I. -

Empl. intrans. ou pronom.

A. -

"Réagir à une sensation (souvent de douleur) par une grimace" : Enfirmiers des malades doit nuit et jour songnier, Patiaument porter quand il les voit grignier (GILLES LE MUISIT, Poésies K., t.1, c.1347-1353, 166). GRIFFON (bourreau). Qui bien le voit, Il [Jésus] grigne de fine destresse. Voicy couronne de noblesse [la couronne d'épines] pour ung grant prince seculier. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 307). LUCIFER. D'ung haubregon tout deschiré De mors soubites et soudaines, Enmaillet de fiervres quartaines, Avecq ung healme de tigne, Du mal saint Jan de quoy on grigne, Des gambieres de saint Anthoine, Du mal saint Achaire ung noir moisne, Puissiés vous porter gorgias Et escut. (MOLINET, Myst. st Quentin C., c.1482, 319).

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"Exprimer son mécontentement, sa colère, en fronçant la figure" : ...contre Nature fait Qui femme de rudesse fiert. Et pensez vous que plaisir ait En tel mary, qui gringne et brait Et l'ostel de noise fouldrye ? (MARTIN LE FRANC, Champion dames D., t.1, 1440-1442, 139). ...Et les aultres crïoient merchi en reculant : "Ne vous y fïéz pas, dit Brandi en gringnant, Car, par la merchi Dieu qui tout va pardonnant, Ja merchi n'y ara ne le petit ne grant" (Enfances Doon de Mayence P., c.1450-1500, 685).

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"Menacer, en montrant les dents" : ...lez payens estoient en sus d'elle gringnant. (Cip. Vignevaux W., p.1400, 197).

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Empl. pronom. Se grigner. "Se mettre en colère" : A ce point se grignya le roy (LE BEL, Chron. V.D., t.2, 1358, 166). "...Se vous n'avés pité de ces honmes qui sont en vostre merchi, toutes aultres gens diront que ce sera grans cruaultés, se vous faites morir ces honestes bourgois qui de lor propre volenté se sont mis en vostre ordenance pour les aultres sauver." Adont se grigna li rois et dist : "Manni, Manni, soufrés vous. Il ne sera aultrement." (FROISS., Chron. D., p.1400, 848).

B. -

"Grincer, craquer" : [De la croûte du pain] Ilz font bruit, On les ot soubz les dens grigner. (Myst. Incarn. Nat. L., t.2, c.1454-1474, 166).

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Prov. La pire roue tousjours grigne. "C'est toujours la plus mauvaise roue qui grince" ; "c'est toujours les plus mauvais qu'on entend" : La pire roe tousjours grigne. (MIÉLOT, Prov. U., 1456, 196).

Rem. Voir aussi s.v. Roue¹, A.1.

II. -

Empl. trans. Grigner les dents. "Exprimer un sentiment violent par une grimace qui fait voir les dents" : Et comment vous gringniez les dens ! Il semble que ly [l. Il semble ly] diable vous tiengnent ! (MARCADÉ, Myst. Pass. Arras R., a.1440, 28). ...enfelly de courage [Jehan de Luxembourg], sur pieds commande à sonner trompettes, traire chevaux et armer gens, grignant les dents et jurant : "Par l'âme monseigneur mon père ! aujourd'huy nous verrons de bien près ces Armagnacs..." (CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 92). ...et cherchoient à l'emmener prisonnier (...) : "De la foy, chevalier, de la foy !" le quel grinant les dents de courroux, ne rendoit response que de l'espée (CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 267). Mon maistre, voiant ce deffault, Commença les dens a grignier, A soy emffler comme ung crapault, A soy battre, a soy arignier, Il sambloit qu'il deust enragier, Ainsy frongnoit de la narine, Il eust tué en ce dangier Patron et parin et marine. (MOLINET, Myst. st Quentin C., c.1482, 139). [Autre ex. p.171]

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[D'un chien] "Montrer ses dents (à qqn) pour menacer" : Les propres chiens mastins et gros limiers Qui des premiers firent les bienvegnant, A son retour mordirent ses sommiers ; Sur leurs fumiers comme cruelz stafiers Et serpens fiers vont les dens grignant (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 281).

III. -

Part. prés.

A. -

Loc. (Parler) à grignants dents/en grignant les dents. "(Parler) en laissant voir son mécontentement par une grimace qui fait voir les dents " : SAINT ESTIENNE. (...) Car je voy ja - loé soit Diex ! - Le ciel ouvert a veue clere, Et, a la destre Dieu le pere, Jhesu Crist, le sauveur du monde. ANNAS, en gregnant les dens et en estoupant sez oreilles : Ahay, glouton, Dieu te confonde ! (Cycle myst. prem. mart. R., c.1430-1440, 79). Mais, avant qu'oncques il se voulut si avant déclarer que de donner et concéder le demy-an [de sûr-état demandé par le roi de France], ledit connestable y eut grande peine ; et le prononcia le duc à grignans dents et à bien envis dehors sa bouche (CHASTELL., Chron. K., t.5, c.1456-1471, 346).

B. -

[Des cheveux, de la barbe...] "Hérissé" : ...le second jour de son accès [de leur prince] l'ont conjouy [les habitants de Gand mutinés] à hacques et à macques, et assis devant son front multitude de faces en bacinets enroulliés, et dont les dedans estoient grignans barbes de vilain, mordans lèvres. (CHASTELL., Chron. K., t.5, c.1456-1471, 273).

V. aussi Rigner