C.N.R.S.
 
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     GOÛT     
FEW IV 341b-342a gustus
GOUST, subst. masc.
[T-L : gost ; GDC : goust ; DEAF, G1034 gost ; AND : gust ; FEW IV, 341b-342a : gustus ; TLF : IX, 366a : goût]

I. -

[Sens du goût ; saveur]

A. -

Au propre

 

1.

"Le sens du goût" : ..Excellent en toute valour Que cuers porroit ymaginer, Yeus vëoir, oreille escouter, Main figurer, ne bouche dire, Soutils entendemens descrire, Goust savourer, ne tast sentir, Desirs, voloirs, cuers asentir... (MACH., R. Fort., c.1341, 83). Car, aussi comme celui qui est sain du corps et a bien disposé le goust juge bien des saveurs, semblablement celui juge a droit des operacions humaines qui est sain selon l'ame et use de raison (ORESME, E.A.C., c.1370, 127). ...car le sens de goust est tant seulement en la langue et le sens de touchement est avecques ce es autres membres. (ORESME, E.A.C., c.1370, 222). On ne porroit penser ne souhaidier.. Biauté qui toutes autres pere Envers moy diverse et estrange, Douceur fine à mon goust amere, Corps digne de toute loange, Simple vis à cuer d'aïmant, Regart pour tuer un amant, Samblant de joie et response d'esmay M'ont ad ce mis que pour amer morray. (MACH., Bal., 1377, 539). La langue est particulle charnue, molle et spongieuse, composee de plusieurs nerfz, lyans, voynes et artheres, pour le goust principallement ordonnee, a parler et donne prouffit a gouverner la viande en la bouche. (PANIS, Guidon, 1478, tr.I, doct.2, chap.2).

 

-

[Dans un cont. fig.] "Sens par lequel on perçoit les saveurs" : Par veue le congnoissent les theologiens, qui es escriptures lisent et voient aucunement Dieu, et les philosophes, qui le voient es natures des choses creees. Les bons le congnoissent par goust espirituel. Comme dist le Psalmiste : "Goustez et considerez la doulceur et souefveté de Dieu." (Somme abr., c.1477-1481, 135).

 

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Au goust de qqn : Puis boulez tout, et mectez au derrain du succre roux : et ce est cameline d'yver. Et en esté la font autelle, maiz elle n'est point boulye. Et a verité a mon goust celle d'iver est bonne (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 258).

 

-

P. ext. "Appétit, faim, envie de manger" : Et lors mist piet a terre et mist son cheval paistre l'erbe, puis print sa lance et s'en alla veoir s'il trouveroit point de venoyson, car il avoit bon goust. (Percef. III, R., t.1, c.1450 [c.1340], 27). Je pers tout appetit et goust (Pass. Auv., 1477, 108).

 

2.

"Saveur" : Lors s'en parti ; je demouray Et moult doucement savouray En mon cuer ce que dit m'avoit ; Et si trés bon goust me savoit, Que je fui tous asseürez Des mouvemens qui figurez Estoient en mon cuer si fort Qu'en moy ne savoie confort. (MACH., R. Fort., c.1341, 117). LA DAMOISELLE. (...) Mengiez : elle [pomme] est de blancdurel (...). LA FILLE. Or ça, j'en vueil faire l'essay : De saveur est et de goust bonne. (Mir. Oton, c.1370, 348). Et qui de ceste yaue prendroit Et la mettroit Par un temps froit En un vaissel, elle prendroit Et jaleroit, Si qu'on feroit De la glace une ymage ; Mais ja son goust n'en perderoit Ne mueroit, Qu'adès seroit Eaue et nature d'eaue aroit. (MACH., Les lays, 1377, 408). ...ou pour le doulx goust de l'eritage virginal et la participacion, dont il est dit (...) : mon esperit est doulx conme miel et mon heritage plus doulx que la raye de miel. (Mir. Pierre Changeur, c.1378, 229). Cuisiez tel char comme vous vouldrez en eaue ou ung pou de vin ou en boullon de char, vin et lart pour donner goust. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 219). Mais je ne sçay en fruict tel advantage, Ne si franc goust, ne couleur plus exquise, Soit en jardin de ville ou de village, Comme je faiz en la belle Serise. (ROBERTET, Oeuvres Z., c.1450-1500, 90).

 

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[Sentence] Qui a joie de tout il ne sait quel en est le goust : Au fort, qui a joie du tout, Il ne scet quel en est le goust, Car nul bien n'est prisié sans coust (CHART., L. Dames, 1416, 250).

 

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Prov. Au friand goust cognoit on le vignoble/le bon fruit. "À la bonne qualité de qqn on reconnaît la noble lignée" : Au friant goust cognoit on le vignoble. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 173). Au friand goust congnoist on le bon fruit. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 280).

 

3.

P. métaph. [À propos d'une pers.]

 

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En appellatif : Adieu, mon sel ; adieu, m'espice ; Adieu, ma saveur et mon goust ; Adieu, le plus bel sens malice ! (Pass. Auv., 1477, 103).

 

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[Dans un cont. fig.] "Saveur" : Il comprend et embrache l'université des choses. Il est ez angeles comme beaulté, en tant qu'il est verité [...] et comme goust et saveur, en tant qu'il est bonté. (Somme abr., c.1477-1481, 139).

B. -

Au fig. "Plaisir qu'on prend à qqc." : En aprés le sage doit pourveïr les biens a venir pour deulx raissons, asscavoir affin qu'il les quiere soigneusement de tout son estude et de tout son desir, et que au regart d'iceulx il despite les biens presens, selonc le dit de saint Gregoire : "Aprés le goust de l'esperit toute char saveure mal", c'est a dire volupté charnele. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 353). Et s'Yre ou Despit te lance De sa lance, Recevoir Dois en bonne pacience, Ne t'avence De mouvoir, Car au goust de souffissance Ta pesence Dois avoir : Miex vaut assez s'acointence Que puissence D'autre avoir. (MACH., Les lays, 1377, 420). Et se cestes gens ne treuvent pas goust ne plaisance es operacions vertueuses qui sont plaines de delectacion pure et liberale (ORESME, E.A., c.1370, 516). ...ayma tant la science de astrologie et les autres ars liberaux et print tel goust à sçavoir, qu'il assembla cinquante mil volumes de livres (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 58 v°).

 

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Goust de + inf. "Plaisir, envie de" : Et s'Yre ou Despit te lance De sa lance, Recevoir Dois en bonne pacience, Ne t'avence De mouvoir, Car au goust de souffissance Ta pesence Dois avoir : Miex vaut assez s'acointence Que puissence D'autre avoir. (MACH., Les lays, 1377, 420). ...Et qu'ay perdu (...) Le goust de boire et de mengier (Mir. Barl. Josaph., c.1363, 257). Car vo biauté sans orgueil, Qu'aim et desir, Et dous espoir de merir En tel escueil M'ont mis qu'au goust de joïr Mes maus recueil. (MACH., Ch. bal., 1377, 600). Et des autres y a qui ne vuelent joïr Fors d'un tres dous regart ou de leur dame vir, Ou de ce qu'il feroit doucement conjoïr, Ou d'amer loyaument, s'on le deingne souffrir ; Et si bien leur souffist qu'il ne leur puet venir Cuer de plus desirer : tant y ont grant plaisir. Dont qui l'un de ces biens prent au goust de merir, Je di qu'il a merci, quant plus ne vuet querir. Car avis m'est que mercy autre chose N'est fors avoir ce qu'amans plus desire, Et s'il ha son desir sans contredire, Il a merci dont en pais se repose. (MACH., Les lays, 1377, 339). ...plusieurs personnes [,] pour estre ès prieres, oraisons et bienfaicts dud. moustier, leur ont donné aucunes dismes et rentes, et autres ont goux et voulenté de leur en donner (Actes Jean V Bret. B., t.3, 1424, 120).

 

-

Prendre goust. "Prendre plaisir (à qqc)" : Ne oncques, puisque pleust a Dieu prandre Celle par qui cuidoye actendre Mon loyer au temps advenir, Ne sceuz mengier ne goust prandre, Si non a pleurer et me rendre A la mort, ou me fault venir. (HAUTEV., Conf. Test. am. tresp. B., c.1441-1447, 23).

 

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Trouver goust à qqc. : Et se cestes gens ne treuvent pas goust ne plaisance es operacions vertueuses qui sont plaines de delectacion pure et liberal, et se pour ce ilz refuient et se traient as delectacions corporeles, l'en ne doit pas pour ce estimer ne cuidier ou jugier que teles delectacions corporeles soient plus eslisibles que ne sont celles qui sont en operacion de vertu. (ORESME, E.A., c.1370, 516). Le duc de Bourgongne estoit retourné en son pays et avoit le cueur très eslevé pour ceste duché qu'il avoit joincte à sa crosse, et trouva goust en ces choses d'Alemaigne, pour ce que l'empereur estoit de très petit cueur et enduroit toutes choses pour ne despendre riens. (COMM., II, 1489-1491, 5).

 

-

Venir à goust à qqn. "Plaire, convenir à qqn, être au goût de qqn" : Ja y furent sourses rumeurs, Pour cause que le peuple avoir Vouloyent leur part de l'avoir, Que l'en conqueroit, a leur coust, Maiz aux grans ne venoit a goust (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 258).

II. -

CHASSE [Même mot ?] "Trait de l'arc" : Et par ceste maniere [l'archer s'arrête et le chasseur à cheval continue d'avancer] atendent mieux les bestes goust, c'est a dire le trait, pour cause que il musent au cheval, et atendent trop mieux le cheval que il ne font l'omme a pié sanz cheval. (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 134).

 

Rem. Rem. T-L IV, 460. FEW IV, 344a, n.2 («Ganz unklar ist mir die entstehung der redensart atendre goust»)
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Pierre Cromer

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