C.N.R.S.
 
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     INJURE     
FEW IV 697b injuria
INJURE, subst. fém.
[T-L : injure ; GDC : injure ; DEAF, I276 injure ; AND : injure ; FEW IV, 697b : injuria ; TLF : X, 247a : injure]

A. -

[Domaine du droit, de la justice]

 

1.

"Violation de la loi" : Il [Nabuchodonosor] demanda qui il estoient, Et on li dist que "ce faisoient Sidrac qu'on dit Ananias, Abdenago Azarias Aveques Misac Mizael, Qui par Balthasar Daniel Sont sus les princes et les oeuvres De ton païs. Se ne descuevres Et mes a clarté ceste injure, Ton edit et ton estature Ne seront prisié une maille. "Li rois commanda qu'on les aille Tantost querre, et on li ameinne, Si leur dist : "Quel rage vous meinne A faire contre m'ordenence, Qu'onneur faire ne reverence Ne daingniez a l'image d'or ?..." (MACH., C. ami, 1357, 20). ...vint et fu present honorable homme et sage maistre Pierre du Moulin, maistre en ars, demourant ou mont Saint-Hilaire de Paris, lequel, après ce qu'il ot fait protestacion espresse, et de ce appellé les dessus diz presens à tesmoings, que pour chose qu'il entendist à dire, il ne le faisoit pour aucun injure, mais pour verité dire, et aussi qu'il ne tendoit que à fin civile, dist et afferma pour verité et en sa conscience, par serment (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 310).

 

-

Injure encontre justice. "Manquement à la justice" : LE CRESTIEN. (...) [Je] confesse publicquement Que je suis ung mauldit parjure Et requiers grace de l'injure Que j'ay fait encontre justice De ma pure et propre malice. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 151).

 

2.

"Tort, dommage, atteinte, traitement injuste infligé à qqn, injustice" : Et donques la maniere de la policie Felleas faisoit tant seulement aide contre petites injures. (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 93). ...de eulx maintenir et faire maintenir et garder en leurs justes possessions et saisines, droiz, usages, coustumes, franchises et libertez, quelles elles que soient, et yceulx et chascun d'eulx deffendre de toutes injures, violences, oppressions, griefs, molestes et nouvelletez indeues, quelles que elles soient, de force d'armes et puissance de lais, et de pourveoir yceulx et chascun d'eulx qu'ilz ne soient injuriez, toutes foiz que mestier en sera (Doc. Poitou G., t.5, 1377, 26). C'est loy divine et temporele, Et s'est encor la regle tele En ce monde, selon les drois, Qu'il n'est pas reputez vraiz hoirs Ne ne succede a heritaige, Quant il n'est nez en mariaige, Mais est ainsis c'uns loups espars, Sanz riens avoir: c'est uns bastars, Privez d'oirie et de tonsure, Qui lui est reprouche et injure : S'il acquiert terre, et il se muert, Celle terre aux amis estuert, Et est au seigneur de la fame. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 277). Et oultre plus, vous [le roi d'Ausay] enconvenancerez pareillement que jamais ne porterez ne ferez dommage, ne ne le souffrerez a faire a vostre povoir dommage nul a ma damoiselle qui cy est, et l'aiderez et conforterez, lui, son pays et tous ses hommes, envers tous et contre tous qui dommage ou injure lui vouldroient porter ou faire porter. (ARRAS, c.1392-1393, 168). Et avec ce est à savoir que Nostre-Seigneur veult, si que tesmoingne son Saint Euvangille, que meismement on aime son ennemy, et que pour lui on prie, et que on soit plus dolent de ce que il grieve l'ame de lui-meismes en persecutant et courrouce Dieu que de l'injure que on reçoit, à l'exemple de Jhesu-Crist, à qui plus desplut le desespoir de Judas que de ce qu'il le ot trahy. (CHR. PIZ., P.V.H., 1416-1418, 31). ...car soudainement il [Sextus Tarquinus] se frappa en la cité assise, ainssy comme se il craingnist les menaces, les injures et les bactemens de son pere, desquelx il monstroit aucunes enseignes qu'il avoit faictes de sa voullenté. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 37). NEMBROTH. Nous somes le peuple de Dieu, Mis hors du servage d'Egipte, Et avons conquesté ce lieu Par victorïeuse poursuyte, Dieu nous donna sa loy escripte Et fist pact avecques noz peres : Dont nous est grant injure ascripte D'estre maintenant tributaires. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 32).

 

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Injure de qqn. "Dommage subi par qqn" : Lors les fames sabines, pour l'injure desqueles la bataille si estoit nee, si ont trenché leur robe et espandu leur crins et, sourmontee toute paour feminine par lez maus que elles veoient, elles se sont ouseez hardiement bouter entre les javelos volans, et vindrent en traversant par grant ebrivement et se mistrent [entre] les deus batailles anemies et ferez, et les dirimeret et departirent l'une de l'autre. (BERS., I, 1, c.1354-1359, 13.1, 21). Secondement que les povres ne doyvent point avoir de honte de leur povreté, ne les riches orgueil de leurs richesses : on puet bien tenir estat mais que ce soit par mesure et humilité et sans autruy injure. (GERS., Noël, p.1404, 296). Pour laquelle mort la femme dudit boiteux se tira devers le roy lui faire savoir ces choses et pour estre son injure reparée. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 189).

 

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Faire (une) injure(s) (à qqn). "Causer, infliger un dommage (à qqn), faire subir une injustice (à qqn)" : ...que grant meschance Viengne a toute la creature Par qui on li fait ceste injure ! (Mir. abbeesse, 1340, 94). Et celui qui fait injure par concupiscence, il la fait avecques delectacion. (ORESME, E.A., c.1370, 385). Si en parla pluiseurs fois as barons et as chevaliers de Bretagne en remoustrant l'injure que li rois de France faisoit au roy d'Engleterre, la quelle ne faisoit mies à consentir. (FROISS., Chron. R., VIII, c.1375-1400, 105). La dame s'en vint en Braibant et fist plainte des tors et injures que messire Edouart luy faisoit, au duc, son frere, de Brabant et à la duchesse. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 158). ...la villenie et injure qu'il lui a faicte (Ch. VI, D., t.1, 1381, 22). Mais le roy plain de felonnie De s'espee le vint occire (...) Par la ville fu grant murmure De ce murdre, aussi de l'injure Qu'ot le roy au chevalier fait (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 308). Et vous gardez bien qu'il ne soit fait injure ne villenie aux marchans publicques suyvans et frequentans la contrée où vous serez, ne ailleurs où vous pourrez (BUEIL, II, 1461-1466, 26). S. NICOLAS. (...) Le povre juif a eu fiance En moy et parfaicte creance, Et Sathan, pour me faire injure, A rendu le crestien parjure. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 135). Deable qui t'es au corps bouté De ceste povre creature, Affin qu'en soye debouté, De par mon Dieu je [te] conjure Que, sans a nully faire injure, Dés maintenant tu voise hors ! (LA VIGNE, S.M., 1496, 461). A l'encontre de Mons. le prince d'Orenge, pour aucunes injures à luy faictes par ledit prince, aucuns disans que le rapport avoit esté faict à tort, non obstant que ledit seigneur et prince estoit tenu très saige chevalier en ce royaulme et non trouvé en faulte (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 366).

 

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Faire injure à qqc. : Et n'a pas celui fait injure et grant deshoneur a verité, qui a quis enterine verité en si tresgrant corruption ? (FOUL., Policrat. B., II, 1372, 199). Sy est folie a homme en terre Des secrez de Dieu trop enquerre, Et a la loy de Dieu fait injure Qui la veult soubzmetre a nature. (Cycle myst. prem. mart. R., c.1430-1440, 106).

 

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"Agression dommageable et injustifiée" : ...en celluy tamps, (...) Avint en Arragon grande guerre et obscure, D'ung roy de Lombardie qui par male adventure, Esmut contre le roy une moult grant injure. (Huon Bordeaux B., c.1400-1450, 460).

 

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Injure en corps. "Dommage physique" : Premierement, sactifacion qui est de injure en corps ou en renommee. (ORESME, E.A.C., c.1370, 456).

 

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Amender/reparer une injure : Si tost comme injure appert ou est faite, raison dit que elle est a rappeller ou a adrescier et amender. (ORESME, E.A.C., c.1370, 383). Pour laquelle mort la femme dudit boiteux se tira devers le roy lui faire savoir ces choses et pour estre son injure reparée. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 189). Charles les fist venir en son lougis et leur dist : "Seigneurs, vous m'avés fait une grande injure, mais s'elle n'est amendee, j'en feray justice publique." (BAGNYON, Hist. Charlem. K., c.1465-1470, 138). Sans paier argent ne truage, Tres volantiers les nous rendront, Voire en despit de leur visaige, En nostre injure repareront. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 573).

B. -

[Domaine des relations sociales]

 

1.

"Insulte, offense, outrage" : Mais onques mais creature N'endura n'endure Dolour si tres dure Com vous, quant mors si obscure Ot pour nous l'umanité Dou vray Dieu, car toute injure Et toute laidure Ot contre droiture ; Mais sa mort crueuse et sure Nous ha tous ressuscité. (MACH., Les lays, 1377, 399). Après ce se leva maistre J. Petit, maistre en theologie, qui dist que l'entente de l'Université estoit de monstrer en especial la faute et injure de ladicte espitre et declarer certains poins des griefs intollerables faiz par le Pape et ses officiers à l'Eglise (BAYE, I, 1400-1410, 158). Je me esbahis comme lez mains sacrileges pevent obeir au cueur endurcy a executer si grief malefice, dont l'injure est a Dieu directement (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 61).

 

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Injure de qqn. "Offense subie par qqn" : "...Laisseron nous par coardie Que ne venggeons la villennie Et l'injure Dieu et la nostre ?..." (Tomb. Chartr. Trois contes S., c.1337-1339, 76). Allon donques hardïement Les injures de Dieu venger (Tomb. Chartr. Trois contes S., c.1337-1339, 77). Et tel oultrecuider fait faire A mains poissans de grans injures A plusieurs gens laides et dures Et manifestes et appertes, Et si n'oseront de leurs pertes Les povres gens en riens parler, Ains leur fault, par crainte, celer Et dissimuler leur injure, Sanz semblant faire, ne murmure. (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 88). Lors Dame Noblesse, oyant l'exortacion de Magesté Royalle, congnoissant et voyant qu'au monde n'estoit poinct honneur plus loyaument acquis que d'aller venger les injures de la Crestienté (LA VIGNE, Ress. chrest. B., 1494, 125).

 

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Dormir en une injure reçue. "Ne pas se venger d'une offense subie" : ...voyant peut-estre que nous dormons longuement en nostre reçue injure, et pensans que nous ayons tout oublyé, nous viennent resveiller [nos ennemis] par nouvelle hautaine, afin de nous avoir comme ils désirent devant leurs glaives tranchans. (CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 92).

 

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"Cause de reproche, de blâme" : ...Dieux ama miex que on doubtast de sa naiscence que de la chaasté et purté de sa mére, ne il ne voult onques qu'en sa mére peust estre trouvée injure ne blasme pour cause de sa naiscence. (Mir. st J. Paulu, c.1372, 93).

 

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Faire/commettre/pourchasser injure à/à l'encontre/envers (qqn). "Offenser, outrager (qqn)" : Et se tu dis qu'Amours te blesse, Tu vues ressambler a celui Qui ne se loe de nelui, Eins se tourmente et se courresse, Quant sa besongne bien adresse. Et certes, tu li fais injure De dire a li qu'elle t'est dure, Et c'est pechiez d'ingratitude Et maniere mauvaise et rude. (MACH., R. Fort., c.1341, 61). Et s'on te dit parole dure Ou fait de fait aucune injure, Souveingne toy que Dieus souffri Pour nous, et comment il s'offri A peinne, a dueil et a martyre. (MACH., C. ami, 1357, 62). De povreté et de richesse, Sire, ne me donne largesse, Mais administre moy mon vivre Si qu'onnestement puisse vivre, Que je ne vomisse et parjure Ton nom, qu'a toy feroie injure. (MACH., C. ami, 1357, 71). Se auchun paintre pourtraioit le viaire d'auchun et [et] le façon du corps de plaisant couleur, et, quant tout seroit parfait, ung aultre ouvrier survenist qui le cuideroit mieulx faire, ne feroit il pas griefve injure et indignation au premier ouvrier ? (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 375). En tous cas nostre foy despite, Eu monde n'a si bon hermite Qui ne se deüst mieus offrir à mort que tel chose souffrir. A tous Crestiens fait injure, Contre Dieu et contre droiture. Li mundes doit estre communs, Et li soudans en fait comme uns. (MACH., P. Alex., p.1369, 125). Et quant Remondin l'ouy, si la regarde, et percoit la grant beauté qui estoit en la dame ; si s'en donne grant merveille, et ne lui semble mie qu'il eust oncques mais veu si belle. Lors sault jus du cheval appertement, et l'encline perfaictement en disant : Tres chiere dame, pardonnez moy l'injure et la vilenie que j'ay fait envers vous, car certes j'ay trop mesprins, et je vous jure ma foy que je ne vous avoye veue ne ouye quant vous me traïstes par la main. Et sachiez que je pensoye moult fort a un mien affaire qui moult me touche au cuer, et je prye a Dieu qu'il m'en aide a yssir. (ARRAS, c.1392-1393, 25). Sy les delivra de prison et leur pardonna l'envye, les maulx et les injures qu'ilz avoient pourchassé a l'encontre de lui (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 378). ...je me repute si lasche que je la laisse villanner ne souffrir luy faire injure tant ne quant (C.N.N., c.1456-1467, 550). Avez vous commis tel injure A la personne d'un sergent, Il vous coustera de l'argent Plus que meshuy vous n'en tenrez... (Sav. serg. D.L., c.1480-1490, 34).

 

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Remettre une injure à qqn. "Pardonner une offense à qqn" : Et, en tant que touchoit les contes de Nevers et de Sainct Pol, connestable de France, que le roy luy avoit habandonnéz, il declaroit que nonobstant qu'il les haÿst et en eust bien cause, si vouloit-il remectre ceste injure et les laisser en leur entier, suppliant au roy qu'il voulsist faire le semblable de ces deux ducz que ledict duc de Bourgongne luy avoit habandonnéz, et qu'il luy pleüst que chascun vesquist en paix et en seüreté et en la manière qu'il avoit esté promis à Conflans, où tous estoient assembléz, en luy declarant que, en ce cas qu'il ne voulsist ainsi le faire, qu'il secourroit ses alliéz. (COMM., I, 1489-1491, 232).

 

2.

En partic. "Parole offensante, outrageante" : Car trop ly ay fait de laydures Et dit trop de grosses injures (Mir. st Guill., c.1347, 23). Congnut aussi que pour cause de paroles injurieuses meues par entre sondit maistre et lui, et que ycellui son maistre le vouloit batre, il pria et requit audit Testenoire que le serement à lui fait il lui voulsist remettre, disant que sanz son congé il ne s'en vouloit point partir ; et ne vouloit plus servir son maistre, pour cause des injures qui avoient esté dites par entre eulx. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 25). ...icelle Jehennette se complaigni audit Jaquotin de la femme dudit Rotisseur, disant que elle li avoit dit, et à son mary aussi, plusieurs injures et vilenies, en disant que elle, Jehennete, qui estoit mariée, avoit fortroit un homme marié, qui la maintenoit (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 265). ...icelui Philebert print et commança à l'injurier, en lui disant : "Sanglant garçon, ribault, pourchier, et plusieurs autres paroles[,] injures." (Ch. VI, D., t.2, 1420, 172). ...ledit Chanteprime avoit autresfois requis ceans que ledit de Vitry feust condempné à lui amender certaines injures verbales à lui dites ou parquet de ladicte Chambre de Parlement (FAUQ., II, 1421-1430, 218). ...si prend a la tanser, et tant d'injures luy va dire que la pacience qu'elle eut de tout escouter (...) estoit assez suffisante d'estaindre le crime qu'elle avoit commis (C.N.N., c.1456-1467, 69). Et, pour le refus qui leur en fut fait par lesdiz bourgois, leur dirent iceulx de Normandie plusieurs injures et mauvaises paroles en eulx rebellant à l'encontre d'eulx, et en les appellant traistres Bourguignons, et qu'ilz les mettroient bien en point, et qu'ilz n'estoient venus dudit pays de Normandie à Paris que pour les tuer et piller. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 103). ...aucunes soullees ["grossières"] injures non referables ilz ont deposé et mis en escript [les détracteurs de l'honneur féminin] (MICHAULT, Procès honn. F., p.1461, 41). Mais le fait est tel que personne ne repute injure a luy ditte estre petite. (BAGNYON, Hist. Charlem. K., c.1465-1470, 34). Dea ! ne me dictes point d'injure. (B. veoir, p.1480, 16). LE JUIF. Ha, mauldit crestien, Mon vallet me le disoit bien Que crestiens estoyent parjures. LA FEMME. Ne me usez point ceans d'injures Et venez en vostre bon sens. Cent escus ? Oncques si puissans Ne furent trestous noz amys, Quant tout le leur ilz auroyent mis En vente. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 111).

 

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Demander injure. "Demander la reconnaissance de l'offense subie" : ...ceste offense si diroit a estre touché a la cité dont il est bourgoys, et a elle appartient de demander linjure et de faire demande et vengence requerrir (BOUVET, Arbre bat. R.-B., c.1386-1389, 432).
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Pierre Cromer

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