C.N.R.S.
 
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     GOURD     
FEW IV gurdus
GOURD, adj. et subst. masc.
[T-L : gort2 ; GD : gourd ; DEAF, G1026 gort2 ; AND : gurd ; FEW IV, 328b : gurdus ; TLF : IX, 358a : gourd]

A. -

[Emploi péjoratif] "Lourd, lent, engourdi" : Se Diex me garde de perir, Je voulroie de grans cops ferir Sus s'eschine, qui est si gourde. (Myst. Pass. N.S. R., c.1350-1370, 145). Vieulx barbiers, vieulx phisiciens, Vieulx menestrelz qui estes gourt, Vieulx queux, vous ne valez plus riens (...), Alez vous ent en vo maison. (DESCH., Oeuvres R., t.8, c.1370-1407, 179). S'il me plaist, j'en eschapperay Telle que fus, suis et seray, Car celluy sy me fait trop gourde, Qui, en ses faits, veult que soye sourde, Tant que, pour tel, le lesseray. (Au grey d'amours F.-H., c.1400-1500, 213). Mais, non obstant soit il bien lourt, Sachiés de vray qu'il n'est pas gourt A tost aler, mais si muable Que ce semble estre un droit dyable (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 71). ...aussi est bien fait que aucunesfoys il exercite son corps en aucun labeur et travaille en aucuns jeux (...) mais que ce soit sans trop et que mesure y soit gardee a celle fin qu'il ne s'avachisse trop et deviengne trop pesant et gourt par trop de repos et qu'il n'assamble superflues humeurs. (CHR. PIZ., Corps policie L., 1406-1407, 13). Dames, il fait plaisant soubz arbre Quant emprez la fontaine sourt, Clere et froidre comme fin marbre Et vivement par le pré court. Tout cuer volentiers s'i ressourt Et sa mirancolye lesse, Et n'y est tant lent ne tant gourt Qui volentiers ne s'i relesse (MARTIN LE FRANC, Champion dames V, D., 1440-1442, 135). Les delices font l'homme gourt ; Hanibal, se bien m'en souvient, Congneut jadis dont tel mal sourt Quant a Capuë, comme lourt, Print ses plaisirs oultre l'enseigne. (GAGUIN, Passe temps oisiv. T., 1489, 372). Il souldoya gensdarmes et archiers A force d'or et de dons assez chers, Adventuriers et gens de toutes tailles Comme maçons, charpentiers et bouchiers, Gours pïochiers, laboureurs et vachers Et gens frappans tant d'estoc que de taille. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 132).

 

-

Esprit gourd. "(?)" : Item aprés, pour le declairer court, Fut en Bourgogne monsieur de Bauldicourt Seul gouverneur, et aussi de Bretaigne Par meur advis les seigneurs d'Avaugourt Et de Rouen, qui sont gens d'esprit gourt. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 141).

B. -

[Idée de grosseur, d'où l'idée, méliorative, d'abondance et de satisfaction]

 

1.

Arg. "Abondant (gros et bon)" : Gourde piarde [Éd. : "le bon vin"] (VILLON, Ball. jarg. T., c.1455-1460, 329). Saupicquez frouans des gours arques ["forçant de gros coffres"] Pour desbouser beaus sire[s] dieux, Allés ailleurs planter voz marques. (VILLON, Ball. jarg. T., c.1455-1460, 333). ...Puis eschequez ["déguerpissez"] sur gours passans ["bons souliers" (sans doute volés aussi) C. Thiry] tous neufz. (VILLON, Ball. jarg. T., c.1455-1460, 339). Mon nom, l'Honneste Fortuné : Souvent gourd et bien guerdonné, Souvent tout mal assaisonné, Souvent entouillé par meslure, Souvent recreu, faché, tenné (COQUILL., Oeuvres F., 1478-p.1494, 246).

 

-

Gourde pie. "Bon vin" : Ma bouteille n'est point remplie De gourde pie, à ce matin. (Myst. Viel test. R., t.1, c.1450, 259).

 

.

Bailler la gourde pie. "Donner à boire" : MUNYER. Femme, pour me mectre au-dessus, Baillez moy... FEMME. Quoy ? MUNYER. La gourde pie (LA VIGNE, Munyer T., 1496, 194).

 

Rem. Cf. FEW IV, 329b qui suppose que ce sens s'est développé au 15e s. dans l'argot à partir de "gros", "somptueux" "exubérant"...pour disparaître à nouveau au début du 17e s.

 

2.

"Riche, fort (?)" : MARTIN. A noblesse, foy et hommage ; Mais telz gaudisseurs, je suis seur, Ne pensent rien que de lengaige. GAUTIER. Flater en court MARTIN. Trancher du saige. MARTIN. Les ungz gours. GAUTIER. Aultres droguellés. (Gaut. Mart. A., c.1480-1500, 180). En celluy temps se leva une noise Entre Juifz et noz gens de souldee Tant de la garde françoyse qu'escossoyse, En une rue pres la place judee, Et fut si grande et si tres bien fondee Par les Françoys gours et esvertuez Que maintz Juifz furent illec tuez, Et ung des chefz de Judee trop rogue (LA VIGNE, V.N., p.1495, 233).

C. -

[Idée d'abondance, d'où l'idée de faste, de somptuosité, voire d'élégance (avec influence de gorre ?)]

 

1.

"Élégant, somptueux" (synon. gorrier) : Par noz dieux, ta mort me desplait, Aman ; mais, pour venir au point, Bien gourt me sera ce pourpoint. (Myst. Viel test. R., t.6, c.1450, 175). GRIFON. Dieu gard les gueux de fier plumaige ! Comme se compassent millours ! DRAGON. Estoffés, moussus, sains, drus, gours ! (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 262). Vertu bieu, quel apoticaire ! Il a de l'aubert et du caire, Il est gourt, si scet (bien) son mestier. ça, maistre, que voules vous faire, Quelle chose esse en se mortier ? (Dorib., p.1480, 247).

 

-

"Paré somptueusement" : Enfans de ville par bendes singulieres (...), A tout guydons, estendars et banieres, De fleurs de lis trestous billebarrez, Orphaverie, acoustremens barrez, Housses de soye, grans bardes d'excellence Sur gours chevaulx escartelez, carrez, Vindrent au roy faire la reverence. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 200).

 

2.

Subst. masc.

 

a)

[Idée de lourdeur] "Dé chargé, truqué" : En dez a divers noms c'est assavoir : madame, la vallée, le gourt, le muiche, le bouton et le riche. (Procès Coquill. S., 1455, 97).

 

b)

[Idée d'agrément]

 

-

Sur le gourd. "Avec une élégance fastueuse, à la mode" : C'est la façon, du temps qui court, De ses varlés dymencherés Qui sont vestus sur le gourt, De nous appeller tous Joannés ["pédant"] (COQUILL., Oeuvres F., 1478-p.1494, 303).

 

-

Estre à son gourd. "Être à l'aise" : L'ostesse fut bien a son gourt Car quant (ce) vint a compter l'escot, Le seigneur ne dist oncques mot Mais tout ce qu'elle demanda Ce gentilhomme luy bailla (Repues franches K.V., c.1480, 109).
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Hiltrud Gerner

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