A. -

Empl. adj. "Qui est disposé à la joie de vivre, qui est d'humeur enjouée"

1.

[D'une pers., de son comportement] : N'il ne vint mie Tous seuls a nous, eins li fist compaingnie Une dame belle, gaie et jolie ; Si ot a nom la dame Courtoisie. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 112). Mon enfant, il a plusieurs jours Qu'un riches homs, gaiz et jolis, A du tout son cuer en vous mis (Mir. Theod., 1357, 73). "Messire Ustasse, je vous donne ce chapelet pour le mieulz combatant de toute la journée de chiaus de dedens et de hors, et vous pri que vous le portés ceste anée pour l'amour de mi. Je sçai bien que vous estes gais et amoureux, et que volentiers vous vos trouvés entre dames et damoiselles. Si dittes partout là où vous venés que je le vous ay donnet..." (FROISS., Chron. L., IV, c.1375-1400, 83). ...ces galens Oyseux, qui tavernes poursuivent, Gays et jolis (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 75). LE GAUDISSEUR en chantant. Jeune, gente, plaisant et lye, Je suis vostre loyal servent Et le seray toute ma vie. Quelque chose que l'on en dye, Tousjours seray mignon et gay, Aussi gent comme ung papegay, Fringant a la mode qui court. (Gaud. sot, c.1450, 7). ...nostre clerc (...) estoit plus gay que une mitaine de la mort de sa femme (C.N.N., c.1456-1467, 286). JOYEULX. Suis je gay ? BEAUCOP. Que je fusse eureux, Si une fois puisse regauldir. JOYEULX. Quant a moy je me tiens de ceulx Qui ne comptent que tout plaisir. (B. veoir, p.1480, 14). GLORIEULX. Pour faire bruyt ay esté né, Huby et gay, gent et gaillart. (P. Jouh. D.R., a.1488, 17).

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Coeur gai. "Coeur réjoui" : Uns enfes de petit aage Qui a le cuer gay et volage... (MACH., D. Aler., a.1349, 241). ...jà je n'en feray Nul tort à no seigneur, Godefroit au cuer gay (God. Bouillon R.B., t.3, c.1356, 280). Et ce me fait vivre si liement Que Leesse n'a cuer joieus ne gay Contre le bien et la joie que j'ay. (MACH., Bal., 1377, 553). Contre ce dous mois de may, Pour avoir le cuer plus gay, Et plus joli, Et pour celle à qui m'ottri, Vueil faire un lay. (MACH., Les lays, 1377, 397). Hues en appella la danselle o coeur gay (Huon Bordeaux B., c.1400-1450, 254). ...veez cy nostre homme et sa femme qui se boutent ou boys, chantans, jouans, et devisans, et faisans feste, comme font les cueurs gaiz quand ilz se trouvent es plaisans lieux. (C.N.N., c.1456-1467, 89). ...corsaige compillé a souhaict de cueur, viaire plus poly c'un ymage, yeulx estincellans comme la rade du souleil, le cueur gay, dehaict, alegre et deliberé, la celule comble de science, playnne de prudence et riche de savoir, le corpustule de pouoir, l'exigence d'avoir, premunye de tous honneurs, condicionnee de bonnes meurs, assouvye de toutes valeurs, soustenance des bienheureux et ressource des maleureux. (LA VIGNE, Ress. chrest. B., 1494, 114).

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Se tenir gai. "Se montrer réjoui" : La veissiez bergiers hordez De gans blans et d'aumosnieres Et de diverses manieres D'outilz telz qu'il apartienent A bergiers qui gays se tiennent: Trenche pain, cysiaulx, forsetes, Boiste a ointure, esguilletes, Aloine, cernoir, cordele, Une grande tace belle, Fil, aguille, et deel avec Y a, bergier n'est sanz hec (CHR. PIZ., Dit Pastoure R., 1403, 228).

2.

[De l'apparence] "Qui exprime la gaieté, la joie, le bonheur" : ...Mais entre les dames s'embatent Baudement, jouent et esbatent, Et la font moult le savoureus, En moustrant gais ris amoureus, Biaus samblans et humbles prieres, Pour vëoir se par tels manieres Aucune dame seroit prise. (MACH., D. Aler., a.1349, 363). Quant je ne voy vostre viaire gay, Par qui j'ay tant de dueil et de courrous Qu'il me convient dire : "aymi", Et vostre maintieng joli, Regret souvent ; pour ce estre ne porroie Qu'à vous ne pense adès, où que je soie. (MACH., L. dames, 1377, 147).

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Corps gai. "Belle apparence" : Et vostre gentil corps gay Serviray Humblement et à s'onnour (MACH., Ch. bal., 1377, 603). Car, s'adès devoie languir Pour vo gracieus corps gay, Jamais autre n'ameray. (MACH., L. dames, 1377, 108).

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Maintien gai. "Attitude noble, élégant" : Quant on parle de parfaite beauté De jouvencelle a estat gracieux, De maintieng gay, de corps bien adorné, De vis riant d'enprente de beaulx yeulx... (Recueil galant. V.-B., c.1350-1400, 154). Car souvent avient Que quant vous estes presente Et Plaisance li presente Vostre maniere excellente Et gai maintien Pris ou liien Se voit ou ja fu, que n'en ne mente, Ypomenés pour Atalente. (FROISS., Par. am., c.1361-1362, 71). Le gentil corps et la doulce figure, Humble regart et le doulx maintien gay (DESCH., Oeuvres Q., t.3, c.1370-1407, 279). Car sa face coulourée Plus que rose en may, De toute biauté parée Et de maintieng gay, M'a pris (MACH., Bal., 1377, 547).

3.

P. méton. [D'une chose]

a)

"Qui inspire la gaieté, qui est fait pour plaire" : Au departir dou bel esté Qui a gais et jolis esté, De fleurs, de fueilles faillolez, Et d'arbrissiaus emmaillolez... (MACH., J. R. Nav., 1349, 137). Mes assés peu dure son envaye, Voires s'elle ne me prent et esgaie En une heure lie, joieuse et gaie, Et lors reçoi de vous solas sans nombre. (FROISS., Orl., 1368, 101). ...Si qu'il ne porroit nullement Riens faire si joliement De sa matiere dolereuse Com li joieus de sa joieuse, Pour ce qu'il n'a riens qui l'esgaie Ne matiere lie ne gaie, Et s'a desir et povre espoir Qui sa doleur empire, espoir. (MACH., Prol., c.1377, 8). A ces amoureulx de villaige Je laisse au bras porter ta targe Et au bonnet ung bouquet gay, Saulter, dancer et faire raige... (HAUTEV., Conf. Test. am. tresp. B., c.1441-1447, 59).

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Empl. impers. Faire gai. "Faire bon vivre" : En sa chambre s'en va ou il faisoit moult gay. (Gir. Vienne D.B., c.1350-1400, 159). Elle venoit en un gardin Qui estoit assés priés dou clos, Ou la dedens avoit enclos, De moult lonc tamps mis et enté, De tous arbres a grant plenté ; Moult y faisoit gai et plaisant. (FROISS., Pris. am. F., 1372-1373, 84). Et la belle Esclarmonde le tenoit avoeucq luy Dedens sa rice chambre ou fist gay et joly (Huon Bordeaux B., c.1400-1450, 101).

-

Estat gai. "Train de vie de plaisir" : Et serez chevallier, car ainsi le voray, Se mainterez estat noble, poissant et gay, Car vous arez du mien tant comme j'en aray (Hugues Capet L., c.1358, 94).

-

Empl. subst. "Ce qui est gai, qui rend gai" : Trop ne me puis de bonne Amour loer Qui m'a donné m'amour et mon desir Et qui m'esprent si fort que desirer Ne porroie n'autre amer ne cherir Fors le bon, le bel, le gay, Que j'aim de cuer et toudis ameray Si fermement, sans muer ne changier, Qu'autre de li jamais avoir ne quier. (MACH., L. dames, 1377, 202). Lasse ! comment oublieray Le bel, le bon, le dous, le gay à qui entierement donnay Le cuer de mi Pour le sien que j'ay sans demi Et le retins pour mon ami... (MACH., Motés, 1377, 513).

-

Faire bon gai. "Mener joyeuse vie" : L'endemain s'est no gens en Damas amasée, Et faisoient boin gais toute jour à journée. (God. Bouillon R.B., t.3, c.1356, 405).

b)

[Du temps qu'il fait, d'une saison] "Qui est agréable et doux" : Las ! j'ay veu May joyeux et gay Et si plaisant a toute gent Que raconter au long ne sçay Le plaisir et esbatement Qu'avoit en son commandement (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 76). APVRIL. May, gentil moys, que tu es enduppé, Tu es trop gay, trop fier et trop huppé, Pour surmonter tes freres en grandeur (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 607).

c)

[D'un lieu] "Qui est plaisant, agréable à vivre" : ...tout aussi com la lumiere Dou soleil donne par le monde, Tant comme il tient a la rëonde, Clarté, chalour, joie, plaisence De ses rais qui par leur puissance Font que la terre qui s'esgaie En rit et devient cointe et gaie, Qu'ensement de moy le resplent Qui ci presentement resplent Donne clarté par tout le siecle... (MACH., R. Fort., c.1341, 81). ...ne say Lyeu nul si faitiz ne si gay Pour prendre esbat. (Mir. pape, 1346, 362). Vous demourés a moy dedens ce palais gay ! (Renaut Mont. B.N. V., c.1350-1400, 482). ...avint que je descendi en une partie de ce jardin, la plus gaye et florissant, qui se nomme Cantiques (GERS., Concept., 1401, 388). ...et soubz la rame Yray chantant tres amoureusement En ce gay bois au renouvellement Du doulz printemps qui cuers resjouïst tous (CHR. PIZ., Cent ball. amant dame C., c.1409-1410, 107). Le lendemain aprés la messe dicte Passant par boys, par buysson et par haye, Le bon seigneur par traicte assez petite Disner s'en vint a l'abbaye d'Aye Pres d'un grant lac bien assise, bien gaye (LA VIGNE, V.N., p.1495, 222).

-

[D'une manifestation] "Animé" : Adonc commencerent les joustes, gayes et jolies. (Cleriadus Z., c.1440-1444, 659). L'ostel de ville est bel et sumptüeux Sur le marché gay en toute saison, Puis le chasteau fort et impetüeux, Ou le roy mist Gavache en garnison. (LA VIGNE, V.N., p.1495, 227).

d)

[D'une couleur] "Clair, vif" : Au temps pascour que toute riens s'esgaie, Que la terre de mainte colour gaie Se cointoie, dont pointure sans plaie Sous la mamelle Fait Bonne Amour a mainte dame belle, A maint amant et a mainte pucelle, Dont il ont puis mainte lie nouvelle... (MACH., J. R. Beh., c.1340, 57). Or sus, seigneurs, regardés les pucelles plaines de honnourables beaultez qui se painent de vous parer de parures plus gayez et amoureuses que de fin or ne de paintures ! (Percef. IV, R., c.1450 [c.1340], 966).

-

[Dans un cont. métaph.] : ...Et de ces choses asamblant Fu fais li dras de bon samblant, Tains en une gaie couleur De trés honnourable valeur Qui est appellée Noblesse, Et est fourrez de Gentillesse. (MACH., J. R. Nav., 1349, 280).

-

Vert gai. "Vert clair et vif" : Pour ce fait les arbres couvrir De fleurs et les champs de vert gay, Pour la feste plus embellir, Ce premier jour du mois de May. (CH. D'ORLÉANS, Ball. C., c.1415-1457, 70). Et se ainsy est que le potaige soit tropt vert, sy y mectés ung pou de saffran, si sera sur le verd gay. (CHIQUART, Cuis. S., 1420, 139). Item, six autres carreaulx de satin vert, vielz et usez, quatre vers gay et deux vers herbu (Doc. 1422. In : J. Guiffrey, Bibl. Éc. Chartes 48, 1887, 84).

Rem. Voir aussi vergai et le comm. ds l'éd. CHIQUART, Cuis. p. 139, note 55 : "cette conbinaison du vert et du jaune est commune dans la cuisine médiévale. Le Ménagier de Paris ne semble pas cependant comprendre le sens de ce terme vergay dans sa copie de cette recette...."

.

DRAP. Drap vert gai : A lui le roy au matinet s'appert La dame, vestue de vert ; De [drap] vert gay fu, c'estoit raison, Aussi le devoit la saison, Car c'estoit au plus fort d'esté Que la ot veillé et esté. (COUDRETTE, Mélus. R., c.1401-1402, 307). ...dix-huit aunes et demie de fin drap vert gay de Londres (CHART. J., Chron. Ch. VII, V., t.3, Fragm. hist., 1408, 265). ...XIII aulnes de [drap] vert gay (Comptes Lille L., t.1, 1412, 76). ...11 aulnes un quartier de [drap] vert gay à couvrir lesdiz harnois (Comptes Etat bourg. M.F., t.3, 1418-1420, 671).

Rem. Cf. T-L IV, 39 ; sur le drap vert gai cf. GAY II, 469a.

e)

[D'une musique] "Qui inspire une humeur joyeuse" : Gabriel, chantons par musique Gaie et jolie. (Mir. parr., 1356, 37).

B. -

"Qui est vif, agile, léger"

1.

[D'une pers., d'un attribut de la pers.] : Mon seigneur, gay et esveillié Vous voi plus que ne fis pieça. (Mir. nonne, 1345, 322). Blances mains, bras lons, grassés. Jambes droites, piés moult gés (FROISS., Lays am. M., c.1362-1394, 69). Juveniaux, Cathulus, Ovides Ne li phillosophes Virgiles Ne autres, pour eulx esprouver, Ne sceurent onques frain trouver Ne estre par leurs sens si gais Qu'ilz ne fussent par les agais Des femmes prins, mors ou desers. (DESCH., M.M., c.1385-1403, 182).

2.

[D'un animal] : Ens el mois de setembre qu'estés va a declin Que cil oisillon gay ont perdu lor latin... (Voeux héron G.L., c.1346, 68). ...De plumage joins et polis, De maniere gais et jolis ; N'oncques mais esprivier ne vi Plus gent ne plus amenevi, Plus joiant ne plus esclatier, Meins dongereus ne meins ratier, Ne qui eüst meins d'estoutie (MACH., D. Aler., a.1349, 277). ...Tant qu'on cheï en un acort De faire un gracieus recort De grant deliberation De parler de l'alerion Qui est uns oiseaus gentillès, Gais, gens, jolis, joins et quillès. (MACH., D. Aler., a.1349, 294). Vous savez que la turterelle, Qui est faitice, gente et belle, Cointe, gaie, douce et jolie, Tant com ses males est en vie, Et s'il avient qu'elle le pert Par mort, on scet tout en appert Que jamais joie n'avera, Et par signes le moustrera. (MACH., J. R. Nav., 1349, 193). Olivier print sa foy puis vint au cheval gay (Gir. Vienne D.B., c.1350-1400, 196). Encor vous di je par mon chief Qu'il y a moult d'autre messchief Quant cil qui court a cheval gay, Qui de pres ot des chiens le glay, est en haulte forest ramee Ou en basse bien dru plantee, Dieux scet quel deletation Il a en tel venation (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 419). ...car tout ainsy que les grans seigneurs s'esbatent lors [en la saison de la chasse de l'esprevier] au plus gay gibier de l'année, aussy les clers, pour fouyr parresse (...) se doivent parefforcier de vivre avec le gibier de leurz livres. (BOUVET, Appar. Meun A., 1398, 2). Saison de nostre mestïer De hocher le prunier Est elle passee Pour une passee ? Aussi gay comme ung espreuvier, Qui bien change n'empire pas. (Myst. jeune fille L., c.1413-1445 [c.1530], 7). Et quant le sauldain vit le faulcon, qui estoit bel et gay et si bien gary, il en eust si grant joye, que je ne le vous porroye dire. (LA CÉPÈDE, Paris Vienne K., 1432, 254).

3.

ARM. Lance gaie. "Arme d'hast, javelot léger, archegaye" : ...Guillaume Ymbaut, escuier du dit Moreau, fery le dit feu Jehan par la gorge d'une lance gaye (Doc. Poitou G., t.5, 1377-1390, 211).

Rem. Remotivation du terme archegaie (?), étymol. diff. ; cf. aussi le jeu de mot ds l'ex. suiv. : : Puis que c'est a la hucque hucque, Je prendray marcigaie gaye, Dont souvent a l'embusque busque (MOLINET, Myst. st Quentin C., c.1482, 184)..