A. -

"Ce qui accable, fait souffrir, cause du tort ou des dommages"

1.

"Tort, dommage, malheur, souffrance" : Si est trop grant malaventure Que pechëour unques murmure Pour nulle temporel grevance, Quant ceulx par divine ordenance Iceulx malx a endurer ont Qui ou ciel o Dieu regneront. (Tomb. Chartr. Trois contes S., c.1337-1339, 119). Car espoir est ç'un annemi Qui de lui a pris la samblance Pour vous faire, s'il peut, grevance Ou mal aucun. (Mir. prev., 1352, 268). Quant par ce cop furent desprisonné Li amoureux, et osté de grevance. (Mir. enf. ress., 1353, 83). Las ! or m'a descongneü, Quant de moy faire aligence Ha heü temps et pooir ; N'en riens n'a recongneü Ma dolour ne ma grevance, Eins m'a mis en nonchaloir. (MACH., Motés, 1377, 512). ...et ce doit estre entendu dez sers et subjez fais par violance, ou de ceulx a qui leurs seigneurs font grant tort et grevance. (Songe verg. S., t.1, 1378, 8). ...bien sçot l'estoile Marine cognoistre et le voile Tourner (...) Pour tousjours tenir droit sentier, Sanz que mal, ne grevance eussion (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 47). Afin que tost soit abregé Le mal qui me porte grevance, Les fourriers [d'Amours m'ont logé] En ung lieu [bien a ma plaisance.] (CH. D'ORLÉANS, Chans. C., c.1415-1440, 241). Souffrir me faitz grant pestilence, Nuyt et jour seuffre grant grevance Par ta cruelle trahyson. (RÉGN., F.A., 1432-c.1465, 96). Demochritus, philozophe, de qui le pere (...) povoit sans grevance tout l'ost du trespuissant Xersés repaistre et alimenter, richesses paternelles abandonna pour vivre en simple povreté. (MARTIN LE FRANC, Estrif D., 1447-1448, 278). Voustre grevance Prennés en gré, - fin que Dieu soit contens de vous. (Pass. Auv., 1477, 188). JUDAS. Et, par ta misere et meschance, Tu l'as esté vendre aux faulx chiens Qui ne quierent que sa grevance ! (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 289). Les usuriés nous ont fait grant grevance, [Les] boulengiers du mal a grant oultraige, Mais ont eu la fessee au cul. (Sots, c.1480-1500, 276). Jhesu Crist, de ceste reponce [du cameleopart] moult fort troublé et voyant qu'il estoit monté bien hault, le précipita et abati par terre, disant : "Cil souvent pourquiert sa grevance qui d'autrui serche sa vengeance." (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 234).

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Pour ma grevance. "À ma charge" : Et s'aucuns ont parlé pour ma grevance, Qui sunt à moy haïneus et contraire, S'elle les croit, s'iert pechiés et enfance ; Mais en li est de moy faire ou deffaire. (MACH., L. dames, 1377, 212).

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Sans grevance. "Sans ennuis" : Donc puet donner le chien plaisance Et profit sans nulle grevance. (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 475). ...en lour dite chartre est contenuz que chescun si bien forein come denisein que a le dit lieu voet venir durant la dite faire fraunchement et pesiblement puissent vendre et achatre et a lour volunté charger harang sanz grevance ou destourbance de nully. (Lettres agn. L., 1369-1412, 24).

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Avoir grevance. "Avoir des ennuis" : Amis, certes, riens ne vorroie Faire a nelui, Dont il eüst grevance ne anui ; Ne l'en ne doit faire chose a autrui Qu'on ne vosist que l'en feïst a lui. Et, biaus amis, Il n'est nuls biens qui ne soit remeris, N'il n'est aussi maus qui ne soit punis. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 77). ...Et sans doubtance, Se je fais riens contre vostre plaisance, Ne dont vos cuers ait courrous ne grevance, Sachiez de voir que c'iert par negligence. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 82). ...Et pluseurs sont qui n'i ont fors pointure, Ardour, dolour, plour, tristece et amer. Se dient ; mais acorder Ne me puis, qu'en la souffrence D'amours ait nulle grevance, Car tout ce qui vient de li Plaist a cuer d'ami. (MACH., R. Fort., c.1341, 72). Dous amis, tant ay grevance, Tant ay grief souffrance, Tant ay dueil, tant ay pesance, Quant jamais ne te verray, Que doleur me point et lance... (MACH., L. plour, 1349, 289). Si me merveil, quant doloir Et complaindre main et soir Voy maint amant et manoir En desesperence. L'un muert d'amoureuse lance Et l'autre ha toute grevance ; L'autre languist en doubtance De pis recevoir. (MACH., Les lays, 1377, 452).

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Faire grevance (à qqn/qqc.)/porter grevance (à qqn). "Nuire, causer du tort" : Mais toutes ces bestes ensamble Estoient d'acort, ce me samble, Pour faire grevance au lion, Chascune en sa condition, Car toutes après li braioient En leur jargon et glatissoient, Et bien croi qu'elles l'estranglassent, S'elles peüssent ou osassent... (MACH., D. Lyon, 1342, 173). Et liez estoit il sans doubtance ; Tout pour faire aus bestes grevance, Fist de neccessité vertu, Quant il moustra que liez en fu. (MACH., D. Lyon, 1342, 234). Tu, sires, par douce pité Has promis, selonc ta bonté, Remission et penitence Des pechiés qui nous font grevence. Tu, qui es sires vrais et justes, N'as pas mis penitence aus justes, Ne rien remis de leur pechié, Pour ce que n'ont mie pechié. (MACH., C. ami, 1357, 53). Mais qui bien est moriginez Et en vertus enracinez, Fortune n'a nulle puissance De lui faire anui ne grevance Quant aus meurs ; car s'elle a l'avoir, Les vertus ne puet elle avoir, Car vertus sont dons que Dieus donne A homme qui a bien s'ordonne... (MACH., C. ami, 1357, 69). Et quant Fortune m'ot fait nu et tremblant Par povreté qui ses gens desavance, Lors vint Mauffé à Dangier ressamblant ; Quant l'aperçu, je perdi contenance : Honte m'assaut, Paour me fist grevance. (MACH., App., 1377, 644). Et ce m'a tenu en joie Si grande que ne vouloie Greigneur bien ne ne queroie Que la douçour où j'estoie, En trestout me delitoie Et sanz grevance faisoie Tout ce que de cuer pensoie Comment n'y failloie. Quant aucune part aloie, Si tres legiers me sentoie Qu'à mon avis je voloie... (MACH., Les lays, 1377, 469). Par ces .XIJ. puet estre soustenue En douce oudour, en coulour, en vaillance, Et l'agu vent qui renommée tue Ne porra faire à son renom grevance, Et Loiauté temprement S'esveillera, car trop dort longuement, Pour li aidier ; n'i voy autre confort Fors seulement en Loiauté qui dort. (MACH., L. dames, 1377, 194). Faison appointement ensemble De perpetuelle alliance ; Que point ne leur feron grevance Ne eulx a nous aucunement (Myst. Viel test. R., t.2, c.1450, 136). ...et t'en fuyr hors de ma presence pour aller a peu de puissance guerroier et porter grevance en Ytalie (Eneydes, 1483. In : Chrestom. R., 231). J'ay dedans le cueur tout vercy [l. nercy] Que je ne suis pieça armé Et dedans mon harnois fermé Affin de leur porter grevance. (Myst. st Laur. S.W., 1499, 138).

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[Dans une formule d'invocation ou de souhait] Garder de grevance : Plusours bons marcheans, que Dieu gart de grevance, Ont en la charité saint Euustace fiance (Vie st Eust. 1 P., c.1350-1400, 168). Je prie Appolin et Mercure [Qu'ilz] vous gardent, sire, de grevance, Car vous estes homs de vaillance Ou soit a pié ou a cheval. (Pac. Job M., c.1448-1478, 309). ...Et sil qui aura desplaisance De ce dont vous aurez plaisir, Se Jupin ma gart de grevance, celui est digne de mourir. (DU PRIER, Roy Adv. M., 1455, 10). Oultre pour nostre excellent Roy Loys, tres vaillant roy de France Et trestout ceulx de son arroy, Vous plaise guarder de grevance. (MART. D'AUV., Mat. Vierge L.H., c.1477-1483, 163).

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Navrer à grevance : Ung chevalier de lui leur dist signiffïance, Commant est retenus et navrés a grevance. Dont le pleurent Ganor et Richer d'accordance : "Frere, quant tu es mors, de vivre n'ay plaisance." (Tristan Nant. S., c.1350, 118).

2.

En partic.

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"Châtiment" : ...Tournez le nous a penitence Et nous destournez de grevance, S'il vous plaist, et de l'ennemy. (Mir. enf. diable, c.1339, 11). Pour ce vous sera a grevance, A honte et a confusion A la grant resurreccion De toutes gens. (Mir. nat. N.S.J.C., c.1343, 236). Quant Huez l'entendy, de chevauchier s'avance Tant qu'il vit lez larons que Dieux otroit grevance, Et le belle qui fu en moult grande ballance De perdre là endroit s'onneur san recouvrance. (Hugues Capet L., c.1358, 17).

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[À propos de personnes] "Souffrance physique, mal" : ...et comme il [Hue de Saint Victor] ne le peust recevoir [le corps Jhesucrist] pour la grevance de sa maladie, il leva les mains vers le ciel et fist ainsi son oroison : ... (JEAN GOLEIN, Rational B.D., c.1370-1372, 502). ...ses barons fist huchier, Si leur commença a preschier Moult doulcement "qu'en paix se tiennent, Aprés luy et bien se maintienent, Sanz faire grevance a nul ame." (CHR. PIZ., M.F., IV, 1400-1403, 65). ...et la, le laissa icelle hostesse qui autrement n'y povoit remedier, sans lui faire aucunne durté ne grevance de son corps. (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, 1400, 777). Or allez en peine et grevance Cultiver la terre et les fruitz, Affin d'avoir vostre substance Des biens par vostre oeuvre produitz. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 70).

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[À propos d'une chose] "Dommage matériel" : ...car il ordenoit Qu'en tous les pais de conqueste Ou il aloit, que ja moleste Ne grevance on ne feist aux temples. (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 185).

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[Dans un contexte allég.] : Ainsi le chastel est si fort Que nul n'y peut faire grevance (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 73).

B. -

[Domaine médical]

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"Lésion, blessure" : Et se on le [l'agate] met sur femme qui travaille d'enfant, ly enfes s'en partyra, soyt vif ou mort, sans grevanche de la mere. (MANDEVILLE, Lap. M., c.1350-1390, 177). La fu le conte de Genoive, Qui pour colée qu'il reçoive, Pour grevance ne pour labour, Pour froidure ne pour chalour, De l'estour ne se partira, Ne le bon roy ne guerpira. (MACH., P. Alex., p.1369, 69). C'est celle qui par ordenance De parole et par la puissance D'Esperit Saint, qui ouvra en ce, Et par devine pourveance, Fait au commandement dou Pere, Conçut vierge, sans violence, Porta vierge, sans desplaisence, Enfanta vierge, sans grevence, Le Fil Dieu qui prist no samblance Pour nous tous geter de misere. (MACH., Les lays, 1377, 407). ...Comme l'en voit corruption Aulcunes foiz en advenir Des oÿes, a quy venir Peut de noise grant habondance ; Tant que fait a l'oÿe grevance, Comme forgeurs, cors ou tonnerres, Dont les tons poursuivent leurs erres ; Tant que le organë en empire Et le oÿe en a du pire, Tel foiz que elle en assourdit (COURCY, Chem. vaill. D., 1424-1426, 19). Se concussion vient a aulcun ou grevance ainsi que s'on le pongnoit d'aguilles ou de orties et il sent mouvement de deambulatif entre cuir et chair, pongitif, prurite perforatif, c'est signe que humeurs coleriques chauldes agues ou salses ou adustes dominent ou corps qui se dissolvent en vapeurs et vont es membres sensibles (GORDON, Prat., c.1450-1500, I, 17). Et puis se vient la tunique cornee et est blanche et ferme comme une corne pour deffendre l'oeul de grevance foraine et a en luy quatre tuniques affin que se l'une est blecee que les aultres ne le soyent pas (GORDON, Prat., c.1450-1500, III, 1). Et puis vient l'umeur albuginee qui est l'ordure et la superfluité de l'umeur cristalline et sont la pour deffendre la cristalline des grevances et des choses de dehors (GORDON, Prat., c.1450-1500, III, 1).

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"Douleur" : En ces corps [esquelz] il n'a point de fievre, qui ait torcion de ventre, ou grevance des genoulz et douleur des rains, c'est significacion que le corps a mestier de purgacion par dessoubz. (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 73). Et, pour ce que le Roy avoit entendu qu'il estoit moult agrevé de sa goute, et ne povoit chevauchier, et le charrier li faisoit grevance, lui envoia toute nuit (...) un des curres de son corps, noblement appareillié et de chevaux blans atelé (Chron. Jean II Ch. V, D., t.2, 1364-1380, 204). Se c'est de la matrice on le congnoist par grevance de la circunferance de la partie du chief de derrier (GORDON, Prat., c.1450-1500, II, 10). Et se l'egestion estoit chileuse et le flux viengne du foye, il vient par une forme et sans douleur et est digéré et quant il vient de l'estomac, il est indigest avec grevance et douleur d'estomac avec petit de demouree (GORDON, Prat., c.1450-1500, V, 16).