A. -

[À propos d'une pers.]

1.

"Folie, délire qui peut se manifester par des violences" : Tu, qui veulz plaire a Dieu, ayes pitié de ton ame. N'est telle cruaulté, tel[le] fureur, telle inhumanité comme celle qui est contre soy meismes (GERS., Purif., 1396-1397, 59). Et n'est ce pas cruaulté incomparable et semblable a fureur ? Dit Jhesu Crist que ung pere ne bailleroit jamais a son enfant, qui demanderoit a mengier, ung serpent en lieu de pain : ce ne seroit pas misericorde. Mais, helas ! nous faisons chascun jour cecy a nostre povre ame qui nous est trop plus prochaine que enfant a pere. (GERS., Purif., 1396-1397, 59). ...ledit Jehan, quel estoit incensé, furieux, carent d'entendement courant souventeffoiz les champs par fureur (Cartul. Laval B., t.3, 1496, 383).

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"Émotion violente, égarement" : Et après ce, alèrent en la chambre de la Royne nostredicte compaigne, en la manière devant dicte, et en sa présence, contre son gré et sa voulenté, prinsdrent en sadicte chambre plusieurs dames et damoiseles, (...). Duquel excès nostredicte compaigne print en elle telle erreur [var. fureur], paour et abhominacion qu'elle en fu en péril de mort, ou très griesve maladie. (Doc. 1413. In : MONSTRELET, Chron. D.-A., t.6 c.1444-1453, 119).

2.

P. ext. "Transport violent, ardeur violente" : ...selonc le dit de Seneque : "Le vice de jonesse est non pouoir gouverner le mouvenment du corage ou le fureur." (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 280). Les communes gens aucuns mectent fureur sus une espece de fortitude. (ORESME, E.A., c.1370, 214). Il semble a aucuns que fureur soit fortitude pour aucune similitude, car l'une et l'autre fait emprendre hardiement et soy exposer ou contenir impetueusement es perilz. (ORESME, E.A.C., c.1370, 214). Et ce nous est signifié mesmement parce que aucuns pour injure en leur fureurs sunt aucune foiz venuz a leur entente. Et pour ce fu dissolute et despecee la tirannie des Pisistrates. (ORESME, Pol. Arist. M., c.1372-1374, 240). ...ung prince en joune aage esloignié par fureur et sedicion de la maison royal dont il est filz et heritier (CHART., Q. inv., 1422, 47). A quoy lui fut bien resisté par le sire de Crussol et autres vaillans cappitaines pour le roy, qui se vindrent loger dedens et qui la fortifierent d'engins, de vivres et autres choses pour repulser sa dampnée fureur. (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 284). Pour ce, qui se met en la violente fureur de battaille, il tumbe en une inevitable fortune (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 235).

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À fureur. "En manifestant une volonté farouche" : Cy commencent les differences et cismes de l'esglise, en l'an de Nostre Seigneur mil CCCIIII^xx et ung ; c'est assavoir de Pappe Urbain VI^me, creé a Romme par crainte du peuple esmeu, que a fureur vouldrent avoir Pappe rommain ou au moins ytalien. (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 188). ...et avant qu'on eust peu avoir loisir de leur rendre aucune response, lesdiz Bourguignons, cuidans prendre à despourveu les habitans de ladicte ville et mesmement ceulx qui gardoient ladicte porte de Saint-Denis, vindrent à grande fureur, grosse compaignie et armée, passer jusques à Saint-Ladre et plus avant, cuidans gaigner les barrieres qui aux faulxbours de ladicte ville devant ladicte porte Saint-Denis avoient esté faictes, et venir jusques à ladicte porte et dedens ladicte ville, en gettant par eulx canons, serpentines et autres traiz (ROYE, Chron. scand., I, 1460-1483, 58).

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"Violence" : Car, ou verité ou rayson qui sont fondemens de la loy divine leur faillent, ilz recourent au glaive et a la fureur, et se aident dez instrumens de l'outrage humain (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 126).

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[À propos d'un animal] "Ardeur violente" : A la IX^e course messire Anguerrant, pour la fureur de son destrier froiz, haulsa un peu trop sa lance (LA SALE, J.S., 1456, 118). ...car gens de cheval ne doivent mettre ne barrière, ne fossez, ne nulle fortification devant eulx, pour ce que la fureur des chevaulx romp les gens et se font faire place (BUEIL, II, 1461-1466, 249).

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Fureur de peuple. "Émeute, violente manifestation populaire" : Et tant a esté fait que ledit des Essars, qui s'estoit retrait oudit chastel de S. Antoinne pour sa seurté à eschever fureur de pueple, est demouré prisonnier oudit chastel (BAYE, II, 1411-1417, 108). Mais comme ce fust par traictié de aucuns nobles de la ville, madicte dame fust relaxee pour estre a une feste en la ville ; dont se leva une grant rimeur par les nobles et le commun de la ville en fureur de peupple, criant : vive la royne ! (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 194).

3.

"Violente colère, pouvant pousser à des actes de violence" : Par amours [Polyphème] amoit Galathee, Qui le haoit plus que riens nee Pour sa façon ville et horrible Qui estoit hideuse et terrible, Et pour son doulz amis Accis Que li mauvais avoit occis En traÿson et par boidie, Par fureur et par jalousie, Car une roche li rua Si qu'il le destruit et tua. (MACH., Voir, 1364, 622). Et, certes, je ne doubt mie Que, s'à droit m'eüst Resgardé, ma brief vie Fenie ne fust, Qu'en monde n'a fer ne fust, Force, engien ne signourie Qui sa fureur [de Fortune] receüst, Ne scens qui sceüst Eschuer sa tricherie : Tant faire peüst. (MACH., Les lays, 1377, 417). ...dont lesdiz pages s'en fuirent, comme l'en dit, audit hostel ou environ, et esmurent lesdiz maufaicteurs qui vindrent en grant fureur, et firent lesdiz excès. (BAYE, I, 1400-1410, 94). ... j'ay conclut en ma pensee que la main de Dieu est sur nous et que sa fureur a mis en oevre ce flaiel de persecution (CHART., Q. inv., 1422, 4). Toute ire et fureur cassez. (CHART., L. Paix, a.1426, 418). Mais aucunez qualités appropriés aux hommes principaument sont attribués a Dieu par transsumption, entre lesquellez je compte ire et fureur, qui sont passions humaines et tiltres de imperfection, et pour ce ne competent pas ces tiltres a Dieu veritablement. (CHART., L. Esp., c.1429-1430, 157). Pareillement, ung aultre nommé Lisimachus, pour ce qu'il ne le flatoit pas comme faisoient ses aultres serviteurs, par sa fureur et yre il le fit devorer aux lyons. (FILLASTRE, Traité Conseil H., c.1472-1473, 243). Si advint que ung riche homme de son empire craignant la fureur d'icelui empereur, se voulut absenter de la region occultement (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 48 v°). ...Car c'est le lieu et la montaigne expresse Ou la Sibille monstra a l'empereur Pour rapaiser sa superbe fureur, C'un maistre avoit qui estoit nompareil (LA VIGNE, V.N., p.1495, 232). "Monseigneur, que voulez-vous faire ? Vous scavez qu'il n'y a gueres que le roy vous a donné l'office d'admiral, et par avant vous n'aviés point d'entrée ; monstrez que vous estes saige et home digne de memoire, et devez tachier d'acueillir bruit et honneur et non pas croire vostre fureur. Vous sçavez que du temps du feu roy Charles le conte de Dampmartin vous a fais tous les plaisirs qu'il a poeu faire. Considerez aussi, si vous envoyez ung messaige pardevers ung que vous pensissiés qu'il fut vostre amy et le requerriés d'aucune chose, et il luy fit desplaisir, vous ne seriés pas joyeulx." (LE CLERC, Interp. Roye, c.1502, 145).

B. -

[À propos d'une chose (en partic. des éléments)] "Violence, déchaînement" : ...et y a eu tel coup de bonbarde qui par force et fureur a getté et desmenti les pierres par le dedens a l'espoisseur de XXVI piés (BARBATRE, Voy. T.-C. P., 1480, 161). ...et que d'y aller [en bataille], si Dieu ne destournoit les influences celestes, il lui en prendroit mal, respondit ces propres motz, que la fureur de son espée vainqueroit le cours du ciel, et lors y alla et lui en print comme l'on scet. (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 7 v°). Entre ses prenosticacions, predist la fureur des vens qui fut en ce temps et l'arsure des oyseaulx par les vehementes challeurs en l'air (SIMON DE PHARES, Astrol., c.1494-1498, f° 110 r°).