C.N.R.S.
 
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     GLOSER     
FEW IV 167b glossa
GLOSER, verbe
[T-L : gloser ; GD : gloser ; GDC : gloser ; DEAF, G880 gloser ; AND : gloser1 ; DÉCT : gloser ; FEW IV, 167b : glossa ; TLF : IX, 289a : gloser]

A. -

"Commenter, expliquer, faire comprendre (un texte, un propos, un mot...)"

 

-

Gloser qqc. : Lisiés moy ceste lestre glosée. (God. Bouillon R., t.2, c.1356, 534). Quant est de politiques, c'est la science par quoy l'en scet royaumes et citéz et quelconques communitéz commencier, ordener et parfaire et en bon estat maintenir et garder et les reformer quant mestier est. Et aveques ce, elle vault et aide a faire composer et establir lays humainnes justes et proffitables, et a les entendre et interpreter, ou gloser. (ORESME, E.A., c.1370, 98). Et se aucun le vouloit gloser en disant qu'il entendoit devant de puissance conjointe au fait, et yci il entent de puissance separee du fait, il appert assés que ceste variacion n'estoit pas a faire en ce propos. (ORESME, C.M., c.1377, 214). ...que fait a louer lecture qui n'osera estre leue ne ramenteue en propre forme a la table des roynes, des princesses et des vaillans presentes fames, a qui convendroit couvrir la face de honte rougie ! Quel bien donques y puet on glosser ? (CHR. PIZ., Déb. R. Rose H., 1401-1402, 56). Des dix sebilles qui tant sceurent, De Merlin et de ceulx qui furent Le temps futur prophetisans, L'effect, ou, comment et les ans Me fu la du tout exposé, Tout ne fust leur texte glose. (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 95). Bien say sus quel estat feray mon dit gloser (Geste ducs Bourg. K., c.1410-1419, 393). Messire H. de Marle, premier president, dit que le cardinal confesse qu'il a escripte ou envoiée ladicte lettre qu'il glose (BAYE, II, 1411-1417, 54). Trois mos : "Mane, techel, pharès." Ne sont pas mos de cabarès, Car chascuns mos porte sa glose Grant et fiere, qui bien la glose. Si que la declaration Saras, sans nulle fiction. (MACH., C. ami, 1357, 32). N'estoit pas notre cueur ardent En nous du beneuré Jhesu Quant en la voye s'apparu A nous, et qu'il nous proposoit Les Escriptures, et glosoit Que les prophestes autentiques Ont escript ? (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 412). [Réf. à Luc 24, 32] De tout ce testament, (...) je lui (...) donne faculté [à Jehan de Calaiz, notaire au Châtelet] De le gloser et commenter, De le diffinir et descripre, Diminuer ou augmenter, De le canceller et perscripre De sa main, et ne sceut escripre, Interpreter et donner sens A son plaisir, meilleur ou pire, A tout cecy je m'y consens. (VILLON, Test. R.H., 1461-1462, 140). N'est il pas temps de proposer Chansons et balades nouvelles, Prendre textes et les gloser Au vray selon le contenu ? (Sots gard., a.1488, 99).

 

-

[P. oppos. à dire selon la lettre] : ...Et sanz ce que je riens vous glose Mais que die selon la lettre... (Mir. Barl. Josaph., c.1363, 266).

 

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"Interpréter (un texte, un propos) dans un certain sens" : S'uns prodoms dit aucune chose, Saiges sera, s'on ne li glose Sa parole diversement Au plus perilleux sentement. (DESCH., Oeuvres R., t.7, c.1370-1407, 31). La ruygle deffent que ilz ne prengnent point d'argent, par soy ne par aultre. Diex scet que ilz en prengnent, et par eulx, et par aultre ! Et, en especial, quant il oent lez confessions et quant ilz vont de lieu en lieu, de ville en ville, ilz ont tousjours un receveur aprés eulx, et ne devent point manier d'argent. Mez quoy ? certes, ilz le touchent d'une vergete, c'est bien glose[r] leur ruigle ! (Songe verg. S., t.2, 1378, 241). Lez meschans se promettent liberté et restitution de leurs pays par lez escriptures mal entenduez, et glosent et lisent a leur entente. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 109).

 

-

Empl. abs. "Expliquer" : Oultre cella, tu doys savoir Que la fenme et l'onme marié Ont leurs deux cuers en ung lyé Et sont tous une mesme chose Sy conme la vengille glose, Ne nul ne les peult separer. (Lord. Tart Ab. L., a.1465, 174). Quant les facultéz furent donnees a ces gens de monter en chayere, de lire, gloser, interpreter et autres choses faire (...) pluseurs varletz furent la qui pourtoient grans drageurs (MICHAULT, Doctr. temps prés. W., 1466, 141).

B. -

P. ext.

 

1.

"Interpréter qqc."

 

a)

"Interpréter (un rêve)" : Mais s'en son cuer tient secretement close De Morpheüs la parole et enclose, Et le matin, Au resveillier, l'en souveigne et la glose Et qu'elle dongne a chascun mot sa glose, Certes, je tien que mon fait se repose En dras de lin. (MACH., F. am., c.1361, 170).

 

b)

Gloser qqc. par faveur. "Interpréter qqc. en bien" : ...il [le duc Philippe] estourmissoit tout ce qu'il trouvoit devant luy, et luy tiroit sang du corps ou la vie. Sy ne cuide nul que ce soit langage glosé par faveur, ni fiction faite par flatterie (CHASTELL., Chron. K., t.1, c.1456-1471, 261).

 

c)

Gloser que. "Interpréter, déduire que, tirer la conclusion que" : Mais pour ce qu'a aucun pourroit Sembler qui gloser y vouldroit, Ce que oncques certes ne pensay, Que metes de raison passay, Quant noblece de corps blasmay Sanz vertu, que petit amay, Que l'eusse fait pour mesprisier Nobles gens, que l'en doit prisier : Pour ce ades vueil louer noblece Ournee de tel gentillece Comme elle doit par droit avoir, Qui en veult faire son devoir. (CHR. PIZ., Chem. estude P., 1402-1403, 232). GUILLEMETTE. Par Nostre dame, mon doulx maistre, Vous n'estes pas en bon memoire ; Sans faulte, se me voulez croire, Vous irez ung peu reposer. Moult de gens pourroiënt gloser Que vous venez pour moy cëans. (Path. D., c.1456-1469, 114). J'ouyz ung bruit que on demenoit, Dont incontinent je glosay Que s'estoit monsieur qui venoit. (COQUILL., Oeuvres F., 1478-p.1494, 290). Tins estude ouverte de astrologie de parler et respondre de toutes questions, tant que le roy Charles VIIIe de ce nom fut meu ung jour de Toussains de venir veoir ma dite estude et oyr de mes jugemens et y continua plusieurs jours. Au moïen de quoy, se detracteur glosa que j'avoye ung esperit famillier, pour ce que je respondoye si souldain aux questions qui me estoient faictes. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 156 v°).

 

d)

Empl. abs. : Jasoit ce qu'ilz sont aucunes femmes qui pardessus la raison et sens de leurs maris veulent gloser et esplucher ; et encores pour faire les sages et les maistresses font elles plus en devant les gens que autrement, qui est le pis. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 77).

 

e)

[Plaisanterie plus ou moins grivoise] Gloser le psautier/gloser sur le gros psautier : ...tant en praticque Que en amours et en marchandise, On use de grant rethorique Pour venir a son entreprise De dol, de fraude, de faintise ! Chascun veult gloser le psaultier, Chascun est a la couvoitise, Chascun est maistre du mestier. (COQUILL., Oeuvres F., 1478-p.1494, 212). ...On se resjouit, on se reveille, On va, on cherche, on se travaille, On fume, on a poste a Gaultier, On songe et pendant on s'esveille, On glose sur le gros saultier ! (COQUILL., Oeuvres F., 1478-p.1494, 265).

 

2.

"Commenter qqc. (dans une perspective explicative, critique, justificative, incitative...)"

 

a)

Gloser sur qqc. "Donner un commentaire sur qqc." : SAINT MARTIN. Mon escriptoire tost me baille Bricet si escriray sans faille Sur ceste note gloseray. (Myst. st Martin K., a.1500, 323).

 

b)

"Commenter de manière oiseuse" : TESTE CREUSE. Mais dont nous vient cest advertin ? Veulx tu icy parler latin Devant ceux qui l'ont compassay ? MAISTRE ALIBORUM. Sans qu'il [y] ait plus rien glosay Et sans jouer point du flajol Il vous fault faire du tout fol. (Sots Magn., a.1488, 207).

 

c)

"Expliquer en racontant, raconter qqc." : Adont Phenonée li glose L'ordenance de sen amour, Et comment a Tarbonne, .I. jour, Cilz chevaliers eut du tournoy Le pris, par son tres bon arroy Et la vaillance de son corps. (FROISS., Méliad. L., t.3, 1373-1388, 160). Et Florée (...) Eut a mari, c'est cose clere, Agravain, qui puissedi fu Li chevaliers au blanch escu Et qui acquitta mainte cose, Ensi que li livres le glose Ailleurs que ci, qui bien le trueve. (FROISS., Méliad. L., t.3, 1373-1388, 258).

 

d)

"Critiquer qqc., émettre des réserves à propos de qqc." : Il n'estoit homme du monde qui a la beauté et noblesse de ly peüst gloser aucune chose. (Cardenois C., c.1380-1400, 50). [JÉSUS]. Ce point retiendz [le cinquième des dix commandements] sans mectre glose, Car quilquonques ce point glosera, S'ame en enfert tout droit ira. (Pass. Semur D.M., c.1420 [1488], 97).

 

-

Empl. abs. : Chier sire, les prelaz leurs viez Et leurs biens doivent exposer Sans soy excuser ou gloser, Pour la foy, pour le bien publique Et pour l'eglise apostolique. (Mir. ste Genev. S., c.1410-1420, 62).

 

-

Gloser sur qqn. "Critiquer, blâmer qqn" : Vueillez nostre conseil entendre En ce cas icy, et espandre De ce que volons proposer, Afin que ne puissons mesprandre. A ceste voye volons tandre Sur nous on ne puisse gloser. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 512).

 

e)

"Peser, évaluer qqc." : Li contes de Flandres glosa bien toutes ces parolles et les tint à veritables ; et voirement les estoient elles. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 84).

 

-

Empl. abs. "Réfléchir" : Et tels coses, à entreprendre un tel fait au commenchement font bien à glosser et à resongnier. (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 174). Quant le duc de Bretaigne ot oy parler l'evesque de Lengres, il pensa ung petit, et bien y ot cause qu'il fust pensieus, car les parolles dictes et monstrées faisoient bien à gloser (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 15).

 

f)

"Comprendre, tirer une leçon de qqc." : Qu'elle n'a pooir ne vigour De donner, fors peinne et labour. Retien et glose ; Car ses joies ne sont que plour, Et ses richesses glace en four. (MACH., R. Fort., c.1341, 37). Et tu t'en plains ? Fais tu a droit ? Que vues tu qu'elle plus te face ? Ne t'a elle fait assez grace, Quant elle t'a, se bien le gloses, Fait user des estranges choses ? Car elles ne sont mie tiennes, Einsois sont de son droit et siennes. (MACH., R. Fort., c.1341, 97). ...mais il ne glosa pas le peril où il estoit (FROISS., Chron.[Livre IV] V., c.1400, 812).

 

-

"Tenir compte de qqc." : Chil bourgois de Tournai entendirent bien ces parolles ; si les retinrent et glosèrent, et dissent que de tout ce, iaulx revenu à Tournai, il en aviseroient la bonne ville et les gens. (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 271). Je tieng les oncles du roy si courrouchiez sus le conseil du roy et sus le duc d'Irlande que, se vous estes tenus, n'en partirez point en vie ; et glosez bien toutes mes parolles, car elles sont vrayes. (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 65).

 

g)

Gloser à qqn. "Donner des assurances à qqn" : Tel qui te promet et te glose, Se y venit a la parclose, Il te laisseroit au passaige. (DUPIN, Mélanc. L., c.1324-1340, 17).
 

DMF 2020 - MAJ 2020 Pierre Cromer

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