A. -

[À propos de céréales] "Botte d'épis coupés où les têtes sont disposées du même côté" : Et leur dourras a mengier avaine en garbe ou yesrre ou visc de poumier, et tant plus fera froit de noif ou de gelee, et plus volentiers vendront a l'amorse. (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 161). Li pays, deus ans ou trois en devant, avoit estet toutdis si guerriiés que nulz n'avoit labouret les terres pour quoi on n'avoit nulz fourages, blés ne avainnes en garbes, ne en estrains. (FROISS., Chron. L., V, c.1375-1400, 212). En alant il allient plorant et metient lour semence ; Mais en retournant il uenront et retorneront a grant ioie en raportant lour glennes et lour gerbes. (Psaut. lorr. A., 1365, 133). ...[il] congneut et confessa, par serement sur ce fait aus sains Euvangiles de Dieu, que, un an a ou environ, qu'il servoit un charretier nommé Le Monde, demourant en la ville de Fontaine-lez-Marigny, et menoit ses chevaulx, et qu'il et sondit maistre aloient aus champs querre des jarbes (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 495). ...icelui exposant mena une jument en certains lieux ès quelx il avoit gerbes qui estoient siennes et charga se dicte jument, et pour passer plus aiseement, rompi un pou de cloison de bois qui estoit ou dit lieu (Doc. Poitou G., t.6, 1390-1403, 164). Item, l'en doit querir les perdriz es grans chaumes et yebles et bruyres et environ les gerbes qui sont demourees aux champs (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 160). Que aucuns... ne apporte ou admaineche, face apporter ou admener blés en ceste ville qui soit purés, grimbelés ne eslis, mais le vendent tel qui vient et quiet de le garbe sans le purer, grimbeler ne eslire. (Arch. Lille, 1396, BB1, 374, f° 20, IGLF). Un autre aussi fut nommé Manasses, le quel fut mary de Judith ; mais en liant les gerbes aux champs il mourut de chaut, comme il appert ou livre de Judith .VIII. (LEGRAND, Archil. Sophie B., c.1400, 222). Il en congneurent aucunne cose, avoecq ce que on trouva des garbes en leur maison et si ne tenaient point d'ahan en terre. (Arch. Nord, 1409, B 10965, f° 26, IGLF). Une gerbe d'ablais (LE VER, Dict. M.E., c.1420-1440, 300). Un sien breghier avoit gardé ses bestes en aultrui esteulle avant que tierch jour fust passez apres [l. aprés] les garbes encoiselees. (Arch. Nord, 1432, B 6243, f° 3, IGLF). Li vilains ne vaut riens, qui bien ne le castie ; Ja par lui ne sera crasse soupe taillie ; Ne le garbe n'est ja de bon grain eswidie, S'elle n'est bien batue. (Jourd. Blaye alex. M., a.1455, 567). ...laquelle fille [âgée de six ans] estoit au droit d'une charrete chargee de gerbes, laquelle charrete cheut sur ladite fille (Mir. ste Cath. Fierbois C., 1470-1483, 99).

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Aller aux gerbes. "Aller mettre le blé en gerbes" : ...euls alarz aus jarbes, aus champs Tenay (...) encontrerent monseigneur Raymon du Fant, curé d'Umblegny, auquel curé il qui parle pooit devoir par un nisy XV livres tournois (Conf. Jug. Parlem. Paris L.L., 1334, 112).

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Lier les gerbes : Et au regard des graines qu'ilz se [sic] semeront esdictes terres des essarts dont l'on ne faict et dont l'on ne a point accoustumé de faire gerbes et qui ne se lyent point, comme pois, lentilles et aultres graines, nous les dicts habitans, nous hoirs et ayans cause payeront le [sic] disme à mon dict seigneur (...) trois gerbes d'aveine pour et au lieu des dictes grainnes qui ne se lyent point (Chartes communes Bourg. G., t.2, 1457-1458, 613).

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Fourche à gerbe : Et après ledit Moquet vint sur ledit moine et, d'une fourche a jarbes qu'il avoit, lui donna sur sa teste pluseurs cops (Chancell. Henri VI, L., t.1, 1423-1426, 289).

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Gerbe de blé./Gerbe de froment : 24 gerbes de froment, 20 gerbes d'avenne, 40 gleuz de feves, 6 gleuz de chiches, 2 quarterons de poisoz, 1 bichot de noix. (Invent. mobiliers ducs de Bourg. P., t.1, 1363, 3). Et, quant celuy qui les voudra chascier verra qu'il vient chascune nuyt en un vergier viander des pommes ou en un champ viander des jarbes du blé, il doit assembler les jarbes ou les pommes toutes en un lieu et fere tout au tour le haut d'un coude, ou de fust ou de pierres, affin que la beste qui vendra mengier convieigne que saille par dessus cela. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 266). ...et en aoust [sont tenus payer] chacun deux garbes de tel blé comme il croist en leur vergier. (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 192). CERES, la deesse des blez, courrouciee de Proserpine sa fille, la quelle avoit perdue, fist famine par tout le monde, et tres soubtilement osta les gerbes des blez... (LEGRAND, Archil. Sophie B., c.1400, 171). ..au Soleil les gerbes tant de blez comme d'avoines, s'esgrainent pour la chaleur, plus qu'ils ne feroient avant le Souleil levant ou après le Souleil couchant (Ordonn. rois Fr. S., t.9, 1404, 31). Ainsi que le suppliant batoit un pou de Glaines ou gerbes de blé. (Doc. 1427. In : DU CANGE IV, 75). Qui a la saint Remi, loie les arbres de son jardin de loiens de garbes de fourment, il ara cel an fruits a plenté. (Ev. Quen., II, c.1466-1474, 126). Et à la vérité, leur fut dit que ledit Bouzier et autres de ses frerescheurs avoient prins deux gerbes de froment en certaine porcion de l'une de leursdites terres. (Doc. Poitou G., t.12, 1481, 459).

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Au fig. loc. Faire gerbe d'un petit faix : Vous faictes d'un petit faix gerbe Et ung tres grant meschief d'un rien, Si vous n'aprennez autre verbe Vous ne chanterez jamais bien. (Chev. dames M., c.1462-1477, 150).

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Prov. À battre la mauvaise gerbe... : Scez-tu point que dit ung proverbe ? Que à battre la maulvaise gerbe Se pert la peine du villain. (Deux hommes deux femmes T., c.1500, 423).

Rem. Cf. DI STEF. 400c s.v. gerbe.

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Loc. prov. L'espi connoist on par la gerbe : Honeur donques est d'avoir barbe, L'espy congnoit on par la jarbe, Par la jarbe puez prouver tu Quelle est tesmoing de la vertu Qui est es couillons, et du sperme Qui engendre fruit par le germe. (LE FÈVRE, Vieille C., a.1376, 107).

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HÉRALD. [Meuble] : Guerbes sont de blé et d'orge et de telz semblables grains en armoirie et ont lien qui les lye ou doiuent auoir. Et senefie que cellui qui premier les porta en armes estoit homme soustenant et garny de tous biens et chaint d'onnourable renommee entour lui. (Best. hérald. H.E., c.1435-1450, 511).

B. -

REDEV. "Gerbe (qui est prélevée pour la dîme)" : ...desquiex champars l'en prent de onze gerbes une ; desquelles terres dessusdites il y a une certaine quantité qui doivent champartage toutefoiz que elles portent (PHIL. VI VALOIS, Doc. paris. V., t.1, 1335, 236). Item, les demourans en icelle ville oultre l'eau n'ont pas celle propre coustume, mes seullement comme les autres ramagers, en païant pour chacune des masures dudit lieu à la saint Remi quatre gerbes et les autres deux deniers pour gerbage pour chacun feu (HECTOR DE CHARTRES, Cout. R., 1398-1408, 9). ...que come, deux ans a ou environ, ledit Jehan eust chergié une cherrecte de gerbes, sans paier de XVIJ gerbes une, pour la molte, ou seigneur de Bienfaicte et de Hellebaudiere. (Chancell. Henri VI, L., t.1, 1423-1426, 160). ...chascun de ceux qui li doit terrages li doit chascun an une gerbe de froment appellée culage. (Trés. Reth. S.L., t.2, 1330-1415, 589). ...toutes les terres estans ou ban et terroir dudit Balan, quant elles son emblavées et empoullies, doient terrages a la XIIIme gerbe (Trés. Reth. L., t.3, 1415-1490, 309). ...icelle disme, ensemble avecquez la tierche guerbe et porcion de disme d'icelui tret de Beauquesne (Cartul. Hôtel-Dieu Cout. L., 1408, 220). ...et pour chascun arpent des terres audessus d'icelui chemin paieroient et laisseroient ou champ a yceuls religieux quatre gerbes pour disme souf[fi]sans (Chartes Abb. St-Magl. T.F., t.3, 1382, 517).

C. -

[À propos d'autres tiges ou matériaux] "Faisceau analogue à une gerbe" : Item pour 27 gerbes de grans liens pour lier les vignes (...). Item pour 6 gerbes de plaions... (Chartes Ste-Chapelle Vincennes B., t.1, 1403-1404, 154). Item trois forges garnies, deux cordiers, deux bourreliers, deux charetons, deux tourneurs à faire tampons de canon, deux chariotz chargiéz d'ormeau pour faire lesdis tampons, trois milliers de fer, .LX. garbes d'achier, soixante rasieres de charbon de terre (CHR. PIZ., Fais armes cheval., 1410, 61 r°). Armures esmolues et coroyes, armigot, garbes d'achier, de filé de fer. (Doc. 1447. In : Romania 31, 1902, 355). TEGES fut né d'une gerbe de terre par maniere de faerie, et fut moult grant devineur, et savoit a dire les choses avenir. (LEGRAND, Archil. Sophie B., c.1400, 209).

D. -

Loc. fig.

1.

[En cooccurrence avec lien pour désigner deux choses qui se complètent]

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Loc. N'avoir gerbe ne lien. "N'avoir rien" : Je te feray par ce moyen, Ung nouveau Job victorïen Encontre toute adversité, Car, tant sois tu practicïen, Tu n'auras gerbe ne lÿen, Mais de tous biens necessité. (Vie st Eust. 2 P., c.1400-1450, 197).

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Prov. Telle gerbe n'est pas sans lien : Je ne sçay donc pourquoy vous dictes Qu'en amour vostre cuer ne songe. (...) Mais c'est ung proverbe ancïen, Et le puis dire sans mençonge : Tel gerbe n'est pas sans lïen (Chev. dames M., c.1462-1477, 62). PLAISANT FOLLIE. Ung si beau compain et si plain Tant gaillart et tant mignot n'est Sans avoir son cuer en lieu net Mis pour amoureulx entretien. CUIDER (...). Tiel gerbe n'est pas sans lyen, Ny tel coquart sans sa coquarde ! (Pipée R., c.1470-1480, 191-192).

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Prov. Le lien vaut mieux que la gerbe : De fin drap d'or en tout ou en partie De jour en jour voluntiers se vestoit : Chaynes, coliers, affiquetz, pierrerie Ainsi qu'on dit en ung commun proverbe,Tant en avoit que c'estoit deablerie : Brief, mieulx valloit le lyen que la gerbe ! (LA VIGNE, V.N., p.1495, 176).

2.

[Dans une expression de mépris]

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Loc. Ne me chaut de sillon ne gerbe. "Cela ne m'importe pas" : ...j'auray ma joye prochaine, Ou bien je mourray en la paine, Ne me chault de seillon ne gerbe, Plustost vendray mes bleds en herbe. (SAINT-GELAIS, Séj. honn. D., c.1490-1495, 212).

3.

[P. réf. à l'A.T. où la première et la plus belle gerbe devait être offerte à Dieu]

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Prov. Faire à Dieu gerbe d'estrain./Faire à Dieu gerbe de feurre. "Se moquer de Dieu" : Sens Abesty, atout sa barbe De bouch et ses larges piez d'ours, Faisant a Dieu de feurre garbe, Est la le curé lais et lours Qui ne debvroit pas estre sours, Car oreilles a comme ung asne. (MARTIN LE FRANC, Champion dames I, D., 1440-1442, 66). Ces turlupins, ces papelars, Ces freres frappars, ces volars, Ces gros dampultus, ces rongeurs De pilers et ses flasengeurs, Qui font a dieu garbe d'estrain (MOLINET, Myst. st Quentin C., c.1482, 160).

Rem. Cf. L. Sainéan, La langue de Rabelais, 1, 1922, 364 et 486- 487 ; cf. aussi les loc. où garbe est remplacé par barbe : Faire barbe de feurre/de paille/d'estrain (à Dieu/au monde) sous barbe ; cf. les var. ds J. W. Hassell, Middle Fr. proverbs, 1982, s.v. barbe.