C.N.R.S.
 
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     GRIEF1          GRIEF2     
FEW IV gravis
GRIEF, adj.
[T-L : grief ; GD : grief ; GDC : grief ; DEAF, G1370 grief ; AND : gref ; FEW IV, 264a : gravis ; TLF : IX, 493a : grief1]

A. -

"Lourd, pesant"

 

1.

[D'une chose concr.] : Et a Sisiphus point ne grieve La grant roche pesant et grieve. (MACH., C. ami, 1357, 90). Se aucun ptisique, ce qu'il crache est grief, et soit puant s'il est espandu sur les charbons, et les cheveux cheent de la teste, c'est signe que cel ptisique se meurt. (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 81). A qui doncques m'en prendray Fors qu'a moy seule, Quant mon cuer fist dire a ma gueule Ce dont il faut que je me deule, Portant plus grief fez que une meule ? (CHART., L. Dames, 1416, 277). DIEU. ...Aprés, l'ëaue qui repugne Du feu convendra eslonger Et dessus la terre logier, Laquelle derraine ordonnons. Lieu et stabilité donnons Du centre de notre facture Affin que sa griefve estature Luy doint reposer ou moyen De ce beau lieu celestïen (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 13). ...il fut crié par les marinniers que chascun jettast en la mer la chose la plus grieve et plus pesante qu'il eust. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 224).

 

2.

Au fig.

 

a)

[D'une pers.] "Lourd, pesant, ennuyeux" : ...tu seras maintenant joieux, maintenant troublé, maintenant devot, maintenant estudieux, maintenant pareceux, maintenant grief et pesant, maintenant legier. (Internele consol. P., 1447, 168).

 

b)

[D'une chose]

 

-

"Pesant" : Car aucunes fois a telz, ce leur est fort et grief ce qui est legier a un autre. (ORESME, E.A.C., c.1370, 390). Mais a ce tres grief fardel [des péchés] deschargier, se il te plaist, mon Dieu, souffira sans plus le merite de la mendre partie d'une gouttellecte de ton precieux sanc (CHR. PIZ., Psaumes allég. R., 1409, 96). Ilz portent le jonc de servitute et le grief fes de truage. (PREMIERFAIT, Cas nobles hommes G., 1409, 86). L'empeschement, dit il, n'est si gref ne si grand qu'en peu de temps n'en soie delivré (C.N.N., c.1456-1467, 574). Cela ne seroit pas trop grief D'avoir ces fatras la si longs. (Sots Magn., a.1488, 195).

 

-

"Lourd, sévère" : Et pour ce qu'avez sanz faillir Porté ceste grief penitence, Diex, qui touzjours les bons avance Et ou bontez maint infinie, Veult qu'elle soit en vous fenie, Et que ne la faciez jamais, Mais que parlez dès ores mais, Car touz voz pechiez vous pardonne (Mir. Rob. Dyable, c.1375, 75). ...Et qui des faulx veut avoir l'alliance, Le dieu d'Amours en prent grief vengement. (Cent ball. R., c.1388-1396, 224). ...de tant que l'omme est plus hault Et a plus grant bien evocqué, Quant il chiet qu'il a delinqué, Sa pugnicion est plus griefve. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 370). O Trinité en Unité Sans nulle separation, Regarde ma fragilité Et griefve condempnation (Prisonn. desconf. C., c.1488-1489, 53).

 

-

"Profond" : Adont il delibera de soy donner a cognoistre pour sçavoir plus avant de son estat et fist une maniere comme de soy estendre et esveillier ainsi que s'il ysst d'un grief somme. (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 18).

 

3.

P. anal. MUS. [Pour qualifier des notes] Grieve teneur/ dessous grieve contreteneur. "Partie ou voix de ténor, de ténor haute-contre ; partie qui reste en deçà des notes suraigües" : ...ainsi les notes agües par grieves teneurs et dessous grieves contreteneurs sont actrempees et mesurees a point que l'auctorité de jugement vray est soustrait et osté as oreilles qui les escoutent (FOUL., Policrat. B., I, 1372, 116).

B. -

[Idée de dommage causé, de mal que l'on subit]

 

1.

[Dune chose concr.]

 

-

"Difficile, pénible, fatigant" : Riens n'entreprent, tant soit fort grief, Dont il ne viengne bien a chief. (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 12). Ja n'est besoing que je raconte Tous les suffrages et les fais Joyeux, qui furent ou lieu fais, Car tout escouter seroit grief Et, pour ce, je vous di, en brief, Que chacun y fu si en hait Et si ala tout a souhaid Que me dos de cel lieu louer, Ou me volt Fortune alouer. (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 39). Joseph, chier parent, je ressongne D'aler en Bethlëan si brief : Le chemin y est grant et grief (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 62).

 

-

"Dangereux" : Une estraite porte a en my Le mur, si basse que gemy, Plaing et plouré au trespasser Ont maint, pour l'orreur d'i passer, Car il n'est nul passage brief, Qui soit au trespasser si grief, Et, se le lieu est bien terrible, Portiere y a aussi orrible, Car oncques mais, ce n'est pas fable, Ne fu riens plus espouantable A veoir, ne dont creature Eust si grant orreur par nature. (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 103).

 

2.

[D'une chose abstr.]

 

a)

"Dur, pénible, grave" : Et se vous savés le puison De ceste ardeur qui est si griés, Je vous pri qu'elle me soit briés (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 156). Saches que je te venderay, En servitute greve et pesme, Aux barbarans (Mir. Pierre Changeur, c.1378, 266). ...fortune (...) Qui grief meschief livre a maint (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 273). Ce jour, vint en la Court le recteur et pluseurs des maistres de l'Université en leurs abitz acoustumés, et firent proposer par la bouche de maistre Guillaume Erard, maistre en theologie, qu'ilz venoient pour faire une grief complainte (FAUQ., III, 1431-1435, 101). Et celluy qui fist l'avangarde Pour faire sur moy griefz exploiz : De par moy, saint Anthoine l'arde ! - Je ne luy feray autre laiz. (VILLON, Lais R.H., c.1456-1457, 27). Or est vray qu'aprés plains et pleurs Et angoisseux gemissemens, Aprés tritresses et douleurs, Labeurs et griefz cheminemens, Travail mes lubres sentemens, Esguisez comme une pelocte, M'ouvrist plus que tous les commens D'Averroÿs sur Arristote. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 29). Mon povre cueur forment souspire Quant je ne puis trouver sejour Pour alleger ma grief douleur Que jour et nuyt si ne me fine, Je suis bien mis a discipline. (C. Riffl., c.1480-1520, 59).

 

-

[Sentence] Plus haut est le monter plus grief est le cheoir : Et notez que, quant plus hault est le monter, de tant plus grief est le cheoir (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 90).

 

.

Estre grief à qqn. "Être pénible, lourd à qqn" : Riens que conmandez ne m'est grief. (Mir. Berthe, c.1373, 212). SOTIE. Encores fault il que l'en face Unes vigilles assés briefves, A celle fin que l'en parface Le service, si aurés treves. ROSSIGNOL. Les louenges nous seront greves, Despeschons nous, c'est le plus net, Mais commencez. (Vig. Trib., c.1480, 230).

 

.

Tenir qqc. à grief. "Considérer qqc. comme pénible" : Ce conmant ne tien point a grief, Puis que de vostre bouche l'ay. (Mir. st Alexis, 1382, 289).

 

-

[Dans une tournure impers.]

 

.

Estre grief à qqn. "Être pénible à qqn" : Biaux oncles, a qui qu'il soit grief, Je n'ay ne talent ne desir D'ailleurs qu'en ma maison gesir, N'en doubtez pas. (Mir. chan., c.1361, 170). Lasse ! chetive ! il m'est a grief, Si ne m'i vault riens escondire. (Mir. femme, 1368, 201). Ne vous soit grief se je demande, Dame, conment le trouveray, Car congnoistre ne le saray Se n'ay de li aucune enseigne Ou que qui que soit le m'enseigne (Mir. st Alexis, 1382, 339).

 

.

Estre grief à qqn de + inf. "Être pénible à qqn de" : Moult lui est grief de si grant somme D'injures souffrir (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 60). Haa ! sire preudhomme, trop m'est grief de voir la destruction de mon filz et de tout mon royaume ! (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 548).

 

.

Estre grief à qqn que : Pére, ce me sera trop grief Que je vous voie crestien Et je ne le soie aussi bien. (Mir. Pierre Changeur, c.1378, 298).

 

.

Grief à + inf. : Et semblablement yre qui est occulte et couverte, est plus grieve a porter que celle qui est apperte, si comme il fu dit ou .XXIe. chapitre du quart. (ORESME, E.A.C., c.1370, 491). On leur faict assez de cabas, Qui leur sont fort griefz a pourter. (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 54). ..estre gabbez ou mocquiés en povreté est plus grieve chose a porter que la mesme povreté. (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 182).

 

b)

"Douloureux" : ADAM. ...Ta faulce traïson [du serpent] (...) par la sente de pechié Et les desers de grief remort, Nous maine au terme de la mort (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 20). LA FEMME DU CRESTIEN. Cher espoux, dolente j'en suis [de notre ruine] (...). J'en ay eu cent mauvaises nuitz, De dueil, grief courroux et ennuis Et en est ma joye finee. Mauldicte journee, L'heure que fus nee Pour estre en ce point ! Faulse Destinee, Fortune obstinee Qui trop fort nous point ! (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 75). LE JUIF. La conscience me remort Et de long temps ay ung remort Touchant nostre loy de juifrie. De nulz seigneurs n'avons support. Crestiens partout ont grant port, Dont j'ay une griefve resverie. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 78).

 

c)

"Rigoureux, contraignant" : Aussi sont les sermens aux portes Si grief qu'il fault les .II. parties Combatre la toutes leurs vies Jusques l'un d'eulx en soit oultré. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 21).

C. -

[Idée de gravité (par les conséquences, par les fautes commises...)]

 

-

"Lourd de conséquences, grave" : LE MARI. (...) Puis que Dieu de si grief diffame L'a delivree. (Mir. enf. ress., 1353, 73). Et par le pouoir de ces deux, Richesse, femme, ou de l'un d'eulx, Te voy en grief oraige courre, Dont je voy po homme rescourre, Qu'il ne couviengne en celle mer De tourment sa vie blamer, S'a l'un des deulx perilz s'ahert, Qu'il ne soit destruit et desert. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 40). ADAM. O souverain pere divin (...), Quelle offense griefve et horrible Ay je au jour d'uy vers toy commis (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 20). ...je vous ay advertye de vostre meschef, qui tresprochain et gref estoit (C.N.N., c.1456-1467, 40). Monseigneur, nous avons à parler à vous de très-grosse matière, et de la plus griefve qui oncques vous vint au devant (CHASTELL., Chron. K., t.4, c.1456-1471, 249).

 

-

[D'un péché] : Laquelle l'Apostre compte et met en nombre entre les griefz pechiés, disant aux Romains que cheulx font a condempner qui sont «inobediens a leurs parens» (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 232). C'est grief pechié de cuidier que ung homme te doie mieulx paindre que Dieu (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 376). ...ne je ne m'encusoie pas, ains disoie "tel le me fist faire et je ne m'en donnoie garde", et en celle maniere disoie je pour moy excuser de mes pechiez, lesquelz me sembloient trop grief. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 25). Je le dis pourtant car il me samble que ung seul pechié qui se feroit en sa personne est plus grief que tous aultres pechiés qui se feroient ou qui faire se pourroient dehors sa personne. (CRAP., Cur Deus, De arrha B.H., c.1450-1460, 231). Aprez, il doibt penser et soy examiner se depuis petit de temps et prouchainement il est pas trebuschié en quelque grief pechié mortel (Traité S. Sacr. B., c.1450-1500, 175).

 

-

En partic. [D'une maladie, d'un mal] "Douloureux, grave, pénible, éprouvant, terrible" : LA DAME. (...) Si grief mal n'enduray Onques mais jour ! (Mir. enf. ress., 1353, 18). Trop sueffre et port grief maladie Par tout le corps. (Mir. st Val., c.1367, 126). LA MARQUISE [au marquis]. (...) Si [la nouvelle épouse de marquis] ne pourroit souffrir n'attendre, Au moins si comme je le pense, A son cuer si grief pestillence Com j'ay souffert sans contredit. (Gris., 1395, 94). ...ledit maistre Jaques ne les avoit peu ne povoit signer, ne grosser, obstant la griefve maladie contenue qui l'empeschoit. (FAUQ., II, 1421-1430, 25). Ou plus que Job soit en griefve souffrance, Tenant prison en la tour Dedalus, Qui mal voudroit au royaume de France ! (VILLON, Poèmes variés R.H., c.1456-1463, 58). ...une maladie le print en l'oeil si greve, qu'il ne le povoit tenir ouvert (C.N.N., c.1456-1467, 502). Terre trambler, L'aer deust toner - et l'eau corant Et la dorment deussent falhir ; Le feu ardent ; Par grief torment - deust tout morir. Les elemens deussent perir, A neant venir, Sentent la mort de leur createur. (Pass. Auv., 1477, 247). ...icelui roy Daire ayant une greve doleance en l'un des piez, où nul medicin ne povoit donner remede (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 52 v°). ...et à Tours fut maistre Nicolle de Lorrix qui prenostica de la famine, qui fut l'an IIIIe de l'empereur Henri et de la très grefve mortalité, qui fut quasi universelle par tout le monde (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 110 v°). Viconte estoit de Meaulx (...), Dont nous portons dedens nostre cueur quelque Griefve douleur qui nous est plus amere Qu'onques ne fut la mort de filz a mere, Qu'on voit mourir ou endesver d'ahan. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 316).

 

-

Empl. adv. "Gravement" : Ha ! mére Dieu, (...) conme il péche grief et mal Qui ne pense de toy servir ! (Mir. marq. Gaudine, 1350, 153). Vous savez Com j'ay esté malade grief (Mir. emper. Romme, 1369, 246).
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Pierre Cromer

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