C.N.R.S.
 
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     GENTILLESSE     
FEW IV gentilis
GENTILLESSE, subst. fém.
[T-L : gentillece ; GD : gentelise ; GDC : gentillesse ; DEAF, G550 gentil (gentillece) ; AND : gentilesse ; DÉCT : gentillece ; FEW IV, 110b : gentilis ; TLF : IX, 201a : gentillesse]

A. -

"Noblesse au sens social"

 

1.

"Condition de noble, noblesse de naissance" : Là estoit Robers de Lorris qui pour paour de mort renoya gentillèche et dist qu'il amoit mieux le bourghesie de Paris (Hist. chron. Flandres K., t.2, c.1342-1383, 87). Il me semble qe qi qe deveroit a droit jugger la gentilesce d'une persone, il lui covendroit a savoir trois choses, avant q'omme lui tenisoit a droit gentil : La primere est de savoir si son pier estoit gentil ; la seconde, si sa miere estoit genti famme ausi ; et la tierce est a savoir s'il se contient en ditz, en faitz, com gentil et ayme la compaignye de gentils (HENRI LANC., Seyntz medicines A., 1354, 27). C'est ly Dieux des François pour armes justicier ; C'est cieux qui tout abat, qui tout fait tresbuchier ; (...) Qui vient de gentilleice et de sanc droiturier (God. Bouillon R., t.2, c.1356, 347). Bourgois sui de Paris, pour coy en mentiroie ? Et gentillesse aussi n'est drois que je renoie (Hugues Capet L., c.1358, 52). Ce est la cause et le commencement dont vint premierement noblece de lignage ou gentilece. (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 56). Et noblesce ou gentilesce est vertu de lignage. (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 140). Cellui qui adiouste a sa gentillece noblece de bonnes meurs fait a louer, et cellui a qui souffit la gentillece qui vient de ses parens sans acquerir bonnes condicions ne doit pas estre tenu pour noble. (CHR. PIZ., Ep. Othea L., c.1400-1401, 187-188). Las ! et de quoy prendras tu orgueil et gloire d'ores en avant, o sot cuer orguilleux de creature humaine ? Sera ce de ta puissance ou gentilesse qui te fait sembler que les autres ne soyent pas hommes comme tu es ? (GERS., Noël, p.1404, 295). Mais, souverain sire emperere, Je vous requier d'umble priere, Pour confermer ma gentilesse Et auttoriser ma noblesse, Qu'i vous plaise par vostre grace De moy donner en ceste place Le hault don de chevalerie (Myst. st Adr. P., c.1450-1485, 57). Et si te feray retourner En plus grande gantillesse Et en la plus grant noblesse Que omques tu fus a ta vie. (Myst. st Sébast. M., c.1450-1500, 258).

 

2.

P. méton. "Ensemble des gentilshommes (de la suite d'un seigneur, d'une région...), la Noblesse" : Or regardés la grant deablie que ce euist esté, se li rois de France euist esté desconfis en Flandres et la noble chevalerie qui estoit avoecques lui en che voiage. On puet bien croire et imaginer que toute gentillèce et noblèce euist esté morte et perdue en France. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 33). Et furent occis et mis à l'espée, sur le champ, ledit duc de Clarence, le conte de Kent, le seigneur de Ros, mareschal d'Angleterre, et généralement toute la fleur de la chevalerie et gentillesse dudit duc (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.4, c.1425-1440, 38). ...la plus grant partie de la gentilesce de Bourgongne se mist sus en armes, et partirent desdits pais pour venir en Artoix. (Chron. anon. Ch. VI, D.-A., c.1431, 226). Il fault recepvoir au jour de huy De Genevez toute noblesse, De Savoye la gentiliesse, Et tenir cort habandonnée. (Myst. st Bern. Menth. L., c.1450, 86). Quant par les champs chevauchoit Perseus En grant triumphe, luy et sa gentilesse Virent voler le chesval Pegasus, Qui vers Phebus avoit prins son adresse. Puis delivra par sa grant hardiesse De la belue Andromede la belle. (Pouvre peuple H., c.1450-1492, 155). En après pour la tierce fois est venu le Grant Turc en propre personne avecques sa gentillesse pour assaillir et faire de tous points confondre la ville (CHASTELL., Chron. K., t.3, c.1456-1471, 112).

 

-

"La Noblesse" : Devant vostre persone vien Moy presenter en grant humblesse Comme au droit chief de gentilesse, Crain et doubté sur toute rien. (Pouvre peuple H., c.1450-1492, 163).

 

-

Fleur de gentillesse. "Élite de la noblesse" : Il se trouvèrent oultre, sus le lundi au tart, environ quatre cens hommes d'armes, toute fleur de gentillèce, ne onques vallès n'i passa. (FROISS., Chron. R., XI, c.1375-1400, 15).

B. -

"Noblesse au sens moral"

 

1.

"Noblesse dans le comportement, distinction, générosité" : Et d'autre part, loiauté pure, Bonté, raison, scens et droiture, Franchise, honneur et gentillesse, Honte, verité et noblesse, Avec toutes bonnes vertus Dont ses gens corps est revestus Qui a toute heure l'acompaignent, Gardent, nourrissent et enseingnent, Ne se deingnassent assentir Qu'en riens la laissassent mentir (MACH., R. Fort., c.1341, 155). Nompourquant li aigle honnourée Est assez de son droit loée Partout ou on congnoist noblesse, Franchise, honneur et gentillesse. (MACH., D. Aler., a.1349, 345). -- Certes, doulx compaings", ce dist Aigres, "or voy je bien que vous estes chevalier de grant pris et plain de grant sens et de gentillesse, et moult vous muet de grant noblesce de cuer ce que vous avez dit. (Bérinus, II, c.1350-1370, 104). La estendit orgueil sa haulte audicïon Et furent tous leurs cuers [pleins] d'umliacïon, Gentilesse et amour fist sa profeccïon. (Gir. Vienne D.B., c.1350-1400, 212). Je fu ses clers, ans plus de XXX., Si congnu ses meurs et s'entente, S'onneur, son bien, sa gentillesse, Son hardement et sa largesse, Car j'estoie ses secretaires En trestous ses plus gros affaires. (MACH., P. Alex., p.1369, 25). Or vous ay dit et raconté Le scens, l'onneur et la bonté, Le hardement, la grant vaillance, Les grans emprises, la prudence, La gentillesse, la noblesse Dou roy de Chypre, et la largesse, Et comment il usa sa vie. (MACH., P. Alex., p.1369, 246). "Ce n'est pas bon ne cose deue de tel ribaudaille, comme il sont ores en Flandres, laissier gouvrener un païs, et toute chevalerie et gentillèce en poroit estre honnie et destruite, et en consequent sainte crestienneté." (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 251). "...quant les Luscebonnois prendoient ung Catheloing (...) le roy de Portingal (...) le faisoit tenir tout aise, puis le renvoioit sans violence de corps ne de membres, dont ilz disoient en l'ost, les anciens, que il li venoit de grant gentillece, car il rendoit bien pour mal." (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 264). ...li contes de Valois, pour l'amour de gentillece, fist ensepvelir le dit Borgne de Manni en une eglise, au dehors de la ville de la Riole, et li fist faire son obseque. (FROISS., Chron. D., p.1400, 629). ...deus belles jones damoiselles, filles au signeur de Pois, Jehane et Marie (...) tantos euissent esté violees, se ne fuissent doi gentil cevalier d'Engleterre, asquels la congnisance vint de la prise, mesire Jehan Candos et mesire Renault de Basset, qui tantos les delivrerent, pour la cause de gentilece, des mains d'archiers qui les avoient, et les amenerent au roi (FROISS., Chron. D., p.1400, 702). Et est a entendre que le bon chevalier ne se doit nullement souller ou palu de villenie, mais fuyr toutes villaines taches qui sont contraires a gentillece ; car comme villenie ne pot souffrir gentillece, autressi ne doit gentillece villenie souffrir en soy, ne mesmement contendre ne prendre debat a personne villaine de meurs, ne de parler oultrageux. (CHR. PIZ., Ep. Othea L., c.1400-1401, 187). Et si sachiés bien que richece N'aconte rien a gentillesce, A grant sens, a beauté, n'a force (CHR. PIZ., M.F., I, 1400-1403, 66). ...néantmoins lesdits seigneurs françois, par courtoisie et pour l'honneur de gentillesse, leur laissèrent partie de leurs chevaulx pour porter les damoiselles et gentils-femmes d'iceux Anglois, qui s'en alloient avec leurs mariz (CHART. J., Chron. Ch. VII, V., t.2, c.1437-1464, 206). L'EMPEREUR. (...) N'es tu pas bien villain et miserable ? N'as tu pas trop ravallé seigneurie Quant, pour craincte de la vie dampnable, Habandonner veulx ta chevalerie ? SAINCT MARTIN. Ne pence poinct que pour barboillerie Ne lascheté qui soit en moy reduyte, Quoy que tu soye de grant babillerie, Que gentillesse soit dedens moy seduyte, Mais par honneur sera tousjours conduyte. (LA VIGNE, S.M., 1496, 246).

 

-

[Dans un cont. métaph.] : ...Et de ces choses asamblant Fu fais li dras de bon samblant, Tains en une gaie couleur De trés honnourable valeur Qui est appellée Noblesse, Et est fourrez de Gentillesse. Or est Bonneürtez couverte Dou mantel, et est chose aperte Que par dessous tous biens enclot. (MACH., J. R. Nav., 1349, 280).

 

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Prov. Gentillesse vraie n'est autre chose que le vaissel ou vertu se repose : Gentillessz vraye n'est autre chose Que le vaissel ou vertu se repose (Beufves Hant. I., c.1499-1503, 266).

 

-

Agir de/par/pour/pour cause de gentillesse. "Agir par noblesse d'âme" : Et se rendirent li demorans, hommes et femmes, à lui, et tous les rechut à merci, et respita par gentillèce le ville d'ardoir et de pillier. (FROISS., Chron. L., III, c.1375-1400, 93). Et fist tant que tout l'amoient, et, une partie des revenues que li contes de Flandres a en le ville de Gaind de sen hiretage, il les fist distribuer au signeur de Herselles, pour cause de gentillèce et pour parmaintenir au chevalier son estat, car, tout ce qu'il avoit en Flandres hors de la ville de Gaind, il avoit tout perdu. (FROISS., Chron. R., X, c.1375-1400, 86). ...au voir dire, le roy de France et son conseil ouvrerent de grant gentillesce, quant sus le parti où nous estions, ilz nous donnerent trieuves (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 38). C'est la parolle du roy que, pour pité et gentillesse, il vuelt faire à ses ennemis toutte la grace comme il pourra (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 107).

 

-

Demander qqc. (à qqn) par gentillesse/en nom de gentillesse. "Demander qqc. en faisant appel à la générosité (de qqn)" : "Je sui li rois dan Piètres, rois de Castille (...) Je me rench ton prisonnier et me meth, et toutes mes gens qui ci sont (...) en ta garde et volenté. Si te pri, en nom de gentillèce, que tu nous mettes à sauveté, et je me rançonnerai à toy si grandement com tu vorras." (FROISS., Chron. L., VII, c.1375-1400, 80). Ou cas que par gentillesse les malades demandent à avoir confort et raffreschissement en vostre pays, vous leur accorderez (FROISS., Chron. M., XIV, c.1375-1400, 106).

 

-

Estre en gentillesse. "Avoir un comportement distingué" : ...mais [il] estoit homme de bonne vie et honneste conversacion, jà soit ce qu'il soit verité que plusieurs et diverses fois il ait joué aux dez et au driguet, comme compaignons s'esbatent ; et dist que oncques il ne fu en gentillece, c'est assavoir ribaut en chemise. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 144).

 

2.

"Acte empreint de générosité et de noblesse"

 

-

Faire (une) gentillesse : Je me tenoie rudement Et haoie l'esbatement Et fuioie les compagniez Ou on menoit les bonnes viez ; En riens de moy ne me chaloit, Qu'a mon gré autant me valoit A faire une tresgrant rudesce Com de faire une gentillesce. (MACH., Voir, 1364, 104). Et monta à cheval et s'en vint sus les rues. Et destourna ce jour à faire mainte cruaulté et pluiseurs horribles fais qui euissent estet fait, se il ne fust alés au devant : dont il fist aumosne et gentillèce. (FROISS., Chron. L., III, c.1375-1400, 144). Adont fery-il de sa dague sur le chevalier, par telle maniere que il le navra moult villainement en v. lieux (...) Le chevalier disoit bien : "Ha ! monseigneur, vous ne faictes pas gentillesce. Vous m'avez mandé et si m'occiez." (FROISS., Chron. M., XII, c.1375-1400, 62).

 

3.

En partic.

 

a)

"Courage, noblesse dans l'action" : "Alixandre est mon cousin, et lui vient de haute gentillesse d'avoir empris et achievé si haute emprise que d'avoir pris le castel de Bervich." (FROISS., Chron. R., IX, c.1375-1400, 33). SECONT BERGIER. (...) mettons paine de venir A honneur, affin qu'avenir Puissons a noblesse une foiz (...). J'avoye des pieça eü Entencïon de chevaucher, Maiz or me vouldray je avancier Aux armes, et en guerre aler Bien brief, qui qu'en doye parler ; Si esprouveray ma proesce, Et s'en mon cuer a gentillesce, L'en le verra bien en la guerre. (Gris., 1395, 44). Si te conseille que d'orgueil tu te delivres et soies courtois de ton parler, car en villaines paroles ne gist gentillesse ne prouesse de corps. (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 758).

 

-

Loc. adv. À gentillesse. "Avec courage, vaillamment" : Et s'a puis fait a gentillesce Mainte honneur par sa grant prouesce Et mainte jouste fort jousté. (Mir. marq. Gaudine, 1350, 142).

 

b)

P. méton. "Exploit, prouesse aux armes" : Deslors en avant cesserent joustes et tournoiz et toutes gentillesses, et les mauvais commencerent a apparoir petit a petit (Percef. II, R., t.1, c.1450 [c.1340], 152).

 

c)

"Élégance" : Leur habit de teste [des Chartreux] sont teulz, Puis la manche que on coupe et laisse Les bras hors, cela est joyeulx - Et qu'on note la gentillesse ! (COQUILL., Oeuvres F., 1478-p.1494, 204).
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Pierre Cromer

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