A. -

[D'une chose] "Pénible, douloureux, cruel, nocive" : Mors, que m'est grevaule tes mors ! (JEAN DE LE MOTE, Regr. Guill. S., 1339, 18). Plus li sera au corps grevable, Miex sera de son pechié quitte (Mir. mère pape, c.1355, 371). Si croy que c'est sans mesprison, Car attrais n'iès pas de nature Que faire doies mespresure, Au mains tele ne si notable Com pour estre en lieu si grevable, Ja soit ce que nature enseingne Qu'homme ne soit qui ne mesprengne. (MACH., C. ami, 1357, 59). ...N'ai cure qu'on me die De quel pris est la maladie : S'elle est grevable, je m'en tes, Et s'elle est bonne, c'est grans pes. (FROISS., Pris. am. F., 1372-1373, 55). Contre la destroite froidure Quiert on la caude couvreture, Contre maladie grevable Est le medicine salvable. (THOMAS MAILLET, Prov. Alain H., c.1375-1400, 85). Mort tresamere ou peste dangereuse, Aigre ruisseau et lac abhominable, Ryviere trouble, parfonde et ravisseuse, Guere, famine, mortalité grevable, Venin mortel, gouffre tout debourable [l. devourable] (Au grey d'amours F.-H., c.1400-1500, 275). Dant de Florence, le vaillant Poete, qui tout son vaillant Perdi pour cel estrif grevable (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 15). En la .X^me. et plus grevable Bataille fu Hector occis (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 97). De ses gens grandement perdy Mitridatés, car luy sourdy Une famine trop grevable, Par qui son grant host merveillable Fu si malmené qu'en moururent Maint, et de malage qu'ilz heurent. (CHR. PIZ., M.F., IV, 1400-1403, 13). Quel mire pourrait garison Donner a mal qu'est tant grevable Com mortele sedicion Qui par herbes est incurable ? (ROBINET, Compl. François H., p.1420, 72). Las ! pardurable Fust printemps sans mutation. Certes, trop ne nous est grevable Temporele alternation. (MARTIN LE FRANC, Champion dames I-II, P., 1440-1442, 159). Car son decés est a chascun grevable. Quans en y a qui nuit et jour lamentent Pour ses biens faiz qui leurs douleurs intentent [var. intemptent] ! (HAUTEV., Compl. H., c.1441-1447, 60). Combien que on y fait des choses mout grevables au peuple, c'est assavoir les creues, et qui les considereroit bien c'est une grant taille sur le peuple (JUV. URS., Nescio, 1445, 530). Plus que mortel venin est son doulx miel grevable [de Fortune] : Qui trop en boit, devient ydropique incurable. (MARTIN LE FRANC, Estrif D., 1447-1448, 263). Et pareillement vous plaise pourvoir et donner ordre au grand séel de Carcassonne, et Cours sigillaires de Besiers, de Gignac, et autres, qui sont si grevables au peuple, pour les grans abus qui se y font et commettent chacun jour (Ordonn. rois Fr. B., t.14, 1456, 394). JOYEULX. Qu'esse d'amours ? BEAUCOP. Doulleur grevable. (B. veoir, p.1480, 21).

-

Estre grevable à qqn., (à son honneur). "Être préjudiciable à qqn" : ...il emprit et cuida parfaire des choses grevables à son honneur, contraires à son salut et dommageables à la chose publique de son royaume. (CHASTELL., Chron. K., t.5, c.1456-1471, 125). ...le sire de Bueil nous a dit et remonstré qu'il a ung procés pendant par devant vous (...), et que par vous a esté appoincté qu'il consignera lesdicts IIIIm escus, et qu'il luy est bien grevable (Lettres Ch. VIII, P., t.3, 1490, 87).

-

[D'un péché, d'un vice...] "Lourd, grave, important" : Et plus sont povres et plus quierent Le bon vin (...) Et tel gourmanderie envoye Souvent maint d'eulx en male voye, Car c'est un vice trop grevable ! (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 75).

-

[D'un objet] "Lourd, pesant" : ...pour ce (...) que ladicte couronne estoit si pesante, elle fut mise sur un carreau de drap d'or devant ladicte dame, et luy en mist on sur son chief une plus aisée et moins grevable (LA VIGNE, Sacre Anne Bret. S., 1505, 278).

B. -

[D'une personne] Estre grevable (à qqn.). "Être malfaisant, nuisible" : Se tu pues sentir ou vëoir Que tes anemis assëoir En bourc, en chastel ou en ville Te vueillent (...) Y te couvient sans demourer Yssir a plain et toy combatre Pour ton heritage debatre, Ou ton honneur n'i seroit mie. Tien donc la plus seinne partie, Car je te jur et asseür Qu'estre hors est le plus seür, Le milleur, le plus honnourable Et celi qui est plus grevable Aus annemis. (MACH., C. ami, 1357, 119). Les enfanz noz voisins battoie Et tant leur estoie grevable Que surnom me mistrent de dyable (Mir. Rob. Dyable, c.1375, 39). Certes la femme mariée Avecques espoux appariée, En aucuns cas est mains grevable, Mains somptueuse et mains chargable, Et en aucuns plus dommageuse Et à hanter plus perilleuse. (LE FÈVRE, Vieille C., a.1376, 27). ...Enfer ne fait Mal fors à ceulz qui ont meffait Et qui pour leur maux sont coupable ; Mais li mesdisans tout à fait Sans desmerite ne forsfait Sont aus fins amans trop grevable Et font tant par leur controuver Desloyaument Qu'à maint en font tristre, dolant Ses jours finer... (MACH., App., 1377, 650). Puis le roy Pharaon grevable Leur fut en persecucïons, Angoisses et tribulacions, Et afflictïons moult crüelles. (Myst. Judith Holofernés R., c.1490-1500, 156).