A. -

Au propre [De la position d'un lieu] "Défavorable" : Et certes, seigneur, dist il, se au jour d'ui il fust ainsi que, aussi comme lors il porent courre et saillir du Capitole touz armez contre les ennemis si comme plusieurs fois il firent, [si] nous peusons avoir copie et espace de nous combatre en lieu egal ou inique contre les ennemis, je n'eusse pas mis en oubli le sens et le bien de mon pere en vous bien conseillant. (BERS., I, 9, c.1354-1359, 4.9, 7). ...et, combien que noz tentes statives soient assez seures, toutesfois est il ainsi que il y a poy vivres et que tout alentour sont toutes choses faillies par touz lieux dont garnisons nous pouovoient venir et encore, puis que nous ferons le mieux que nous porrons, aurons nous moult a faire pour cause des lieux qui sont moult inique. (BERS., I, 9, c.1354-1359, 23.10, 42). ...et premierement, comme la voie de l'un et de l'autre consul fust inique et difficile, il se demourerent entour les saulz et les rochiers (BERS., I, 9, c.1354-1359, 27.3, 50). "Mais qui est, dist il, li lieux qui soit inexpugnables a la vertu rommainne ? " Et lors commença il a meitre avant le chastel de Fregelle et de Sore et de touz les autres lieux perilleux et iniques ou il leur estoit bien avenu. (BERS., I, 9, c.1354-1359, 31.13, 57).

B. -

Au fig.

1.

[Point de vue de la justice, de l'équité]

a)

[D'une pers., d'un aspect de la pers.] "Injuste" : Et pour ce, tel homme qui est separé de lay et de justice, il est inique, tres pervers, effrené et tres sauvage sans vertu. (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 50). ...au revers qui pourroit penser la poison et le venin que l'inique et vicieux roy seme par son royaulme ? (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 45). Nous avons du roy Cambises, lequel fit escorchier ung juge inique et corrompu, et fit mettre la peau sur siege judicial, et dessus faire seoir son filz conme juge, en denotant que il ne fist pas conme son pere avoit fait. (JUV. URS., Aud. illos, 1432, 37). Estudie toy a fuir envie, car envie est sans amour et seiche le corps et fait le cuer inique et mauvais (LA SALE, J.S., 1456, 21). O Juïfz iniques et faulx, O desleaulx, Vous me faictes mere doulente. Je pers toutes joyes et saulx Pour vous assaulz [l. assaulx]. (Pass. Auv., 1477, 199). ...Commë inicque et faulx violateur, Persecuteur de toute humaine vie. (Cene dieux, c.1492, 118).

b)

[D'une action, d'une attitude...] "Injuste ; qui est contraire à la justice" : L'andemain, devant son mari Vint li pueples a cuer mari Et li doi prestre plein d'outrage, D'inique pensee et de rage, Pour mettre Susanne a la mort Sans conscience et sans remort. (MACH., C. ami, 1357, 8). De usure il est certain qu'elle est mauvaise, détestable et inique (ORESME, Monnoies W., c.1365, LII). ...et vous donnent à entendre faulses et iniques mençonges pour eslongner et éviter de vostre courage et dilection, moy et plusieurs de vos parens et loiaulx serviteurs et subjetz. (Doc. 1411. In : MONSTRELET, Chron. D.-A., t.2 c.1425-1440, 119). ...les jugemens des hommes sont souventes fois iniques et reprouvables (Bouciquaut L., 1406-1409, 444). ...et pour ce qu'elles [certaines lettres] n'avoient onques esté passées en Grant Conseil (...) et que de soy estoient si iniques qu'il apparoit, furent par signe dessirées par les dessusdiz, pour ce que l'en n'avoit pas l'original. (BAYE, II, 1411-1417, 143). ...le fait et les appellacions desdis de la Porte et ses complices ou adherens estoient iniques, dampnables, injurieux, offensans de la majesté royal (FAUQ., I, 1417-1420, 64). Et qui diroit que seigneurie fut entreprinse par la violence des plus fors sur les mendres, peu de merveille seroit de voir subvertir et muer chose fondee sur si petit et inique commencement, et qui mieulx fust appellé tyrannie que regne (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 40). Toutes ces choses ont esté et sont sur nous, et toutevoye nous ne t'avons point oublié, ne n'avons envers toy fait aucune chose inique, et avons eu et avons tousjours le cuer a toy (JUV. URS., Loquar, 1440, 355). Je diz que Jhesuscrist nostre jou osteroit, à noz colz importable, et nous delieroit Des loix et des liens violens et iniques : Ainsi le treuve l'en en mes ditz prophetiques. (ROBERTET, Oeuvres Z., c.1450-1500, 141). Les tirans font loix et coustumes iniques pour opprimer leur peuple. (BUEIL, II, 1461-1466, 73). Mais en chose inique et mauvaise favoriser a celluy que on dit son amy, et par faveur soustenir ou pallyer sa querele par oppinion coulouree, soit en conseil ou aultrement, c'est chose dampnable, honteuse et reprouçable. (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 251). ...que d'icy en avant par telz moyens inicques ne serez foulez ne opprimez, dont de tout nostre povoir vous desirons (Lettres Ch. VIII, P., t.1, 1487, 159).

2.

[Point de vue moral et religieux]

a)

"Méchant" : Et encore dit Salemon Qu'o le serpent et le dragon Demourer a milleur pratique Qu'avec male femme et inique : L'iniquité de femme male Son visaige fronce et avale, Comme l'ours et la lyonesse (DESCH., M.M., c.1385-1403, 197). Estudie toy a fuir envie, car envie est sans amour et seiche le corps et fait le cuer inique et mauvais, et pour ce, mon ami, fuiez tous vices et toutes gens vicieux, car amours et dames d'onneur le commandent a tous vrais amoreux (LA SALE, J.S., 1456, 21). Brou, brou, ha, ha, puissans deables iniques, De sortir hors maintenant qu'on s'appreste ! (LA VIGNE, S.M., 1496, 222).

b)

"Criminel, scélérat" : Se pour ma mort le bien publicque D'aucune chose vaulsist mieulx, A mourir comme ung homme inique Je me jugasse, ainsi m'est Dieux ! (VILLON, Test. M., 1461-1462, 31). Et, s'il voit homme qui vive justement en crainte de Dieu et selon raison, sans grever aultruy, et veult faire a chascun comme il vouldroit que on luy feyst, l'omme inique et vicieux s'en moque et dist que c'est ung bon homs et le argüe qu'il ne scet tromper ou decepvoir son voisin. (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 150).

.

Empl. subst. "Méchant, mauvais" : Je dis des mauvais, les bons j'en excepte, mais pour yceulx iniques et au propos de leurs faiz parle l'Ecclesiastique en la parolle cy dessus proposée qui dit qu'il sont aucuns mal piteux et mauvais tant seurs en leurs mauvaistiéz et tant les scevent bien couvrir et palier qu'il semble qu'ilz ne facent riens fors justement, et là est le grant peril quant soubz umbre est trouvé maniere de faire grans tricheries. (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 82). De l'estat des iniques laissons advenir comme Dieu ou fortune veult, car en leurs pertes a moins de dommages et de plaintes. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 50). Et se nous voulons en ceste matere prendre la dottrine de la Sainte Escripture, oyons le sage Salomon qui dit en ses Proverbes : "La est, dit il, le salu de la chose publique ou il y a multitude de conseilliers, pourveu qu'ilz soient preudhommes, car le conseil des iniques et pecheurs est plain de fraude et de dol." (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 146).

c)

"Qui ne respecte pas l'autorité légitime, rebelle" : SECOND CHEVALIER. Monstrez vostre magnificence, Treshault et souverain seigneur, Et entretenez bien l'onneur De tout l'empire romanique, Et, brief, de celle gent inique Qu'est plus rebelle c'um lyon, Rabaissés la rebellion. (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 33).

d)

"Mauvais, impie" : Garçon traistre, or entens ça. Pourquoy nous sers tu de telz jeux ? Viens tantost aorer noz dieux Et renonce a ta foy inicque Et aussi ton faulx art magicque, Ou certes il te mesprendra (Myst. st Laur. S.W., 1499, 221).

3.

[D'une chose] "Cruel" : Ou est Platon, le grant naturien, Ne Orpheus o sa doulce musique ? Tholomeus o son arismetique, Ne Dedalus qui fist le bel ouvrage ? Ilz sont tous mors, si fu leur mort inique ; Tuit y mourront, et li fol et li saige. (DESCH., Oeuvres Q., t.3, c.1370-1407, 183). ...Estraindre dars par force de tristesse, Noyer ou pendre par inique destresse Ou trebucher en danger de mourir : Tout n'est qu'ebat et n'est chose perverse Envers amour, dont l'en ne peult joÿr. (Au grey d'amours F.-H., c.1400-1500, 276). Et, en oultre, il menace de feu et de sang tous ceulx qui ne lui aideront ou dissimuleront, qui est chose dampnable, inique et detestable. (FAUQ., I, 1417-1420, 33).