C.N.R.S.
 
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     FRIRE     
FEW III frigere1
FRIRE, verbe
[T-L : frire ; GD : frire ; GDC : frire ; AND : frire1 ; FEW III, 789a : frigere1 ; TLF : VIII, 1270a : frire]

A. -

Au propre "(Faire) cuire dans de la matière grasse bouillante, frire" : Du fenoil veult et du serfueil, Du cresson veult et des prunelles, Des civos, boutons et cenelles, Des eufs en paste et des eufs fris (DESCH., M.M., c.1385-1403, 126). Pinperneaulx rostiz, merlans friz, marsouyn pouldré a l'eaue et froumentee, crespes et pastelz norroiz (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 181). ...et quant tout ce est cuit, frire les oingnons et en mectre la moictié es poiz et l'autre a la puree (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 197). Et apres, frire iceulx poireaulx avec les ongnons qui ja sont fris, puis mectre tout cuire en un pot, et du lait de vasche se c'est en Charnage (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 201). Ayez du percil et frisiez en beurre, puis gectez de l'eaue boulant dessus et faictes boulir, et mectre du sel, et dreciez vos souppes comme en puree (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 204). Aliter, prenez amandes eschaudees et broyees, deffaictes d'eaue tiede, faictes boulir avec pouldre fine et saffran, et en chascune escuelle soit mise une moictié de sole fricte et du potage dessus. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 206). Puiz ayez ongnons cuiz par rouelles, et percil effeullié, et mettez tout frire en huille. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 222). ...puiz mectez en broche, et une leschefricte dessoubz pour requeillir la gresse, et mectre des ongnons dedens qui se frisent en la gresse. (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 228). ...puis frisiez a pou d'uille vos pieces de merlus (Ménagier Paris B.F., c.1392-1394, 239). ...grans soles boulies, frictes et rosties au verjus d'orenge, rougez, barbeaux, saulmons rostis (LA SALE, J.S., 1456, 252). Et fault cuire l'ongnon en bon saing de lart ou en saing doulx et mectre frire tout ensemble dedans ung chauderon. (Recueil Riom L., c.1466, 71).

 

-

[Formule pour se débarrasser de qqn, cf. fr. mod. va te faire cuire un oeuf] Frire ses soles : De tous voz diz ce sont frivolles, Et ne les puis acomparoir ; Mieulx vualsist [l. vaulsist] en vostre manoir Engleterre frire voz solles. (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 275).

 

-

Loc. fig. Servir qqn de merdes frites. "Raconter des histoires, des bobards à qqn" v. merde

 

-

Prov. Que vaut huile à qui n'a que frire ? : ...tousjours de soir ou de main Mectoye ung repas en mescompte Et l'attendoye au lendemain, Pour bien que nul saiche de main Ou de pié froter ne defrire : Que vault huylle a qui n'a que frire ? (CHAST., Temps perdu D., a.1450, 34).

B. -

P. ext.

 

1.

Empl. trans. "Porter à une très haute température" : ...et semble que soit ung barreau de fer ainssy frist, qu'il n'est possible a quelconcques soit homme humain de le approuchier pour ces estinchelles (LA SALE, Salade, c.1442-1444, 142).

 

2.

Empl. intrans. "Bouillir"

 

-

[De la cire] : Car tel assaut Tous les jours souffrir me faut Et soustenir. Ce bruist mon cuer et teint ; Car tout aussi com la cire Fondre et frire, Tire à tire, Fait li feus, quant il ateint, T'amour, qui en moy remaint, Fait mon cuer fondre et desfrire... (MACH., Les lays, 1377, 360). ...elle mettoit icelle paile sur le feu tant que elle faisoit frire laditte cire (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 306).

 

-

[De l'eau] "Bouillir, frémir" : ...et, ces choses ainsi faites, prendroit icellui voult et le mettroit en une paile de fer ou d'arain, en laquelle auroit de l'eaue, sur le feu, et illec tendroit sur ledit feu icelle paile, l'eaue qui dedens seroit et ledit voult, mis par la maniere que dit est, tant et si longuement que l'eaue frieroit moult fort, et pendant le temps que ladite eaue mettroit à frire sur icellui feu, et durant ce que elle seroit sur icellui, tant et si longuement comme la femme vouldroit que son mary feust malades (Reg. crim. Chât., II, 1389-1392, 324).

C. -

P. métaph. au fig.

 

1.

"(Faire) frémir, tressauter, (faire) brûler de désir" : Amours que j'en pri, Qui volt et souffri Qu'a li, sans detri, Quant premiers la vi, m'offri, Li porra bien dire Que pour s'amour fri Sans plainte et sans cri, Et qu'a li m'ottri, Comme au plus trés noble tri Que peüsse eslire, Et qu'autre ne tri... (MACH., R. Fort., c.1341, 22). LE TIERS MENESTERÉ. (...) Le cuer de joye ou corps m'en frit, Car g'y pense a jouer du verre (Mir. ev. arced., c.1341, 127). "Et je ne m'en porroie taire," Ce dist Doubtance de meffaire, "Eins en diray ce qu'il m'en samble ; Car tous li cuers me frit et tramble, Quant einsi sans cause blamer Oy les dames et diffamer..." (MACH., J. R. Nav., 1349, 243). Cil boire mon desir atise, Et mon cuer fait frire et larder (Mir. emp. Julien, 1351, 222). Et le raison qui m'i tire, Tempre et tart, C'est pour monstrer par quel art Je sui sus le desconfire Et pour mon coer assouffire, Qui a toute heure souspire, Frit et art, Ne onques il ne se part De jalousie, au voir dire, Car je voi jeuer et rire Chelle qui pas ne consire Mon regart, Com humlement le regart En grant cremeur et sans ire. (FROISS., Pris. am. F., 1372-1373, 160). Mes coers souspire, font et frit (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 177). Et je qui pour riens el ne fri Que d'oïr tels solas sans faille, Li escrips ensi qu'il le baille: ... (FROISS., Joli buiss. F., 1373, 214). Quant je la voy, mes cuers est si espris Qu'il art et frit si amoureusement Qu'à ma maniere appert et à mon vis ; Et quant loing sui de son viaire gent, Je langui à grant dolour : Tant ay desir de veoir sa valour. (MACH., Bal., 1377, 552). Quant en plourant li depri qu'elle m'aint, Desdains ne puet souffrir qu'oïr me vueille, Et s'elle en croit mon cuer, quant il se plaint, En sa bouche Refus pas ne sommeille, Eins me point au cuer trop fort ; Et son regart rit et a grant deport, Quant mon cuer voit qui font et frit et art. (MACH., L. dames, 1377, 184). Et pour ce, se Venus te playe Et les entrailles te fait frire, Va t'en tantost purgier la playe Et ne te laisse ardre ne cuire. Mon amy, puisqu'il le fault dire, S'il te convient les bishorner ["battre l'enclume", sens grivois] Desbouse la feullouse et tire (MARTIN LE FRANC, Champion dames III, D., 1440-1442, 104).

 

-

Frire de + inf. "Brûler d'impatience de" : Cuer qui se sent jeune, jolis et gais Et art et frit de venir à honneur, Se Fortune li fait de ses faux trais Ou qu'au premier ne li viengne d'amour Tout si bien comme vouroit, Ce seroit fort, se pour ce il se tenoit D'estre amoureux, car il est asenez Qu'il ait desir d'amer ou d'estre amez. (MACH., App., 1377, 638). ...chansons nouvelles disoient Et adés de danser frisoient, Sans nulle aultre chose songier : Amours tolt dormir et mangier. (Pastor. B., c.1422-1425, 48).

 

2.

"(Faire) se consumer (de douleur)" : La grascieuse et souffissans jouvente, En cui j'estoie entrée et hiebegie, A part le mort de mort trouvé la sente, Dont mes cuers frit, art, gemist et demente (JEAN DE LE MOTE, Regr. Guill. S., 1339, 69). Qu'a voir dire Son mal ne porroit descrire Creature humeinne. La s'empire Tire a tire ; La ne fait que fondre et frire ; La son dueil demeinne ; La, sans rire, Se martire ; La se mourdrist ; la desire Qu'il ait mort procheinne. (MACH., L. plour, 1349, 289).

 

3.

"(Faire) se perdre, se gaspiller" : Tant despend on qu'on n'a chemise ; Tant est on franc que tout s'i frit ; Tant vault "tien" que chose promise (VILLON, Poèmes variés R.H., c.1456-1463, 53).

 

-

Part. passé en empl. adj. (Estre) frit. "Être perdu, cuit, fichu" : Si sa nacion n'est destruicte Je tiens la nostre loy pour fricte Et bien briefment abatue. (Pac. Job M., c.1448-1478, 251). Saint Jean, dit l'aultre, veez cy aultre nouvelle. Or voy je bien que je suis frict. C'est fait, vous avez bruyt tout seul. [Un homme apprend que son rival l'emporte sur lui] (C.N.N., c.1456-1467, 238). Tout estoit frit, et nourrise et seigneur (Epître Romains M., c.1475, 181). LE JUIF. N'as tu pas bonne souvenance Que je luy prestay [au chrétien] a fïance Cent escus ? MATHATIEL. Pour vous ilz sont fris. (...) LE JUIF. Comme beau meurtre le renie. Bien enragé est qui se fie En ces crestiens ne qu'a ung chien. MATHATIEL. Maistre, je vous le disoye(s) bien. (...) fol il seroit de le rendre. (Mir. st Nic. juif, c.1480-1500, 124). Y fait bon soy donner [de] garde Q'un tel oust ne soit desconfit ; Ce seroit trop vilaine perte Et l'oust des François seroit frit (Myst. siège Orléans H., c.1480-1500, 443). Tout est nyflé, tout est frit, tout perdu (LA VIGNE, S.M., 1496, 367).

 

.

Estre frit de. "Être perdu pour, être privé de" : Pleurant, criant, en tristesse confite Je me maintiens, quoy que peu me proffite, Patibulee d'ambicïeuse atroxe, Chagrin, soucy par incoact m'afflite, Dont ma celule de toute joye est fricte, Qui du mehain m'a donné mainte trosse (LA VIGNE, Ress. chrest. B., 1494, 113).

 

.

[Tournure impers.] Il en est frit. "C'est perdu, c'est cuit" : YSANGRIN. Et toy qui as le cueur contrict, En qui crois tu ? LE SECOND BOURGEOIS. En Jhesu Crist. YSANGRIN. Tu en mourras, il en est frit ! (FLAMANG, Vie Pass. st Didier S., 1482, v.5729).

 

4.

Loc.

 

-

N'avoir/ne trouver que frire. "Ne rien avoir, ne rien trouver" : Merdefins et ci[r]urgïens M'ont eu long temps en leur lïens, Maintenant, quant je n'ay que frire, Que riens n'a en ma tirelire, Par m'ame, il n'ont cure de moy ! (Mir. ste Genev. S., c.1410-1420, 155). Trop inutille est l'action Celluy qui a povreté tire, Encore pis l'execution La ou on ne trouve que frire. (COQUILL., Oeuvres F., 1478-p.1494, 229). Ung gualant qui n'a plus que frire Et veult faire de l'amoureux, D'aulcunes cuide faire rire Pour ses beaulx yeulx et gracieux, Mais quant il va en aulcuns lieux Pour visiter de belles filles, La porte est close (Prov. rimes F.M., c.1485-1490, 73).

 

-

P. plaisant. Frire comme creton. "Fondre, se réduire comme creton" d'où, au fig. "être volé, pressuré" : Il ne samblent pas esbahys D'aler par estrange paÿs ; La nouveleté lez atise, Et du gaain la convoitise. Grant seroit leur prosperité S'il n'y avoit adversité. Frire doivent comme cretons. (LE FÈVRE, Respit Mort H., 1376-1380, 73).
 

DMF 2020 - Article revu en 2015 Robert Martin / Pierre Cromer

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