A. -

"Ce qu'on avale, bouchée, gorgée" : Car de tant que seroit plus sages Le cuer d'une dame envoisie, Qui d'amours seroit adrecie Vers le gent oisel debonnaire, Et elle verroit le contraire Des autres oisiaus dis devant Qui li venroient au devant, De tant mieus les congnoisteroit, Si tost comme elle les verroit, S'en porroit prendre tel goulée Que tost s'en seroit saoulée Et s'en iroit a son esduit, Sans estre prise, a grant deduit. (MACH., D. Aler., a.1349, 268). Quant guerre avoit engorgié sa goulee, Comme saullee, ung petit sommeilloit, Faindant dormir a plaine pance enflee (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 71). Comment il convoïa, en estraingne contrée, le tréut au Soudaen ; dont la beste dervée Descendi jus du mont et en fist sa goulée. (Baud. Sebourc B., t.2, c.1350, 43).

-

[Dans un contexte métaph.] Prendre male goulee : Qui ce fait bon pain mangue, Sans prandre male goulée. (DESCH., Oeuvres Q., t.2, c.1370-1407, 319).

-

À une goulee. "D'une seule bouchée" : Mais merveilleuse aventure en avenoit : car, aussi tost que ces petiz ymages laissoient leurs moles, adont le grant ymage en quel gueule avoient esté cuis les transgloutissoit tous vis en sa pance, sans nombre, a une goulee. (CHR. PIZ., Avision R.D., 1405, 13).

-

Ne faire qu'une seule goulee : Du chevalier, gueule baee, Ne fait qu'une seule goulée, Tout a un mors le transglouty (COUDRETTE, Mélus. R., c.1401-1402, 323).

B. -

"Ce qu'on crache de sa bouche, jet"

1.

"Jet, projection" : Mais je ne sceus oncques sitost fuir que le dragon ne getast sus moy une goulee de son infection, qui tel meschief me fait qu'il fault que la mort me prende de ce monde. (LEFÈVRE (R.), Hist. Jason P., c.1460, 183).

2.

P. méton. "Action de proférer des cris, des injures"

-

"Paroles, propos, cri" : Maiz se pluseurs s'avisassent tresbien, Ja ne deissent sur autrui tel[le] goulée. (DESCH., Oeuvres Q., t.5, c.1370-1407, 7). Néantmoins aucuns envieux et mauvaises langues ne s'en taisoient pas en derrière, mais en disoient leurs goulées. (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.2, c.1425-1440, 294). Et se vous vous en embliez [de l'enfermement de votre père], l'en n'en feroit que rire, car vostre jeunesse excuseroit les goulees des hongnars, et seriez renommee d'un tresgrant sens. (LEFÈVRE (R.), Hist. Troyes A., c.1464, 198). Alons, je n'en seray pas loing, J'y mectroye du mien davantage Devant qu'on ne luy fist dommage ; J'en diray ma faulce goullee. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 195). Et je vous suyvray le grand pas Pour luy dire quelque goullee. (MICHEL, Myst. Pass. J., 1486, 319).

.

À pleine goulee : Si se doibt on truffer et rire De ceulx qui a plaine goulee Dyent ce qu'on ne doibt escrire Car vertu y est trop foulée. (MARTIN LE FRANC, Champion dames D., t.3, 1440-1442, 58).

.

À grande goulee. "À grands cris" : Deables, penssez du resjoÿr De joye par raige meslee Et hullez a grande goullee. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 294).

.

Laide goulee/maise goulee/male goulee. "Paroles injurieuses" : Helas ! mére, li medisant Diront, par leur male goulée, Que vous vous en serez alée Par mauvaistié. (Mir. st J. Cris., c.1344, 265). A poines yert de nul temps relevée [la ville de Vertus], Et s'ont en eulz aucun[e] male goulée D'autruy parler et de faire debas, Dont la ville est de pluseurs moins amée : Pour ce te pri, gardes bien ou tu vas. (DESCH., Oeuvres Q., t.5, c.1370-1407, 6). Ja säoulees Ne sont tant qu'ilz ont defoulees Les dames par maises goulees Qui sont trop de legier coulees. (CHART., L. Dames, 1416, 279). Li uns le mocque et dist mainte laide gueulee Et li autrez li a de l'ierbe au viz jetee, Li tiers l'esquigne et fait une laide huee (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 150).

.

Jeter (sa) goulee : Sy en jettan mainte goulee Quant les chaiennes estendy Sur elle [sur Venus] et sur son accolee [le dieu Mars] Le dieu Phebus en plain midy (MARTIN LE FRANC, Champion dames I-II, P., 1440-1442, 237). ...Que sçay je ? ung tas d'afistoleurs Qui ont ouy le faict compter, Qui gecteront goulees plusieurs Et l'iront par tout esvanter. (COQUILL., Oeuvres F., 1478-p.1494, 232). Chascun a getté sa goulée, Parlant sur nous à la volée. (Livre fauc. M.R., c.1500, 291).

C. -

À la goulee. "À la dérobée" : ...et lors celle qui se met a l'aventure le croit mieulx que davant, car par aventure elle prent ung compaignon dont elle ne peut finer sinon a grant paour et a la goulee et est tout affamé et fait merveillez quant il y peut avenir, et si el avoit tenu son mary par avant meschant et de petit pouoir, elle le croit encore mieulx de present, car les plaisances presentes sont tourjours mieulx en souvenance que celles qui sont passees (Quinze joies mar. R., c.1390-1410, 59).