mais à prisier, et doit mieulx estre appellée bonne jalousie que envie (BUEIL, II, 1461-1466, 104). La partie irascible est en maniere dicte, car par icelle, l'homme courrouchié par bonne jalousie enflammee d'une fervente amour d'aucune chose juste, honneste, grande, prouffitable et salutaire se expose pour l'apprehender en pugnissant et en deboutant ce qui est injuste (Somme abr., c.1477-1481, 138).

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"Zèle ombrageux" : ...Aucuns mutins mirent sus deux alarmes, Mais toutesfois en fin ce ne fut riens, Ce neantmoins que tous furent en armes Et cuyda l'on faire de grans vacarmes Par le moyens de quelque frenaisie, Souspeçonnee mauvaise fantasie Que sur Françoys eurent aucuns patrons : Car ilz entrerent en trop grant jalousie Ainsi que font communement poiltrons. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 221).

B. -

En partic. "Sentiment d'inquiétude (causé par le soupçon d'infidélité en amour, dans l'amitié), jalousie" : Selonc ce que suet faire humainne infirmitez, Le va au cuer saisir tres granz perplexitez, Plus fort que mals de denz est griez la maladie, C'est rains de passiom que l'on dit jalousie (Gir. Ross. H., c.1334, 267). ...Il a le cuer si jalous, si destroit, Que c'est merveille Qu'il ne s'occist, ou qu'il ne s'apareille D'occirre ce qui einsi le traveille ; Et ce li met jalousie en l'oreille. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 123). Lors de si mortel jalousie Deyamire fu esprise Que li envoia la chemise Par Licas, qui en roche dure Fu muëz (encor en mer dure). (MACH., C. ami, 1357, 97). Et je di que passions sont concupiscence, yre, paour, hardiesce, envie, joie, amour, haine, desirier, jalouzie, misericorde et generalment tous mouvemenz de l'ame ausquelz s'ensuyt delectacion ou tristesce. (ORESME, E.A., c.1370, 157). Trop est crueus li maus de jalousie Et trop greveus qui en est entrepris : On en perd scens, maniere, courtoisie, Pais, joie, amour, raison et tous delis Dont tous frans cuers puet estre resjoïs. (MACH., L. dames, 1377, 67). Or passe ainxin le temps jusques ad ce que le bon home trouve par aventure la dame parlant a l'escuier dessus dit en la meson ou a l'eiglise ou a une feste ou il a esté, dont il entre en plus grant jaleusie que davant (Quinze joies mar. R., c.1390-1410, 55). Beau frere, la commune renommee du peuple court partout que vostre femme vous fait deshonneur et que tous les samedis elle est en fait de fornicacion avec un autre (...) Lors quant Remond ouy ces mos, si boute la table ensus de lui, et entre en sa chambre, espris de yre et de jalousie, et prent son espee qui pendoit a son chevez, et la ceint, et s'en va ou lieu ou il savoit bien que Melusigne s'en aloit tous les samedis (ARRAS, c.1392-1393, 241). A porter grant honneur chascung ne vous faindés, A princes et a dus, et a roy couronnés. (...) Ne fille de proidhomme pour riens ne vïolés, N'a femme de preudhomme nul samblant ne monstrés, Car par jalousie est ung homs tout foursenés (Huon Bordeaux B., c.1400-1450, 3). ...et lui priera qu'elle lui vueille pardonner se si deuement ne l'a servie comme a l'estat d'elle apertendroit, ou s'elle a fait ou dit chose aucune qui lui soit a desplaisance, que ce lui a fait faire la grant amour et jalousie qu'elle avoit a elle (CHR. PIZ., Trois vertus W.H., c.1405, 108). ...on dit tousjours que bonne amour ne fut oncques sans jalousie. (Cleriadus Z., c.1440-1444, 206). Lesquelz ne eurent nulz hoirs ; car ja elle estoit ancienne. Ains se mist entre eulx jallousie et haynes ; dont pour ce ladicte dame fust retenue et hors mise de sa liberté (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 194). ...si n'estoit il pas encores bien asseuré, tant estoit fort feru du maudit mal de jalousie. (C.N.N., c.1456-1467, 256). Et passa en ce point la nuit, tant fort passionnee de la jallousie d'amours qu'il lui estoit advis que son ceur fust tout esprins de feu. (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 228). Autres disoient que la Royne ne print pas bien en grée aucunes assemblées de dames, par maniere de festiemens que journellement faisoit le Roy, dont elle conseut aucunes jalousies qui moult empira le repos des couraiges de chacune partie. (LA MARCHE, Mém., I, c.1470, 191).

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Bailler à qqn matiere de jalousie. "Fournir à qqn un motif d'être jaloux" : J'ay jeune femme (...) qui aucunement peut estre occasion a pluseurs de la requerre de deshonneur. Et a elle aussi, s'elle estoit aultre que bonne, me bailler matiere de jalousie (C.N.N., c.1456-1467, 95).

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Se bouter/se ferir en jalousie. "Devenir jaloux" : Lors se fiert en jalousie et dist : "Ha ! ribaude, faictes vostre amy yssir hors, car il morra et vous aussi !" (Percef. I, R., t.1, c.1450 [c.1340], 284). ...je hantay tant ung mien voisin qu'il se bouta en jalousie pour sa femme (C.N.N., c.1456-1467, 335).

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Entrer en jalousie : Elle m'avoit bien eü en convant Qu'autre de moy n'ameroit en sa vie, Et or en a bien amé plus d'un cent, De vray le say ; dont j'ay fait grant folie, Quant j'en sui ore entré en jalousie Qui bien deüsse avoir tant de science Qu'amour de femme a pou de conscience. (MACH., App., 1377, 642).

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Estre en jalousie : Si qu'amis doulz, je te chastie, Se tu veulz [mener] bonne vie, Que ne soies en jalousie, Car c'est la mort ; Et se tu has dame ou amie, Amés vous d'une amour unie, Sans haussage, sans signourie Et sans descort. (MACH., Voir, 1364, 534).

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Trouver matiere de jalousie. "Avoir un motif d'être jaloux" : ...si vous prie que ad ce tenez la main que je n'aye cause d'en trouver aucune matere de jalousie. (C.N.N., c.1456-1467, 95).

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[Personnification] : ...Jalousie la felle et forsenee (CHART., D. Fort., 1412-1413, 184). Malle Bouche, plaine de faulx maintiens, Et Jalousie... (CH. D'ORLÉANS, Ret. am. C., 1414, 15).

II. -

[Désigne une plante] "Sorte d'oeillet" : Encores ne se poeut il faire Qu'il la mauvaise herbe ne flaire, La jalousie ou la soussye (MARTIN LE FRANC, Champion dames D., t.2, 1440-1442, 140).

Rem. Cf. FEW XIV, 659a et 660b, n.7 (plante très colorée qui, p. métaph., peut susciter la jalousie des autres).