C.N.R.S.
 
Article complet 
StructureSans exempleCompletFormesExemples
FamilleTextesSourcesImpressionAide à la lecture
     GLOUTONNIE     
FEW IV glutto
GLOUTONNIE, subst. fém.
[T-L : glotonie ; DEAF, G889 glotonie ; AND : glutunie ; FEW IV, 173a : glutto]

"Gloutonnerie, voracité, avidité, goinfrerie" : Se ne fust la vierge Marie, Le siecle fust pieça perdus. Batons nos chars plaines d'envie, Batons pour orgueil plus et plus, Pour paresse et pour gloutonnie, Et pour ire qui het vertus (Doc. 1349. In : P. Runge, Z. rom. Philol. 25, 1901, 363). Soy taire entre les viandes est neccessaire car la langue, de tout temps encline a pechié, glace plus perilleusement quant par gloutonnie elle est enflee et se lasce au parler. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 251). Et pour ce aus iours de festes les communs, quant ilz deuroient aler au temple pour Dieu seruir, adont vont il estre aus tauernes et estre en la gloutonnie toute iour et toute nuit. (MANDEVILLE, Voy. L., p.1360, 306). ...Siglant contre les vens d'orgueil, d'envie, D'avarice, d'ire et de glotonie (Mir. Barl. Josaph., c.1363, 301). Dix et sept ans ay au Sathan servi, Au monde aussi et a la char pourrie, Oublié Dieu et mon corps asservi A celle court de tout vice nourrie ; La est orgueil, luxure et glotonnie, Convoitise, mentir, detraction, Omicide, larrecin, traison Envie grant, lascheté et paresce ; C'est l'entrée de l'infernal maison : Foulz la poursuit et saiges la delesse. (DESCH., Oeuvres Q., t.1, c.1370-1407, 231). Et les autres sont faiz incontinens par ce que il ont vescu en potacions, en gloutonnies et en telz delis. (ORESME, E.A., c.1370, 199). Certes, telle gloutonnie met femme a honte, car elle en devient ribaude, gouliarde et larronnesse. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 35). Le glouton par son yvresse et gloutonnie pert le sens et l'esprit, si qu'il ne scet gouverner le corps. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 44). A gloutonnie, qui s'acorde Au ventre, gard toy n'obeïr. (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 76). Par assez d'exemples puez tu congnoistre que par nature sont femmes sobres, et celles qui ne le sont se desnaturent. Ne plus lait vice ne puet estre en femme que gloutonnie (CHR. PIZ., Cité dames C., c.1404-1407, 655). Et pource la char guerrie et maistrie raison en tant que luxure est ou monde tres commune, car sa nourriture est glouttonnie et yvresse. (LEGRAND, Bonnes meurs B., 1410, 324). Les princes doivent estre sobres et chastes, car glouttonnie et luxure affoiblissement le corps et ostent a l'omme toute voulenté de bien faire. (LEGRAND, Bonnes meurs B., 1410, 357). Gloutonnie laisse toute haulteur Et seulement a soy paistre s'amort, Et ventre saoul n'est ayse s'il ne dort, Car d'autre bien ne songe, pense ou traitte (CHART., B. Nobles, c.1424, 407). Et répliquier mesmes osèrent Que Humain Lignage en vérité Est tout rempli d'iniquité, D'orgueil, envie, ire et tristesse, D'orde luxure et grant peresce, De gloutonnie, d'avarice Et tout autre desplaisant vice (LA HAYE, P. peste, 1426, 35). Quant de envye, glotonnye, luxure, Avarice, paresse, ire, soulleure, J'en suis guarny jusqu'au rengregement (MART. D'AUV., Mat. Vierge L.H., c.1477-1483, 39). Appostemes flegmatiques sont multipliees en yver et en vielles gens et plains de gloutonnie. (PANIS, Guidon, 1478, tr.VII, doct.1, chap.1). Gloutonnie Adam fort tempta, Car du fruict deffendu gousta, Contendant d'en estre saoulé. (Myst. Pass. Troyes B., a.1482, 1077). Au souper des dieux sont entrees, Escriptes et enregistrees Les provisions impetrees Par raison contre vie humaine, Voz gloutonnies et voz ventrees Et façons tresmal acoustrees Ont esté veues et remonstrees En la cene des dieux desraine. (Cene dieux, c.1492, 133).

 

-

[Trad. le lat. crapula] "Ivresse" : Se aucun est yvre et soudainement perde la parolle, se spasmus lui advient, c'est signe de mort se fievre ne sourvient, ou s'il [ne] parle dedens le temps que la gloutonnie puisse estre passee. (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 81).

 

.

Gloutonnie de vin : Comme Thibere feust nouvel chevalier es herberges et armee, il fut appellé Biberius pour sa trop grant gloutonnye de vin (MAMEROT, Romuleon D., 1466, 309).

 

-

En partic. RELIG. "Gourmandise (en tant que l'un des sept péchés capitaux)" : Che sont ychi les empeschemens de la vie par lesquelz sapience est empeschie, desquelz les .V. sont espiritueulx, asscavoir orgueil, envie, ire, pareche et avarice, les deux aultres sont charnelz, asscavoir gloutonnie et luxure. (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 32). Car ainsi comme la sainte vertu de sobrieté est droite mesure contre le pechié mortel de gloutonnie, aussi est la vertu que le don de sapience donne et plante au cuer du glouton contre oultraige. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 43). ...si ont abis De pastours et sont loups cerviers, Plus grans coups donnans que leviers, N'il n'est ambicion, ne vice, Mauvais pechié, ne faulx malice, Sacrilege, ne simonie, Dont toute la terre est honnie, Que le renom ne cuere a plain Qu'aulcuns en soient comble et plain, Et des princes sont conseillers Plusieurs plus remplis que celiers De vins et toute desmesure De gloutonnie et de luxure Et de tous les mortieulx pechiez (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 6). ...car nostre adversaire, Pechié mortel, le vilain et crueux tirant, avec toute sa maudicte compaignie, Ignorance, Desloyauté, Ydolatrie, Orgueil, Avarice, Luxure, Envie, Paresse, Gloutonnie et autres Vices sans nombre ont [en] terre presque occupé tout le logis (GERS., Concept., 1401, 394). Premiers sont ire et envie, Avarice et gloutonnie, Peresse, toute luxure (CH. D'ORLÉANS, L. péché C., 1404, 546). Toute chart cy corump sa vie Par les pechiers de glotonnie, De luxure en espicial. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 26). Les nonnains et les jacobines, Les cordelieres et beguines, Feras tout employer leur cure, Nuyt et jour, du tout en luxure, En paresce et en glotonnie (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 4). Et quant au VJe pechié, qui est de gueule ou de gloutonnie, certes le vray amoreux n'en a tant soit peu, que ce qu'il mangüe et boit n'est que pour vivre seullement sobrement (LA SALE, J.S., 1456, 25). Quant gloutonnie est mortel ou veniel pechié. (Somme abr., c.1477-1481, 91). Le nés qui a grans narines et ouvertes segnefie gloutonnie et ire. (Comp. kal. bergiers, 1493. In : Chrestom. R., 266). En tous voz faitz soyez homme de bien Et tant aurez de gloire magniffique Que je ne puis vous declairer combien, Mais qu'envers Dieu soyez bon catholique. Ne usez d'erreur ne de chaulde colique, Fuyez orgueil, glotonnye, avarice ; Luxure, comble d'euvre dyabolique, A vous saulver ne vous est pas propice ; De envie aussi relinquez le supplice ; Semblablement d'assiduacion, Et d'avarice habandonnez la lice (LA VIGNE, S.M., 1496, 216).

 

-

[D'un animal] : Et les loux, qui n'auront mengié de toute la nuit, quant on leur aura abatue la char, ilz mengeront tant que, par leur gloutonnie, le jour les y prendra, et demourront, ou, s'ilz vont hors, ce sera depuis qu'il sera jour, quar ilz ont heü court terme de mengier, tant que le jour leur y est survenu. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 239). [Le Lévrier au faucon :] Considere doncques nostre attrempance et regarde ta desordonnee gloutonnie, car, tu n'ez porté, si tu n'as grant fain, tu ne volleras point (ROB. HERL., Déb. fauc. lévr. H., c.1470-1500, 36).

 

-

[Dans un contexte métaph.] : La crameille parla un jour au chaudron (...) : "(...) Certes, tres grande est ta gloutonnie, car tu veulz tout engloutir et consumer et tu me delaisse familleuse et indigente." (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 124).

 

-

P. personnif. : Se on m'appelle Gloutonnie Et Trop Mengü[e] [ms. mengus] et Trop Gloutoie, N'est pas chose que celer doie ; Je sui la leuve du boscage Qui touzjours ai es dens tel rage Que le menton faire troter Me faut et la gueule baer. (GUILL. DIGULL., Pèler. vie hum. St., c.1330-1331, v.10350). Dist Gloutonnie : "Je portai En mes flans, ce saches de vrai, La dame de ce tenement [Luxure], Qui tout le monde onniement A attrait par son enscient. A li sont dames, clerc et lay, Cordelier, Jacobin granment, Carme, abbé, moine de couvent ; Tout ont par ma fille leur glay." (JEAN DE LE MOTE, Voie d'enfer P., 1340, 65).
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Hiltrud Gerner

Fermer la fenêtre