C.N.R.S.
 
Article complet 
StructureSans exempleCompletFormesExemples
FamilleTextesSourcesImpressionAide à la lecture
     FUIR     
FEW III fugere
FUIR, verbe
[T-L : fuir ; GD : fuir2 ; GDC : fuir ; AND : fuir1 ; DÉCT : fuir ; FEW III, 836b : fugere ; TLF : VIII, 1315b : fuir]

I. -

Empl. intrans. ou pronom.

A. -

Fuir (qq. part). "Aller à la hâte, courir qq. part" : Il [un poete] vouloit dire que ce geant Encheladus ne povoit fuir en lieu ou Dieu ne fust. (ORESME, C.M., c.1377, 278). Alons y, tout le monde y fuit (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 274).

 

-

"Accourir" : Princes nommez, ancïens, jouvenciaulx, Impetrez moy graces et royaulx seaulx Et me montez en quelque corbillon. Ainsi le font l'un a l'autre pourceaux, Car ou l'un brait, ilz fuyent a monceaux. Le lesserez la, le povre Villon ? (VILLON, Poèmes variés R.H., c.1456-1463, 69).

 

.

Fuir + inf. "Accourir + inf." : On fouÿ Florent querre (Flor. Octav. L., t.1, c.1356, 81).

 

-

Fuir à qqn. "Se précipiter auprès de qqn" : ...lors je fuis a la royne, qui en sa chambre disoit ses heures (LA SALE, Sale D., 1451, 244).

 

-

Fuir après qqn (ou un animal). "Courir après, poursuivre qqn (ou un animal)" : Las ! dolens ! c'est ce qui efface En moy d'esperence la grace ; C'est ce qui a la mort me chace Et fait penser Qu'ensement comme uns chiens de chace Après sa beste fuit et chace Et la sieut partout a la trace Pour li tuer, Einsi Desirs de saouler Mes fols yeus d'assez remirer De la bele et bonne sans per La douce face Me berse et chasse sans cesser Et me cuide a la mort mener. (MACH., R. Fort., c.1341, 51). Mais amours qui les cuers affole Et desirs, ou pensee fole, Li fist derrier li resgarder, Et Erudice, sans tarder, S'en fuï en la chartre horrible Qui trop est hideuse et penible, Et de ses yeus s'esvanuï. Orpheüs après li fuï, Mais c'est niant, bien puet savoir Que jamais ne la puet ravoir (MACH., C. ami, 1357, 91). Ilz viennent aprés nous fuyant comme Ennemy (Flor. Octav. L., t.2, c.1400, 462). Aprés Florent s'en va fuyant par la carriere. (Flor. Octav. L., t.2, c.1400, 563). ...je l'en vey voler atout l'anel, dont vous fuistes aprés sans prendre congiet. (Percef. III, R., t.2, c.1450 [c.1340], 343).

B. -

(Se) fuir (de qq. part). "S'éloigner à la hâte (de qq. part) (pour éviter qqn ou qqc.), prendre la fuite"

 

1.

Fuir (de qq. part) : Saint Eustache a l'encontre n'out talent de feuir. (Vie st Eust. 1 P., c.1350-1400, 151). ...Qui point ne fouÿront, ne pour mort ne pour vie (Bat. Angl. Bret. B., a.1355, 55). Mais il couvient que je te prueve Ce que je t'ay dit, sans contrueve. Mieus te vausist vif enfouïr Ou dis fois morir que fuïr, Car tu fusses deshonnourez, Se tu ne fusses demourez. Et se mors fusses en la place, Dieus t'ehust fait honneur et grace. (MACH., C. ami, 1357, 100). Pensez y ce que vous volez, Mais n'est pas bon d'estre affolez, Et mieus vaut les bons ensuïr Souvent que morir ou fuïr. Qui se vuet mirer, si se mire, Car je vueil tesmongnier et dire Que chevaliers acouardis Et clers qui vuet estre hardis Ne valent plein mon pong de paille... (MACH., F. am., c.1361, 147). Adont parla, ce m'est avis, Li bons princes, que Dieus confort ! Et sa gent amonnestoit fort, Qu'il fussent preudomme et vaillant Et qu'il ne fussent pas faillant A ce besong ; car qui fuiroit Vraiement il se destruiroit. (MACH., P. Alex., p.1369, 164). Là furent Sarrasin si vil Que hors de la ville fuioit Chascuns (MACH., P. Alex., p.1369, 90). Vuidiez, vuidiez appertement, Ou vous mourrez honteusement. Fuiez, merdaille ! (Mir. Oton, c.1370, 332). CINQUIESME SODOIER. Prenons touz de fouir le tour : C'est le meilleur. (Mir. ste Bauth., c.1376, 140). ...ne oncques, puis que ledit cheval et houpelande furent prins et arrestez en main de justice, comme dit est, icellui prisonnier ne conversa ou repaira oudit païs, mais c'est tousjours, depuis ce que dit est, absenté et fuy du païs. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 286). ...il me semble qu'il vault mieulx que nous repairons vers l'ost de nostre voulenté que par force nous y convenist repairier, car il n'est mie doubte qui retourne fuyant en chace de ses ennemis, qu'il n'y puet avoir se blasme non (ARRAS, c.1392-1393, 233). Fuiez de cy, faulx traitre, vous me avez fait par vostre faulx traitre rapport parjurer contre la meilleur et la plus loyal dame qui oncques nasquist après celle qui porta Nostre Createur. (ARRAS, c.1392-1393, 242). ...ce Cristien est fiers et semble bien de grant puissance. De luy sustraire seroit grant peril puis qu'il ne fut (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 100). Sur un destrier fuit grant aleure (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 7). Si n'y vois secours que fouïr (VILLON, Lais R.H., c.1456-1457, 13). Ne me pourrés vous secourir, O mes parans, freres et amis ? Helas, si je pouvoiz fuyr, Je yroye ors de ce pays. Or suis je entre tous maulditz, Le plus mauldit qu'onques fut né. (Pass. Auv., 1477, 207). Hardiz soyez comme liepars, Sans atendre ne pas ne heure, Puis devant vous comme renars Les verrez fouyr sans demeurre. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 219). Y reluisoient comme le jour Et ainsi que soleil ardant, Mes quant il advint au comptant A donner coups et horions, Y fuyoyent parmy les champs Ainsi que brebiz et motons. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 576).

 

-

Fuir devant / pour qqn : Et nostre gent devant li tramble Et fuit (MACH., P. Alex., p.1369, 132). Chascun fuit devant eulx. (ARRAS, c.1392-1393, 160). Lors, quant le soudant ouy dire a Gieffroy qu'il fuioit pour un homme seul, si ot grant vergoingne. (ARRAS, c.1392-1393, 231).

 

-

Fuir qq. part. "Prendre la fuite vers un lieu (éventuellement pour s'y réfugier)" : ...Car il n'i avoit lieu ne voie Ne destour ou fuïr sceüsse, Si couvenoit que hardis fusse. (MACH., F. am., c.1361, 148). Et si ne saroit où fuir. (MACH., P. Alex., p.1369, 164). ...jusqu'en mer les fist fouÿr (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 145). LE DRAPPIER. (...) Haula ! ou estes vous fouÿe ? GUILLEMETTE. Par mon serment, il m'a ouÿe ? (Path. D., c.1456-1469, 120). Cestui predist sur aucune revolucion et grande conjunction que les bestes plus domestiques comme chevaulx, beufz, vaches, chievres, brebis et pourceaulx laysseroient leurs communes habitacions et fuyroient ès lieux sauvages (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 64 v°).

 

-

Fuir de qqn. "S'éloigner de qqn" : ...quant tu foïs loin de moy ["quand tu t'éloignes de moi"] (GAST. PHÉBUS, Livre oraisons T., c.1380-1383, 62).

 

-

[D'un animal] Fuir sur soi. "Revenir sur ses pas en prenant la fuite" : Et lors le redrescera ou saura certainement qu'il [le cerf] aura fuy sus soy. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 200).

 

-

Fuir arriere. "Revenir sur ses pas en prenant la fuite" : N'est doubte que de le trouver, Qu'il ne soit ja fouÿ arriere. (GRÉBAN, Pass. J., c.1450, 246).

 

-

Fuir la campagne / le chemin / la voie... "Prendre la fuite par les champs, le chemin, la voie..."

 

Rem. GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, gloss.

 

-

Prov. : ...il vaut miex fuïr qu'atendre horion (Bât. Bouillon C., c.1350, 335). ...qui fuit on le cache ["on le chasse, on le poursuit"] (Baud. Sebourc B., t.1, c.1350, 269). Qui fuit toudis treuve bien qui le chace (DESCH., Oeuvres Q., t.5, c.1370-1407, 105). ...il me semble qu'il vault mieulx que nous repairons vers l'ost de nostre voulenté que par force nous y convenist repairier, car il n'est mie doubte qui retourne fuyant en chace de ses ennemis, qu'il n'y puet avoir se blasme non, combien que on dit qu'il vault mieulx fuir que mauvaisement attendre. (ARRAS, c.1392-1393, 233). ...mieulx vault fuyr que mauvaisement actendre (WAUQUELIN, Gir. Ross. M., 1447, 286). Qui fuit, il trouve qui le chasse. (LEFÈVRE (R.), Hist. Troyes A., c.1464, 160). ...celluy qui fuyt et pert ne trouve point seullement qui le chasse, mais ses amys tournent ses ennemys (COMM., III, 1495-1498, 64). Fuir a heure est sens je le vous jure Sans sa vie trop metre en avanture. (Beufves Hant. I., c.1499-1503, 322).

 

Rem. Prov. H., 124 [F185 / 186].

 

2.

Se fuir (de qq. part) : ...par son envaÿe Se fuÿ le roy de Hongrie (Renart contref. R.L., t.1, 1328-1342, 192). Et puis a lui se combatoient Tout acertes jusques au rendre, Car s'on peuist par yaus entendre, Ou par autrui, qu'il se fuïssent, Jamais jour honnouré ne fuissent. (FROISS., Méliad. L., t.1, 1373-1388, 129). Maistre joly, estes vous cy ? Marchiés devant : vous estes fuÿ cinq ou six jours ; il faut compter a vous. (LA SALE, J.S., 1456, 56). La sceut nouvelles que le duc de Calabre, De paour qu'il eult aussi froit comme ung mabre Denicorde, grandement marmiteux, S'estoit fuÿ de Cappe tout honteux (LA VIGNE, V.N., p.1495, 247).

 

-

Se fuir de qqn : Sachiez que nous nous fuyons d'eulx pour ce que si fort nous chastoient (COLART MANS., Dial. créat. R., 1482, 196).

 

3.

S'en fuir (de qq. part) : Je croy (...) Que grant couardise vous veult Faire ent fouir. (Mir. Amis, c.1365, 30). ...Mais tant sont de foible marrien Qu'en armes il ne valent rien, Eins s'en fuient comme chevriaus. Puis qu'il a gens d'armes entr'eaus, Il sont de trop povre couvine ; Et si siet droit seur la marine Un petit plus d'une huchie. (MACH., P. Alex., p.1369, 62). Fuiez vous en. Dieux vous conduie A sauveté. (Mir. Berthe, c.1373, 182). ...il print ledit prisonnier qui avoit ledit chapperon sur sa teste ; lequel prisonnier leur requist que il le menassent en la rue Saint-Jaques, et il leur enseigneroit où ; et en passant par devant Saint-Severin, s'en fouy et se bouta en franchise oudit moustier. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 15). Marion du Val, naguaires chamberiere de Hennequin le Tainturer, (...) prisonniere, detenue à la requeste dudit Hennequin et de sa femme, pour ce que, sans leur sceu et congié, elle a ouvert un leur coffre, et en ycellui a prins plusieurs aneaux d'or et autres choses, lesquelz elle en a portez et s'en est fuye atout. (Reg. crim. Chât., I, 1389-1392, 195). Après lequel eslargissement, il s'en estoit alez ès halles de Paris pour acheter du pain et du fruit pour son disner ; mais que oudit jour il eust veu Jaquete dessus nommée, tenue ou wuidié sa bourse, que ledit blanc de VIIJ d. parisis feust trouvez entre ses piez, qu'il s'en feust fouyz, eust crié : Prenez le larron ! (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 9). ...et, en ce faisant, elle osta sa main dudit prisonnier ; et, en après ce, il s'encommença à fouir en alant droit vers l'eglise Saint-Eustace, criant à haulte voix : Prenez le larron ! (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 7). Cirus s'en fouÿ les grans saulx (CHR. PIZ., M.F., II, 1400-1403, 204). Tuit s'en fuient (CHR. PIZ., M.F., III, 1400-1403, 78). Après il ordonna que, quant la battaille seroit commencee, une partie de ses gens fuiroient, ainssi comme se ilz s'en fuissent (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 48). ...si ne fut pas pou esbahy, et le bergier encores plus, qui s'en cuida fuyr quand il le vit. (C.N.N., c.1456-1467, 360). ...s'il ne s'en fust fuy, les freres de la damoiselle l'eussent la tué (C.N.N., c.1456-1467, 384). Si m'en fuiray je du debat. (Rapp., c.1480, 60).

 

-

S'en fuir qq. part : Mais amours qui les cuers affole Et desirs, ou pensee fole, Li fist derrier li resgarder,Et Erudice, sans tarder, S'en fuï en la chartre horrible Qui trop est hideuse et penible, Et de ses yeus s'esvanuï. Orpheüs après li fuï, Mais c'est niant, bien puet savoir Que jamais ne la puet ravoir (MACH., C. ami, 1357, 91). ...quant il avenra Qu'aucun malfaitteur a garant (...) s'en fuit en l'eglise, Qu'il y soit sauf et ait franchise. (Mir. st Sev., 1362, 214). A toy m'en vueil fouir le cours, A toy vien, royne des cieulx (Mir. Barl. Josaph., c.1363, 293). Atant furent paiens desconfis et s'en fuent tous vers Piragor (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 96). Et le pape et les cardinaulx s'en fuierent en Calabre (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 186).

 

-

Prov. : Qui s'en fuit, il a qui le chasse. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 194).

 

4.

Part. prés. en empl. subst. "Fuyard" : Lors compta au soudant ly uns des fuians l'aventure, dont ly soudans fu moult doulens, et s'esmerveille fort quelles gens lui ont fait ce dommage. (ARRAS, c.1392-1393, 103). Mais Sarrasins furent pou, si ne porent endurer le fais et tournerent en fuye devers Baruth et noz gens aprez. Quant les Sarrasins de Baruth virent venir les fuians, si les congnurent, et avalerent le pont et euvrent la barriere et la porte, et les fuians entrent dedens. Mais Gieffroy les suivoit si asprement qu'il entra pelle melle dedens la ville, a bien Vc. hommes, avec les Sarrasins. (ARRAS, c.1392-1393, 225).

 

-

Les fuyants de qq. part : Mais cy se taist l'ystoire de eulx et de Gieffroy et parle des fuians de Japhe qui sont venus a l'ost du gallaffre et du soudant devant Damas. (ARRAS, c.1392-1393, 225).

 

5.

Inf. subst. "Fuite" : ...qu'il [le sanglier] ne se fie point en son fuir (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 90). ...et se mist au fuir. (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 96). Putain, le fuyr ne vous vault, ains vous avray pour faire mon plaisir ! (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 126). Et au fuyr que Gneus Grattus fist hors de Romme, Pomponius, dessoubz la porte que on appelle Trigenine, soubstint la grant charge des gens, que nul ne passa tant que la vie au corps lui dura. (LA SALE, Sale D., 1451, 159). Et après vindrent audit Balue, qui estoit monté dessus une bonne mule qui le saulva et gaigna au fouir, car tous ses gens à l'effroy l'abandonnerent pour paour des horions. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 112).

C. -

[D'une chose]

 

1.

[D'un corps liquide] S'en fuir. "S'échapper" : ...la graisse ne s'en fuyroit jamais hors du pot (Devin. R., c.1470, 157).

 

-

S'en fuir par dessus. "Déborder" : ...le pot a la porée, qui sur le feu estoit, commence a s'en fuyr par dessus (C.N.N., c.1456-1467, 543).

 

2.

"S'échapper, se dérober, s'évanouir" : Fortune fausse et parjure, Estature De nient, fainte figure, Pourtraiture D'umbre qui fuit et varie. Hé ! estache poi seüre S'asseüre Qui tient que sa glose obscure Tous jours dure, Qui ore est, or est perie. (MACH., Les lays, 1377, 477).

 

3.

Fuyant. "Qui paraît s'éloigner, très allongé" : Ung manton fourchu tant fuyant... (Pipée R., c.1470-1480, 175).

II. -

Empl. trans.

A. -

Empl. trans. dir.

 

1.

"S'éloigner de qqn ou qqc., éviter qqn ou qqc." : Je puis faire d'un fol un sage, Se je le met en mon servage ; Car nuls n'iert ja si desapris, Se jel pren, qu'il ne soit apris De scens, d'onneur, de courtoisie, Et que ne mette s'estudie En bien et en toute valeur, Et qu'il ne tende a haute honneur, Et que deshonneur enhaïr Ne vueille et tous vices fuïr. (MACH., D. verg., a.1340, 24). Pour ce te di en bonne foy, Car il me sert, croit, aimme et crient Et fait tout ce qu'a gré me vient A son pooir de cuer loial, Honneur quiert et si fuit tout mal. (MACH., D. verg., a.1340, 28). ...qui veult les biens souverains Avoir, fuir doit les mondains (Mir. st J. Cris., c.1344, 264). Ne jamaiz pour fuÿr terre on ne guaigneroit. (Flor. Octav. L., t.1, c.1356, 774). Moult durement se resjoy Et dist : "Voirement, li vrais Dieus Qu'est rois des rois et dieus des dieus N'oublie onques ses bons amis. De moult long m'a secours tramis, Les bons aimme qui le mal fuient, Et ceaus secourt qu'a li s'apuient." Daniel se mist en estant Et si menja de ce mes tant Qu'il fu saous et repeüs Et de l'amour Dieu embeüs. (MACH., C. ami, 1357, 43). Yris n'a pas atendut qu'il adjourne, Eins se depart et sans congié s'en tourne, Car volentiers ilec pas ne sejourne. Ce fist li lieus Qui la tenoit mate, endormie et mourne. Volenté n'a que vers le dieu retourne, Einsois le fuit [var. fuist] et de lui se destourne. (MACH., F. am., c.1361, 165). ...conme un serpent vous fuiray, Ne pére ne vous nommeray Certes jamais. (Mir. Barl. Josaph., c.1363, 277). Et li vicontes de Toureinne Descendi après, qui grant peine Met à bien faire la besongne. Chascuns le fuit et le ressongne, Car porté leur a grant damage, La journée, sus le rivage. (MACH., P. Alex., p.1369, 70). Et s'ot bonne chevalerie De la duché de Normendie, Car le signeur de Baqueville Et le signeur d'Estouteville, Qui est drois sires de Torcy, Et le très bon seneschal qui Het et fuit toutes maises langues... (MACH., P. Alex., p.1369, 144). ...car ce que est bien selon verité ne leur semble pas estre bien, pour ce que il desirent comme bien tout ce qui leur est delitable et fuient comme mal toute tristece. (ORESME, E.A., c.1370, 195). Mais pour pechié fouir de fait Me suis copée ceste main. (Mir. fille roy Hongrie, c.1371, 18). Brief j'ay esté si oultrageux A mal faire (...) Que touz (...) me fuioient De si loing conme il me veoient. (Mir. Rob. Dyable, c.1375, 39). Et quant Amours de moy grever se peinne, Joie me fuit et doleur m'est procheinne. (MACH., L. dames, 1377, 38). Mais onques mais nul homs si liement Ne reçut mort com je la recevrai, Puis que pour vous et pour amer morrai. Car tous li mons le me devra tenir A grant honneur, se je muir ensement, Et tuit amant devront Amour fuïr, S'elle m'ocist pour amer loiaument. (MACH., L. dames, 1377, 51). Helas ! je sui de si male heure nez Qu'Amours me het et ma dame m'oblie, Tous biens me fuit, tous maulz m'est destinez. (MACH., L. dames, 1377, 71). Pour ce dame nuit et jour Doit avoir l'ueil et le cuer à s'onnour Et tel amant fuir, car, sans mentir, S'il cuide amer, ne fait il que haïr. Amis, mon cuer et toute ma pensée Et mi desir sont en vous seulement. (MACH., L. dames, 1377, 198). Et le roy Uriien se peine moult de exillier ses ennemis. Et y fait tant d'armes que il n'y ot si hardy Sarrasin qui l'ose attendre, mais le fuient comme l'aloe l'esprevier. (ARRAS, c.1392-1393, 137). Fuyés, pour Dieu ! ce traitre, truant, tyrant ! (GERS., Annonc., a.1400, 235). Le second remede est fuyr usage de vins fors et de chaudez viandez. (...) Le tiers remede est fuyr toutes males occasions et compaignies suspitionnees et ordes collocutions (GERS., Annonc., a.1400, 237). Que veult autre chose Plaisir mondain fors boire et mengier, flaver et jouer, suyr taverne et fuyr moustier (...) ? (GERS., Déf., 1400, 225). Tous les aultrez le fuent et il les chasse parmy la voie (JEAN D'OUTREM., Myr. histors G., a.1400, 95). On doit fouyr [var. fuyr] servaige. (Myst. Viel test. R., t.2, c.1450, 348). ...vous savez que je ne puis ma mort fuyr n'esloignier sans faire et commettre peché mortel ! (C.N.N., c.1456-1467, 143). ...il la abandonna, et ne se tint plus avec elle, mais la fuyoit comme tempeste [une femme luxurieuse] (C.N.N., c.1456-1467, 489). A jeunesse feray despit ; Fuyr veulx ses mauvays abuz. (Pass. Auv., 1477, 117).

 

-

Fuir + inf. "Éviter de + inf." : Et ceuls qui ont fait moult de maulx tresgrans et tres durs et qui pour ce sont haïs presque de tous, ilz fuient vivre et leur ennuye de leur vie, en tant que aucuns telz se occient eulz meïsme. (ORESME, E.A., c.1370, 467).

 

2.

"Échapper à" : JACOB. (...) ...il me desplaist en effect Qu'il me convient lesser la terre. REBECQUE. Mon amy, c'est pour fouyr guerre. (Myst. Viel test. R., t.2, c.1450, 177). Item, y a deux places de deffence Es deux costez moult bien ediffiees Pour la cité garder de toute offence Quant elles sont de gens fortifïees. L'une est au hault, l'autre au bas es maretz, Contregardee de certains pons levis, Ayant regard sur les grandes forestz ; Et pour fuÿr dangereux interestz, Portes fermees a haulx machecoulis (LA VIGNE, V.N., p.1495, 204).

 

3.

"Réchapper de, survivre à" : Quant aucun fuit squinance pour ce que la matiere est convertie au poulmon, [il] meurt ou septieme jour (SAINT-GILLE, A.Y., 1362-1365, 81).

B. -

Empl. trans. indir. Fuir à qqn / qqc. "Échapper à qqn ou qqc." : ...disant que icellui abbé avoit fait pluseurs appellacions a court de Romme pour eschiver et fuir ad ce qu'il ne fust pugny (Rouen temps Jeanne d'Arc L., 1426, 92). Tant que povons a la mort fuïssons. (MESCHIN., Lun. princes M.-G., c.1461-1465, 2).

 

-

[D'un animal] : ...oiseau nul ne leur puet fouir Qu'il ne l'aillent aconsuir. (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1359-1377, 459). Les chienz le faudront tout a net [le cerf], tant leur fuyra de fort longe et tant aura fet de ruses que les chienz ne veneurs ne sauront quieulx erres l'emportent. (GAST. PHÉBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 203).

 

-

Fuir au coup. V. coup

 

-

"Éviter qqn" : ...aprés il demonstre comment l'en doit fuir a ses adversaires (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 116). ...il ne pouoient fuire les uns aus autres (HENRI FERR., Modus et Ratio, Livre deduis T., c.1354-1377, 218).

 

-

"Abandonner qqn, l'éviter" : Quar ses filz au besoing li fuient. (Tomb. Chartr. W., c.1337-1339, 112).

 

-

Fuir à + inf. "Éviter de + inf." : ...tant que je porray fuir a laissier vostre tres desiree compaignie, soyez certain que jamais ne vous abandonneray. (LA SALE, J.S. E., 1456, 389).

 

.

"Se dérober à + inf." : ...car pluseurs sont qui veulent bien recevoir des biens de fortune et fuient a bien faire, aussi comme se c'estoit chose inutile. (ORESME, E.A., c.1370, 451).

C. -

Empl. abs. "Se soustraire, se dérober" : Et sur ladicte matiere d'erreur sont les parties en procés en nostredicte court, mais nosdicts cousin et cousine, qui vouldroient bien qu'il demourast tousjours en l'estat, ne font que fouyr et delayer (Lettres Ch. VIII, P., t.3, 1492, 244).
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Robert Martin

Fermer la fenêtre