A. -

"Fil enroulé sur un fuseau ; p. méton. le fuseau" : On lui dist qu'a le fillerye, Qu'on appelle escrienne, ou chelier, S'estoit assis pour desvuidier Les fusees des filleresses (Dit prunier B., c.1330-1350, 48). Elle lui fait porter les enfans jouer, elle les li fait bercier, elle lui fait tenir sa fusee quant elle travoille le sabmadi. (Quinze joies mar. R., c.1390-1410, 92). GRISELDIS. (...) Voulentiers assez tost yroye O les pucelles et verroye Celle dame qu'il [le marquis] doit avoir, Maiz que j'aye fait mon devoir Et mes escüelles lavees Et deswidïes mes fusees Et mise no maison a point. (Gris., 1395, 33). Mais bien me souvient que celui pennier devant dit estoit plain et comblé de petites fusees et escheveaulx de soye de plusieurs couleurs et de petites forcectes et poinczons et batoirs rons avec plusieurs manieres d'ostilz qui a cedit mestier sont necessaires. (RENÉ D'ANJOU, Cuer am. espris W., 1457, 162). Car pour sentir sa doulce alaine, Cherpissoit o elle la laine Et les fusëes desvidoit Quant sa dame lui commandoit (RENÉ D'ANJOU, Cuer am. espris W., 1457, 166). L'escuier se party et chercha tant le fils du chevalier, nommé Jehan d'Avennes, qu'il le trouva avoecq les filleresses a la saierie, desquelles il desvuidoit les fusees, et yllec estoit en ung grant tropeau de femmelettes (Jehan d'Avennes F., c.1465-1468, 14). Sur ce se commencerent toutes a elles lever et prendre leurs quenoilles, fuiseaux, fuseez, hepples, vertoiles, tourés et autres bagaiges appartenans a l'art de filerie, pour elles retourner chascune a sa chascune. (Ev. Quen., I, c.1466-1474, 99). Pluiseurs des escolieres estoient desja venues, qui commençoient a desvuider et haspler leurs fuseez, car filer ne povoient pour l'onneur du samedy et de la Vierge Marie (Ev. Quen., I, c.1466-1474, 112).

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[Ds un cont. métaph.] : Et ilh estoit de gran sens et de gran porkache, et de grain richeche ; sy kemelat teilement les fizéez partot qu'il retraiit à ly et ostat do serviche cheaz d'Awans, por le castelain à greveir, tous cheaz de Haneffe et de Warfezéez ["Cette jolie figure fait évidemment allusion au travail des dentellières" (Éd.)] (HEMRICOURT, Guerres Awans B., c.1398, 21). La quenoille est pour toy ia disposée, Demener fault le fillet de tes ans, Et puis après en faire une fusée, Determinant la longueur de ton temps (SAINT-GELAIS, Séj. honn. J., c.1490-1495, 189).

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Filer cette fusee. "Jouer ce tour" : Ainsi fut la vielle accusee Qui me fila ceste fusee. (LE FÈVRE, Vieille, trad. De vetula H., a.1376, 245).

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Troubler la fusee. "Emmêler le fil du fuseau, d'où créer la perturbation, empêcher qqc." : LUCIFER. Il fault soubstilz moyens serchier ! (...) Soubstilement La translacïon empeschier. Et pourtant tresfaulce tresfaulce mesgnie, Rude ribaudaille rusee, Dés maintenant je vous renye Si vous ne troublez la fusee ! (FLAMANG, Vie Pass. st Didier S., 1482, v.7986).

B. -

P. anal. [Anal. de forme]

1.

"Barrette métallique (en forme de fuseau) agrafée verticalement et à intervalles réguliers sur la hauteur d'une ceinture pour la maintenir rigide" : ...une autre seinture d'un laz tanné, où sont dix neuf fusées d'argent. (Invent. mobilier Ch. V, L., 1380, 295). Une autre ceinture d'un laz tanné, où sont dix neuf fusées d'argent. (Ch. VI, D., t.2, 1418, 334).

2.

"Chacun des cylindres entre lesquels s'engrènent les dents de la roue d'un moulin" : À Jehan Rose, pour avoir ouvré (...) à taillier et racourchier chaulx, pour faire gaines pour le molin à vent, et pour appareillier un nouvel sciveloop pour molin à eaue, et pour arondir le roet et pour appareillier les fusees et autres menuz ouvraiges (Comptes Etat bourg. M.F., t.3, 1418-1420, 639). ...ung harnoiz complet ou dit molin, contenant 52 dens (...) et 9 fusees tout de bois de mesplier (Doc. 1461. In : Y. Coutant, Terminol. du moulin médiév. dans le comté de Flandre, 1994, 683). [Nombreux ex.]

3.

HÉRALD. "Petite figure géométrique, représentée par un losange de forme très allongée" : Fusees ou fisellé est vne mesme chose se non de difference de nombre car fusees se nombrent et fisellé n'a point de nombre et aussi fusees sont plus grandes que fisellé et ont les boutz gresles et longs et grosses au parmy. (Best. hérald. H.E., c.1435-1450, 506).

Rem. Déf. d'apr. M. Pastoureau, Traité d'hérald., 1979, 324 ; FEW : sens en hérald. non att.

4.

"Pièce d'artifice qui s'enflamme (dont on se sert en partic. pour mettre le feu dans une place)" : ...fusees a gecter feu, tonneaux, queues et rondelles wides et toutes autres choses que pour le fait de la dicte armee... (Clos galées Rouen M.-C., t.2, 1385, 175). ...mais tost après les Daulphinois qui estoient dedens l'isle et chastel dudit Pont de Remy, tirèrent le feu par fusées dedens lesdictes maisons, lesquelles tantost de l'une à l'autre furent toutes embrasées. (MONSTRELET, Chron. D.-A., t.4, c.1425-1440, 51). Et senefie que cellui qui premier les porta en armes estoit homme ardant d'amour comme est vne fusee et la greslesce et longueur represente gentelesce et haultesce. (Best. hérald. H.E., c.1435-1450, 506). Et, le lundi [23 septembre], de nuit, apparut à ceulx qui faisoient le guet et arriere guet en ladicte ville une comete, qui vint des parties dudit host cheoir dedens les fossez d'icelle ville à l'environ de l'ostel d'Ardoise, dont plusieurs furent espoventez, non sachans que c'estoit, mais cuidans que ce eust esté une fusée ardant ilec gectée et envoiée par lesdiz Bourguignons. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 110). En la compaignie des Bretons y avoit ung pouvre homme qui prenoit plaisir à gecter des fusées en l'aer, qui courent parmy les gens quant elles sont tombées et rendent ung peu de flambe (COMM., I, 1489-1491, 41). Et fut logé en son logis de devant pres la Citadelle et le soir recommencerent a faire feux en plus de cent lieux en gettant fusees ardans, lances enflambees de feu gregoys (LA VIGNE, V.N., p.1495, 275).

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Fusee gregeoise. "Projectile incendiare" : ...aulcunes femmes, montées sur .IX. ou .X. maisons alumées de fusées gregoises, churent à terre de hault en bas, en estaindant le feu, sans sentir ne mal ne doleur. (MOLINET, Chron. D.J., t.2, 1474-1506, 149).

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[Dans un cont. métaph.]

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Destouiller la fusee. "Aller au fond des choses" : Verité est que maistre Jehan Jerson, fort autorisié en theologie (...) composa ung petit livre intitulé la Reprobation du Romant de la Rose, mais, en ce faisant, il s'arresta seulement sur le sens litteral, sans destouiller la fusee. (MOLINET, Rom. Rose moralisé, c.1500. In : Dupire, Gloss., 80).

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Faire fusee. "Se terminer brusquement, éclater (comme une fusée)" : ...Je vueil ma mort sans consentir ; Je fais nouveau chose passee. Je commence puis faiz fuzee ; Je vis mourant sans point mentir (JEHAN DE LORRAINE. In : CH. D'ORLÉANS, Rond. C., 1443-1460, 601).

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Prov. Commencement n'est point fusee. "Il ne suffit d'avoir commencé, les choses ne sont pas faites dès le commencement" : Vous, gallans, qui de nouvel Avés mis le siège à Pontoise, Vous faictes rage de revel Et de crier bien à vostre aise. Maiz la fin en sera mauvaise Ains que vostre oeuvre soit usée : Conmencement n'est pas fusée. (CHART. J., Chron. Ch. VII, V., t.2, c.1437-1464, 27). ...s'en la guerre vous fiez, Vous arez vostre peau houssee : Commencement n'est pas fusee. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 72). Commencement n'est point fusee. Au prime vient le dur passaige. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 664).