I. -

[Empl. sans ne, en situation "forclusive" (en proposition interrogative, hypothétique, après principale nég., après avant que , après sans...)]

A. -

"Tant soit peu" : Je vous dy, ains que gaires tarde, Six roys vous venront assaillir (Mir. Oton, c.1370, 366). Vous actendrez tant que ly baron auront fait hommage, et lors vous trairez avant, et demanderez au jeusne conte un don pour tout le salaire du service que vous feistes oncques a son pere ; et lui dictes bien que vous ne lui demanderez chastel ne ville, ne forteresse, ne chose qui guerres lui couste. Et je scay bien qu'il le vous accordera, car les barons lui conseilleront. (ARRAS, c.1392-1393, 31). Tres chiers sires, je vous requier, en remuneracion de tous les services que je fiz oncques a monseigneur vostre pere, dont Dieux ait l'ame, qu'il vous plaise a moy donner un don, lyquelx ne vous coustera ne forteresse, ne chastel, ne chose nulle qui guerres vaille. (ARRAS, c.1392-1393, 32). Et, d'autre part, sachiez bien, a ce que je appercoy de ces gens qui sont au port, ilz n'ont talent de nous laissier arriver sans riote. Ilz ne monstrent pas qu'ilz aient gaires doubte de nous. Si vous loueroye que nous retraissions en la mer et les laississions reffroidir. (ARRAS, c.1392-1393, 131). ...j'apperçoy bien que si vous cheminez gueres avant, que vostre devant est en tresgrand dangier de cheoir (C.N.N., c.1456-1467, 39). ...si vous tardez gueres, tout l'or du monde ne la garantira pas de la mort. (C.N.N., c.1456-1467, 136). La pouvrette estoit, sans gueres le monstrer, en grand destresse de cueur (C.N.N., c.1456-1467, 174).

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"Vraiment" : Uriien appella le maistre de Rodes et le cappitaine du lieu, et leur demanda : Beaulx seigneurs, le soudant est il gueres jeunes homs, ne de grant emprise ? Et ceulx respondirent : Sire, oïl, pour certain. (ARRAS, c.1392-1393, 93).

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Guere de + subst. "Tant soit peu de" : Tousjours a subjugué citez, Entré villes ou prins chasteaulx, Sans avoir, c'est bien veritez, Par vous sentu gueres de maulx. Françoiz, le coulpe de peresce Se marie a vous, las he my ! Nul de vous son cheval n'adresce A courir vers vostre ennemy. (ROBINET, Compl. François H., p.1420, 63).

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Guere plus de. "À peine plus de" : ...[je] ne pense pas qu'elle eust oncques gueres plus de plaisir en les entretenant tous deux qu'elle avoit a ceste heure de desplaisir. (C.N.N., c.1456-1467, 240).

B. -

"Tant soit peu de temps" : ...car une personne en son enfance, en joenesce, se acoustume a aucunes operacions, se il les maintient (,) gueres [,] a grant painne les puet aprés delaissier. (ORESME, E.A.C., c.1370, 148). Par Mahon (...), ces crestiens qui sont venus de France sont durs et appertes gens d'armes. Se ilz durent gueres, ilz nous porteront grant dommage. (ARRAS, c.1392-1393, 133).

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Avant qu'il soit guere. "Sous peu, dans peu de temps" : Nous vous ayderons a ce faire [à attaquer les Anglais], Ne vous doubtez, et de bon cueur ; Voire et avant qu'i soit guaire, Quelq'un en paiera le maleur (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 523).

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De guere long temps. "Depuis un peu de temps" : Requis se il congnoist de guaires lonc temps le dessus dit Cousin, dit qu'il a environ deux ou trois jours qu'il ont acompaigné l'un l'autre (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 94).

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Guere onques. "Au grand jamais" : ...[je] ne pense pas que gueres oncques femme fust mieulx capitulée qu'elle fut pour adonc (C.N.N., c.1456-1467, 239).

II. -

[Empl. avec ne]

A. -

[Avec une idée de quantité, d'intensité, de qualité]

1.

[Portant sur un verbe]

a)

Ne ... guere. "Ne ... pas beaucoup, très peu" : Et de fait le vous prouveray Si tost qu'en mon hostel seray, Ou gaires n'avons a aler. (Mir. st Ign., 1366, 79). Et pour ce, il ne parle gueires ne de soy ne des autres, et ne cure d'estre loé ne que les autres soient blasmés. (ORESME, E.A., c.1370, 255). Et lors il qui parle lui demanda pourquoy doncques il l'avoit doncques ainsy accusé devers mons. le prevost, et que il n'avoit esté gueires gehiné ; et icelli Breton lui respondi qu'il avoit paour qu'il ne feust trop tiré, et qu'il avoit veu un que l'en disoit estre empoisonneur, qui avoit esté sy fort gehiné en ladite gehine qu'il en estoit mort. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 546). Hermine, belle fille, vous monstrez que vous ne m'amez gueires, quant la chose que je desiroye plus a veoir en ce monde devant ma fin, vous ne voulez acomplir ; or voye je bien que vous desirez ma mort. (ARRAS, c.1392-1393, 121). Mais quant les Sarrasins perceurent que le roy Braidimont de Tarse estoit mors et que le gallaffre de Bandas les avoit laissiez en tel peril, si furent moult esbahiz et se commencierent a dessouchier et a perdre place, et a fuir envers la marine. Mais ce ne leur vault gaires, car toute la navire s'estoit partie avecques le gallaffre et l'admiral de Bandas. (ARRAS, c.1392-1393, 138). ...je vous racompteray ce que j'en peuz veoir, qui ne fu guaires ["pas grand-chose"] (Percef. VI, R., c.1450 [c.1340], 25). Ilz n'eurent gueres cheminé qu'ilz perceurent ce bon yvroigne (C.N.N., c.1456-1467, 63). MALBEC. Des aultres je vous faiz bien fort Que, si ne sont mortz, tost morront. PRUNELLE. Ilz ne meuvent guieres le front. (Pass. Auv., 1477, 233).

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N'avoir guere + subst. : ...[il] est de l'aage d'environ L ans, et a gros visaige et plain, et n'a gueires barbe (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 450).

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Ne savoir guere de qqc. : ... et ne sceit gueres de plet (Quinze joies mar. R., c.1390-1410, 29).

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Ne savoir guere. "N'être pas à la hauteur" ( (Éd.)) : Soient Grecques, Egipcïennes, De Hongrie ou d'autre pays, Espaignolles ou Castellannes, Il n'est bon bec que de Paris. Brectes, Souyssez ne scevent guerres, Gasconnes ne Toulousïennes : De Petit Pont deux harengieres Les concluront (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 120).

Rem. R.H., Comment. Test., 215.

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Ne valoir guere. "Ne pas valoir grand chose" : En ladicte année, toutes les vignes presque universellement par tout le royaulme de France faillirent et ne apporterent que ung peu de chose, et le vin qui creust en ladicte année ne valut guieres et si se vendit bien chier. (ROYE, Chron. scand., II, 1460-1483, 108).

-

[Dans une tournure impers.]

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Ne chaloir guere : ...il ne vous chault gueres de moy. (C.N.N., c.1456-1467, 71). ...il ne luy chauldroit guere de la desloyaulté de monseigneur (C.N.N., c.1456-1467, 116).

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Ne falloir guere que. "S'en falloir de peu." : ...ne failloit gueres que chacun coup qu'il toussoit qu'il ne fust oy de la chambre ou estoit l'assemblée (C.N.N., c.1456-1467, 436). ...ainsi que messire Jehan cuidoit rabbattre ung cop a messire Henry de sa hache, il failly et ne rencontra point le baston de son adversaire ; dont ne failly guieres que du bransle et de la force du cop en quoy tout le corps s'esvertua il ne cheut tout plat a terre a bechous (CHASTELL., Chron. IV, D., c.1461-1472, 168).

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N'estre guere à qqn de qqc. "Avoir peu d'mportance pour qqn, être peu de chose pour qqn" : Sur ce, hault et puissant prince, de la plus grande partie d'ycelles voz lectres je me passe de faire récitation et responce, car gaires ou rien ne m'en est, fors de ce qui touche à mon honneur, que je ne vueil ne doy souffrir blasmer, ne charger contre droit et raison. (Doc. 1424. In : MONSTRELET, Chron. D.-A., t.4 c.1444-1453, 217).

b)

Ne ... guere de + subst. "Ne ... pas beaucoup de, très peu de" : ...nous n'avions gueres de meuble et nous a convenu achapter liz, couchez, chambres et moult d'autres choses (Quinze joies mar. R., c.1390-1410, 8). Pouquoy m'as tu vendu, Jennesse, A grant marchié, comme pour rien, Es mains de ma Dame Viellesse Qui ne me fait gueres de bien ? (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 183). L'autre point, à quoy gueres de gens ne se laissent soubmettre, c'est que la place soit tant battue qu'il n'y ait plus de deffence. (BUEIL, II, 1461-1466, 42). Et de ses fais dès lors et de après, ne vous puis gaires [icy] monstrer sinon à l'abregier (LA MARCHE, Mém., I, c.1470, 123). Et par ainsi demoura Beufvon et se aneantit leans, car le roy n'en tint comme gueres de compte (Beufves Hant. I., c.1499-1503, 25).

2.

[Portant sur un adv. ou un adj.] "Ne ... pas très, très peu" : Et quant de moy, qui n'ay pas esté gueres loing, j'ay veu des choses que pluseurs ne pourroient croire sans le veoir. (ARRAS, c.1392-1393, 4). ...vous ne le porterez gueres longuement qu'il ne vous chiege (C.N.N., c.1456-1467, 39). Ceste feste n'est guyeres belle. Or m'en vaiz je morir en blasme. (Pass. Auv., 1477, 208).

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Non guere : ...d'ung gentil galant demy fol et non gueres saige (C.N.N., c.1456-1467, 16). Si va faire ung pertuys en une paroy non gueres espesse (C.N.N., c.1456-1467, 98).

B. -

[Avec une idée de durée]

1.

Ne ... guere. "Ne ... pas longtemps, très peu de temps" : ...et, ce fait, [il] se parti dudit hostel et s'en ala en l'eglise Saint-Gervaiz, où il oy messe, et de ladite eglise s'en ala au Palays, où il ne demoura gueres que il s'en retourna oudit hostel de sondit hoste (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 128). Il ne demoura gueres que le pouvre Escossois amoureux fist tant de tours (C.N.N., c.1456-1467, 49). ...se passerent pluseurs jours qui gueres aux amans ne durerent (C.N.N., c.1456-1467, 92). ...ilz vindrent au molin, ou ilz ne furent gueres sans mettre la main a l' euvre. (C.N.N., c.1456-1467, 40). Item, [je ne donne] riens aux Enffans trouvés, Mais les perduz fault que consolle ; Sy doivent estre retrouvez Par droit sur Marïon l'Idolle. Une leçon de mon escolle Leur liray, qui ne dure guerre ; Teste n'ayent dure ne folle, Escoutent ! car c'est la derniere. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 128).

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Ne ... plus guere : Respont NOSTRE DAME. Amy Jehan, par vostre grant amour, Ne puis partir de mon seigneur, Quar quant perduz je l'ayrait, Vivre plus gayre je ne pourait. (Pass. Autun Biard F., 1470-1471, 122).

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Ne ... pas guere : Mais je n'oz pas gaires dormi Que j'oz estrange vision, Ce ne fu pas illusion, Ains fu demonstrance certaine De chose tres vraie et certaine (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 20). Elle ne dormit pas gueres la nuyt (C.N.N., c.1456-1467, 179). Ne demoura pas gueres que la mort du bon chien au curé fut (...) annuncée. (C.N.N., c.1456-1467, 540).

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Ne ... de guere : Remond fist moult beau don aux deux chevaliers, et leur bailla lettre, et leur dist qu'ilz lui saluassent Gieffroy et qu'ilz portassent la teste du jayant a Melusigne, qui estoit a Nyort, et qu'ilz ne se teurdroient de gaires. Lors s'en partent les deux chevaliers et ont tant erré qu'ilz sont venuz a Nyort. (ARRAS, c.1392-1393, 248). Et n'eurent de guaires perdu la veue de luy quant ilz voient venir au dessus de la forest deux dragons volans (Percef. Compl. R., c.1450 [c.1340], 590).

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Ne...guere plus. "Ne ... pas beaucoup plus longtemps" : Et lors appella le roy sa fille, et lui dist: Ma fille, seez vous cy emprez moy, car je croy que vous ne me tendrez gueres plus de compaignie. (ARRAS, c.1392-1393, 119).

-

Ne .. guere de temps / guere de jours "Ne... pas bien longtemps" : ... elle s'en ala asseoir sur le banc au feu, l'une heure le viaire devers le lit et le doz au feu, (...) et l'autre heure retournoit le visaige devers le feu, et gueres de temps ne se tenoit en un moment. (ARRAS, c.1392-1393, 309). Ne passa plus gueres de jours que mes conducteurs me menerent aux champs pour faire voler nostre oyseau. (Abuzé D., c.1450-1470, 60).

2.

Empl. impers. (Il) n'a guere/il n'y a guere. "Depuis peu" : Et trouva que ou tiers [ermitage] n'avoit point de hermite, car il estoit trespassez n'avoit gaires. (ARRAS, c.1392-1393, 272). ...la promesse que me feistes n'a gueres (C.N.N., c.1456-1467, 298). Ung gentil compaignon devint amoureux d'une jeune damoiselle qui n'a gueres estoit mariée. (C.N.N., c.1456-1467, 315). ...je vous compteray ung cas qui puis n'a gueres est advenu ou Daulphiné (C.N.N., c.1456-1467, 357). Pour reconforter, Une chanson me fault chanter, Que j'ay apris il n'y a pas guayre De Jhesu de Nazareth, le prophete, Pour quoy maintenent je veul chanter (Pass. Autun Biard F., 1470-1471, 111).

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(Il) n'a (pas) guere que. "Il y a peu de temps que" : Par quel meffait (...) Ay je perdu de saint Mercure Les saintes armes que gardoie ? N'a gaires qu'encor les avoie. (Mir. emp. Julien, 1351, 210). Se ilz n'y sont, il n'a gueres que ilz s'en sont partis. (ARRAS, c.1392-1393, 90). N'a gueres que a Paris presidoit en la chambre des comptes ung grand clerc chevalier (C.N.N., c.1456-1467, 115). N'a gueres que ung marchant de Tours (...) achatta une belle et grosse lemproye (C.N.N., c.1456-1467, 261). N'a gueres que en l'eglise de saincte Goule, a Bruxelles, estoient a ung matin pluseurs hommes et femmes (C.N.N., c.1456-1467, 338). : N'a pas gueres qu'en la ville de Malines avoit trois damoiselles (C.N.N., c.1456-1467, 373).

-

Il n'y a guere avec tant que. "Il y a à peine..." : ...il n'y a gaires avecq XV jours que je me partis de la seconde assamblee (Percef. V, R., t.1, c.1450 [c.1340], 135). Or advint, n'a gaires avecq ung an, que la roine sa femme ala de vie par mort. (Percef. V, R., t.1, c.1450 [c.1340], 395).