C.N.R.S.
 
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     GOUFFRE     
FEW II-2 925b,926a kolpos
GOUFFRE, subst. masc.
[T-L : goufre ; GD : goufre ; GDC : gouffre ; DEAF, G1064 goufre ; AND : goufre ; FEW II-2, 925b,926a : kolpos ; TLF : IX, 351a : gouffre]

I. -

[Idée d'avancée horizontale]

A. -

"Vaste avancée de la mer à l'intérieur des terres, golfe" : Constantinoble est tres forte, en figure triangullaire et a vingt six milles de circuite, devers la terre chincq, devers le port et le gouffle chincq (WAVRIN, Chron. H., t.5, p.1471, 253). Et me semble que dudit Ottrante, qui est le fin bout du gouffre, y a neuf cens mille jusques à Venise. (COMM., III, 1495-1498, 264).

B. -

En partic. Gouffre de + nom de lieu

 

-

Gouffre de Lion. "Golfe du Lion" : ...demandèrent conseil, comme m'a dit ledit prince, à la Seigneurie, où il leur plaisoit myeulx qu'ilz tirassent : ou vers ledit duc de Lorreyne ou devers le roy de France ou d' Espaigne ? Dit qu'ilz luy respondirent que le duc de Lorreyne estoit ung homme mort et qu'il ne les sçauroit ressourdre ; le roy d'Espaigne, qu'il seroit trop grant s'il avoit le royaulme, avecques l'isle de Cecille et les aultres choses qu'il avoit en ce gouffre de Lyon, et qu'il estoit puissant par mer (COMM., III, 1495-1498, 11).

 

-

Gouffre de Macry. "Golfe de Macri" : Item, d'illec nous venismes en ung autre lieu en Turquie, qui est appellez le Gouffre de Macry (Voy. Jérus., c.1395, 91).

 

-

Gouffre de Nicomède. "Golfe d'Izmit" : ...un gros village qui siet sur le gouffre de Nycomede (Bouciquaut L., 1406-1409, 140).

 

-

Gouffre de Patras. "Golfe de Patras" : ...et s'aprouchierent pres du gouffre de Patras, tant que la garde que les Sarrasins avoient commis sur la montaigne les apperceut. (Hist. seign. Gavre, c.1456. In : Chrestom. R., 160). ...se tirast vers les isles qui joignans sont le gouffre de Patras (Hist. seign. Gavre S., c.1456, 2).

 

-

Gouffre de Sathalie. "Golfe d'Antalya" : Et passe len en alant vers Cypre par le gouffre de Sathalie, ou il souloit auoir vne bonne ylle et vne belle cite, qui auoit nom Sathalie (MANDEVILLE, Voy. L., p.1360, 242). O quans en sont et perilz et noyes ou gouffre de Satalie, en la mer Maiour et en la mer de Surrie (...) et entre les illes de mer, entre Sillain et Caripdin, et en la mer d'Espaigne, qui ag[u]ille de leur boiste n'avoient pas touchie a la pierre daymant, a la Vierge Marie, de ceste vertueuse estoille tremontane doulcement ranvoyant les maronniers desvoyans. (MÉZIÈRES, Vertu sacr. mar. G.-K., c.1384-1389, 55). Apprès passasmes par devant le gouffre de Sathalie (Voy. Jérus., c.1395, 10). Si nous advint que, quant nous eusmes passé le gouffre de Sathalie, nous eusmes vent si contraire que par force il nous convint aler prendre le port du Chastel Rouge, lequel est ou plus hault d'une petite isle qui est près de la Turquie a demye lieue. (Voy. Jérus., c.1395, 89). Il a la Turquie à six lieues d'un des costés et de la Surie XXX lieues de l'autre, vers Arménie sur le levant, et le premier païs crestien est Rodes, qui est cent lieues loing de là et est, entre deux, goulphers de Satalie. (LE BOUVIER, Descript. pays H., p.1451, 70). Et tost après on treuve le gouffre de Sathalie qui contient comme l'on dist cent milles de long, où allefois on est bien visitez de grans vents et tempestes. (LENGHERAND, Voy. G., 1486-1487, 107).

 

-

Gouffre de Venise. "La Mer adriatique" : Item, il y en a .VIIJ. [galées] qui gardent le gouffre de Venise jusques vers Modin, pour les robeurs desur mer. (Voy. Jérus., c.1395, 99). ...on voist bien clerement la mer de Romme devers le midy, et du costé vers tresmontaine voist on bien clerement le gouffre de Venise, que on dist la mer ausseanne. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 69).

II. -

[Idée dominante de profondeur]

A. -

Au propre

 

1.

"Endroit où une rivière est profonde, gouffre" : ...et d'aval al goffe de Buylhon (Doc. 1444. In : T. Matsumura, Dial. de Wallonie, 25-26, 1997-1998, 100).

 

2.

"Vaste tourbillon qui se produit dans la mer" : Et vuelt l'en dire que, puis l'eure que Altercans et Agriano furent perilz, l'en a maintes foiz en celle riviere veü leurs corps floter par dessus, et si recorde l'en en verité que tout ce qui perist en ce gouffre de mer vient en la riviere de Blandie, si que l'en y voit moult souvent par dessus seuronder les hommes mors, les nefz, les mas et les voiles. (Bérinus, I, c.1350-1370, 134). La est le gouffre perilleux De mer, qui tant est merveilleux Qu'il s'angloute tout le navire, Qui vers celles parties vire (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 143). ...en alant sur mer ne doubtoit point, des gouffres n'avoit point de paour, le chant des seraines ne le peust decevoir. (LEGRAND, Archil. Sophie B., c.1400, 45). Tigres, griffons, ours, cocodrilles, Girafes, magos, satirins (...) Monstres hideux vivans es isles Des Indois et des Tartarins Ne sont en leurs gouffres marins Si crueux ne si grands d'un tiers (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 69). Le feu les voloit bruler, l'eaue les voloit noyer et le vent contendoit les engloutir èz abismeux gouffres marins. (MOLINET, Chron. D.J., t.2, 1474-1506, 566). Cestui emprint selon les corps celestes de mesurer la mer et les profons gouffres, et trouva le plus parfont estre de XV stades en la haulte mer (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 67 r°).

 

-

[Dans un cont. métaph.] : Dont eux se sentoient au milieu du danger et estre le gouffle et le droit rassemblement de la tempeste, si ne fust sa bonne bénigne protection (CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 69). Dont aprés ce tu viens cheoir (...) sur la terre qui est le centre et le milieu de son ouvrage, comme tu dis, mais est le ventre et le goufle de tout orage et discort, et la ou toutes haynes et divisions s'engendrent (CHASTELL., Vérité mal prise D., c.1460, 69).

 

3.

"Abîme, gouffre"

 

-

En partic. "(Porte de) l'Enfer" : Et tu les loges en ce gouffre Horrible, puant, plain de souffre ? Enfer dy je gouffre et gourmant Ou livrez sommes a tourment (GUILL. DIGULL., Pèler. âme S., App., p.1358, 365). Desquelz deables tout premier le secueurent Les tenebreux qui en cendre demeurent, De salpetre de leur englacié gouffre, Et avec ce de tout le puant souffre Qu'on trouvera dedans terre par vaines (NESSON, Lay guerre P.D., c.1424-1429, 47). Et dessoubz [le pont] est ung gouffre et fleuve de souffre, plain de couleuvres, de serpens et de dyables lesquelz, se ilz voient que l'ame passant trebuche ne choppe tant soit pou, ilz la aggrafent et tirent pour plungier en ce gouffre. (Déclar. Hyst. S., a.1449, 192). Au plus bas, est le hideux gouffre Tout de desesperance taint Ou, sans fin, art l'eternel souffre De feu qui jamais n'est estaint (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 210). Resveille toy, o noble sang royal, Imperial palais salomonicque ; Regarde en l'oeul le serpent desloial, Demonial, venimeux reagal, Pire ou equal que goufre sathanicque ; L'ord basilique et cruel, arsenicque, Dyabolicque, a prins Constantinoble, Mon haultain chief, des aultres le plus noble. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 13). Cerberus signiffie pechié, le desvoiable, Qui garde des enfers le gouffre redoutable. (LA MARCHE, Mém., II, c.1470, 168). En lieu obscur, layt et hideux, Gouffre puant, abhominable, Sommes mis en feu langoureux Et toute peine intollerable. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 23).

 

-

Gouffre de l'Ennemi./Gouffre d'enfer./Gouffre infernal : ...convoitise, racine de tous maulx et de tous vices, certes, qui t'acomperra au gouffre d'enfer lequel tant sache engloutir d'ames ja n'est assouvis (CHR. PIZ., Paix W., 1412-1413, 97). Dont, comme paix est une felicité commune en quoy Dieu se sert et se glorifie (...) par contraire guerre est la goule et le goufle de l'Ennemi (CHASTELL., Vérité mal prise D., c.1460, 183). SATHAN. Dyables, se ne me deffendez A ceste heure, je suis desert. Le gouffre d'Enfer soit ouvert Afin que sailliez a ung tas, Car je voy bien que Nicolas Nous fera du mal et du grief. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 137). N'espargne sublimé ne souffre Qui soit en cest infernal gouffre. (Cene dieux, c.1492, 128). Et croy que c'est ung lieu sathanique ou gouffre infernal. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 265). ASTAROTH. Que faict icy ceste grant deablerie ? Filz de putains, vous perdez bien le temps ; Paillars, pillars, vostre babillerie Nous fera brief de tous poincts maulxcontans. Gouffre d'enffer, selon ce que j'entens, Tu ne quiers fors nostre perdicion ; Que font ces deables devant toy assistans Qu'ilz ne vont faire leur excecucion ? (LA VIGNE, S.M., 1496, 223).

 

-

Gouffre de Sathanie : Li lieux ou celle avanture avint, que la nef fu perie, est orendroit appellez de toute gent qui vont par mer, gouffre de Sathanie, et lui mist en ce nom pour la raison de ce que gouffres en grieu vault autant a dire en françois que "vengence" (Bérinus, I, c.1350-1370, 132). Or vueil je que vous sachiez que par celle aventure fu la faite une riviere crüeuse et orrible, qui va et vient au gouffre de Sathanie parmi la terre qui la se ouvry, et est celle eaue si merveilleuse que riens qui vive n'y puet atouchier, que lors ne muire de crüel mort (Bérinus, I, c.1350-1370, 133). La grant montaigne, ardant de jour et du nuyt de l'isle de Vulcan et gouffre de Sathanie est prins en figure pour les tormens d'enfer, en laquelle les maistres, les patrons, les conseillers, les nauclers, les arbalestiers et maligniers de la nef francoise qui, gouvernant mal, perseverent en leurs pechiez, chacun en leur office a la fin de leur voyage seront arrestez ou dit feue et pardurablement dampnez. (MÉZIÈRES, Songe vieil pèl. C., t.1, c.1386-1389, 111). Toy, Therouenne, abimeuse tainiere, Gheule d'enfer, gouffre de Satanie, Tu fus jadis, par triumphant maniere, Terre troïenne et roialle banniere, Terre d'honneur, terre sans zizanie (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 132).

 

4.

P. méton. [D'un homme] "Celui qui avale tout, goinfre" : Quant povres homs vient selon l'escripture De povre lieu et de chetiveté, Par acident, c'est trop grant adventure, Quant il se voit en grant auctorité, S'il n'est fel orgueilleux, Villains en fais et goufres comme uns leus (DESCH., Oeuvres Q., t.2, c.1370-1407, 53).

B. -

Au fig.

 

1.

[Idée dominante de perte]

 

a)

[Perte matérielle] : Et ce estoit pour nourrir l'autre part de ceste beste [composée de deux corps : prodigalité et avarice], comme j'ay dit qui estoit toute rungee jusques aux os ; et n'estoit riens qui y parust de tout ce que on luy bailloit né que a ung gouffre de mer, ainsoys mouroit de male fain comme les poetes faingnent de Eusutonnus. (GERS., Noël, p.1404, 309). Tant sceit chascun que la cité qui a esté sur toutes les autres, a esté tachee de murmure et de desobeissance, a englouty toute celle pecune dont tu parles cy devant, et que le peuple d'icelle a entonné et recueilly la gresse du labeur et conquestz des autres pars du royaume et les derrenieres espargnes des nobles hommes, comme le gouffre et l'abisme ou tout est descendu, puis en a rendu ce guerredon que l'ampostume de son orgueil, enflee de trop avoir, est crevee de toutes pars et a respandu partout le venin et la poison de cruelle et horrible sedicion et les oeuvres de inhumaine tirannie. (CHART., Q. inv., 1422, 41). Et, pour ce que la ville de Therrewane (...) grevoit la conté de Flandres (...), comme la mavaise fenestre dont le vent francois se desgorge, pour restoupper ceste troée et gouffre, il proposa de... (MOLINET, Chron. D.J., t.1, 1474-1506, 301).

 

b)

[Perte spirituelle et morale] : L'un et l'autre en moy s'enbrasoit et ravissoit mon feble eage en confusion par les desers de couvoitise et m'en plongeoit ou goufre de pechié. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 271). Si me monsteront leurs puissances, Qui ne sont que doels et nuisances, Tourmens pis oudourans que souffre. Irai je dont, las, en ce gouffre ? (FROISS., Pris. am. F., 1372-1373, 93). Hé ! Fortune, qui es gouffres et puis Pour engloutir tout homme qui croire ose, Ta fausse loy, où riens de bien ne truis Ne de seür, trop est decevans chose ; Ton ris, ta joie, t'onnour Ne sont que plour, tristece et deshonnour. (MACH., Bal., 1377, 556). O pleurs, o larmes doloreuses, espuissez les tristes corps et faictes nouveaulx abismes de cruelle tristesse ; ramplisiez le grant lac d'amertume et le tenebreux gouffre d'angoisseuse sabveur ; surondez par dessus toute haultesse de joye et abolissez tout joyeulx souvenir (ROBERTET, Oeuvres Z., c.1450-1500, 150). Et contre plusseurs gens bien fort je me combas, Qui dient qu'estes folle et portés le con bas. Quoy qu'il soit, nul n'y va que chier ne le compere Au goufre de rapail, ou fut vostre con pere ; (...) Il est (...) Un abisme cruel (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 730). Comme la gallée fluctuant en mer, agitée et tempestée des vens impetueux (...) semblablement les pays du roy des Romains et de monseigneur l'archiduc, son filz, vacilloyent à tous letz, accoelliéz et aguillonnéz du soutil vent de France qui ne procuroit synon les abismer ou gouffre de perpetuelle servitude (MOLINET, Chron. D.J., t.2, 1474-1506, 89).

 

2.

[Idée dominante de puissance diabolique (qui engloutit comme un gouffre)] : Et pour certain ce n'est riens de merveille se ceste mauvaise et adulterine nation se plonge en ce gouffre et abisme de maux (Inv. secte vaud. V.B. D., p.1460, 61). Car desreuglance a ouvert son abisme Pour tout gecter en son gouffre diffuz (MICHAULT, Doctr. temps prés. W., 1466, 162).

V. aussi golfe
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Hiltrud Gerner

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